Déclarations de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur la progression des besoins énergétiques dans le monde, sur la place du nucléaire en France, sur les "qualités" de l'énergie nucléaire pour répondre au défi énergétique et environnemental, Paris le 21 mars 2005.

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Circonstance : Conférences sur l' "Energie nucléaire pour le XXIe siècle" à Paris les 21 et 22 mars 2005

Texte intégral

Le 21/03/05
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur Général de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je vous accueille ici, aux côtés de Monsieur Mohammed EL BARADEI, directeur général de l'Agence internationale de l'Énergie atomique - AIEA.
Monsieur Donald J.JOHNSTON, Secrétaire général de l'Organisation de Coopération et de Développement économiques - OCDE ne peut malheureusement pas être parmi nous aujourd'hui, mais nous aurons l'occasion d'écouter le message qu'il souhaitait nous communiquer.
Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui 28 ministres, et au total des délégations de 74 Etats représentant toutes les régions du monde ainsi que 10 organisations internationales, pour une conférence à laquelle j'attache une importance particulière.
En effet, si l'initiative de cette conférence revient à l'AIEA et reçoit également le soutien de l'OCDE par son Agence pour l'Énergie nucléaire - l'AEN, ce n'est pas un hasard si la France a souhaité accueillir cette conférence et si elle a été choisie comme pays hôte.
Ce n'est pas un hasard car, vous le savez, la France a de longue date fait le choix de recourir à l'énergie nucléaire et depuis ces dernières années, nous avons entrepris une réflexion approfondie afin de préparer notre politique énergétique pour les prochaines décennies, dans la perspective d'une arrivée en fin de vie d'une grande partie de notre parc électronucléaire entre 2020 et 2040. J'y reviendrai plus en détail.
Mais bien entendu, au-delà de notre pays, les questions énergétiques présentent un enjeu essentiel pour l'humanité. Nous en sommes tous conscients comme en témoigne votre présence nombreuse aujourd'hui dans le cadre de cette conférence.
I. Permettez-moi d'évoquer brièvement les enjeux de cette conférence
1/ D'abord, je dois rappeler que nous vivons, en ce tournant de siècle, une évolution majeure du contexte énergétique
- D'une part, l'évolution démographique de la planète, le développement économique particulièrement marqué en Asie, impliquent une progression durable des besoins énergétiques. Et nous savons que les ressources d'origine fossile ne permettront pas indéfiniment de répondre à ces besoins : il faut trouver des modes de production énergétique qui permettent de diversifier les sources d'approvisionnement en matières premières.
- D'autre part, une préoccupation majeure est apparue au cours des dernières années, le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre par les sources d'énergies fossiles.
Il me paraît essentiel, alors que de nombreux pays souhaitent pouvoir disposer d'une production d'énergie suffisante et économe et doivent éventuellement faire face à une réduction programmée de leurs capacités nucléaires, que nous puissions échanger nos réflexions, nos préoccupations et bien sûr nous faire l'écho de celles de nos compatriotes.
2/ Il ne s'agit pas ici de faire la promotion d'une énergie nucléaire qui répondrait à l'ensemble des besoins, quelles que soient les régions du monde, mais plutôt d'un exercice de réévaluation de la place qui pourrait revenir à cette source d'énergie.
La confrontation internationale d'expériences, les débats d'experts peuvent nous aider dans notre mission. Je souhaite que la France soit présente dans les forums où se débattent ces questions essentielles, et que nous le fassions de manière démocratique et transparente.
C'est bien l'objectif de cette conférence internationale qui se déroulera aujourd'hui et demain et au cours de laquelle alterneront des présentations, exposant la façon dont chaque pays aborde cette question, et des tables rondes d'experts internationaux dont les débats ont vocation à enrichir nos réflexions.
Car notre responsabilité est lourde et la problématique complexe. Certes, il nous revient d'assurer, pour nos pays, la mise à disposition d'une énergie en quantité suffisante et cela, à un horizon de 10 ans, 20 ans, voire 50 ans.
Nous avons la volonté de faire en sorte que cette énergie soit accessible à tous et que son prix ne constitue pas une entrave à la croissance de nos économies.
Nous savons que, dans ce but, il est indispensable qu'elle soit produite et puisse être offerte au moindre coût et que celui-ci soit le plus stable possible.
