Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la presse régionale, l'information de proximité et la démocratie locale, Paris le 27 mai 2005.

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Circonstance : Congrès du syndicat de la presse hebdomadaire régionale à Paris le 27 mai 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis, Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour témoigner de mon attachement à la presse hebdomadaire régionale.
Puisqu'il me revient de conclure vos travaux, je ne voudrais pas commencer mon propos sans insister sur le rôle éminent de votre forme de presse dans la formation du débat public, dans l'éclairage des décisions des pouvoirs publics et dans la vie locale.
La presse hebdomadaire régionale participe pleinement à cette mission essentielle. Votre famille de presse, riche de près de 250 titres, ancrée dans un territoire, spécialiste de l'information au plus proche du lecteur-citoyen, affirme et revendique son caractère de proximité. C'est cette caractéristique qui fait toute votre originalité et constitue votre plus précieux atout.
L'information de proximité est créatrice de liens et de cohésion sociale. Vos titres parlent de la vie des gens, de leurs amis, de leurs voisins, de leurs joies, de leurs difficultés. Ils sont un miroir de la France en marche, dans sa réalité concrète, proche, vivante. Dans des temps où le sens se délite, où les repères se brouillent, où les certitudes sont abandonnées, la presse hebdomadaire régionale contribue à former les identités, en révélant la part de chacun dans le regard de l'autre et en faisant de son lecteur un acteur de la vie de la cité.
Vos journaux apportent aussi sur la vie des communes et des cantons un regard attentif et détaillé, qui les distinguent bien souvent des autres formes de presse. C'est dans ce cadre privilégié d'échanges que se transmettent les règles de civilité qui forment à la démocratie et développent le sens de la fraternité. Ainsi, les hebdomadaires régionaux vivifient la démocratie locale, " au quotidien ", si j'ose dire. Leur périodicité offre le temps de la réflexion et de l'analyse face à la rapidité de l'information. Elle permet surtout une plus grande appropriation du titre par le lecteur.
Au moment où se réarticule la structure des pouvoirs locaux, où se développent les intercommunalités, où s'approfondit le double mouvement de déconcentration et de décentralisation au niveau local, l'importance du décryptage de la scène politique régionale se fait toujours plus grande. Je sais les efforts éditoriaux qui vous animent.
Parce que vous êtes l'un de ses acteurs majeurs, parce que vous en percevez souvent avant les autres les bouleversements et les évolutions, vous assumez une responsabilité éminente dans l'avenir de la démocratie locale de notre pays.
L'hebdomadaire régional, avec son lectorat et sa zone de diffusion, possède son propre espace et se démarque ainsi du quotidien régional. En étant son principal concurrent, il fonctionne comme un élément indispensable au pluralisme. Dans de nombreuses régions où il n'existe plus qu'un seul quotidien régional, la PHR dont la plupart des titres n'appartiennent pas à des groupes de presse, répond à l'impérieuse nécessité d'un regard différent sur l'actualité.
Conscient de ces caractéristiques, l'État a légitimement assimilé la PHR à la presse quotidienne au regard des principaux éléments de son régime économique.
C'est ainsi que la PHR bénéficie du " ciblage ", c'est-à-dire notamment des tarifs postaux préférentiels accordés aux publications d'information politique et générale. C'est aussi pourquoi elle a accès au fonds d'aide à la modernisation de la presse.
Par ailleurs, votre forme de presse bénéficie d'une aide qui lui est spécifiquement consacrée.
Ce fonds, créé en 1996, a pour première finalité de favoriser la vente au numéro de vos titres.
En effet, dans la mesure où les réseaux de vente de la presse hebdomadaire régionale sont situés très majoritairement en zones rurales et semi-rurales, tout effort de développement des ventes au numéro engendre des charges financières importantes au regard de la taille des entreprises éditrices.
Afin d'ouvrir le bénéfice de ce fonds aux titres de la presse hebdomadaire régionale rédigés dans une langue régionale et de renforcer l'égalité de traitement entre titres, quelques adaptations aux conditions d'éligibilité à ce fonds ont été apportées l'année dernière.
