Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs
Il y aura bientôt cinquante-cinq ans, le 9 mai 1950, Robert Schuman proposait à l'Europe une méthode pour fonder la réconciliation ; une méthode pour, selon ses propres termes, "enlever à la guerre sa raison d'être, et supprimer jusqu'à la tentation de l'entreprendre".
Cette solidarité de fait, nous le savons, ne s'est pas établie rapidement, et moins encore spontanément. Mais à chaque fois que les Européens se sont entendus pour agir, c'est la démocratie, c'est la paix, la sécurité, la stabilité, la prospérité qui ont progressé sur notre continent.
Robert Schuman était, comme tous les visionnaires, un vrai réaliste. Le chemin parcouru depuis quelques années par les pays des Balkans témoigne de la justesse de son message et de son actualité.
Souvenons-nous ! Il y a moins de quinze ans, une guerre sans nom faisait, sur notre continent, plus de 200.000 morts. C'était hier, en Europe, à deux heures d'avion de Paris. Cette année marquera, d'ailleurs, le 10ème anniversaire de la signature des accords de Dayton-Paris, et nous pouvons mesurer, à cette occasion, le chemin parcouru et les leçons qui ont été tirées.
Lors des négociations du Traité d'Amsterdam, je me suis battu pour la création du premier outil de Haut représentant qu'anime aujourd'hui Javier Solana puis, lors de la Convention, pour le poste de ministre européen des Affaires étrangères qui disposera à la fois des moyens de la Commission et des outils du Conseil.
Car aujourd'hui, c'est un grand espoir, celui de l'Europe, qui anime les peuples des Balkans occidentaux. Il reste naturellement encore beaucoup à faire, mais après presque un an à la tête de la diplomatie française, et déjà trois visites dans la région, j'ai acquis la conviction que le temps des conflits est révolu.
Sur ce chemin vers la stabilité, les pays des Balkans peuvent compter sur le soutien sans faille de l'Union européenne : oui, nous continuerons de soutenir le choix européen des Balkans, ce choix qui est leur avenir mais aussi le nôtre, celui de la réconciliation, de la sécurité et de la paix.
Je reviendrai donc :
- d'abord sur le phénomène majeur que constitue la montée en puissance de l'Europe dans les Balkans ;
- avant d'insister sur la vocation européenne légitime des pays de la région ;
- puis d'identifier les défis qu'il nous reste, tous ensemble, et dans ce nouvel état d'esprit, à relever.
Un engagement approfondi et durable de l'Union européenne dans les Balkans
Nous vivons toujours avec ce terrible sentiment d'échec et d'impuissance vis-à-vis des conflits de Croatie et Bosnie du début des années 90. L'engagement européen existait pourtant dès cette époque, mais en ordre dispersé, sans vision stratégique de notre intérêt commun, sans avoir eu la capacité d'anticiper préalablement que la Yougoslavie allait exploser.
Ce qui a considérablement changé, c'est que l'Union européenne a pris, dans les Balkans, en tant que telle, une nouvelle dimension politique.
Elle n'est pas seulement un partenaire économique désincarné, même si elle reste le premier contributeur à la reconstruction et au développement de cette région. Pour la seule période 2000-2006, ce sont plus de 4,5 milliards d'euros qui ont été engagés dans le cadre du programme CARDS.
L'Union a une vision commune de l'avenir de cette région et se dote des instruments de plus en plus performants pour promouvoir cette vision.
Il me faut ainsi saluer le rôle fondamental du Haut-Représentant pour la PESC, Javier Solana, qui incarne, aux yeux des dirigeants et des peuples des Balkans, l'engagement politique fort de l'Europe, ainsi que celui de Chris Patten qui a été mon collègue pendant cinq années passées à la Commission européenne.
- Exemple du rôle décisif joué dans la résolution de la crise en Ancienne République yougoslave de Macédoine en 2001 : l'Union européenne, à travers ses envoyés spéciaux, dont deux Français, MM. François Léotard et Alain Leroy, a pleinement contribué à préserver la stabilité de ce pays et à lui ouvrir un avenir européen grâce à la signature des accords d'Ohrid.