Mais notre responsabilité ne s'arrête pas à nos frontières. Tout d'abord parce que la libéralisation des marchés de l'énergie, pour lesquels les équilibres entre offre et demande doivent être trouvés, pose de nouvelles problématiques.
Mais aussi parce que les externalités liées à la production d'énergie, au premier rang desquelles les émissions de gaz à effet de serre, transcendent nos frontières.
Une première table ronde rassemblant des experts reconnus dans les domaines de l'énergie et du nucléaire viendra débattre de ces questions, cet après-midi.
Il s'agira ici de faire un état de la situation énergétique mondiale, de dessiner le cadre dans lequel la définition des stratégies énergétiques doit s'inscrire :
- dans une première partie, sera dressé un bilan des ressources et des besoins énergétiques -actuels et futurs- mondiaux,
- la seconde partie sera consacrée à l'analyse des grands défis environnementaux liés à l'énergie, qu'il s'agisse du changement climatique ou de la problématique, spécifique à l'énergie nucléaire, de la gestion des déchets radioactifs.
3/ Si, pour nombre de pays, le nucléaire constitue une réponse à la problématique énergétique, celle-ci n'est pas la seule, ou tout du moins, il ne saurait répondre seul aux défis posés.
Certaines énergies - dites énergies renouvelables - sont inépuisables, et il convient d'exploiter au mieux leur potentiel.
Il convient également de poursuivre les recherches dans tous les domaines permettant de produire une énergie, et notamment de l'électricité, sans émettre de gaz à effets de serre. Enfin, concernant l'utilisation de l'énergie nucléaire, il convient de définir le cadre le plus adapté dans lequel elle peut s'inscrire. Les enjeux en termes de sûreté et de sécurité sont essentiels et doivent être maîtrisés.
Par ailleurs, au regard des autres sources d'énergie, le coût global de production de l'énergie nucléaire est compétitif, la structure de ce coût est tout à fait particulière, impliquant des charges d'investissement élevées, et nécessitant la prévision, au cours de la vie des centrales, des charges dites de long termes, c'est-à-dire celles qui sont liées au démantèlement des installations et à la gestion des déchets radioactifs.
Ainsi, demain matin, une seconde table ronde sera dédiée à un débat sur des stratégies pour une exploitation optimale du potentiel que présente l'énergie nucléaire tenant compte certes de ses atouts, mais également des contraintes qui lui sont attachées :
- tout d'abord, seront examinés les facteurs structurants des choix énergétiques, qu'il s'agisse de facteurs économiques, stratégiques ou sociaux ; l'intérêt et le cadre de la coopération internationale seront également analysés,
- enfin, un dernier débat permettra de discuter des moyens à mettre en uvre pour assurer une utilisation du nucléaire dans des conditions optimales : il s'agira de définir le cadre indispensable et notamment le rôle de l'Etat et des organisations internationales pour asseoir un développement sûr et pérenne du nucléaire.
II. Je voudrais maintenant dire quelques mots sur la politique énergétique et la place du nucléaire en France
Notre pays est peu doté en ressources énergétiques naturelles. Sa vulnérabilité s'est manifestée avec acuité lors des chocs pétroliers des années 70, nous amenant à engager un programme nucléaire important.
1/ Depuis trente années, la politique énergétique française est animée par quatre grandes préoccupations :
- la sécurité d'approvisionnement, à court ou moyen terme, de façon à éviter toute rupture qui serait préjudiciable à la santé, au bien-être et à l'économie.
- la compétitivité du coût de l'énergie tant pour les entreprises que pour les particuliers. La Direction Générale de l'Energie et des Matières Premières du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie publie régulièrement une analyse comparative sur les coûts de production de l'électricité. La plus récente de ces études, publiée en 2004, témoigne que le recours au nucléaire est la solution la moins coûteuse en France en matière d'électricité.
- le respect de l'environnement : il s'agit de combattre et de minimiser les dommages causés à l'environnement par la production et l'utilisation de l'énergie, avec des objectifs au moins aussi ambitieux que ceux fixés par la Commission européenne à l'horizon 2010 (émissions de CO2, couche d'ozone, énergies renouvelables, etc.) ; alors que la France s'engage à rester d'ici 2010 au niveau des émissions de 1990 et à les diviser d'un facteur 4 d'ici 2050.
