Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à "RTL" le 1er mars 2005, sur le vote du Congrès de Versailles, sur la réforme constitutionnelle et la Charte de l'environnement, et sur le débat interne au parti à propos du traité constitutionnel européen.

Prononcé le 1er mars 2005

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Traité constitutionnel européen, Charte de l'environnement : le congrès de Versailles hier s'est passé comme sur des roulettes pour J. Chirac, avec dans le premier cas le soutien actif des parlementaires socialistes, et dans le second, celui de la Charte de l'environnement, leur absence bienveillante. Ça marche plutôt bien entre J. Chirac et vous...
R- Mais je ne crois pas qu'il faille présenter le sujet comme cela, pardonnez-moi de le dire...
Q- Comment le présentez-vous ?
R- Car il y a des enjeux qui dépassent à un moment les clivages qui peuvent exister dans la vie politique française. Et c'est le cas des deux thèmes que vous avez évoqués. On peut être pour ou contre J. Chirac et penser qu'il vaut mieux un environnement sain.
Q- Cela marche bien, vous êtes d'accord.
R- Et il vaut mieux être Européen, parce que l'Europe c'est notre avenir. J. Chirac, si je puis dire, ce n'est que notre présent, il y en aura un après, je ne sais qui, mais il y en aura un après, et il y aura plutôt l'Europe.
Q- Peut-être J. Chirac encore !
R- On verra bien, ne faites pas un appel, il pourrait l'entendre. Donc, regardons l'avenir, et l'avenir c'est l'Europe. Ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui dans la vie politique française, ce qui est secondaire. Et si les socialistes, en tout cas une grande majorité d'entre eux, ont fait le choix de voter oui au Traité constitutionnel, c'est parce qu'ils ont justement fait la part entre ce qui était le combat politique quotidien, qui viendra aussi en termes de sanction et d'alternance en 2007, et ce qui devait être préservé de tout le reste, c'est-à-dire la force de l'Europe, la place de l'Europe et la capacité des Européens à exister pour eux-mêmes et pour le monde.
Q- Et sur la Charte de l'environnement, plutôt que de voter les parlementaires socialistes ont disparu. C. Mangin, qui présente le journal économique cette semaine, vous a donné 7 sur 20 en disant que ce n'était pas très courageux d'avoir fait ça, de n'avoir pas voté pour, de n'avoir pas voté contre ; vous vous êtes abstenus.
R- Cela nous a permis, d'abord, d'exprimer un mécontentement et il était réel. Parce que c'était un texte qui méritait mieux qu'une seule lecture au Parlement, et un congrès bâclé. C'était un texte qui justifiait des précisions, notamment sur le principe de précaution. C'était un texte qui supposait de la cohérence entre ce qu'on affichait comme principe aujourd'hui à travers une charte, et ce qu'est l'action quotidienne du Gouvernement à travers la remise en cause des crédits pour l'écologie, même les moyens donnés à l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie. Et aujourd'hui, il y en aurait sans doute besoin de maîtriser l'énergie. Il y avait aussi cette volonté des socialistes de faire apparaître une volonté de mettre en cause la politique du Gouvernement, et sa méthode. Enfin, nous avions voulu nous retrouver tous, pour marquer cette attitude, et en même temps laisser ce texte passer, parce que c'est aussi l'intérêt de la France, de l'Europe, et du monde d'avoir un environnement préservé.
Q- - Vous allez voir J. Chirac ce soir à 18h15 ?
R- Je vous le confirme.
Q- Vous allez parler de quoi ?
R- A votre avis ? Je vais parler du sujet. C'est-à-dire, le sujet, ce n'est pas de savoir ce que l'on pense l'un et l'autre du traité constitutionnel. Nous avons chacun une manière de dire oui à l'Europe. Parce que, dans une certaine mesure, l'Europe appartient aux Européens, et elle transgresse les clivages entre pays, et entre partis. Mais nous allons, surtout - en tout cas, cela va être mon attitude, demander, je vais demander donc, une convocation rapide des Français pour un référendum, parce que nous parlons de cette campagne, de ce sujet depuis maintenant plusieurs mois, il faut que les Français sachent la date du référendum.
Q- Et la date doit être proche ? Début mai ? Début juin ?
R- Le mois de mai est le bon mois. La mi-mai serait sans doute la bonne façon de faire.
Q- Il vaut mieux aller vite parce qu'on voit que oui s'effrite, c'est ça ?
R- Non, deux mois c'est deux mois. Et deux mois de campagne ce sera plus que les trois semaines pour Maastricht. Je suis pour une vraie campagne, une campagne d'information. Ce sera le second point que j'évoquerai avec J. Chirac. Parce que les Français ne demandent qu'une seule chose : quand je les rencontre à travers ma vie de député ou ma responsabilité de premier secrétaire, la construction européenne, oui, sans doute que c'est une bonne initiative, mais qu'est-ce qu'il y a dedans ? Donc, le premier devoir d'un responsable politique, en tout cas, c'est le mien, avec les socialistes, c'est d'informer les citoyens. Nous avons commencé de le faire, puisque les socialistes sont déjà en campagne depuis au moins un mois. Mais je vais demander au président de la République de laisser le temps nécessaire - deux mois de campagne - et de donner les moyens indispensables aux formations politiques pour mener cette campagne. Que l'on soit favorable au oui, ou que l'on soit tenant du non. Parce que ce serait quand même un comble que tout se passe simplement à la télévision, quand on ne sait pas exactement ce qui va se passer à la télévision. Ce sera mon troisième point : demander l'accès équitable aux médias pour l'ensemble des familles politiques, quel que soit leur choix.
