Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la réforme et les missions des chambres de commerce et d'industrie, les pôles de compétitivité, le dialogue avec les pays émergents, et la lutte pour les créations d'emploi, Paris le 29 avril 2005

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Circonstance : Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, devant les Chambres de Commerce et d'Industrie, à Paris le 29 avril 2005

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Christian,
Monsieur le président, cher Jean-François,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,
J'aurai été bien ingrat de ne pas vous recevoir, pour une fois qu'il y a un Sup de co à Matignon, il faut quand même que le fait consulaire exprime sa reconnaissance. Je suis très heureux de pouvoir, sur un plan tout à fait personnel, exprimer ma reconnaissance à ceux qui m'ont formé. Et au fond, j'ai appris à résister, et finalement on résiste mieux à la dictature des sondages qu'à l'entêtement de certains présidents, je parle des présidents consulaires naturellement. Je voudrais vous dire qu'avec C. Jacob, ministre des PME mais aussi ami compétent, fidèle et loyal, nous sommes très heureux de vous recevoir pour vous exprimer la reconnaissance de la nation, pour ce que vous faites, pour ce que nous avons fait ensemble et pour ce que je vous demande de faire pour l'avenir, parce que le pays je crois a besoin de vous, et je vais vous dire ce qui, de notre point de vue, il peut attendre des Chambres de Commerce et d'Industrie. Je voudrais saluer votre président, pour le remercier de son engagement. J'ai rarement vu chez un responsable, à la fois autant de détermination et en même temps de compréhension, la capacité à vouloir mais aussi la capacité à construire. Et nous avons eu de multiples discussions tous les deux, dans des positions différentes, on se voyait au Sénat pendant la période où je présidais l'Assemblée des régions de France, le président de la CFCI est un grand spécialiste des questions de formation, les régions sont toujours très impliquées sur ces sujets, nous avons beaucoup travaillé ensemble. Je dois dire que ensemble, on a frotté nos cervelles pour aboutir à cette idée qu'il n'y aurait pas de réforme des Chambres contre les Chambres, et qu'il fallait partir de l'idée de l'autoréforme, s'appuyer sur les forces de progrès, les forces d'avenir pour tracer les lignes d'avenir. Et non pas faire faire par l'adversaire des Chambres la réforme des Chambres, ce qui avait toujours été le cas précédemment. Et de se dire au fond, qu'est-ce que nous pouvons attendre de Chambres de Commerce et de l'Industrie dans l'organisation dans l'organisation de notre pays aujourd'hui. C'est comme cela que nous avons bâti cette démarche, j'y reviendrai, notamment d'abord celle de la légitimité par la loi électorale pour y mettre de la clarté, pour que l'ensemble des entrepreneurs comprenne les mécanismes de décision de la Chambre. Cette légitimité passant par la lisibilité, a débouché sur la participation augmentée. Ce qui est un progrès de démocratie, donc de légitimité. Et c'était un élément fondateur d'une logique de réforme, car ceux qui voulaient réformer voulaient en même temps fragiliser au départ la légitimité du fait consulaire. Et c'est en lui donnant cette légitimité qu'on a pu construire cette réforme, qui est donc engagée dans plusieurs étapes, celle du financement, celle du processus électoral, et puis celle qui est inscrite dans la loi Jacob qui sera votée avant l'été et qui donne à vos Chambres un rôle essentiel, j'y reviendrai dans la dynamique économique. Vous nous avez beaucoup aidés sur plusieurs sujets, et je voudrais vous dire notre gratitude. D'abord avec R. Dutreil, sur toute la dynamique de création d'entreprise, et pour faire en sorte que la création d'entreprise soit dans notre pays considérée comme une politique économique majeure, et non pas comme une politique accessoire, secondaire, subalterne. Une politique économique qui se construit dans le temps, en amont de la création pour valider les projets, pour fortifier les entrepreneurs, pour muscler l'entreprise avant son lancement, pendant la phase de création et après la création dans toutes les logiques d'accompagnement où là, les expertises, les conseils, les tutorats, toutes les formes d'intervention sont essentielles, pour augmenter le taux de survie des entreprises. Aujourd'hui, et c'est une fierté que nous pouvons partager ensemble, il y a 200.000 entreprises nouvelles, jamais un tel