- la solidarité entre territoires et envers les personnes démunies.
Le programme nucléaire, engagé au cours des années 70, se traduit aujourd'hui par une place prépondérante du nucléaire dans la production d'électricité (78%) laissant cependant une part non négligeable à l'hydraulique (12%).
Il nous permet aujourd'hui de bénéficier :
- d'un taux d'indépendance énergétique de 50%, alors il s'élevait à 26% en 1973,
- d'une facture énergétique représentant 1,8% de notre produit intérieur brut versus 5% en 1981.
Enfin, le recours au nucléaire nous a permis d'éviter en 2004 la production de 36 Millions de tonne de carbone représentant un tiers de notre production annuelle. Pour nous, le nucléaire peut jouer un rôle essentiel dans un développement durable de l'énergie sous trois conditions sur lesquelles nous sommes vigilants : d'abord qu'un haut niveau de sûreté continue d'être maintenu par les industriels, ensuite que des solutions sûres et pérennes soient définies pour tous les types de déchets radioactifs et enfin que l'information et la participation du public soient assurées.
En Europe, l'énergie nucléaire, qui produit 33% de l'électricité, permet d'éviter une émission de gaz à effet de serre équivalente aux émissions de l'ensemble du parc automobile européen ! Au niveau mondial, le nucléaire existant permet déjà l'économie de 2,2 Milliards de tonnes de CO2, comparés aux 24 milliards d'émissions totales. C'est plus de 2 fois la réduction demandée aux pays développés par le protocole de Kyoto pour la période 2008-2012.
2/ Notre parc de réacteurs est encore jeune (en moyenne 19 ans). Cependant, nous devons préparer l'avenir
Dans ce but, nous avons lancé un débat national sur l'énergie en 2003, dont l'une des conclusions est le rôle central du nucléaire dans le bouquet énergétique français. Notre objectif a donc été de calibrer au mieux ce bouquet entre les énergies nouvelles, le nucléaire et les innovations technologiques attendues pour nous permettre de répondre, en interne, à l'échéance de 2020 pour le renouvellement de notre parc de production électrique.
Au printemps 2004, lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le Gouvernement français a proposé quatre axes d'orientations prioritaires et indissociables :
- relance de la maîtrise de l'énergie, avec des objectifs de baisse de l'intensité énergétique de 2% par an dès 2015 et 2,5% d'ici 2030, et, au-delà du respect du Protocole de Kyoto, de division par quatre des émissions de CO2 de la France d'ici 2050;
- maintien de l'option nucléaire ouverte avec le lancement du réacteur nucléaire franco-allemand EPR (European Pressurized water Reactor) ;
- développement des énergies renouvelables, telles que les éoliennes ou les biocarburants.
- relance de la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie.
En complément à ce projet de loi, le Plan " Climat ", publié en juillet 2004 par le gouvernement français dans le cadre de ses engagements de lutte contre l'effet de serre, regroupe des mesures dans tous les secteurs de l'économie et de la vie des ménages, en vue d'économiser près de 15 millions de tonnes d'équivalent carbone par an à l'horizon 2010. Une grande part de ces mesures concerne l'énergie qui représente en France environ 80% des émissions.
Afin de disposer de tous les éléments permettant de faire un choix éclairé pour préparer l'échéance 2020, la France a donc choisi de construire un réacteur démonstrateur de 3ème génération, l'EPR, dont la mise en service est prévue à l'horizon 2012.
Mais nous devons préparer l'avenir à plus long terme encore. La France participe ainsi au Forum International Génération IV qui vise à développer des systèmes nucléaires du futur qui pourraient être disponibles à l'horizon 2040, et au programme de fusion ITER qui s'inscrit à un horizon encore plus lointain dans le siècle.
Par ailleurs, nous accompagnons nos choix sur l'énergie nucléaire d'une réflexion plus large sur les conditions devant encadrer son développement.
Des réponses doivent notamment être apportées aux questions concernant la gestion de l'aval du cycle pour les déchets produits par les centrales existantes et a fortiori pour le maintien d'une option nucléaire ouverte à l'échéance du renouvellement du parc de production électrique actuel. C'est d'ailleurs une préoccupation forte pour les Français. Nous savons en effet que 28% d'entre eux estiment que " la production et le stockage de déchets radioactifs est l'inconvénient principal du choix du nucléaire ".