Il s'agit d'un succès de la diplomatie préventive européenne, obtenu, il convient de le souligner, en parfaite harmonie avec nos partenaires américains.
Aujourd'hui, le temps de la crise passé, c'est une mission de police exclusivement européenne, PROXIMA, qui contribue au maintien de la stabilité du pays, et l'Union européenne utilise tous les instruments politiques et économiques dont elle dispose pour favoriser le processus d'intégration de l'ARYM - signature d'un accord de stabilisation et d'association - ASA - en 2004.
- L'autre exemple fort de la montée en puissance politique de l'Union européenne est la Bosnie-Herzégovine : l'Union européenne y assume des responsabilités de police, mais surtout des responsabilités militaires ; elle dirige depuis quelques mois, dans le cadre de l'opération ALTHEA, une force de 7.000 hommes qui ont relevé les troupes de l'OTAN, présentes sur le terrain depuis la fin du conflit, il y a dix ans. Responsabilités politiques enfin, puisque le Haut-Représentant de la communauté internationale, Paddy Ashdown, est également le représentant spécial de l'Union européenne.
La vocation européenne des Balkans
La question n'est pas de savoir si les pays des Balkans sont ou ne sont pas européens : ils le sont, sans ambiguïté. La question qui nous est posée est bien de définir quand et comment ils rejoindront les autres membres de la famille européenne et seront intégrés à l'Union européenne.
- La vocation européenne des pays des Balkans a été clairement affirmée en novembre 2000, lors de la Conférence de Zagreb, réunie à l'initiative du président de la République et sous présidence française de l'Union européenne ; ce message a été répété en juin 2003, au cours du Sommet de Thessalonique, qui a également précisé les modalités selon lesquelles les pays des Balkans pourraient rejoindre l'Union.
- En ouvrant leur dialogue avec l'Union, les pays des Balkans se sont engagés à adopter un ensemble de normes qui font de l'Europe non seulement un espace de prospérité partagée, un grand marché avec des règles - l'acquis communautaire n'est pas un vain mot - mais aussi et surtout une communauté de valeurs, où l'Etat de droit, les libertés individuelles et les Droits de l'Homme sont pleinement garantis. On n'entre pas dans l'Union européenne parce qu'on a envie d'y entrer. Il faut prendre en charge des engagements : il n'y aura aucun raccourci ou de complaisance pour ces pays.
- Le parcours de la Croatie constitue à cet égard un exemple pour les pays de la région. Il démontre que ces normes, pour être exigeantes, ne font pas pour autant de l'Europe une illusion lointaine, dès lors qu'il existe dans le pays candidat une détermination à mener une politique de réformes courageuses. Notamment, parmi ces efforts figure la coopération totale avec le Tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie, de ce point de vue, la Croatie doit encore satisfaire à une condition importante, sur laquelle nul ne peut transiger, avant d'entamer les négociations d'adhésion. Le chemin accompli en quelques années est déjà très impressionnant, nul doute qu'il sera mené à son terme rapidement.
L'exemple de la Croatie doit être l'exemple pour l'ensemble des pays de la région.
Les difficultés à résoudre
Des progrès notables sont intervenus dans tous les pays de la région. Mais il s'agit aujourd'hui d'aller plus loin, car vouloir entrer dans l'Union n'est pas une simple formalité. C'est un engagement politique fondamental, obligeant à des réformes qui ne le sont pas moins.
De même, l'Europe n'est pas, et n'a jamais été, une solution miracle, qui, d'elle-même, ferait disparaître tous les problèmes de la région. L'héritage est en effet très lourd, et il ne s'agit pas d'en minimiser l'impact.
- Rejoindre la famille européenne, c'est d'abord en effet en adopter ses valeurs, consolider la pratique démocratique, asseoir l'Etat de droit. C'est pourquoi nous attachons une telle importance à l'exigence de poursuivre les criminels de guerre dans une totale coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Des progrès significatifs doivent être salués, notamment la reddition volontaire ces dernières semaines de M. Haradinaj ainsi que de plusieurs officiers Serbes, Bosno-Serbes et Bosniaques, mais le processus doit se poursuivre sans ambiguïté.
