Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, à l'occasion du 60e anniversaire de la libération de Royan, Royan le 16 avril 2005.

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Circonstance : Commémoration du 60 anniversaire de la libération de la poche de Royan(Charente-Maritime), à Royan le 16 avril 2005

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les élus,
Monsieur le Maire,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les Anciens combattants et Résistants,
Mesdames et Messieurs,
Au nom du Gouvernement, je suis venu commémorer la libération de Royan, rendre hommage aux combattants victorieux et rappeler le souvenir des nombreuses victimes civiles de ces mois de guerre qui prenaient heureusement fin, voici soixante ans. " Une réussite française ", ces mots du Général de Gaulle, que nous venons d'entendre, avec émotion et fierté, ces mots conservent leur justesse, leur force, leur éclat.
Occupées depuis 1940, vos terres l'étaient encore cinq ans plus tard.
Royan, Saint-Georges-de-Didonne, leurs environs, la pointe de Grave, les îles d'Oléron et de Ré, subissaient toujours le joug de l'ennemi.
Alors que la quasi-totalité du territoire national avait été libérée dans la foulée des débarquements de Normandie et de Provence, l'adversaire était donc parvenu à conserver plusieurs enclaves.
Nul n'a oublié, ici, que, déterminé à défendre coûte que coûte toutes les poches encore entre ses mains, il opposa une résistance farouche.
Il faudra l'énergie, le courage et la valeur des combattants et des Résistants français pour en venir à bout.
Oui, votre libération est bien une " réussite française ".
Aujourd'hui, je veux rendre un hommage solennel aux glorieux soldats de la 1ère division française libre - l'illustre 1ère DFL - et à ceux de la légendaire 2ème DB, venus leur prêter main forte.
Aux ordres d'un chef aux qualités et à la personnalité d'exception, le général de Larminat, un grand Français, officier " brillant et ardent ", entré dans la gloire de l'Ordre de la Libération dès 1941, aux ordres de ce commandant et de généraux inoubliables, ces hommes ont écrit une des grandes pages de notre histoire militaire.
Notre reconnaissance va aussi aux nombreux résistants et maquisards, aux FFI.
" Amalgamés " au sein des forces armées, ils ont livré jusqu'à son terme le combat engagé dans la clandestinité, aux heures les plus sombres de notre Histoire.
Désormais, les combattants de l'ombre servaient la patrie au grand jour.
Elle ne les oubliera jamais.
En cet instant où nous honorons la mémoire de nos libérateurs et où nous fêtons la liberté retrouvée, nos pensées vont vers les nombreuses victimes civiles de ces combats sans merci.
Tardifs et isolés, ils n'en furent pas moins tragiquement meurtriers.
Le 5 janvier 1945, le bombardement de votre ville fit 1 800 victimes.
Deuils, souffrances et destructions ont laissé, ici, des stigmates indélébiles.
Je m'incline avec respect devant toutes celles et tous ceux, militaires, Résistants, civils, qui sont morts pour la France dans ces moments décisifs de la lutte pour la liberté et l'honneur du pays.
Mesdames et Messieurs, voici soixante ans, notre pays sortait, héroïquement et douloureusement, d'un long cauchemar de près de cinq années.
La pointe de Grave fut libérée dans les jours suivants.
Il fallut toutefois attendre - parfois jusqu'à la Victoire - pour que nos compatriotes d'Oléron, de la Rochelle et de Ré, de Lorient, Saint-Nazaire et Dunkerque et de plusieurs zones des Alpes-maritimes recouvrent, à leur tour, la liberté.
Cette cérémonie est l'occasion d'honorer tous ceux qui prirent part à ces ultimes combats, tous ceux qui tombèrent au champ d'honneur, aux dernières heures.
Dans le même temps, nous en sommes conscients, en Allemagne, un déluge de fer et de feu frappait combattants et civils entraînés dans une lutte désespérée par un régime criminel.
Jour après jour, au fur et à mesure de leur irrésistible progression, les Alliés découvraient aussi l'horreur indicible des camps de la mort.
Le monde découvrait l'immensité de la folie, de la barbarie des nazis.
Voici soixante ans, l'Europe martyrisée mesurait le prix terrifiant de sa division, de l'enchaînement des guerres et des revanches, de la trahison de ses principes.
A cette époque l'idée d'Europe était une idée menteuse. " Il faut passer par la désespérance pour retrouver l'espérance " nous a dit E. MORIN.
Comment ne pas saisir l'importance du chemin accompli depuis ces temps qui sont si proches et qui nous paraissent si lointains ?
Comment ne pas réfléchir sur ce bouleversement radical de l'histoire de notre continent ?
Il aura fallu les tragédies meurtrières des deux guerres mondiales pour que nos nations, exsangues, s'engagent enfin sur la voie de la réconciliation et de l'unité.
L'Europe est l'uvre de nos morts tout autant que la nôtre.
Une réconciliation autour des principes dont l'abandon avait provoqué de tels drames : l'égale dignité de tous les hommes, de toutes les femmes, le respect du droit, la liberté.
Sur ces bases, des hommes d'État visionnaires et des peuples responsables ont bâti une Union qui nous semble aujourd'hui évidente, naturelle, alors qu'elle paraissait inconcevable, chimérique, au lendemain d'un tel affrontement.
Cette Europe qu'ont construit nos pères, il nous appartient de la transmettre à nos enfants.
La génération de nos parents a construit l'Europe pour faire la paix à l'intérieur de nos frontières. Le devoir de notre génération, de ma génération est, aujourd'hui, de conforter l'Europe pour faire la paix à l'extérieur de nos frontières, sur une planète toujours menacée par ses déséquilibres.
Notre union ne peut être fondée que sur nos valeurs, sur un humanisme européen initié par l'humanisme français.
Notre union doit nous permettre de rapprocher nos diplomaties, et nos armées pour agir, ensemble, au service de la paix du Monde. Là est notre projet.
Le mot Europe signifie " Paix " dans l'espoir d'aujourd'hui, parce qu'il a signifié " Guerre " dans la réalité hier.
Aujourd'hui nous faisons vivre notre lien de mémoire, notre lien de devoir avec les morts qui ont libéré notre vie.
De la mort à la vie, de la guerre à la paix, de l'horreur à l'humanisme, voilà notre chemin de pèlerins de l'espoir.
Que la Jeunesse d'aujourd'hui écoute le monde au-delà de nos frontières, qu'elle observe cette montée parallèle de la misère et du terrorisme, qu'elle regarde l'émergence des nouvelles puissances et qu'elle trouve dans l'exemple des " résistants à l'inhumanité " l'enthousiasme pour réussir l'avenir, pour bâtir une Europe forte et ainsi protéger la France éternelle !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 avril 2005)