Dans ce domaine, la France a fait le choix du traitement et du recyclage du combustible usé. Ce choix s'inscrit dans une stratégie de développement durable. Il permet en effet de séparer les produits tels que le plutonium et l'uranium, dotés d'un potentiel énergétique considérable, du reste des déchets : cette technologie permet ainsi d'économiser de la matière première et de diminuer la quantité de déchets ultimes. Elle présente en outre un intérêt en termes de non-prolifération en réutilisant le plutonium résultant du passage en réacteur du combustible.
Nous nous sommes par ailleurs attachés à définir des solutions de gestion pour les déchets radioactifs de haute activité à vie longue.
Grâce à l'initiative de Monsieur BATAILLE, la France s'est engagée dans un vaste processus prescrit par la loi de 1991, connue sous le nom de " Loi Bataille ". Ce chantier va conduire le gouvernement à présenter en 2006 au Parlement les résultats de quinze années d'efforts alliant recherche scientifique et concertation démocratique. Je voudrais remercier Monsieur BATAILLE d'avoir permis à la France de s'atteler à cette difficile et longue tâche, suffisamment tôt pour que les décisions puissent être prises dans les meilleures conditions.
Par ailleurs, la France s'est dotée d'un cadre administratif et réglementaire qui lui permet d'atteindre, dans le domaine du nucléaire tout particulièrement, un très haut niveau de sûreté et de radioprotection.
Ce résultat est le fruit d'une réflexion continue, à la fois au niveau national et dans un cadre international. Ce processus nous a notamment amenés à redéfinir le statut et les missions de notre autorité de sûreté nucléaire, en 2002. Il justifie le soutien que nous avons apporté à l'initiative lancée par Mme de PALACIO en 2002 également, visant à doter l'Union européenne d'instruments juridiques contraignants pour arriver à une harmonisation à la hausse du niveau de sûreté nucléaire.
Notre volonté de mettre à profit notre expérience, notamment dans le domaine de la sûreté nucléaire, nous a amené à développer nombre de coopérations bilatérales avec des pays souhaitant développer une industrie nucléaire civile. Sur ce dernier point, la France est particulièrement attachée à la définition d'un cadre clair et rigoureux permettant de répondre aux objectifs de non prolifération.
Pour notre pays, seuls les Etats qui ont accepté de placer leur secteur nucléaire intégralement sous le contrôle de l'Agence de Vienne et se conformant strictement à leurs engagements internationaux en matière de non-prolifération nucléaire, peuvent bénéficier des technologies nucléaires et développer cette énergie.
Notre pays souhaite échanger avec tous ceux qui le veulent, dans une attitude ouverte, sur les défis de l'énergie qui attendent notre siècle. J'espère que cette conférence en sera l'illustration et qu'elle nous permettra à tous d'avancer dans notre réflexion sur la place du nucléaire au 21e siècle.
Je passe maintenant passer la parole à M. Mohammed EL BARADEI, directeur général de l'AIEA.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 21 mars 2005)
22/03/05
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur Général de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique,
Mesdames,
Messieurs,
Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir pris le temps de venir à Paris pour cette conférence, dont la France s'est fait - avec plaisir- l'hôte.
Je suis très heureux de voir l'intérêt que cette opportunité de rencontre et de réflexion a suscité ; intérêt dont témoignent bien entendu le nombre et le haut niveau des participants, mais également la qualité des échanges de ces deux journées.
Je me réjouis que tant de personnalités, provenant de toutes les régions du monde, soient présentes aujourd'hui, démontrant l'importance accordée aux défis énergétiques pour le 21e siècle.
Je voudrais en premier lieu remercier l'Agence Internationale de l'Energie Atomique puisque c'est à son initiative et à celle de son directeur général, Monsieur Mohammed ELBARADEI, que cette conférence sur " le Nucléaire pour le 21e siècle " a été organisée. La France est un grand pays nucléaire, le second après les Etats-Unis, et, au lendemain d'un grand débat national sur les énergies que nous avons mené au cours de l'année 2003, nous étions désireux de partager nos préoccupations et le fruit de nos travaux avec les pays qui, comme nous, souhaitent assurer à leur population une énergie en quantité suffisante et économiquement accessible tout en préservant l'environnement.