- Rejoindre la famille européenne, c'est aussi faire reculer la corruption et la criminalité organisée, qui est une menace pour ces pays mais aussi pour les nôtres.
Concernant la stabilité et l'équilibre régional, sur lesquels nous travaillons beaucoup, une question centrale, non encore résolue, continue de peser sur l'avenir de la région : je veux parler, bien sûr, du statut du Kosovo.
- Dans ce domaine également, l'Union européenne s'est engagée sans compter pour soutenir un processus politique ambitieux, qui apporte stabilité et perspectives réalistes à cette Province.
Je veux saluer, à ce titre, le travail accompli par le Représentant spécial de Kofi Annan, M. Soren Jessen-Petersen, et le commandant français de la KFOR, le Général Yves de Kermabon.
- Des développements majeurs dans le débat sur le futur statut du Kosovo vont intervenir durant l'année 2005, sous réserve que de réels progrès soient réalisés dans la mise en oeuvre des normes essentielles, celles qui permettront à la population du Kosovo de bénéficier des garanties communes à toutes les sociétés démocratiques.
Nous attendons des résultats significatifs dans ce domaine, en particulier sur la question des droits des minorités, sur leur sécurité, sur la protection de leur patrimoine religieux et culturel et leurs conditions d'existence ; mais aussi des résultats concrets sur la question de la décentralisation.
Le débat qui s'engagera alors devra être à la fois réaliste et respectueux des intérêts de chacun. Il est encore trop tôt, à ce stade, pour privilégier telle ou telle option.
Nous nous sommes toutefois prononcés, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union, contre un retour à la situation qui prévalait avant 1999. C'est un point clair et unanime. Il me semble également important, dès à présent, de ne pas retenir des options basées sur des découpages ethniques aléatoires, dont on voit bien la menace qu'il ferait peser sur la stabilité régionale. Il existe deux bornes précises : pas de retour à la situation d'avant 1999 et pas de partition ethnique.
Dans la perspectives de ces futures négociations, nous attendons des parties qu'elles adoptent une attitude responsable et constructive. Mais tout porte à croire que la présence de la communauté internationale sur le terrain - présence militaire, politique et économique - continuera de s'imposer pour garantir et accompagner le processus de rapprochement du Kosovo vers l'Union européenne.
Nul doute, enfin, que la façon dont sera abordée et résolue la question du statut du Kosovo aura une forte influence sur le processus de rapprochement de la Serbie-et-Monténégro avec l'Union européenne.
- La période de transition démocratique qui s'est ouverte en 2000 n'est pas encore achevée et des difficultés profondes existent encore pour dépasser l'héritage nationaliste persistent. Mais je veux croire que la Serbie, qui conserve, de par l'histoire, la géographie et sa démographie, une place centrale dans la région, trouvera dans l'espoir de rejoindre l'Europe les ressources nécessaires à son évolution. Cette chance, il revient à la Serbie de la saisir et de la construire.
Conclusion
Aujourd'hui, après trois déplacements dans la région, j'ai la conviction que les Balkans et l'Europe sont engagés dans un processus irréversible de rapprochement.
Pour les pays des Balkans, choisir l'Europe, aujourd'hui, est moins une lointaine perspective qu'un objectif précis. Des résultats sont désormais visibles ; des efforts sont entrepris, qui doivent être poursuivis et approfondis.
Je dois enfin, à l'heure où se développent des débats passionnés sur les frontières de l'Europe, insister sur ma conviction que l'Europe a également besoin des Balkans ; ils sont au coeur de l'espace européen, entourés de pays adhérents ou en voie d'adhésion. Ils constituent un chaînon manquant et pourtant évident dans la continuité géopolitique de notre continent. L'Union européenne n'est pas une entité statique, repliée sur elle-même, mais bien un projet dynamique, dans lequel ces pays trouveront, avec notre soutien, la place qui leur revient.
