Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à France-Inter le 2 mars 2005, sur l'enlèvement de Florence Aubenas en Irak, le rôle du député Didier Julia et l'importance du réferendum sur la Constitution européenne.

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Média : France Inter

Texte intégral

Pierre WEIL : Dans cette vidéo, Florence AUBENAS est, semble-t-il, obligée de citer le nom de D. JULIA, il n'y a pas de doute là-dessus, mais il y a manifestement un message adressé aux autorités françaises. Les preneurs d'otages veulent, semble-t-il, que Didier JULIA soit leur interlocuteur, ils le sollicitent comme médiateur. Est-ce ainsi que vous le comprenez ?
Bernard ACCOYER : Je crois que nous sommes devant une affaire qui est d'abord bouleversante, ne l'oublions pas. Il s'agit d'une de vos consoeurs, une de nos compatriotes qui est dans une situation, où on a vu, par la force des images, combien elle était inquiétante, et dans une telle situation, il faut aller à l'essentiel : la prudence et la sécurité.
QUESTION : Et la négociation ?
Bernard ACCOYER : Certainement. Mais tout cela ne relève que du Gouvernement. Il ne peut y avoir qu'une situation de cohésion nationale. D'ailleurs, toutes les formations politiques, comme cela avait été le cas lors de la prise d'otages de Christian CHESNOT et Georges MALBRUNOT, toutes les formations politiques sont reçues régulièrement à Matignon, et c'est cette cohésion nationale qui doit prévaloir, en laissant les pouvoirs publics en responsabilité.
QUESTION : Vous avez dit hier que vous ne voulez pas d'initiative personnelle de D. JULIA, comme cela s'est fait au mois de septembre 2004. Le Gouvernement ne veut pas qu'il agisse seul. Est-ce que cela veut dire que vous préférez l'utiliser éventuellement maintenant d'une façon coordonnée avec les services spéciaux ?
Bernard ACCOYER : Encore une fois, nous ne voulons rien. Ce que nous souhaitons, c'est que la communauté nationale, derrière les pouvoirs publics, derrière le Gouvernement, utilise tous les moyens d'information et les services. On sait qu'ils sont actuellement au travail, qu'ils déploient tout leur savoir-faire pour essayer de faire progresser cette situation vers la libération de F. AUBENAS, vers laquelle vont nos pensées, ainsi que la famille. Mais toute initiative personnelle me paraîtrait évidemment prendre un certain risque, créer une certaine confusion et ce ne serait évidemment pas souhaitable.
QUESTION : Mais quand D. JULIA dit qu'il connaît les ravisseurs, le croyez-vous ? C'est un homme qui a vraiment des réseaux sérieux en Irak et en Syrie ?
Bernard ACCOYER : Je n'ai pas les éléments pour connaître la réalité...
QUESTION : ...Vous le connaissez bien monsieur JULIA, il est membre de votre groupe !
Bernard ACCOYER : C'est au Gouvernement de travailler, s'il le faut, avec D. JULIA. C'est cela l'essentiel. Je ne vais pas, encore une fois, faire des suppositions, la situation est trop grave.
QUESTION : Cela dit, D. JULIA continue de faire des déclarations tonitruantes. Hier, il a dit que cela faisait un mois que le Gouvernement sait où est F. AUBENAS, où elle est détenue ; si les ministres sont incapables de faire quelque chose, que voulez-vous que je fasse ?
Bernard ACCOYER : Qu'il s'en explique avec le Gouvernement.
QUESTION : Vous n'avez pas parlé avec lui ?
Bernard ACCOYER : Non. C'est un député de la nation, comme tous nos compatriotes, il doit se tenir à la disposition des pouvoirs publics dans une situation telle que celle-ci.
QUESTION : Est-ce que cette vidéo de F. AUBENAS n'est pas un camouflet pour le Gouvernement français ? Elle lance un appel à l'aide à D. JULIA. Finalement, les terroristes qui ont enlevé Florence humilient les autorités françaises et les services secrets français qui négocient depuis maintenant des semaines et des semaines, sans doute, et qui n'ont pas pu conclure cette affaire.
Bernard ACCOYER : Dans une situation telle que celle-ci, ce qui prévaut, encore une fois, c'est l'essentiel. L'essentiel, c'est la prudence, c'est la cohésion. N'allons pas chercher des polémiques, des interprétations, placer Untel contre Untel, juger de celui qui dominerait ou qui se moquerait...
QUESTION : Mais on peut se poser des questions.
Bernard ACCOYER : On peut se poser des questions, bien sûr. Mais notre devoir, dans une situation telle que celle-ci, ces questions, c'est de les garder pour nous même si elles doivent être toutes examinées, avec la plus totale des attentions par le Gouvernement.