record n'a été atteint dans notre pays, nous allons faire en 5 ans un million d'entreprises nouvelles grâce à cette dynamique, qui est en fait une dynamique d'accompagnement et une dynamique d'anticipation, le projet avant la création, l'accompagnement après la création. Et ça, je dois dire que la logique de terrain qu'est la vôtre, la logique de service qu'est la vôtre était très utile, et l'implication des entrepreneurs sur le terrain a été essentielle. Je voudrais aussi vous remercier pour la manière non idéologique, pragmatique, pour laquelle vous défendez des actions qui sont utiles à l'intérêt général. C'est ce qui s'est passé sur les 35 heures, le débat des 35 heures a été un débat difficile dans notre pays, parce que c'était un débat politique, crispé, idéologique. Nous avons pu sortir de ce débat idéologique par le pragmatisme, par les assouplissements et par la nécessité de revaloriser le travail, et de pouvoir convaincre que dans notre pays, celui qui veut gagner plus doit pouvoir travailler plus, car c'est en travaillant plus qu'on gagne plus. Et cette logique de travail, elle est très importante. Nous ne pouvons pas, pour l'avenir, défendre le modèle social auquel nous sommes attachés sans créer des richesses. Notre modèle social exigera des progrès sociaux, on ne pourra pas générer de progrès sociaux sans progrès de la création de richesse, on ne peut pas générer le social sans le travail, et c'est ensemble que ces deux valeurs doivent se développer de manière parallèle, coordonnée. Et c'est un élément très important, notamment quand je pense à la journée nationale de solidarité, je crois qu'il y a là un message fort pour les Françaises et les Français. Nous sommes un pays qui vieillit, nous sommes un pays qui doit investir pour que le fait que la mort recule, c'est un bonheur pour la société. Il y a tant de médecins, il y a tant de chercheurs, il y a tant d'infirmières, il y a tant d'aides-soignantes qui se battent pour faire reculer les limites de la mort, il faut que ce temps gagné soit du temps de bonheur, soit du temps de vie. Pour cela, il nous faut des équipements, il nous faut des moyens, et pour toutes les personnes lourdement handicapées, il nous faut leur donner ce droit à la compensation. Et tout cela, naturellement sur un rythme de 2 milliards d'euros par an, tout ceci nous ne pouvons que le financer par un effort de fraternité, de solidarité. La société toute entière mobilisée pour elle-même, mobilisée pour son avenir. Et c'est je crois très important d'avoir cette vision-là, notre modèle social doit pouvoir continuer à progresser, mais il ne peut progresser que si ensemble, nous comprenons que par le travail et par la solidarité, nous sommes capables de le faire progresser. Ensemble, nous avons je crois fait bouger cette idée du travail, il faut la faire bouger parce que dans le monde aujourd'hui, beaucoup de peuples ont compris que c'était par le travail qu'ils pouvaient conquérir et leur liberté et leur épanouissement. Alors après ces messages de gratitude, je voudrais vous dire que vous trouverez l'Etat à vos côtés, car nous avons une vision claire de ce que doit être le rôle des Chambres de Commerce et d'Industrie. D'abord, vous devez avoir cette double culture, cette culture de l'établissement public, c'est-à-dire la culture de ceux qui sont en charge de l'intérêt général, et c'est un élément très important de votre mission. Vous n'êtes pas syndicats professionnels, vous êtes l'intérêt général. Et parce que l'entreprise est une valeur d'intérêt général, le lien entre l'entreprise et le territoire sont des valeurs d'intérêt général. C'est pour ça que vous avez des missions de service public, c'est pour ça que l'Etat a besoin de vous dans le pluralisme des acteurs, sur le terrain, au nom du développement économique et social de nos territoires. Je pense que ce rôle d'intermédiaire qui est le vôtre, entre les entreprises et le territoire, entre l'action nationale et l'action locale, entre les différents départements, les différents territoires, vos différents espaces d'action, toute cette solidarité-là elle est essentielle pour les chefs d'entreprise. C'est pour ça que je suis opposé à la logique qui consiste à toujours vouloir remettre en cause le rôle des intermédiaires. C'est en mettant en cause le rôle des intermédiaires, qu'on isole les individus. La société sera toujours complexe, et de plus en plus complexe car l'homme, comme l'entreprise, peut être reconnu pour ce qu'il est, avec sa différence, avec sa spécificité, avec