Il faut comprendre que le projet européen n'a jamais effacé les identités nationales. Nous travaillons à une Europe unie, pas uniforme. Cette aspiration européenne doit réduire le réflexe nationaliste
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mars 2005)
Mesdames, Messieurs
Il y aura bientôt cinquante-cinq ans, le 9 mai 1950, Robert Schuman proposait à l'Europe une méthode pour fonder la réconciliation ; une méthode pour, selon ses propres termes, "enlever à la guerre sa raison d'être, et supprimer jusqu'à la tentation de l'entreprendre".
Cette solidarité de fait, nous le savons, ne s'est pas établie rapidement, et moins encore spontanément. Mais à chaque fois que les Européens se sont entendus pour agir, c'est la démocratie, c'est la paix, la sécurité, la stabilité, la prospérité qui ont progressé sur notre continent.
Robert Schuman était, comme tous les visionnaires, un vrai réaliste. Le chemin parcouru depuis quelques années par les pays des Balkans témoigne de la justesse de son message et de son actualité.
Souvenons-nous ! Il y a moins de quinze ans, une guerre sans nom faisait, sur notre continent, plus de 200.000 morts. C'était hier, en Europe, à deux heures d'avion de Paris. Cette année marquera, d'ailleurs, le 10ème anniversaire de la signature des accords de Dayton-Paris, et nous pouvons mesurer, à cette occasion, le chemin parcouru et les leçons qui ont été tirées.
Lors des négociations du Traité d'Amsterdam, je me suis battu pour la création du premier outil de Haut représentant qu'anime aujourd'hui Javier Solana puis, lors de la Convention, pour le poste de ministre européen des Affaires étrangères qui disposera à la fois des moyens de la Commission et des outils du Conseil.
Car aujourd'hui, c'est un grand espoir, celui de l'Europe, qui anime les peuples des Balkans occidentaux. Il reste naturellement encore beaucoup à faire, mais après presque un an à la tête de la diplomatie française, et déjà trois visites dans la région, j'ai acquis la conviction que le temps des conflits est révolu.
Sur ce chemin vers la stabilité, les pays des Balkans peuvent compter sur le soutien sans faille de l'Union européenne : oui, nous continuerons de soutenir le choix européen des Balkans, ce choix qui est leur avenir mais aussi le nôtre, celui de la réconciliation, de la sécurité et de la paix.
Je reviendrai donc :
- d'abord sur le phénomène majeur que constitue la montée en puissance de l'Europe dans les Balkans ;
- avant d'insister sur la vocation européenne légitime des pays de la région ;
- puis d'identifier les défis qu'il nous reste, tous ensemble, et dans ce nouvel état d'esprit, à relever.
Un engagement approfondi et durable de l'Union européenne dans les Balkans
Nous vivons toujours avec ce terrible sentiment d'échec et d'impuissance vis-à-vis des conflits de Croatie et Bosnie du début des années 90. L'engagement européen existait pourtant dès cette époque, mais en ordre dispersé, sans vision stratégique de notre intérêt commun, sans avoir eu la capacité d'anticiper préalablement que la Yougoslavie allait exploser.
Ce qui a considérablement changé, c'est que l'Union européenne a pris, dans les Balkans, en tant que telle, une nouvelle dimension politique.
Elle n'est pas seulement un partenaire économique désincarné, même si elle reste le premier contributeur à la reconstruction et au développement de cette région. Pour la seule période 2000-2006, ce sont plus de 4,5 milliards d'euros qui ont été engagés dans le cadre du programme CARDS.
L'Union a une vision commune de l'avenir de cette région et se dote des instruments de plus en plus performants pour promouvoir cette vision.
Il me faut ainsi saluer le rôle fondamental du Haut-Représentant pour la PESC, Javier Solana, qui incarne, aux yeux des dirigeants et des peuples des Balkans, l'engagement politique fort de l'Europe, ainsi que celui de Chris Patten qui a été mon collègue pendant cinq années passées à la Commission européenne.
- Exemple du rôle décisif joué dans la résolution de la crise en Ancienne République yougoslave de Macédoine en 2001 : l'Union européenne, à travers ses envoyés spéciaux, dont deux Français, MM. François Léotard et Alain Leroy, a pleinement contribué à préserver la stabilité de ce pays et à lui ouvrir un avenir européen grâce à la signature des accords d'Ohrid.
