Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur les valeurs du monde sportif et son rôle dans le rapprochement des peuples, à Paris le 15 mars 2004.

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Circonstance : Remise des prix 2004 de l'Académie des sports, à Paris le 15 mars 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je veux vous dire le très grand plaisir que j'ai à vous accueillir au Quai d'Orsay, comme des amis, bien davantage que pour une cérémonie qui va garder, naturellement, dans ces dorures datant de Napoléon III, un caractère officiel, solennel, un peu protocolaire. Vous me permettrez, d'une manière assez particulière, de vous dire que j'ai le sentiment de me trouver parmi mes amis et de retrouver parmi vous, aux côtés de votre président Alain Danet, beaucoup de visages connus, non seulement parce que je les ai vus ou admirés à la télévision, dans les journaux ou dans les stades, mais aussi parce que ce sont des visages amis.
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Madame, Monsieur l'Ambassadeur,
Vous savez une chose que tous ne savent peut-être pas parce que, parmi les plus jeunes sportifs, je commence sans doute à avoir des cheveux blancs. Le ministre français des Affaires étrangères est quelqu'un qui, de manière définitive, aime le sport et respecte les sportifs. Je me trouve à ce poste aujourd'hui sans rien oublier, ni aucune des minutes, ni des bons ou parfois des mauvais moments, de ce grand privilège qui a été le mien, avec Jean-Claude Killy, de consacrer 10 ans de ma vie à l'organisation des 16ème Jeux olympiques d'Albertville et de la Savoie.
Souvent, - je vais vous faire cette confidence -, il m'arrive de dire que, depuis cette chance et ce privilège qui m'ont été donnés par le mouvement olympique international, par la confiance du Comité international olympique (CIO) et sous son contrôle, probablement, je ne vois pas la politique comme les autres ni comme avant. Et cette expérience et ces années m'ont durablement fait voir les choses autrement.
Je garde au coeur, et dans ma propre expérience, ces quelques années pour vous dire ceci, au moment de vous accueillir, d'accueillir l'Académie de sports et ses lauréats 2004 : les valeurs qui vous réunissent dans cette Académie, et plus généralement dans le monde sportif et dans le monde olympique, sont des valeurs que je m'efforce humblement de mettre en pratique et de respecter, qu'il s'agisse du fair-play, de la ténacité, de l'esprit d'équipe, et d'autres valeurs encore, comme celles qui servent la paix
Je m'efforce de les respecter comme vous-même, Monsieur le Président, cher Alain, vous l'avez démontré et compris dans votre vie personnelle, faite de ténacité et de courage, notamment dans les dernières années. Ces valeurs sont pratiquées par les sportifs que nous allons, que vous allez distinguer aujourd'hui, celles et ceux qui ont marqué 2004. Et ce sont aussi ces valeurs qui font que, comme militant, comme citoyen, je me trouve derrière le Comité de candidature de la ville de Paris et de la France pour les Jeux de 2012 parce que je pense que notre pays, pour la première fois depuis longtemps, depuis 1924 pour les Jeux d'été et 1992 pour les Jeux d'hiver, doit avoir l'ambition de solliciter ce privilège et cet honneur d'organiser, si le mouvement olympique le souhaite, s'il nous en juge dignes, les Jeux olympiques d'été, comme nous avons eu la chance d'organiser et d'accueillir d'autres très grandes manifestations sportives internationales.
Je voudrais dire un dernier mot de ce que je crois aujourd'hui, dans le cadre de ma mission de ministre français de Affaires étrangères, qui est le ministre de la paix, le ministre qui doit travailler pour la paix, sous l'autorité du président de la République. Le sport permet de rapprocher des gens qui parfois ne se parlent pas, qui appartiennent à des pays qui ne se parlent pas ou qui se sont fait la guerre, - j'ai toujours été très marqué par l'ambiance qui règne dans les villages olympiques. Le sport est également un lien nécessaire, et voilà pourquoi mon ministère encourage, ici, en Palestine, entre Israéliens et Palestiniens, ailleurs, dans les Balkans au Kosovo, ou dans d'autres endroits, toutes les manifestations, toutes les formations, tous les entraînements qui peuvent faire que, par les jeunes, par le sport, des gens qui ne se parlent pas, qui sont les uns à côté des autres lorsqu'ils ne sont pas les uns contre les autres, puissent se parler à nouveau. Je suis donc attentif, dans l'action du ministère que je dirige et que j'anime, à tout ce qui peut renforcer également cette dimension.
Voilà, je voulais vous dire ceci, dans ce lieu chargé d'histoire, à côté d'une pièce très importante d'ailleurs, je le dis aux Français qui sont ici mais aussi aux étrangers, aux Européens, aux Français qui vivent à l'étranger que ce soit pour leur entraînement ou pour la compétition, que, dans la pièce qui est juste à côté de vous, qui s'appelle le salon de l'Horloge, se trouve une photographie que j'ai fait mettre depuis onze mois, parce que je veux que l'on sache que c'est ici que le projet européen a été engagé, le 9 mai 1950. Vous avez sur cette photographie, Robert Schuman, qui était à l'époque ministre des Affaires étrangères de la France, et Jean Monnet prononçant le premier appel à la construction européenne qui est, pour moi, si la politique signifie que l'on fabrique de la paix et du progrès plutôt que des conflits, comme on sait le faire dans le sport, le plus beau des projets politiques à l'échelle d'un continent.
Je ne vais pas continuer au-delà mais je voulais vous dire le très grand plaisir, Monsieur le Président, que vous m'avez fait en me suggérant de recevoir l'Académie des sports et tous ceux que vous allez distinguer. C'est, encore une fois, des amis que je reçois aujourd'hui
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mars 2005)