son identité, et donc il ne veut pas l'amalgame, il ne veut pas être mêlé sans être reconnu. Et tous ceux qui demandent cette identité spécifique demandent forcément de la complexité, pour que chacun puisse avoir sa place. Que l'entreprise de 10 salariés ne soit pas traitée comme l'entreprise de 50, comme l'entreprise de 80, elle n'a pas toujours les mêmes problèmes, elle veut avoir une autre écoute, qu'elle soit artisanale ou qu'elle soit commerciale, qu'elle soit industrielle ou de services, chacun a besoin qu'on reconnaisse la spécificité de son métier, de son action, de ses problèmes. Et cette qualité d'écoute qui passe par la reconnaissance de la spécificité, elle demande des intermédiaires, car les grandes machines nationales sont... elles broient les identités, elles broient très souvent les différences, et à ce moment-là, elles isolent les personnes, et notamment les acteurs économiques. Et je suis préoccupé de voir que dans une société comme la nôtre, la complexité est grandissante, et malgré les efforts des uns et des autres, je compte beaucoup sur les efforts de l'économie numérique pour avoir des processus d'administration ou de gestion plus simple. Malgré cela il faudra toujours un contact humain, une relation humaine par laquelle passe la véritable simplification, la véritable écoute. C'est pour ça que de vouloir shunter, court-circuiter les corps intermédiaires, c'est en fait conduire à l'isolement des acteurs. Et ce qui est la grande fragilité de notre pays, c'est quelques fois de se prendre pour une société de communication, une société qui serait une société de grande cohésion, et pourtant une société qui développe de multiples solitudes, chez le citoyen comme chez l'entrepreneur. Et l'entrepreneur qui est dans son atelier, qui est dans son usine, qui est dans son usine souvent beaucoup plus de 35 heures par semaine, il n'a pas forcément le temps d'être ouvert sur l'extérieur, d'avoir le contact avec l'extérieur. Et c'est pour ça que la Chambre, par ses réseaux, par ses visites, par ses contacts, peut venir conforter l'énergie d'une personne toute entière mobilisée sur les résultats de son action. C'est pour ça que je souhaite vraiment que vous puissiez avoir un rôle, notamment dans le processus de décentralisation. Je ne souhaite pas que les collectivités territoriales participent à l'organisation décentralisée de la République, sans tenir compte du fait consulaire, sans tenir compte de l'organisation représentative des entreprises, que ce soit dans le domaine du commerce et de l'industrie, dans le domaine de l'artisanat ou dans le domaine de l'agriculture. C'est pour cela qu'on vous donne une place dans le processus de décentralisation, pour que les collectivités territoriales qui jouent un rôle économique, puissent le jouer avec vous, représentants des employeurs, représentants des entrepreneurs, représentants des entreprises. Et c'est un élément essentiel, non seulement sur la formation, mais sur l'ensemble des données qui font le développement économique. Il y a un sujet sur lequel nous sommes très mobilisés, et sur lequel je vous demande de vous mobiliser.
Je sais qu'un grand nombre d'entre-vous sont déjà très acteurs sur un grand nombre de projets en France, ce sont les pôles de compétitivité. Les pôles de compétitivité nous sont aujourd'hui imposés par une économie mondiale, qui fait de la compétitivité la règle première. Il faut que dans nos territoires, on puisse construire des synergies avec la recherche, avec l'industrie, avec les services, avec les centres de formation, avec les collectivités territoriales, avec tout le savoir qui peut servir le développement économique. Dans ces pôles de compétitivité, que l'Etat va valider pour soutenir cette dynamique, il faut que vous soyez présents à la fois par toute votre expérience en matière de formation, de transfert de technologie, d'innovation, mais aussi comme un lien entre l'activité économique et le territoire et les différents partenaires, qu'ils soient publics, les services de l'Etat, ou que ce soit ceux des collectivités territoriales. Il y a là vraiment une dynamique importante, et nous avons besoin de votre action dans cette dynamique nouvelle des territoires que sont les pôles de compétitivité. Avec la loi de C. Jacob, vous aurez la possibilité de pouvoir intervenir dans l'ensemble de ces domaines de l'action économique d'aujourd'hui, mais surtout de demain. Le président a parlé de la carte, nous n'avons pas un objectif quantitatif, nous avons des souhaits de cohérence.