Il s'agit d'un succès de la diplomatie préventive européenne, obtenu, il convient de le souligner, en parfaite harmonie avec nos partenaires américains.
Aujourd'hui, le temps de la crise passé, c'est une mission de police exclusivement européenne, PROXIMA, qui contribue au maintien de la stabilité du pays, et l'Union européenne utilise tous les instruments politiques et économiques dont elle dispose pour favoriser le processus d'intégration de l'ARYM - signature d'un accord de stabilisation et d'association - ASA - en 2004.
- L'autre exemple fort de la montée en puissance politique de l'Union européenne est la Bosnie-Herzégovine : l'Union européenne y assume des responsabilités de police, mais surtout des responsabilités militaires ; elle dirige depuis quelques mois, dans le cadre de l'opération ALTHEA, une force de 7.000 hommes qui ont relevé les troupes de l'OTAN, présentes sur le terrain depuis la fin du conflit, il y a dix ans. Responsabilités politiques enfin, puisque le Haut-Représentant de la communauté internationale, Paddy Ashdown, est également le représentant spécial de l'Union européenne.
La vocation européenne des Balkans
La question n'est pas de savoir si les pays des Balkans sont ou ne sont pas européens : ils le sont, sans ambiguïté. La question qui nous est posée est bien de définir quand et comment ils rejoindront les autres membres de la famille européenne et seront intégrés à l'Union européenne.
- La vocation européenne des pays des Balkans a été clairement affirmée en novembre 2000, lors de la Conférence de Zagreb, réunie à l'initiative du président de la République et sous présidence française de l'Union européenne ; ce message a été répété en juin 2003, au cours du Sommet de Thessalonique, qui a également précisé les modalités selon lesquelles les pays des Balkans pourraient rejoindre l'Union.
- En ouvrant leur dialogue avec l'Union, les pays des Balkans se sont engagés à adopter un ensemble de normes qui font de l'Europe non seulement un espace de prospérité partagée, un grand marché avec des règles - l'acquis communautaire n'est pas un vain mot - mais aussi et surtout une communauté de valeurs, où l'Etat de droit, les libertés individuelles et les Droits de l'Homme sont pleinement garantis. On n'entre pas dans l'Union européenne parce qu'on a envie d'y entrer. Il faut prendre en charge des engagements : il n'y aura aucun raccourci ou de complaisance pour ces pays.
- Le parcours de la Croatie constitue à cet égard un exemple pour les pays de la région. Il démontre que ces normes, pour être exigeantes, ne font pas pour autant de l'Europe une illusion lointaine, dès lors qu'il existe dans le pays candidat une détermination à mener une politique de réformes courageuses. Notamment, parmi ces efforts figure la coopération totale avec le Tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie, de ce point de vue, la Croatie doit encore satisfaire à une condition importante, sur laquelle nul ne peut transiger, avant d'entamer les négociations d'adhésion. Le chemin accompli en quelques années est déjà très impressionnant, nul doute qu'il sera mené à son terme rapidement.
L'exemple de la Croatie doit être l'exemple pour l'ensemble des pays de la région.
Les difficultés à résoudre
Des progrès notables sont intervenus dans tous les pays de la région. Mais il s'agit aujourd'hui d'aller plus loin, car vouloir entrer dans l'Union n'est pas une simple formalité. C'est un engagement politique fondamental, obligeant à des réformes qui ne le sont pas moins.
De même, l'Europe n'est pas, et n'a jamais été, une solution miracle, qui, d'elle-même, ferait disparaître tous les problèmes de la région. L'héritage est en effet très lourd, et il ne s'agit pas d'en minimiser l'impact.
- Rejoindre la famille européenne, c'est d'abord en effet en adopter ses valeurs, consolider la pratique démocratique, asseoir l'Etat de droit. C'est pourquoi nous attachons une telle importance à l'exigence de poursuivre les criminels de guerre dans une totale coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Des progrès significatifs doivent être salués, notamment la reddition volontaire ces dernières semaines de M. Haradinaj ainsi que de plusieurs officiers Serbes, Bosno-Serbes et Bosniaques, mais le processus doit se poursuivre sans ambiguïté.