Je souhaite saluer ici l'excellence du travail fait pour la préparation de cette conférence, par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et par l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economique et son Agence pour l'Énergie nucléaire - l'AEN, en coopération avec les différentes administrations françaises impliquées.
Je voudrais saluer Monsieur Luis ECHAVARRI, directeur de l'AEN, et Monsieur Roberto CIRIMELLO, Haut Conseiller pour la Commission Nationale de l'Energie en Argentine, et Président du groupe d'experts de l'AIEA sur l'énergie atomique, pour la qualité des discussions auxquelles nous avons été associés, lors des tables rondes qu'ils ont présidées. Qu'ils soient remerciés, ainsi que Monsieur Claude MANDIL, Directeur exécutif de l'Agence internationale de l'Energie, Monsieur John STONE, du groupe de travail sur le changement climatique, le professeur Shunshuke KONDO, Président de la Commission de l'Energie Atomique du Japon, qui préside également au Japon le Conseil des Sciences, et, enfin Monsieur Dominique MAILLARD, Directeur Général de l'Energie et des Matières Premières, au sein de l'administration française, ainsi que Mme Sophie GALEY-LERUSTE.
Je ne citerai pas le nom de tous les participants aux tables rondes et aux sessions plénières mais je remercie sincèrement chacun d'entre eux pour avoir accepté de nous faire partager son expérience, ses réflexions et pour la disponibilité dont il a fait preuve.
L'élaboration du programme qui en est résulté a permis d'obtenir un équilibre entre les différentes problématiques liées aux politiques énergétiques :
- tout d'abord, celle de la recherche d'une adéquation durable entre l'offre et la demande énergétiques dans un contexte de raréfaction à terme des sources d'énergie fossiles,
- en second lieu, celle, tout aussi importante, de la préservation de notre environnement,
- puis l'analyse de la contribution potentielle de l'énergie nucléaire dans ce contexte,
- enfin, les questions de gouvernance, essentielles dans le domaine énergétique compte tenu de l'importance stratégique et sociale de l'accès à l'énergie, et, plus encore, dans le domaine du nucléaire du fait des spécificités de cette ressource.
Après deux jours de débats et de présentations, nous arrivons donc à la fin de cet événement.
Avant d'évoquer les conclusions, j'aimerais faire une remarque préliminaire : c'est la première fois depuis bien longtemps qu'un nombre aussi élevé de pays - 74 - et d'organisations internationales - 10 - réfléchissent ensemble au rôle que pourrait ou devrait jouer le nucléaire dans leur politique énergétique nationale.
C'est en soi un signal clair de l'intérêt renouvelé qui est porté dans le monde à cette source d'énergie. La participation d'un grand nombre de ministres à la conférence, qui se sont officiellement exprimés à titre national, en a été l'illustration.
Il était important de réunir les différents acteurs de la politique énergétique, qu'il s'agisse des décideurs politiques, des experts du domaine énergétique, des opérateurs industriels et des représentants de nos concitoyens. Les organisateurs, en conjuguant leurs efforts, ont réussi ce pari.
De nombreux points de vue ont été exprimés, qui ont donné lieu à des discussions approfondies pendant la conférence. Une grande convergence de vue a été constatée parmi les participants.
Je voudrais, en premier lieu, rappeler un principe important que cette conférence n'a pas cherché pas à remettre en cause : chaque Etat est libre de définir sa politique énergétique sous réserve du respect de ses engagements internationaux.
Ensuite, je ferai le constat de deux objectifs prioritaires :
- le premier : l'accès à une énergie en quantité suffisante, car celle-ci est indispensable au développement humain,
- le second : la préservation de l'environnement et dans ce cadre, la lutte contre l'effet de serre ; tous les efforts doivent être faits pour diminuer notre production de gaz à effets de serre, et notamment le CO2.