Mais lui comme moi connaissons suffisamment la France, ses départements, ses arrondissements, ses structures, pour savoir qu'il y a des bassins d'emploi qui ont des légitimités, d'autres qui peuvent aller chercher leur cohérence à l'extérieur. Il faut donc exprimer là plutôt l'esprit de finesse que l'esprit de géométrie. Et donc, il faut le faire avec cette capacité de rechercher la cohérence en tenant compte de l'identité des bassins. Et je connais précisément des exemples pour lesquels je pense qu'il peut y avoir des progrès par le rapprochement, et d'autres pour lesquels il y a des progrès par l'identité et par l'enracinement. N'appliquons pas à un mouvement qui est par nécessité proche du terrain des logiques qui seraient des logiques brutales et qui ne tiendraient pas compte de cette spécificité territoriale. On peut être petit et très actif ; on peut être lourd et être quelque peu embourbé : tout dépend de l'organisation que nous avons. Il est important de faire en sorte que votre mouvement gagne en efficacité, notamment par la remontée des réseaux, par cette accumulation de savoir, par votre capacité nationale d'intervenir, votre capacité régionale de bâtir les schémas qui sont prévus, mais aussi la capacité à représenter les territoires et à pouvoir être à l'image des territoires correspondant à leur propre identité.
Voilà pourquoi vous n'avez pas à être inquiets des réformes qui vous sont proposées. Je sais que le Président, qui est toujours particulièrement vigilant, avant même d'avoir mal, essaie de nous pousser un léger petit cri pour attirer notre attention. Alors, j'ai bien entendu le cri léger osé sur la réforme de la taxe professionnelle. J'ai bien compris que vous ne souhaitez pas une dotation. Pour être très franc, moi non plus. Je ne suis pas sûr d'ailleurs de savoir comment je ferai. Donc, je veux vous rassurez, avec clarté. Il n'a jamais été envisagé de passer à un système de dotation budgétaire. Je veillerai personnellement à ce que les CCI conservent un financement sous forme de taxe fiscale additionnelle, afin de continuer à bénéficier des assouplissements ouverts en loi de finances rectificative pour 2004. Vous devez rendre des comptes à vos électeurs sur l'utilisation de l'impôt qui finance vos établissements. C'est un système qui est responsabilisant et c'est pour cela que je souhaite que vous ayez cette capacité responsabilisante qui vous permet d'avoir cette liberté de parole et de ne pas hésiter, de temps en temps, à dire qu'une collectivité territoriale à côté de vous augmente les impôts un peu fort, alors que la décentralisation ne lui coûte encore rien. Cela ne fait pas de mal que les entreprises puissent expliquer ce genre de système, que ce qu'ils n'ont pas encore compris, ceux qui se lancent dans ces initiatives, c'est que, souvent, les territoires ont des fragilités et que ce n'est pas en aspirant leur richesse pour les mettre dans l'organisation territoriale qu'ont enrichi le territoire. On enrichit le territoire par la création de richesses, par des capacités d'attractivité et je ne crois pas que l'impôt soit le meilleur des arguments en matière d'attractivité. Et je pense qu'il faut être particulièrement vigilant quand, dans le monde d'aujourd'hui, l'ensemble des territoires sont en compétition et que les ensembles des attractivités sont observés à la loupe et que les taux de fiscalité font partie de cette attractivité.
Voilà pourquoi, cher Président, dans l'ensemble de cette réforme, vous n'avez pas à être inquiet. Je souhaite vraiment que vous vous impliquiez avec le sens des responsabilités, comme vous l'avez fait en matière commerciale quand on a souhaité que, avec les commissions départementales, vous ayez une vraie responsabilité, avec une capacité de choix, avec une capacité de responsabilité. Vous avez une assemblée, vous avez un bureau, vous pouvez prendre des décisions. C'est cela la subsidiarité. Ce qui est très important pour nous, pouvoirs publics, c'est que vous puissiez prendre des décisions et apporter des délibérations. E c'est cela qui compte pour l'ensemble de notre organisation administrative. C'est d'avoir des partenaires représentatifs capables de décider dans leur domaine de compétences. C'est pour cela que le fait consulaire à notre organisation décentralisée. À côté des régions, à côté des départements, vous avez votre place pour participer à la démocratie. Vous avez été les oubliés de l'acte I de la décentralisation, vous ne serez pas les oubliés de l'acte II de la décentralisation, parce que ce serait quelque chose d'absurde, aujourd'hui, d'oublier les entreprises quand la priorité nationale est naturellement l'emploi.