Ces modifications ont été opérées en pleine concertation avec vos représentants et vous savez quelle est mon écoute.
La direction du développement des médias fera à l'automne, avec vos représentants et à la lumière de l'expérience, le bilan de cette première année d'application du nouveau dispositif. Il s'agira de mener une réflexion d'ensemble sur les aménagements éventuels qui, le cas échéant, pourront être apportés aux règles régissant le fonds, afin d'accroître tout à la fois son efficacité et son caractère équitable.
J'ai particulièrement apprécié le programme de vos travaux qui démontre votre volonté d'affronter les défis auxquels la presse hebdomadaire est aujourd'hui confrontée. Pour reprendre la devise de Guynemer, je dirais que la presse hebdomadaire régionale sait " faire face ".
Les nouveaux enjeux qui marquent aujourd'hui l'environnement des familles de presse sont multiples et vous avez bien su les identifier à travers les thèmes retenus pour élaborer le programme de votre congrès. Parmi ceux-ci, je sais l'importance économique que revêt pour vous la question des annonces judiciaires et légales. Je constate que d'ores et déjà vous avez décidé de créer un portail regroupant les annonces judiciaires et légales de tous vos titres. Cette initiative va dans le bon sens pour vous permettre de rester un acteur éminent de ce mode de publicité qui constitue en même temps un élément d'information indispensable du lecteur citoyen. En agissant ainsi, vous préparez l'avenir en prenant toute votre part dans des évolutions techniques majeures. C'est stratégiquement lucide et politiquement louable.
Ainsi que vous le savez, le rapport qui m'a été remis par l'Inspection des affaires culturelles sur ce thème le 18 mai dernier, comporte plusieurs propositions visant à permettre un meilleur fonctionnement du régime des publications des annonces judiciaires et légales. J'ai souhaité prolonger ce rapport d'une consultation publique avant de définir une réforme appropriée du système des annonces judiciaires et légales qui, je vous le rappelle, date de plus de cinquante ans et se trouve aujourd'hui confrontée à l'irruption des nouvelles technologies de l'information. Votre contribution à cette réflexion est essentielle. Il appartient à votre syndicat de se faire l'interprète de vos analyses et de vos propositions. J'invite chacun à faire remonter vers lui ses analyses et ses remarques pour vivifier le débat et éclairer au mieux, le moment venu, les décisions que le Gouvernement sera amené à prendre.
A ce stade de mon propos, je veux vous dire que j'ai pleinement conscience des inquiétudes que vous partagez avec d'autres familles de presse : l'essor de la gratuité dans l'information, le lancement de télévisions locales, la baisse de la diffusion de la presse écrite, en particulier chez les jeunes. D'une part, il appartient à l'Etat, et j'y veille en permanence, d'être le garant et le régulateur de la préservation du pluralisme. D'autre part, s'agissant de la presse et les jeunes, je m'apprête à lancer des expérimentations diverses et j'attends les propositions de tous sur ce sujet.
Mais un journal, c'est avant tout une aventure collective qui n'est pas faite uniquement d'encre et de papier. La contribution des journalistes à cette uvre est fondamentale. Le dialogue singulier entre le journaliste et son lecteur crée la dynamique, pour ne pas dire l'âme du journal. C'est pourquoi vous avez eu soin de favoriser la création d'une formation spécifique à l'écriture de vos journaux, sachant que la principale qualité d'une publication, son adéquation au lectorat, est liée à la qualité des hommes et des femmes qui y concourent.
Aussi, je ne voudrais pas conclure mon propos sans rappeler le sort de ceux qui uvrent chaque jour pour interroger, comprendre, informer au péril de leur liberté. Rappelons-nous que Florence Aubenas et son guide Hussein Hanoun Al-Saadi sont encore retenus en Irak, pris en otage par des extrémistes pour avoir simplement souhaité, en des temps troublés, rendre compte du drame de l'histoire en marche, témoigner sur le terrain des soubresauts de la conscience humaine.
Parce que cette situation nous oblige, nous devons continuer de faire vivre la flamme de la liberté. Dans vos colonnes. Dans nos discours et dans nos actes.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 mai 2005)