- Rejoindre la famille européenne, c'est aussi faire reculer la corruption et la criminalité organisée, qui est une menace pour ces pays mais aussi pour les nôtres.
Concernant la stabilité et l'équilibre régional, sur lesquels nous travaillons beaucoup, une question centrale, non encore résolue, continue de peser sur l'avenir de la région : je veux parler, bien sûr, du statut du Kosovo.
- Dans ce domaine également, l'Union européenne s'est engagée sans compter pour soutenir un processus politique ambitieux, qui apporte stabilité et perspectives réalistes à cette Province.
Je veux saluer, à ce titre, le travail accompli par le Représentant spécial de Kofi Annan, M. Soren Jessen-Petersen, et le commandant français de la KFOR, le Général Yves de Kermabon.
- Des développements majeurs dans le débat sur le futur statut du Kosovo vont intervenir durant l'année 2005, sous réserve que de réels progrès soient réalisés dans la mise en oeuvre des normes essentielles, celles qui permettront à la population du Kosovo de bénéficier des garanties communes à toutes les sociétés démocratiques.
Nous attendons des résultats significatifs dans ce domaine, en particulier sur la question des droits des minorités, sur leur sécurité, sur la protection de leur patrimoine religieux et culturel et leurs conditions d'existence ; mais aussi des résultats concrets sur la question de la décentralisation.
Le débat qui s'engagera alors devra être à la fois réaliste et respectueux des intérêts de chacun. Il est encore trop tôt, à ce stade, pour privilégier telle ou telle option.
Nous nous sommes toutefois prononcés, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union, contre un retour à la situation qui prévalait avant 1999. C'est un point clair et unanime. Il me semble également important, dès à présent, de ne pas retenir des options basées sur des découpages ethniques aléatoires, dont on voit bien la menace qu'il ferait peser sur la stabilité régionale. Il existe deux bornes précises : pas de retour à la situation d'avant 1999 et pas de partition ethnique.
Dans la perspectives de ces futures négociations, nous attendons des parties qu'elles adoptent une attitude responsable et constructive. Mais tout porte à croire que la présence de la communauté internationale sur le terrain - présence militaire, politique et économique - continuera de s'imposer pour garantir et accompagner le processus de rapprochement du Kosovo vers l'Union européenne.
Nul doute, enfin, que la façon dont sera abordée et résolue la question du statut du Kosovo aura une forte influence sur le processus de rapprochement de la Serbie-et-Monténégro avec l'Union européenne.
- La période de transition démocratique qui s'est ouverte en 2000 n'est pas encore achevée et des difficultés profondes existent encore pour dépasser l'héritage nationaliste persistent. Mais je veux croire que la Serbie, qui conserve, de par l'histoire, la géographie et sa démographie, une place centrale dans la région, trouvera dans l'espoir de rejoindre l'Europe les ressources nécessaires à son évolution. Cette chance, il revient à la Serbie de la saisir et de la construire.
Conclusion
Aujourd'hui, après trois déplacements dans la région, j'ai la conviction que les Balkans et l'Europe sont engagés dans un processus irréversible de rapprochement.
Pour les pays des Balkans, choisir l'Europe, aujourd'hui, est moins une lointaine perspective qu'un objectif précis. Des résultats sont désormais visibles ; des efforts sont entrepris, qui doivent être poursuivis et approfondis.
Je dois enfin, à l'heure où se développent des débats passionnés sur les frontières de l'Europe, insister sur ma conviction que l'Europe a également besoin des Balkans ; ils sont au coeur de l'espace européen, entourés de pays adhérents ou en voie d'adhésion. Ils constituent un chaînon manquant et pourtant évident dans la continuité géopolitique de notre continent. L'Union européenne n'est pas une entité statique, repliée sur elle-même, mais bien un projet dynamique, dans lequel ces pays trouveront, avec notre soutien, la place qui leur revient.
Il faut comprendre que le projet européen n'a jamais effacé les identités nationales. Nous travaillons à une Europe unie, pas uniforme. Cette aspiration européenne doit réduire le réflexe nationaliste
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mars 2005)