Je voudrais donc vous dire que, pour cette dynamique de l'emploi, le pays a besoin de vous, besoin de votre mobilisation. Je sais que vous êtes déjà très engagés dans différentes politiques - je le disais sur la formation. Je vous demande de vous mobiliser avec les nouveaux dispositifs que nous engageons sur l'apprentissage. Je crois vraiment que l'apprentissage et l'alternance sont des politiques essentielles pour l'insertion des jeunes. Nous avons là un formidable potentiel d'insertion professionnelle, non seulement par l'apprentissage mais à tous les niveaux de qualification par l'alternance, pour permettre au jeune d'entrer dans l'entreprise, en même temps qu'il développe sa formation et sa qualification. Nous avons des objectifs nationaux de grande ampleur. Nous voulons passer de 350 000 apprentis à 500 000 apprentis. C'est un cap important, c'est un changement d'échelle essentiel que nous voulons développer. Nous vous savons engagés sur ces sujets, mais je crois vraiment que notre pays a du retard sur cette question-là. Et vous pouvez nous aider à rattraper ce retard. Et l'emploi qui est construit à l'issue d'un contrat d'apprentissage, qui est lui-même un contrat de travail, est un emploi plus solide, parce que c'est un emploi qualifié avec un jeune qui connaît l'entreprise, une entreprise qui connaît le jeune. Et il y a là cette compréhension mutuelle qui stabilise l'emploi et qui est, je crois, une chance de réussite.
Nous avons une compétition internationale, aujourd'hui, qui retarde les résultats que nous attendons de notre économie, qui retarde de quelque peu mais qui retarde. Nous avons une forte pression internationale avec l'émergence des grandes puissances, notamment celles qui sont rentrées dans l'OMC, comme nous le voyons régulièrement en ce moment avec la Chine et le textile par exemple. Mais dans bien d'autres domaines, nous voyons que l'émergence de ces puissances est particulièrement pour nous préoccupante. Naturellement, nous y avons intérêt quand nous y vendons des marchandises, mais nous sommes fragilisés quand nous importons les marchandises en provenance de ces pays. Nous avons là, donc, des sujets qui sont des grands sujets de préoccupation. Je veux dire que cette mondialisation est aujourd'hui en très rapide mouvement. Elle est en rapide mouvement, pourquoi ? Parce que, au fond, dans les continents, elle ne se développe pas avec un objectif majeur comme nous de cohésion sociale. Nous, nous cherchons, dans les vieux pays, dans les continents comme les Etats-Unis et encore plus le nôtre, le développement et la cohésion sociale. Mais aujourd'hui, un nouveau modèle de développement est en train des se développer partout dans le monde, c'est l'ultra-développement à côté de l'hyper-misère. C'est Bombay et c'est Bangalore, c'est Shanghai et c'est l'ouest de la Chine ou les régions du Nord-est. C'est-à-dire des pays qui ont d'extrêmes difficultés, mais à côté de cela, qui ont d'extrêmes puissances à l'intérieur d'un même pays. Et donc, vous avez des entreprises à haut niveau technologique, à grande capacité de performance, à capacité d'exportation très puissante ; à côté, des territoires particulièrement fragiles. Il fut un temps que les systèmes politiques trouvaient des solutions, ou plus exactement se trouvaient paralysées par ces équations. Aujourd'hui que le monde s'ouvre, les systèmes politiques font que on essaie de soigner la misère à Bombay, amis on développe les centres de recherche ou les centres d'appel à Bangalore. Et nous sommes là dans une nouvelle donne qui est très impressionnante quand on voit la dynamique de Shanghai, avec toutes les nouvelles technologies, avec une ville du XXIe siècle complètement inventée, avec le niveau d'excellence de toutes les technologies. Et donc, nous, nous disons que la compétition ne viendra pas seulement que sur les productions à bas coûts de salaires. Elle viendra aussi sur toutes les innovations, sur tout ce que sont les apports de technologies.