A cet égard, nous ne pouvons qu'entendre le souhait, largement et clairement exprimé ici, que l'énergie nucléaire, tout comme l'énergie d'origine hydraulique, soit prise en compte dans les mécanismes internationaux de réduction d'émission de gaz à effet de serre, et que le nucléaire et l'hydraulique ne fassent plus à cet égard l'objet d'une exclusion que rien ne justifie. Car, chacun l'a constaté, il y a urgence sur cette question du changement climatique et l'on doit rechercher des solutions qui apportent des réponses aux considérables besoins en énergie qui s'annoncent pour le siècle.
On ne peut qu'entendre aussi l'appel, émanant tout particulièrement des pays en développement, pour que les institutions consacrées au développement prennent en compte, dans leurs programmes d'aide, les potentialités de l'énergie nucléaire pour la compétitivité des économies et la lutte contre le changement climatique. Cela est particulièrement vrai pour les différentes institutions des Nations-Unies et la Banque Mondiale que l'on appelle à mieux coopérer avec l'AIEA.
Donc, sans vouloir faire de l'énergie nucléaire la réponse unique à tous les défis du siècle, la conférence a reconnu que celle-ci pouvait contribuer de façon efficace à la réalisation de ces objectifs en fournissant, sans émettre de CO2, une électricité à un prix compétitif et stable. Le recours à cette énergie est susceptible d'augmenter, dans un grand nombre de pays, le niveau de sécurité d'approvisionnement.
Par ailleurs, elle peut contribuer efficacement à la production d'eau potable et d'hydrogène.
Pour autant, le recours à cette source d'énergie doit s'accompagner d'exigences particulières :
1. Première exigence, il est clair que la coopération internationale pour le développement de l'énergie nucléaire ne peut se mettre en place que si les États se conforment strictement à leurs engagements et obligations internationales en matière de non prolifération, et respectent les objectifs mêmes de la non-prolifération.
Nous devons être, tous, particulièrement attentifs à ce que les matières, équipements et technologies nucléaires les plus sensibles, susceptibles d'être utilisés dans des armes nucléaires, ne soient pas détournés de leur usage pacifique. Cela doit rester une priorité de la communauté internationale.
2. Seconde exigence, la mise en place de dispositifs nationaux est une condition indispensable pour garantir un niveau élevé de sûreté et de sécurité des matières et installations nucléaires, ainsi que pour assurer une gestion sûre et pérenne du combustible usé et des déchets radioactifs, en conformité avec les principes de précaution et de développement durable. Dans ce but, il apparaît essentiel que les Etats coordonnent leurs efforts et partagent leurs expériences.
A cet égard, il est apparu que l'industrie jouait un rôle essentiel par la préservation d'une " culture de sûreté " qui doit rester au cur de l'activité des entreprises du secteur nucléaire.
3. Dernière exigence, il nous faut préparer le nucléaire de demain afin de le rendre encore plus sûr, plus économique et plus acceptable. Là encore, compte tenu de l'ampleur des efforts de recherche et développement nécessaires, ceux-ci doivent être menés autant que possible dans le cadre de programmes internationaux.
Je pense que les pays ici rassemblés doivent être conscients que, loin d'être un obstacle, la satisfaction de ces exigences est un facteur positif favorisant le développement de l'énergie nucléaire.
Au demeurant, je pense qu'il ressort de la conférence que ces exigences sont en grande partie intégrées par l'industrie nucléaire dans son fonctionnement et ses objectifs de progrès technique.
L'Agence internationale de l'Énergie atomique a un rôle essentiel à jouer à tous ces égards, en facilitant le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, en s'assurant du respect des engagements d'utilisation pacifique, en aidant les États à maintenir des niveaux élevés de sûreté et de sécurité, en promouvant la coopération internationale et en diffusant auprès du public l'information sur l'énergie nucléaire.
Je n'oublie pas non plus l'Agence de l'Énergie nucléaire de l'OCDE, qui, dans le domaine de compétence qui est le sien, fournit des analyses appréciables aux décideurs.
Voilà sans doute les principales conclusions que l'on pourra tirer de cette conférence.
Je suis heureux d'annoncer que ces principaux éléments sont repris et développés dans une déclaration finale de la conférence, qui, après l'expression d'une grande diversité de points de vue, a fait l'objet d'une large convergence.
Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs, je vous remercie encore d'avoir participé à ces travaux et espère qu'ils auront été utiles et qu'ils donneront lieu à de futurs échanges fructueux pour nous aider à mener à bien la mission qui nous revient.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 23 mars 2005)