Texte intégral
Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
La FNSEA, l'APCA et les Jeunes Agriculteurs ont décidé de réfléchir ensemble, pendant une journée, aux enjeux institutionnels et aux perspectives de notre Union européenne. Je voudrais d'ailleurs remercier Luc Guyau et Bernard Layre de leur implication pour que réussisse cette manifestation qui rassemble nos responsables départementaux et régionaux.
Monsieur le Ministre, c'est d'abord en ma qualité de paysan, d'exploitant agricole que je veux vous parler de l'Europe. Depuis mon entrée dans le métier, et à partir de mon exploitation laitière en Ille et Vilaine, qu'ai-je vu ? D'abord, une politique agricole commune forte, construite à partir d'un modèle qui était celui de la France.
Grâce à cette PAC, nous avons restructuré le secteur agricole, installé des jeunes, développé nos productions au point de devenir le "pétrole vert ", atout primordial de nos échanges extérieurs. Mais, cette politique avait comme corollaire le développement d'excédents structurels coûteux que la gestion bruxelloise n'a jamais su utiliser à bon escient. Alors, la montée en charge de la sur-administration a commencé : les quotas laitiers, les compensations de baisses de prix, les droits à prime. Et, de plus en plus, j'ai cette amère impression d'être une anomalie dans le développement d'idées et d'objectifs où je ne trouve plus ma place. Enfin ! cerise sur le gâteau, je ne pourrai plus justifier économiquement de mes soutiens publics : ils vont être découplés. Que devient ma laiterie, quel est l'avenir de nos unités de transformation et de commercialisation dans une Europe où des variations de 1 à 8 des niveaux de charges salariales nationales n'attirent même pas une remarque ? Quel est l'avenir dans une Europe où mon organisation professionnelle est condamnée sur l'autel de la concurrence en défendant le revenu des producteurs de viande ?
Enfin, comment comprendre toutes ces négociations internationales quand un terrible tsunami justifie l'ouverture de tous les marchés agricoles, au même titre que les ambitions de certains dans les secteurs de l'assurance ou des marchés publics.
Monsieur le Ministre, ce que pense l'agriculteur Lemétayer, tous mes collègues le partagent... Je ne veux pas faire de catastrophisme, seulement rendre compte d'une réalité de terrain.
Le responsable de la FNSEA que je suis aussi va vous parler d'Europe sans faire abstraction de la vie quotidienne des paysans. Aujourd'hui, nous avons voulu travailler, réfléchir en prenant toute la hauteur nécessaire pour ne pas sombrer dans des réactions que certains qualifieraient de " primaires ". C'est vrai, le débat sur la Constitution ne peut pas être considéré avec les seuls ressentiments ou analyses sur la PAC ou sur l'entrée éventuelle de la Turquie. Nos travaux de cette matinée ont été riches sur cette question.
Mais, Monsieur le Ministre, les responsables ici présents ont besoin de connaître les objectifs, les ambitions que notre pays a pour l'Union européenne.
La construction européenne s'est faite avec la volonté de paix dans le " vieil " espace européen, avec l'envie de construire pour se développer, s'affirmer politiquement et économiquement dans un monde bipolaire. C'est avec cette logique que l'on a créé l'Union douanière, et que l'on a mis en place la PAC. Depuis l'effondrement de l'empire soviétique, le monde n'est plus bipolaire. Je pense que l'Europe se cherche, ne sait plus les raisons de la légitimité de son existence et de ses ambitions. C'est la course à l'élargissement et les coups de butoir des négociations internationales mettent à bas l'originalité de notre union douanière.
Que sera le monde de demain ? Un monde économique débridé avec de grandes zones de libre-échange ALENA, Mercosur, UE, ASEAN... ?
Monsieur le Ministre, au-delà du débat sur les institutions, cet avenir trop marqué par le sceau de la logique américaine ne peut nous convenir.
L'Europe, les paysans français connaissent. Depuis 40 ans, c'est leur quotidien. C'est la raison pour laquelle, forts de cette expérience, nous voulons réaffirmer notre attente d'une ambition où la volonté de consolider l'emporte sur celle d'élargir, où le développement de politiques intégrées l'emporte sur les seules politiques structurelles et de cohésion. Ne soyons plus un bateau ivre mais au contraire un paquebot qui a un cap, à l'intérieur duquel les ponts sont organisés, structurées, avec des règles claires et respectées par tous. Alors oui, dans ce paquebot il faut un équipage et un commandant, des règles de discipline et de prise de quart, des déterminations de route.
L'enjeu de la Constitution, l'avenir institutionnel de l'Union européenne sont à considérer en tant que tels, nous en convenons. Mais, les institutions et le fonctionnement des pouvoirs législatif et exécutif imposent de déterminer au préalable les conditions économiques et sociales, la place que l'on entend tenir.
Nous sommes pour une Union européenne qui continue de s'affirmer comme une union douanière dans les grandes négociations internationales, une Union européenne qui veut poursuivre sa consolidation interne, une Union européenne qui sait quelle place elle entend tenir dans le débat mondial et quelles politiques elle souhaite développer pour cela.
