Texte intégral
Qui arrive encore à imaginer qu'il y a à peine plus de soixante ans nous étions en guerre contre l'Italie ? Qui pouvait penser, en assistant aux épreuves de patinage artistique des Jeux olympiques dans la patinoire de Sarajevo que, quelques années plus tard, elle servirait de lieu de stationnement des forces de l'ONU chargées de restaurer la paix dans une ville défigurée par la guerre ?
L'histoire des hommes enseigne que la paix n'est jamais acquise. Notre pays et notre continent en ont fait l'amère expérience au long des deux derniers millénaires. Quoi qu'en pensent nos contemporains, la paix est structurellement une parenthèse entre deux conflits. Alors, tout ce qui la conforte, tout ce qui prémunit notre pays si souvent martyrisé doit être encouragé et approfondi.
Oui, au-delà de cinquante années d'un développement économique et social sans précédent, le principal apport de l'Europe demeure, de mon point de vue, la paix. Une paix inespérée, librement consentie et durable, loin des illusions de Munich ou des arrière-pensées de Versailles.
"Lier les intérêts pour lier les hommes" : l'intuition prophétique de Jean Monnet est bien devenue réalité. Les peuples européens, qui se sont longtemps construits les uns contre les autres, écrivent ensemble leur avenir sans même penser qu'il pourrait en être autrement. Pour l'immense majorité de nos concitoyens, l'Europe relève de l'évidence naturelle. Ceux qui ont de la mémoire et ceux, nombreux, qui ont plus de 60 ans savent que cette évidence vient après des épreuves dramatiques et résulte d'efforts considérables.
Dans les semaines qui viennent, après avoir commencé à Auschwitz en janvier, nous allons commémorer la libération des camps de concentration. Voici juste soixante ans, en effet, les Alliés entraient dans ces camps de la mort. Les cérémonies que nous organiserons en hommage aux martyrs de cette tragédie seront autant d'invitations à la mobilisation de chacun et à la vigilance ; autant d'incitations à la réflexion sur les causes d'une telle catastrophe au coeur de nos vieilles et hautes civilisations. Oubli des enseignements de la Première Guerre mondiale, divisions mortifères, succession d'abandons et de lâchetés, confiance excessive en soi, sont autant de causes qu'il faut conserver en mémoire.
Le souvenir de ces temps pas si lointains éclaire également l'importance des efforts entrepris pour rapprocher, puis pour unir l'Europe. Malgré les obstacles et les réticences, nos peuples ont mis résolument le cap sur la paix et la liberté. Guidés par des hommes d'Etat courageux, ils ont surmonté tous les obstacles. Le peuple français, qui a payé un tel prix à la guerre, s'est mis au premier rang de ce bouleversement radical du cours de l'histoire. De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand, et aujourd'hui le président Chirac, malgré leurs différences de sensibilités et de personnalités, ont résolument conduit la France sur cette voie combinant audace et raison. Tout retour en arrière allierait donc reniement et aventurisme.
La Constitution va permettre de franchir une nouvelle étape. Elle consacre les progrès accomplis. Elle grave dans le marbre les principes du droit et de la démocratie. Elle va permettre d'approfondir notre union en la rendant plus politique et plus efficace.
La perspective d'avancer dans le domaine de la défense et de la diplomatie, d'affirmer une politique extérieure commune, rend un conflit entre nous définitivement impossible. De surcroît, elle renforce notre poids, celui de nos idées et de nos principes, à l'extérieur. Quiconque connaît l'Histoire mesure le progrès proposé aux citoyens de notre continent recru de heurts et de malheurs.
