Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, dans le Progrès du 19 avril 2005, sur les arguments de l'UDF pour inviter à voter "oui" au référendum sur la Constitution européenne.

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Média : La Tribune Le Progrès - Le Progrès

Texte intégral

Q - Comment vivez-vous cette campagne ?
R - Elle est motivante parce qu'elle est difficile. La crise en France est profonde. Elle dure depuis des années et s'exprime à cette occasion. En plus, par manque de courage, on a chargé l'Europe de tous les maux de la mondialisation. Chaque fois qu'il y a une décision difficile à prendre, on dit que c'est l'Europe qui nous l'impose. Ainsi les Français ont-ils fini par assimiler l'Europe à des contraintes alors qu'elle est en réalité une protection.
Q - Vu la montée du " non ", ne regrettez-vous pas ce référendum ?
R - Je ne le regrette pas quels que soient les risques. Quand il y a une grande aventure pour un peuple on ne peut la décider à l'insu des citoyens. L'Europe a beaucoup souffert de se faire loin des peuples et tout ce qui peut la rapprocher des citoyens me convient, même dans le risque.
Q - Les centristes sont-ils toujours les " fils aînés de la construction européenne ?
R - Les sondages montrent que l'électorat UDF est le plus mobilisé pour le " oui ". Nous avons été les premiers à demander une constitution et notre lien avec son parrain, Valéry Giscard d'Estaing, est fort. Je rappelle que s'il n'avait pas eu ses qualités de diplomatie et de leadership aucun accord n'aurait pu être trouvé pour un Traité.
Q - Le débat se simplifie sur un texte compliqué. Un seul argument pertinent pour le " oui " ?
R - Le monde est dominé par l'Amérique qui sera concurrencée par la Chine. Ce sont deux systèmes économiques et sociaux très éloignés du nôtre. L'Amérique, c'est l'ultra-libéralisme individualiste. Les Chinois, c'est l'ultra-ultra libéralisme totalitaire. Nous sommes les seuls à avoir bâti un système libéral solidaire, le plus solidaire de la planète, et si on veut le défendre il faut être unis, nous n'y parviendrons pas tous seuls.
Q - Quelle différence avec la campagne de Maastricht en 1992 ?
R - A l'époque c'était sans masque. Les anti-européens étaient pour le " non ", les pro-européens pour le " oui ". Aujourd'hui, les anti-européens se sont mis sur le visage un masque européen. Et parfois, cela trompe.

Q - Que peut dire un centriste au " non " de gauche qui monte ?
R - Je rappelle ce qu'a dit le secrétaire général de la confédération des syndicats européens : le capitalisme international n'a pas besoin de traité européen, il se débrouille très bien avec la jungle, ce sont les syndicats et les travailleurs qui en ont besoin.
Q - Si le " non " l'emporte, est-ce un cataclysme ?
R - L'Europe repart vers ses divisions et la crise française éclate au grand jour sans solution alternative car il n'y a pas de solution commune qui puisse rassembler les Le Pen, de Villiers, les communistes, Besancenot et Fabius.
Q - Après son émission, Jacques Chirac peut-il être encore utile au " oui " ?
R - Une seule émission ne peut pas changer les choses, surtout lorsqu'il y a, comme cela a été le cas, beaucoup de confusion. Pour moi, il y a désormais une conséquence : les Français ne peuvent plus attendre que quelqu'un, fût-ce le président de la République, fasse la décision à leur place. C'est désormais à tous ceux qui aiment l'Europe de s'engager personnellement.
Q - Le " oui " peut-il gagner ?
R - Si le " oui " heureux se fait entendre et pas le " oui " résigné, et si chacun apprécie bien ce que représente pour son emploi, pour sa famille, la marginalisation de l'Europe, la domination sur le monde de la Chine et des USA qui ne trouveront plus de résistance européenne.
Propos recueillis par Michel Rivet-Paturel
(Source http://www.udf-europe.net, le 20 avril 2005)