Donc, il nous faut rechercher, avec ces pays, un dialogue. Nous ne pouvons pas livrer la guerre des emplois. Nous devons rechercher l'équilibre des échanges. Et pour obtenir cet équilibre des échanges, c'est là, mon cher Président, que nous avons besoin de l'espace européen. Nous avons besoin de l'espace européen pour notre compétitivité, pour gagner la compétitivité avec nos 450 millions de consommateurs, pour être capable de donner à nos projets, à nos idées la force continentale qui équilibre les autres forces continentales. C'est la logique d'Airbus. Airbus, au fond : des ingénieurs français, des chercheurs français, des industriels français qui s'allient avec des Allemands, qui s'allient avec d'autres et qui, grâce à cette capacité française, cette alliance européenne, obtiennent une crédibilité mondiale. C'est la même chose avec ITER, avec cette énergie du XXIe siècle, cette énergie des étoiles : capacité reconnue des chercheurs français, alliance avec les Anglais, alliance avec d'autres Européens, crédibilité mondiale pour bâtir, à Cadarache, le centre de l'énergie du XXIe siècle. Nous avons besoin de cet espace européen pour donner à nos projets cette dimension continentale qui est la seule façon, pour nous, de pouvoir équilibrer la présence, dans l'économie internationale, de ces forces continentales. Ces forces continentales ne respecteront que les forces. Vous ne pourrez pas discuter avec la Chine pour l'économie mondiale dans les vingt ans qui viennent, les 25 pays européens de manière séparée. Pensez donc qu'aujourd'hui, dans notre échange de l'année 2004, l'Europe est le premier fournisseur de la Chine. Si nous parlons tous ensemble, là, nous aurons une vraie force pour obtenir des nos partenaires chinois des échanges équilibrés. Aujourd'hui, nos échanges sont déséquilibrés : nous importons plus que nous exportons. Et donc il faut plus exporter ; il faut rechercher l'équilibre. Oui au développement, mais un développement par des échanges équilibrés. Ces échanges équilibrés, quand on est le premier fournisseur l'Europe toute entière, nous ne pouvons les négocier que si nous les négocions l'Europe toute entière. C'est pour cela que nous avons besoin, dans cette économie de plus en plus continentale de donner à nos marchés, à nos entreprises, la capacité continentale. C'est un point, je pense, stratégique, qu'il est très important de développer. Au fond, dans l'économie mondiale aujourd'hui, nous avons deux grandes voies de développement : la compétitivité - pour atteindre la compétitivité, il nous faut la puissance - ; la puissance, nous avons besoin de l'Europe pour l'obtenir. Mais la puissance peut aussi se gagner par l'alliance, ce que font les chambres de commerce, avec Futuralia par exemple ou quelques autres initiatives pour lesquelles, au hasard, mais j'ai observé cela de temps en temps, mais cette capacité de mettre à des petites entreprises, de fait, de construire des réseaux. Donc, d'être petit avec son identité et intégrer un réseau européen, intégré à des réseaux. Cela, ce sont les logiques de compétitivité, les logiques d'innovation, les logiques de recherche, ce sont toutes les logiques, pour lesquelles nous avons à faire du développement.
Il y a aussi, et c'est très important, les logiques de proximité. Je pense que, au fond, dans cette économie continentale, intercontinentale, il nous faut nos stratégies de compétitivité. Pour cela, les entreprises et l'Etat ont des efforts très importants à faire, notamment l'Etat-stratège, pour le TVG, pour l'Airbus, pour Ariane, pour Galiléo, pour un grand nombre de produits qui sont des produits phares - je pense à ce qui se fait aujourd'hui dans l'environnement, par exemple. Nous avons des secteurs industriels stratégiques pour lesquels la France peut mettre sa puissance au sein de l'Europe pour aller obtenir des contrats et en obtenir avec les grands continents, que nous ayons des échanges équilibrés, et donc que nous puissions protéger nos emplois.
Et puis, à côté de la compétitivité, nous devons avoir la proximité. Parce qu'il y a tous ces emplois de proximité qui sont des emplois enracinés : proximité du marché européen - 450 millions de consommateurs -, mais aussi, proximité de logique territoriale. Le marché, l'ensemble du territoire, la proximité, les services à la personne, tout ce qui n'est pas très délocalisable, tout ce qui est, au fond, le besoin relationnel. Et c'est un élément très important.
