Déclaration de M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants, sur le film "Les survivants", témoignage de déportés de retour des camps de concentration, Paris le 6 avril 2005.

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Circonstance : Présentation, en avant-première, du film "Les survivants" à l'Ecole militaire", Paris le 6 avril 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les anciens Déportés,
Madame le Ministre, Chère Madame VEIL,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Tout au long de cette année 2005, notre pays va célébrer, avec force et émotion, le 60ème anniversaire de la libération des camps de concentration et de la victoire sur le nazisme.
Comme en 2004, pour le 60ème anniversaire des Débarquements et de la Libération, notre volonté est de rendre hommage à nos héros et à nos martyrs. Mais, vous le savez, notre volonté est également de transmettre aux générations futures, la signification de ces pages décisives de notre histoire.
Ce regard sur notre passé doit éclairer le présent et l'avenir.
Les grands rendez-vous de mémoire ont cette double vocation. Ils illustrent la fidélité de la Nation. Ils permettent aussi de convaincre nos compatriotes de l'importance des principes dont la négation fit tant de victimes. En 2004, Arromanches, Toulon, Paris, ont marqué les esprits. En 2005, Auschwitz le 27 janvier dernier, la Journée de la déportation, le 24 avril, la commémoration de la Victoire, le 8 mai et l'inauguration du Centre européen du Résistant-Déporté au Struthof, doivent remplir la même fonction essentielle.
A ce titre, les médias et les créateurs ont une responsabilité et un rôle éminents. Je veux saisir l'occasion qui m'est donnée pour redire que la couverture médiatique du 60ème anniversaire des Débarquements a été, à biens des égards, exemplaire. Je me réjouis que le 60ème anniversaire de la libération des camps et de la victoire se présentent sous les mêmes auspices. Je salue, aujourd'hui, plus spécialement, la mobilisation de France-Télévisions.
Cher Monsieur ROTMAN, votre contribution est attendue avec un intérêt particulier. En effet, nous avons tous en mémoire " Eté 44 ", le remarquable documentaire que vous avez réalisé l'année dernière. Une audience exceptionnelle est venue, à juste titre, consacrer la qualité de votre travail. Je ne doute pas, qu'il en sera ainsi pour cette nouvelle uvre, alors même que l'exercice est incontestablement délicat.
Traduire l'horreur la plus absolue, dire la vérité en restant audible, expliquer sans trahir, montrer sans repousser, n'oublier aucune des victimes ces défis, que vous relevez, sont posés depuis que le monde a pris conscience de la terrifiante réalité de la déportation.
Bien sûr, ce sont les survivants eux-mêmes qui ont éprouvé, les premiers, la difficulté de dire l'indicible.
Je salue avec amitié et un profond respect celles et ceux qui sont présents dans cette salle. Mes chers amis, vous le verrez, ce film vous donne la parole pour aborder la fin des camps, la libération et les conditions peu connues, souvent tues, de votre réadaptation à la vie hors des camps, vous que la barbarie nazie avait condamné à la disparition, dans la nuit et le brouillard, vous dont l'extermination avait été méthodiquement planifiée, vous qui étiez presque, déjà, hors du monde des vivants.
" Personne n'avait envie de nous entendre ".
" Durant les premiers jours qui ont suivi notre retour, nous voulions parler, être entendus []. Nous ramenions avec nous notre mémoire, notre expérience toute vivante. Nous éprouvions un désir frénétique de la dire telle quelle []. Et cependant c'était impossible [] "
" A nous-mêmes, ce que nous avions à dire, commençait à nous paraître inimaginable "
Mesdames et Messieurs, ces témoignages, cette incompréhension bouleversante, cette " mémoire blessée ", vont nous aider à approcher, de façon originale et convaincante, l'enfer des camps de la mort.
Ce film l'approche aussi, bien sûr, avec l'évocation de lieux qui sont autant de symboles tragiques ou douloureux.
Auschwitz, d'abord. A la fois camp de concentration, comme Ravensbrück, le Struthof, Buchenwald, Dachau et tant d'autres, symbole effarant de l'oppression nazie. Auschwitz-Birkenau, camp d'extermination, le plus grand des cimetières, symbole tragique et éternel de la folie de la Shoah.
Avec la gare d'Orsay, le Lutétia, la Salpétrière, Bichat, apparaissent les difficultés du rapatriement et le début du temps de la mémoire.
Une mémoire qui n'a cessé d'évoluer, réparant, ici, des oublis injustes, suscitant, là, de nouvelles blessures.
Une mémoire que nous avons le devoir impérieux de transmettre.
Une mémoire qui nous oblige à l'action.
Ne doutez pas de la détermination de l'Etat à agir, avec le concours des fondations et des associations, avec le concours des hommes et des femmes de communication.
Résistants-Déportés, politiques, victimes de la déportation de répression
Juifs, Tsiganes et victimes de la déportation d'extermination
vos sacrifices, votre martyre, ne seront jamais oubliés.
Votre message de courage, de dignité et de vigilance nous inspirera toujours.
C'est dans cet esprit que nous sommes réunis, ce soir, pour voir le film de Patrick ROTMAN.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 8 avril 2005)