QUESTION : Vous avez dit hier, en voyant cette vidéo que "cette affaire prend une dimension très grave". Pourquoi dites-vous cela ?
Bernard ACCOYER : Nous avons vu l'image de ce visage décomposé, de ce regard profondément bouleversant et c'est cela que j'ai exprimé. Nous le ressentons tous.
QUESTION : Cela dit, maintenant, allez-vous contacter D. JULIA ? Allez-vous essayer de l'utiliser, même si le personnage semble un peu trouble. Il a dit hier, sur TF1, qu'il était à la disposition du Gouvernement.
Bernard ACCOYER : Je me suis entretenu hier avec E. Balladur, le président de la commission des Affaires étrangères, qui a eu lui-même un contact avec D. JULIA. Et dans ce contact, il a été précisé par E. Balladur - nous en avions parlé avec E. Balladur et moi-même avec le Premier ministre au préalable - à D. JULIA qu'il devait se tenir à la disposition du Gouvernement et que des initiatives personnelles n'étaient pas souhaitables.
QUESTION : D. JULIA a dit hier soir qu'il était prêt à rallumer ses contacts, à remettre ses circuits en fonction. On se dit qu'il y a peut-être une piste, un fil qui peut permettre d'entamer une négociation sérieuse avec les ravisseurs.
Bernard ACCOYER : Les pouvoirs publics, le Gouvernement, les services exploreront certainement toutes les voies, et pourquoi pas celle-ci, bien entendu.
QUESTION : Vous pensez qu'il est question d'argent, de beaucoup d'argent dans cette affaire ?
Bernard ACCOYER : Je n'en sais strictement rien.
QUESTION : Vous ne cherchez pas à entrer en contact, maintenant, avec D. JULIA, à parler avec lui, à le mobiliser ?
Bernard ACCOYER : Vous savez D. JULIA est le plus ancien parlementaire de l'Assemblée nationale. C'est une personnalité particulière et s'il me contacte, si je l'ai au téléphone, je lui répèterai strictement ce que lui a dit hier E. Balladur. Ce contact a suffi, c'était très précis et très ferme.
QUESTION : Pour vous, tous ces contacts, tous ces réseaux qu'il a en Irak, c'est du sérieux, du solide ?
Bernard ACCOYER : Encore une fois, je n'en sais rien, c'est aux services français de le vérifier et éventuellement de les utiliser.
QUESTION : Passons au référendum sur la Constitution européenne. Je pense que vous vous rendez compte que le problème souvent numéro un dans les référendums, c'est que l'on ne répond pas à la question qui est posée mais à celui qui la pose. Et, dans le cas précis, c'est le Président et le Gouvernement. Vous savez qu'il y a pas mal de mécontentement actuellement en France : manifestations contre la réforme des 35 heures, manifestations des lycéens, des enseignants, des chercheurs, hausse du chômage - plus de 10 % - alors que J.-P. Raffarin a promis de faire baisser le chômage de 9 % cette année. Vous vous attendez à une campagne difficile pour le oui ?
Bernard ACCOYER : Le référendum est très important pour l'avenir de notre pays, pour l'avenir des Français. Que s'est-il passé, jusqu'à présent ? On a entendu le camp des protestataires qui ont prétendu que la réponse négative, le non, présenterait quelques avantages. En réalité, c'est tout le contraire. Et maintenant que le Congrès s'est prononcé, nous allons, nous, les tenants du oui, expliquer pourquoi il n'y a que des avantages - économiques, sociaux, de sécurité et d'avenir serein et meilleur - pour nos compatriotes et que le non, quant à lui, est porteur de tous les dangers, d'un arrêt, d'un recul de l'Europe dont personne ne peut nier qu'elle a été, en réalité, à l'origine de cinquante ans de paix - n'oublions jamais que c'est la première raison de la construction européenne - et d'un développement économique et social majeur.
QUESTION : Vous ne me répondez pas : je vous parle des mécontentements qu'il y a actuellement en France. Pensez-vous que ces mécontentements sociaux pourraient favoriser le non, alors que la question porte sur la Constitution européenne ?
Bernard ACCOYER : Oui, bien entendu. Le risque dans tout référendum, c'est que ceux qui vont voter ne répondent pas à la question mais exprime je ne sais quelle protestation. C'est pourquoi il y a un devoir de pédagogie et d'explication qui est extrêmement important pour les tenants du oui, et ils sont nombreux, puisque c'est près de 90 % des parlementaires qui sont allés à Versailles, qui se sont exprimés pour notre réforme de la Constitution, c'est-à-dire pour le oui indirectement au référendum européen.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 mars 2005)