Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à "LCI" le 24 février 2004, sur les prochaines élections régionales, notamment sur sa candidature en Picardie et sur le transfert du financement du réseau routier de l'Etat aux départements.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q- A. Hausser-. On va parler du tremblement de terre au Maroc, il y en a eu hier soir en France, sans victime heureusement. Vous êtes chef de file de la majorité, dans votre région, en Picardie, ce qui n'est pas le cas partout - la majorité n'est pas unie. D'abord, un mot sur l'empêchement de J.-M. Le Pen de se présenter en PACA.
R- "J.-M. Le Pen, s'il veut faire de la politique, il respecte la loi. Et donc, elle s'applique à lui comme aux autres. On a des règles à respecter quand on dépose sa candidature. Les règles n'étaient pas réunies pour lui. Il a fait les recours d'usage - on est dans un pays de droit -, et ces recours d'usage ont montré qu'il n'était pas en situation de se présenter. Par conséquent, la loi s'applique à lui."
Q- Alors tant pis pour lui. Dans votre région, il y a union. Encore une fois, ce n'est pas le cas partout. Il y a une certaine zizanie en Aquitaine, en Midi-Pyrénées où on voit les adjoints aux maires de villes UMP figurer sur des listes UDF... Cela détériore le climat quand même.
R- "Cela ne me choque pas qu'il y ait des choix et que les électeurs puissent faire des choix là où il y a des personnalités suffisamment importantes pour se présenter comme chef de file. Qu'au premier tout, il y ait un choix, et qu'il y ait pendant ce premier tour, une certaine entente, en tout cas pas d'agressivité, pour qu'au deuxième tour on se retrouve, cela ne me choque pas du tout. Il se trouve qu'en Picardie, tout le monde me demandait d'être tête de liste. Quand je dis "tout le monde", c'est plutôt l'UMP, l'UDF, des personnalités non-inscrites, qui me demandaient tous, depuis deux ou trois mois, de tenter d'assurer l'avenir de la Picardie. Par conséquent, je n'ai pas reculé devant cette demande. Je pense que c'est ma responsabilité. Je crois que j'ai le devoir d'aider la Picardie, d'aider les Picards après avoir été longtemps maire d'Amiens. Par conséquent, j'ai déposé ma liste samedi dernier. C'est une liste qui est très ouverte. Il y a une minorité de partisans et une majorité de gens qui viennent de la société civile, qui sont des artisans, des cultivateurs, des chasseurs, etc. Et cela, c'est très important."
Q- Et une personnalité très en vue, qui est E. Gossuin, l'ancienne Miss France 2001, qui n'est pas la moindre des attractions de votre liste.
R- "Si vous permettez, ce n'est pas une attraction, c'est vraiment un témoignage qu'en Picardie il y a des jeunes qui peuvent réussir, il y a aussi des jeunes qui peuvent être ambassadeur de leur région à l'extérieur. Cette région, on dit souvent qu'elle a beaucoup souffert dans le passé, parce que toutes les guerres sont passées par la Picardie, etc. Et quelque part, beaucoup de Picards pensent qu'on ne peut pas réussir aussi bien en Picardie qu'ailleurs ; c'est faux ! Et des exemples comme E. Gossuin..."
Q- ...Qui est engagée dans la vie locale.
R- "... Mais des exemples aussi dans le domaine industriel, artistique, montre au contraire que c'est une région pleine d'initiatives, avec plein de gens qui réussissent. Je voudrais simplement qu'E. Gossuin soit un exemple pour la jeunesse. Oui, il y a des jeunes en Picardie qui peuvent réussir, et notamment devenir Miss France, Miss Europe et être une ambassadrice formidable pour notre région dans la monde entier."
Q- Avez-vous fait votre choix, si vous gagnez ?
R- "Si je gagne, je dirigerai la région."
Q- Et vous quitterez le Gouvernement ?
R- "C'est la décision du président de la République et du Premier ministre. Qu'est-ce que cela veut dire "je dirige la région" ? Cela veut dire qu'il me semble décent d'être élu président quand on se présente à deux listes. Quand je serai élu président, je mettrai les choses en place : il y aura des vice-présidents, des commissions, il y aura un projet à défendre. Je mettrai les hommes et les femmes en face de ces missions très importantes pour l'avenir de la Picardie et puis ensuite, si le Président me renouvelle sa confiance au Gouvernement, il y a un excellent député, qui s'appelle J. Bignon, qui a accepté d'être suppléant, c'est-à-dire d'assurer la présidence en suppléance et moi je serai président de la majorité."
Q- Voilà qui est clair. Est-ce que vous allez débattre avec vos adversaires pendant la campagne ?
R- "Autant que faire se peut, oui. Le temps de campagne, c'est toujours un temps de débat. Je vais même leur faire signe de façon très officielle pour leur demander de venir voir s'il n'y a pas un minimum de consensus sur des sujets aussi importants et techniques que la formation professionnelle, les infrastructures. C'est-à-dire que loin des médias, je pense que la région doit pouvoir trouver des consensus entre des gens qui s'affrontent apparemment au plan national, et qui, au plan régional, doivent pouvoir gouverner ensemble une région."
Q- Est-ce que ce n'est pas cela qui rend les choses difficiles au moment de l'élection, justement ?
R- "Je compare cela à une intercommunalité. Dans une intercommunalité, il y a le rassemblement de plusieurs communes, qui sont de droite, de gauche et du centre. Et pourtant, cela marche très bien et on gouverne ensemble, parce que ce sont des sujets techniques, très concrets, qui touchent à la vie quotidienne. Ce ne sont pas de grands débats nationaux. Je pense que la région doit pouvoir trouver un minimum de consensus pour que, entre partis démocratiques, on puisse ensemble faire des choix sans forcément s'affronter."