Quand je vois l'évolution du chômage au début de cette année : nous avons une décélération de l'augmentation du chômage, puisque nous étions à peu près à 30 000 chômeurs de plus en janvier, à peu près à 12 000 en février, et à 6 000 en mars. Quand je vois cette décélération avec un taux qui se divise par deux tous les mois, je dis que nous pouvons être sur la bonne voie. Mais je vois par ailleurs les offres d'emplois qui augmentent : 273 000 offres d'emplois déposées non satisfaites - + 6 % - ; nous avons sur le dernier mois, le mois de mars, une augmentation du chômage de 0,3 et une augmentation de 6 % des offres d'emplois non satisfaites. Là, il y a vraiment une adaptation sur le terrain et vous avez une logique de proximité à développer, faire en sorte que, par la formation, par l'insertion, vous puissiez adapter de mieux en mieux ce qui pourra être l'offre et la demande d'emploi. Alors, nous avons dans le service public de l'emploi des réformes à faire. Nous avons naturellement un certain nombre d'initiatives pour inciter les gens à plutôt vivre des revenus du travail plutôt que des revenus de l'assistance.
Mais nous avons aussi à travailler ensemble. Comment répondre à ces offres d'emplois non satisfaites qui sont vraiment, dans notre pays, un problème majeur. Je pense notamment au bâtiment avec tout ce que nous allons construire dans les mois qui viennent, avec la politique de logement qui a été très fortement relancée dans notre pays. Là, nous avons des efforts de formation qui sont des efforts considérables à développer.
C'est pour cela que je suis vraiment très motivé pour travailler avec vous sur cette adaptation de l'emploi, parce que, vous voyez que, un taux de chômage qui passe d'un mois de 10,14 à 10,17, c'est beaucoup trop ! Mais des offres d'emplois non satisfaites qui passent, elles, de + 6 % à 273 000, c'est un problème pour notre société. Et là, nous avons des réserves potentielles. Et cela dépend de nous et de notre travail sur le terrain et de votre capacité à assumer là votre service public dans l'action territoriale.
Voilà pourquoi je vous disais que nous avons besoin de vous, à la fois, sur ce qu'est aujourd'hui la recherche de compétitivité et aussi ce qui est la recherche de la proximité.
Je terminerai comme le Président, en vous parlant un peu d'Europe. Non pas pour vous inciter à voter, vous êtes assez grands pour savoir ce que vous avez à voter. Mais simplement, et à titre tout à fait personnel, au cas où cela vous aurait échappé, vous faire part de ma conviction... Je voudrais vous dire que nous avons besoin aujourd'hui de cette force européenne pour équilibrer le monde. Et quand on parle aujourd'hui d'emploi", sachons que, si nous n'avons pas la force continentale nous ne pourrons pas équilibrer les autres forces continentales qui ont besoin, non pas qu'on leur fasse la guerre, mais que l'on équilibre les échanges. Et on équilibre que par des rapports de forces équilibrées. Et si nous avons un vote de faiblesse, si l'Europe exprime à un moment ou à un autre sa propre faiblesse, elle ne sera pas autour de la table capable d'assumer son rapport de forces. C'est cela ce dont nous avons besoin. Nous en avons besoin au plan économique, nous en avons aussi besoin au plan politique. La génération de mes parents a fait l'Europe, a construit l'Europe pour faire la paix. La paix à l'intérieur de nos frontières.
Je suis convaincu que, aujourd'hui, la génération qui est le mienne doit conforter l'Europe pour faire la paix à l'extérieur de nos frontières. La paix, pour éviter les guerres régionales qui, aujourd'hui, sont dangereuses. La paix, pour éviter ce développement du terrorisme qui se développe en même temps que la misère. La paix, pour que nous puissions ensemble prendre conscience que notre planète doit être protégée.
Ce sont toutes ces valeurs qui sont au cur de l'Europe. Alors, au fond, il y a 1 000 raisons de voter pour l'Europe, 1 000 raisons rationnelles de voter pour l'Europe, pour l'avenir, pour la petite fille qui, aujourd'hui, a dix ans, qui, dans huit ans, sera majeure pendant que ce Traité sera mature. Et donc, c'est à eux qu'il faut penser. C'est pour cela, au fond, que, au-delà de la raison, moi, mon vote européen, c'est d'abord le vote du cur. Et je souhaite que le 29 mai, la France ne ferme pas son cur à l'Europe.
Merci à vous tous."
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 mai 2005)