Q- On a entendu de drôles de propos dans les couloirs du congrès de Versailles hier. Par exemple, M. Charasse, sénateur socialiste, favorable au non, dans le canton de Chateldon - c'est le sien - : "il y a eu un traître à la République et à la France, Laval, il n'y en aura pas deux !". Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je ne sais pas ce qu'il a dit, s'il l'a dit...
Q- Il l'a dit, c'est les dépêches qui le rapportent.
R- C'est quand même un curieux rapprochement entre l'occupation allemande et la collaboration, et le choix européen. Pour moi, le choix européen, c'est un choix de liberté, c'est la démocratie, c'est la paix. Alors, si ce sénateur a quelques états d'âme, qu'il relise d'abord les livres de F. Mitterrand, cela lui fera le plus grand bien !
Q- Quel sale climat au Parti socialiste !
R- Je ne peux pas isoler une déclaration. Vous savez, nul n'est responsable de toute sa famille. Mais en tout cas, comme chef de famille, j'ai ce devoir d'appeler chacun à relire les bons textes. Et M. Charasse doit avoir à mon avis de bons textes de F. Mitterrand chez lui.
Q- Revenons à F. Mitterrand... Il parait que vous ne parlez plus à L. Fabius, c'est vrai ?
R- C'est faux. Je lui parle tous les mardis et mercredis. Il est à côté de moi au bureau national, et heureusement, parce que nous sommes dans la même formation politique. Nous avons fait des choix différents sur le traité constitutionnel. J'ai emporté une majorité de suffrages socialistes sur ce sujet-là, mais la vie continue et heureusement ! Le parti a aussi, au-delà de la Constitution européenne, à mener des combats et L. Fabius en mène d'excellents, notamment par rapport à la question de la décentralisation et de la casse territoriale.
Q- Vous demandiez tout à l'heure une équité d'expression, pour le oui, pour le non, pour que la campagne soit pédagogique, mais L. Fabius est interdit de campagne parce qu'il est pour le non, mais il est socialiste et il n'a pas le droit de le dire, c'est ça ?
R- Pas du tout. Il a le droit de dire sa position, je crois d'ailleurs qu'il ne s'en prive pas.
Q- Oui, il était ce matin sur France 2 où, visiblement, il s'est expliqué.
R- Mais il n'a pas la possibilité, parce que c'est le choix que nous avons fait ensemble, les tenants du non comme les tenants du oui, ensemble nous avions dit avant que nous engagions cette consultation, que le vote des militants nous engagera tous, c'est bien le moins ! Si on fait une consultation pour le référendum sur le traité constitutionnel, ce n'est pas pour dire le lendemain : "non, je voudrais déjà rouvrir la négociation sur un autre traité".
Q- Pour l'instant, il respecte la règle L. Fabius ? Il se comporte bien ?
R- Pour l'instant, il n'y a qu'une campagne socialiste, et il n'y en aura qu'une, le oui.
Q- Le Parisien indique que vous préparez un meeting commun avec L. Jospin, c'est vrai ?
R- Je ne suis pas d'accord sur cette expression de "meeting commun", c'est quand même d'ailleurs une drôle d'expression "meeting commun"...
Q- L. Jospin va-t-il participer avec vous à un meeting ?
R- L. Jospin est membre du Parti socialiste. Il a participé à toutes les campagnes depuis 2002 : régionales, européennes, à sa place et je lui ai demandé, comme à tout responsable politique du Parti socialiste - et c'en est un, et éminent, ancien Premier ministre -, bien sûr de s'exprimer dans cette campagne. J'espère qu'il le fera.
Q- Et donc, voilà, on l'entendra à vos côtés pendant un meeting ?
R- Aux côtés des socialistes. Il viendra bien à une initiative, la nôtre, pour défendre les choix qui sont les siens sur l'Europe.
Q- D'accord, vous ne nous direz pas où et quand...
R- Je ne le sais même pas moi-même.
Q- D'accord.
R- Peut-être à RTL, qui sait ?
Q- L. Jospin, si vous nous écoutez...
R- Voilà, j'ai senti qu'il y avait là comme un appel.
Q- C'est sympa ! F. Hollande qui verra J. Chirac ce soir - on peut le dire comme ça -, était l'invité de RTL ce matin.
R- Ça, je peux vous le confirmer aussi, mais je ne sais pas s'il viendra à RTL, je ne suis pas maître de son calendrier...
Q- Ils ne peuvent pas tous venir !
R- ...Je suis simplement maître du calendrier - je l'espère - du Traité constitutionnel.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 mars 2005)