Q- Est-ce que pour vous, J.-P. Raffarin s'engage assez dans cette campagne, puisqu'on ne le voit pas ?
R- "Il s'engage par membres du Gouvernement interposés, par membres de la majorité interposés."
Q- Mais lui, personnellement.
R- "On a déposé les listes lundi, hier, à midi. Voilà la date de dépôt des listes ; la campagne s'ouvre tout juste. Les gens sont à peine sensibilisés aux élections régionales. Et donc, je pense que c'est maintenant le temps de l'engagement, c'est maintenant le temps de la campagne. Mais en même temps, je tiens beaucoup à cela, c'est un débat régional. Ce sont vraiment des solutions qui sont proposées au citoyen pour construire ou ne pas construire une ligne de chemin de fer, des routes pour faire des liaisons, pour la formation professionnelle, pour s'occuper des lycées. C'est donc vraiment le débat régional et pas le débat national."
Q- Le débat régional revient à l'Assemblée nationale avec la deuxième lecture de la loi sur la...
R- "Bonne transition !"
Q- Exactement, vous me l'offrez ! A ce propos, vous êtes concerné au premier chef, puisqu'il est question de créer des péages pour les routes nationales. Alors vous imaginez l'émotion...
R- "La réponse est "non". C'est de la désinformation. Je vais vous expliquer de quoi il s'agit. Aujourd'hui, il est bien expliqué dans la loi que le principe, c'est la gratuité des routes et les routes que l'Etat transfère au département restent gratuites. Mais si un jour, et c'est une simple hypothèse..."
Q- 20 000 kilomètres...
R- "20 000 kilomètres qui restent gratuits. Mais si un jour, un département a une route spécialement importante à faire, très chère, une deux fois deux voies, pour contourner une grande agglomération ou un grand ouvrage d'art, il a la possibilité, pour se tronçon-là, exclusivement, de créer un péage. Ceci ne se fait pas facilement. Il faut une enquête d'utilité publique, il faut un débat. Et si pour financer cette route nouvelle, structurante pour le département et très chère, s'il faut un péage, et avec le trafic suffisant - c'est assez rare d'avoir un trafic suffisant pour que le péage paie la route..."
Q- Surtout une route départementale.
R- "Sur une route départementale nouvelle, il y a la possibilité de mettre le péage."
Q- Mais vous voyez bien que la tentation est grande d'étendre le spectre.
R- "On ne peut pas l'étendre, puisque cela ne va que pour les routes nouvelles. Donc, ce qui existe n'est pas péage. Et s'il y avait des infrastructures supplémentaires, il y a deux moyens de les payer : l'impôt ou l'usager. A ce moment-là, le département peut choisir entre l'impôt ou le contribuable qui va payer sur le budget du département les augmentations d'impots ou l'usager, sans augmentation d'impôt."
Q- Et l'Etat s'en lave les mains, puisqu'il n'est plus en charge de ces routes qui sont quand même très fréquentées.
R- "L'Etat ne s'en lave pas les mains, puisque l'Etat donne au département les mêmes sommes que l'Etat consacrait aux routes, transférées. Il donne ces sommes, ces finances-là aux départements pour entretenir ces routes qui lui sont transférées."
Q- Vous savez bien que les ajustements sont difficiles. On va transférer des paquets d'argent...
R- "Vous faites allusion aux transferts et à la décentralisation des années 80, qui a été faite par les socialistes, à l'époque : transferts de compétences sans moyens d'argent. Maintenant, dans la Constitution, nous avons demandé au Parlement d'inscrire le transfert non seulement des compétences mais des moyens financiers équivalents. Donc, l'équité sera respectée, à l'euro l'euro."
Q- Oui, mais on n'est pas l'abri d'un accident et le transfert peut ne pas suffire et donc, les collectivités locales pourront être obligées d'augmenter les impôts locaux. Vous avez bien que c'est le grand...
R- S'ils ne veulent pas augmenter les impôts locaux, ils peuvent faire un péage sur des voies nouvelles, exclusivement."
Q- Vous leur donnez de bons conseils... Vous avez lancé une nouvelle campagne pour la sécurité routière : il ne faut jamais baisser la garde ?
R- "Surtout pas ! Le 1er mars, on va mettre en place le permis probatoire. C'est très important. Là encore, si je peux me permettre de faire une toute petite parenthèse : au cours du week-end et de la semaine dernière, on a fait courir le bruit que les personnes de plus de 70 ans ou de 75 ans allaient avoir des contrôles médicaux. Ce n'est pas vrai ! Il n'y a aucun projet de visite médicale supplémentaire, de permis retiré pour les personnes de plus de X années, 70 ou 75. C'est faux ! D'autant plus faux que ces personnes-là ont deux fois moins d'accidents que les autres. On ne va donc pas cibler comme ça des mesures contraignantes pour ces personnes qui ont besoin de leur voiture. Je reviens donc à mon sujet : le 1er mars, c'est le permis probatoire. C'est un permis qui à partir du 1er mars va être délivré à tous ceux qui passent le permis, avec simplement six points. Ces six points sont vite perdus, il faut donc qu'ils fassent attention. Une faute grave, comme par exemple une conduite en état d'alcoolémie, à ce moment-là, le permis est supprimé, il faut le repasser et on a de nouveau un permis de six points, donc probatoire pendant trois ans. Deux ans, si jamais il y a eu conduite accompagnée avant."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 février 2004)