Interview de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à "RFI" le 8 avril 2005, sur le projet de taxation internationale en faveur du développement.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q- Monsieur T. Breton, c'est votre première réunion internationale en Afrique en tant que ministre de l'Economie et des Finances. Qu'elle est votre impression après avoir changé de casquette ?
R- Je suis très heureux, je ne vous le cache pas, de me retrouver ici à Cotonou en tant que ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. J'ai vraiment tout fait pour pouvoir libérer mon agenda parce que j'estimais que c'était à la fois important pour la France, je ne le cache pas aussi, à titre personnel et affectif, important pour moi.
Q- Où en est le projet de taxation internationale en faveur du développement, la France a lancé cette idée, d'autres partenaires de la France l'ont fait aussi sous des formes variées, où en est-on ?
R- D'abord je voudrais vous rappeler qu'à ce sujet, il s'agit clairement d'une initiative du président de la République. Alors ce projet, ce qui est tout à fait intéressant, je dirais qu'il a fait son chemin. Il a fait son chemin parce qu'aujourd'hui, il est porté par le Brésil, il est porté par le Chili, il est porté par l'Espagne, l'Allemagne a rejoint la France. Donc vous voyez que nous sommes maintenant plusieurs pays, sous l'initiative du président de la République, J. Chirac, qui se sont mobilisés parce qu'ils considèrent que c'est une bonne solution. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'abord de rechercher un moyen de financement pour précisément ceux qui en ont besoin et il y a beaucoup de chantiers aujourd'hui pour lesquels on a besoin de financement sur le long terme - on pense en particulier au sida, aux pandémies, et d'autres - tout en faisant en sorte qu'on ne va pas déstabiliser l'économie mondiale. Et donc l'idée du président de la République française était de trouver un moyen où on pouvait avoir une assiette suffisamment large, que quelque part tout le monde y contribue un petit peu, sans pour autant déstabiliser l'économie mondiale. Et c'est cette idée de prendre par exemple le billet d'avion comme base - il y a des dizaines et des dizaines de milliers de billets d'avion qui sont émis chaque année - donc c'est une base large, et puis mettre dessus une petite taxe très légère qui serait quasiment insensible pour les usagers, les voyageurs. Certains pensent à 1 euro, 1 dollar, je ne sais pas, ce n'est pas arrêté. Mais voyez-vous l'idée c'est vraiment d'avoir une base large, pérenne, qui ne déstabilise pas l'économie et qui permette surtout d'assurer un financement sur le long terme, donc derrière cette idée il y avait la possibilité d'émettre des obligations type IFF, qui elles-mêmes seraient remboursées précisément sur ce type de revenus récurrents.
Q- Et qu'elle est l'étape supplémentaire, quel pas doit encore franchir cette idée pour devenir une réalité ?
R- On va en discuter entre nous. Moi je ne cache pas que j'en ai discuté déjà à l'Eurogroupe et à l'Ecofin, j'en ai discuté pas mal et on sent que ça commence à en séduire certains, y compris du reste avec mon collègue britannique, ministre des Finances qui m'a dit qu'il était séduit par cette idée, il commençait à la comprendre. On va en parler bien sûr ensuite dans d'autres organes, et notamment au G7, ça va faire partie des sujets que nous allons évoquer. Mais je sens que petit à petit l'idée fait son chemin.
Q- En matière d'aides au développement, quels engagements financiers pouvez-vous prendre au nom de la France ?
R- Cette matérialisation de cet engagement, elle se traduit tout d'abord par un financement très important - très important pour la France, très important pour les Françaises et les Français - puisqu'en fait, en 2005, c'est 0,44 % du Produit Intérieur Brut qui est utilisé à cet effet. En 2007, l'engagement que nous avons pris, c'est de passer à 0,5 %, et je rappelle qu'en 2012, on voudrait être à 0,7 %. La France est vraiment un contributeur très important, nous prenons ceci très au sérieux, nous estimons que c'est notre devoir.
Q- Et ce matin vous avez particulièrement évoqué la mobilisation des micro financements et des fonds des migrants. Est-ce que vous estimez que c'est un vrai levier de développement ?
R- Oui, il faut voir que ces micro financements sont vraiment très adaptés au développement de l'économie notamment en Afrique, on le voit de plus en plus. Il faut maintenant que ceci... je dirais ceci s'est créé un petit peu de façon spontanée, parce que ça traduisait à la fois une réalité et puis aussi des sources de revenus qui revenaient par exemple dans les pays d'origine. Donc les migrants eux-mêmes ayant des revenus ailleurs, ça génère des flux, il faut savoir les accueillir, il faut savoir les réutiliser, il faut savoir aussi s'en servir pour développer des activités locales, y compris peut-être participer à des investissements plus importants. Tout ceci s'est développé de façon un peu, je dirais, sans trop de coordination et aujourd'hui lors de la réunion de ce matin, nous avons décidé que cette réalité étant tellement importante maintenant pour notamment l'ensemble des pays de la zone franc, que nous pensions qu'il fallait mettre quelques règles de gouvernance pour l'accroître encore, la faciliter, permettre aussi à tous ceux qui vont pouvoir utiliser ces micro crédits d'avoir l'information qui va bien, et puis l'argent qui convient aussi.
Q- Est-ce que l'économique ou du social ?
R- Vous savez c'est principalement encore une fois une activité économique adaptée à un environnement social qui est celui des Etats-membres.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 avril 2005)