Le 6 juin 2004, à Caen, pour la première fois, le président de la République et le chancelier allemand commémoraient ensemble le débarquement de Normandie. Cette image, si longtemps impensable, a bouleversé les vétérans comme les jeunes. Quel formidable changement ! Quelle espérance pour les peuples en guerre ! Quel espoir pour les générations futures ! Le 29 mai, en mémoire des victimes de nos divisions et dans l'esprit de la cérémonie de Caen, je voterai résolument oui à la Constitution.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 20 avril 2005)
L'histoire des hommes enseigne que la paix n'est jamais acquise. Notre pays et notre continent en ont fait l'amère expérience au long des deux derniers millénaires. Quoi qu'en pensent nos contemporains, la paix est structurellement une parenthèse entre deux conflits. Alors, tout ce qui la conforte, tout ce qui prémunit notre pays si souvent martyrisé doit être encouragé et approfondi.
Oui, au-delà de cinquante années d'un développement économique et social sans précédent, le principal apport de l'Europe demeure, de mon point de vue, la paix. Une paix inespérée, librement consentie et durable, loin des illusions de Munich ou des arrière-pensées de Versailles.
"Lier les intérêts pour lier les hommes" : l'intuition prophétique de Jean Monnet est bien devenue réalité. Les peuples européens, qui se sont longtemps construits les uns contre les autres, écrivent ensemble leur avenir sans même penser qu'il pourrait en être autrement. Pour l'immense majorité de nos concitoyens, l'Europe relève de l'évidence naturelle. Ceux qui ont de la mémoire et ceux, nombreux, qui ont plus de 60 ans savent que cette évidence vient après des épreuves dramatiques et résulte d'efforts considérables.
Dans les semaines qui viennent, après avoir commencé à Auschwitz en janvier, nous allons commémorer la libération des camps de concentration. Voici juste soixante ans, en effet, les Alliés entraient dans ces camps de la mort. Les cérémonies que nous organiserons en hommage aux martyrs de cette tragédie seront autant d'invitations à la mobilisation de chacun et à la vigilance ; autant d'incitations à la réflexion sur les causes d'une telle catastrophe au coeur de nos vieilles et hautes civilisations. Oubli des enseignements de la Première Guerre mondiale, divisions mortifères, succession d'abandons et de lâchetés, confiance excessive en soi, sont autant de causes qu'il faut conserver en mémoire.
Le souvenir de ces temps pas si lointains éclaire également l'importance des efforts entrepris pour rapprocher, puis pour unir l'Europe. Malgré les obstacles et les réticences, nos peuples ont mis résolument le cap sur la paix et la liberté. Guidés par des hommes d'Etat courageux, ils ont surmonté tous les obstacles. Le peuple français, qui a payé un tel prix à la guerre, s'est mis au premier rang de ce bouleversement radical du cours de l'histoire. De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand, et aujourd'hui le président Chirac, malgré leurs différences de sensibilités et de personnalités, ont résolument conduit la France sur cette voie combinant audace et raison. Tout retour en arrière allierait donc reniement et aventurisme.
La Constitution va permettre de franchir une nouvelle étape. Elle consacre les progrès accomplis. Elle grave dans le marbre les principes du droit et de la démocratie. Elle va permettre d'approfondir notre union en la rendant plus politique et plus efficace.
La perspective d'avancer dans le domaine de la défense et de la diplomatie, d'affirmer une politique extérieure commune, rend un conflit entre nous définitivement impossible. De surcroît, elle renforce notre poids, celui de nos idées et de nos principes, à l'extérieur. Quiconque connaît l'Histoire mesure le progrès proposé aux citoyens de notre continent recru de heurts et de malheurs.
Le 6 juin 2004, à Caen, pour la première fois, le président de la République et le chancelier allemand commémoraient ensemble le débarquement de Normandie. Cette image, si longtemps impensable, a bouleversé les vétérans comme les jeunes. Quel formidable changement ! Quelle espérance pour les peuples en guerre ! Quel espoir pour les générations futures ! Le 29 mai, en mémoire des victimes de nos divisions et dans l'esprit de la cérémonie de Caen, je voterai résolument oui à la Constitution.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 20 avril 2005)