Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur le référendum pour la Constitution européenne, à Paris le 6 mars 2005.

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Circonstance : Conseil national de l'UMP, à Paris le 6 mars 2005

Texte intégral

Chers amis,
Je suis venu devant vous, comme militant plutôt que comme ministre, exprimer trois convictions.
Et d'abord, ne nous trompons pas. Une constitution, ce n'est pas un projet. C'est un outil au service du projet, un cadre, une règle du jeu
Il y a alors deux choses dont je suis sûr.
Si la règle du jeu est confuse, si le cadre est fragile, si l'outil est défaillant, bref si les institutions sont faibles, alors les politiques seront faibles. La politique agricole, la recherche européenne, la politique régionale ont besoin d'institutions fortes, efficaces. Faute de quoi, ceux qui rêvent d'une grande zone de libre échange, avec comme seule règle la concurrence fiscale et sociale auront gagné. Ce n'est pas l'Europe dont nous rêvons !
Partout dans le monde, je vois, j'entends que l'Europe est attendue, espérée : pour accompagner la démocratie, pour lutter contre la pauvreté, pour combattre l'injustice, pour consolider la paix. C'est vrai au Proche-Orient, en Ukraine, au Liban, en Afrique.
Un monde plus libre, plus sûr sera d'abord un monde plus juste.
Allons-nous tenir notre place, jouer notre rôle, répondre à ces espérances ? Le voulons-nous ?
Si nous le voulons, alors il y a dans cette constitution les outils d'une Europe politique et pour la France le chemin d'une nouvelle influence.
C'est ma conviction depuis le premier jour de mon engagement politique derrière le Général de Gaulle : le choix n'est pas entre la France et l'Europe. Elles vont ensemble. Il est entre une Europe européenne ou une Europe sous influence, sans influence.
Ma deuxième conviction est que ce référendum n'est pas une élection comme les autres, précisément parce qu'il s'agit d'Europe.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire que nous ne devons pas tomber dans le piège de la propagande, alors que les Français attendent avant tout des explications. Toutes les enquêtes le montrent. La très grande majorité de nos compatriotes n'a rien contre l'idée européenne, mais ne comprend pas comment elle se construit. Alors, donnons des explications. Allons vers le débat sur la Constitution européenne. Acceptons le " non ", qui a le droit d'exister et d'être respecté.
Comme nous avons le droit de demander, à ceux qui disent non depuis quinze ans, ce qu'ils proposent à la place de l'Europe. Comment le franc tout seul existerait face au dollar. Comment nos entreprises pourraient exporter sans le grand marché européen. Comment la France de 2020 ou 2030 existerait, sans l'Europe, face à la Chine, à l'Inde, aux Etats-Unis. Personnellement, j'écoute, je respecte, mais j'attends toujours de vraies réponses.
Ma troisième conviction est que nous ne devons pas avoir peur de ce référendum. Notre formation est même, de toutes les formations politiques françaises, celles qui a le moins à perdre et le plus à gagner à cette bataille.
Pourquoi ?
Parce que notre " oui " répond à celui du Président de la République et du Gouvernement, et offre une image de totale cohérence politique.
Parce que le contenu même de cette Constitution européenne porte nos valeurs et nos objectifs : une société européenne fondée sur le respect de l'individu, avec ses droits et ses responsabilités, et dont l'économie repose sur l'initiative privée, mais bien encadrée et régulée. L'UMP ne dit pas autre chose depuis qu'elle existe.
Parce que la Constitution européenne respecte les nations, leurs langues, leurs identités ; et, dans notre cas, des choses auxquelles les Français sont attachés - la spécificité de nos régions d'outre-mer, nos lois sur la laïcité, le respect de nos services publics.
Parce qu'aussi, l'Europe confronte la gauche française à la gauche européenne. Allez dire à un socialiste allemand qu'il n'a pas le droit de travailler plus de 35 heures ! Ca fait du bien d'entendre un socialiste espagnol comme M. Zapatero nous parler de l'économie !
Mes chers amis,
L'Europe est une chance pour l'UMP, politiquement. Nous pouvons sortir gagnants de ce référendum.
Il faut répondre à certaines questions, que les Français se posent.
Je pense aux délocalisations. A quoi sert l'Europe si elle ne répond pas à une angoisse comme celle-ci.
J'entends dire que le danger de délocalisation vient de l'Est.
De l'Est de l'Europe ? Franchement, est-ce que quelqu'un pense sérieusement, ici ou ailleurs, que le péril pour notre industrie vient davantage de la Pologne ou de la Lituanie que de la Chine ?
Et s'il y a un problème, et pas seulement en France,
et si nous ne voyons pas émerger la véritable politique industrielle européenne que Jacques Chirac propose,
et si nous ne nous sentons pas suffisamment protégés de l'extérieur, et que nous voulons plus de rigueur dans les négociations commerciales,
alors votons cette Constitution ! Et utilisons pour la première fois son article I - 46, qui donne à notre parti la capacité d'utiliser l'initiative populaire pour exiger tout cela de la Commission européenne, par une pétition portée par l'UMP !
Oui, mes chers amis,
Vous le voyez : nous avons bien des raisons de dire " oui " à la Constitution.
Pas " oui, si ", " oui, mais ", " oui, peut-être ", mais " oui ", franchement.
C'est l'intérêt de l'UMP, et c'est l'intérêt de la France
(Source http://www.u-m-p.org, le 15 mars 2005)