Merci Monsieur le Ministre de nous honorer de votre présence et de partager nos réflexions. Nous n'entendons pas vous interpeller sur toutes les vicissitudes que nous fait vivre la réforme de la PAC ; nous attendons de votre part des réponses sur ce qu'est, ce que sera notre Europe et avec quelles ambitions.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fnsea.fr, le 21 février 2005)
La FNSEA, l'APCA et les Jeunes Agriculteurs ont décidé de réfléchir ensemble, pendant une journée, aux enjeux institutionnels et aux perspectives de notre Union européenne. Je voudrais d'ailleurs remercier Luc Guyau et Bernard Layre de leur implication pour que réussisse cette manifestation qui rassemble nos responsables départementaux et régionaux.
Monsieur le Ministre, c'est d'abord en ma qualité de paysan, d'exploitant agricole que je veux vous parler de l'Europe. Depuis mon entrée dans le métier, et à partir de mon exploitation laitière en Ille et Vilaine, qu'ai-je vu ? D'abord, une politique agricole commune forte, construite à partir d'un modèle qui était celui de la France.
Grâce à cette PAC, nous avons restructuré le secteur agricole, installé des jeunes, développé nos productions au point de devenir le "pétrole vert ", atout primordial de nos échanges extérieurs. Mais, cette politique avait comme corollaire le développement d'excédents structurels coûteux que la gestion bruxelloise n'a jamais su utiliser à bon escient. Alors, la montée en charge de la sur-administration a commencé : les quotas laitiers, les compensations de baisses de prix, les droits à prime. Et, de plus en plus, j'ai cette amère impression d'être une anomalie dans le développement d'idées et d'objectifs où je ne trouve plus ma place. Enfin ! cerise sur le gâteau, je ne pourrai plus justifier économiquement de mes soutiens publics : ils vont être découplés. Que devient ma laiterie, quel est l'avenir de nos unités de transformation et de commercialisation dans une Europe où des variations de 1 à 8 des niveaux de charges salariales nationales n'attirent même pas une remarque ? Quel est l'avenir dans une Europe où mon organisation professionnelle est condamnée sur l'autel de la concurrence en défendant le revenu des producteurs de viande ?
Enfin, comment comprendre toutes ces négociations internationales quand un terrible tsunami justifie l'ouverture de tous les marchés agricoles, au même titre que les ambitions de certains dans les secteurs de l'assurance ou des marchés publics.
Monsieur le Ministre, ce que pense l'agriculteur Lemétayer, tous mes collègues le partagent... Je ne veux pas faire de catastrophisme, seulement rendre compte d'une réalité de terrain.
Le responsable de la FNSEA que je suis aussi va vous parler d'Europe sans faire abstraction de la vie quotidienne des paysans. Aujourd'hui, nous avons voulu travailler, réfléchir en prenant toute la hauteur nécessaire pour ne pas sombrer dans des réactions que certains qualifieraient de " primaires ". C'est vrai, le débat sur la Constitution ne peut pas être considéré avec les seuls ressentiments ou analyses sur la PAC ou sur l'entrée éventuelle de la Turquie. Nos travaux de cette matinée ont été riches sur cette question.
Mais, Monsieur le Ministre, les responsables ici présents ont besoin de connaître les objectifs, les ambitions que notre pays a pour l'Union européenne.
La construction européenne s'est faite avec la volonté de paix dans le " vieil " espace européen, avec l'envie de construire pour se développer, s'affirmer politiquement et économiquement dans un monde bipolaire. C'est avec cette logique que l'on a créé l'Union douanière, et que l'on a mis en place la PAC. Depuis l'effondrement de l'empire soviétique, le monde n'est plus bipolaire. Je pense que l'Europe se cherche, ne sait plus les raisons de la légitimité de son existence et de ses ambitions. C'est la course à l'élargissement et les coups de butoir des négociations internationales mettent à bas l'originalité de notre union douanière.
Que sera le monde de demain ? Un monde économique débridé avec de grandes zones de libre-échange ALENA, Mercosur, UE, ASEAN... ?
Monsieur le Ministre, au-delà du débat sur les institutions, cet avenir trop marqué par le sceau de la logique américaine ne peut nous convenir.
L'Europe, les paysans français connaissent. Depuis 40 ans, c'est leur quotidien. C'est la raison pour laquelle, forts de cette expérience, nous voulons réaffirmer notre attente d'une ambition où la volonté de consolider l'emporte sur celle d'élargir, où le développement de politiques intégrées l'emporte sur les seules politiques structurelles et de cohésion. Ne soyons plus un bateau ivre mais au contraire un paquebot qui a un cap, à l'intérieur duquel les ponts sont organisés, structurées, avec des règles claires et respectées par tous. Alors oui, dans ce paquebot il faut un équipage et un commandant, des règles de discipline et de prise de quart, des déterminations de route.
L'enjeu de la Constitution, l'avenir institutionnel de l'Union européenne sont à considérer en tant que tels, nous en convenons. Mais, les institutions et le fonctionnement des pouvoirs législatif et exécutif imposent de déterminer au préalable les conditions économiques et sociales, la place que l'on entend tenir.
Nous sommes pour une Union européenne qui continue de s'affirmer comme une union douanière dans les grandes négociations internationales, une Union européenne qui veut poursuivre sa consolidation interne, une Union européenne qui sait quelle place elle entend tenir dans le débat mondial et quelles politiques elle souhaite développer pour cela.
Merci Monsieur le Ministre de nous honorer de votre présence et de partager nos réflexions. Nous n'entendons pas vous interpeller sur toutes les vicissitudes que nous fait vivre la réforme de la PAC ; nous attendons de votre part des réponses sur ce qu'est, ce que sera notre Europe et avec quelles ambitions.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fnsea.fr, le 21 février 2005)