Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur les conséquences du vieillissement de la population, du handicap et de la maladie des personnes âgées, Paris le 8 mars 2005.

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Circonstance : Inauguration de Géront'Expo Handicap'Expo à Paris le 8 mars 2005

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Délégué général,
Mesdames et Messieurs,
Le salon Géront'Expo/Handicap'Expo constitue un rendez-vous bisannuel majeur pour l'ensemble des acteurs de la gérontologie et du handicap ; c'est un lieu de rencontres, de débats et d'échanges, destiné aux représentants de la filière médico-sociale et hospitalière. Le fait que je l'inaugure avec vous, Monsieur le Ministre, accompagné de mes deux collègues du Gouvernement, Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, et Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, montre aussi la place fondamentale qu'occupent, désormais dans notre société, les conséquences du handicap et du vieillissement que nous rassemblons sous le vocable de "dépendance", ou de "perte d'autonomie".
Inutile de vous dire combien nous sommes impressionnés par l'imagination, l'implication et le professionnalisme des divers acteurs présents dans ce salon, qu'ils appartiennent à des organismes publics, privés ou associatifs.
Je tiens à saluer et à féliciter toutes celles et tous ceux qui concourent au succès de ce salon. Ce succès repose beaucoup sur le fait qu'il s'adresse au grand public. Son ambition est de présenter à chaque visiteur la diversité et les évolutions de l'offre de soins et de services et, par-là même, de répondre aux préoccupations des personnes âgées et des personnes handicapées, de leurs familles, des "aidants" et des associations d'usagers. Il y réussit parfaitement.
Quelques mois après sa dernière édition, des événements graves se sont produits. Je pense, bien entendu, à la terrible canicule d'août 2003, dont les conséquences humaines ont provoqué une immense émotion dans notre pays. Cette émotion fut encore plus vive chez les professionnels du secteur, directement confrontés au drame qui a frappé des personnes isolées à leur domicile ou hébergées en établissement pour personnes âgées. Je voudrais ici leur rendre un hommage appuyé.
La canicule de l'été 2003 a permis aussi de prendre conscience des réalités et des conséquences de l'allongement de l'espérance de vie et de l'urgence d'une prise en charge renforcée de nos aînés. Le vieillissement n'est pas un drame, c'est encore moins une maladie ; c'est une réalité commune à l'ensemble des populations des pays développés.
Nous vieillissons chaque année un peu plus en bonne santé. Mais force est de constater qu'une partie de nos concitoyens souffrent en vieillissant de diverses pathologies pouvant atteindre soit leur intégrité physique, soit leur intégrité intellectuelle, notamment en cas de maladie d'Alzheimer. Ce sont ces personnes-là dont il nous faut nous préoccuper en priorité.
Il convient également de souligner dès à présent que les personnes handicapées bénéficient aussi de l'allongement de l'espérance de vie. Pour un grand nombre d'entre elles, en effet, la longévité se rapproche de celle de la population générale. C'est un progrès dont nous ne pouvons que nous réjouir, mais il nous impose aussi de nouveaux choix de société. Il existe un vieillissement spécifique de la personne handicapée, qui peut survenir, dans certains cas, bien avant l'âge habituel de la vieillesse. Ce vieillissement prématuré peut être à l'origine de nouvelles contraintes.
Il nous revient, à nous décideurs politiques, d'apporter une réponse à l'angoisse des parents de jeunes handicapés qui, se projetant dans l'avenir, redoutent de les laisser un jour seuls. Ils se posent cette question : "Que deviendront-ils quand nous ne serons plus là ?". Cette interrogation des familles a conduit Marie-Anne Montchamp à mettre en place, en mai 2004, un groupe de travail sur le thème de l'accompagnement des personnes handicapées. Ce groupe réfléchit notamment sur le développement de structures d'hébergement spécialisées, de passerelles entre les établissements et les services pour les personnes handicapées vieillissantes, et de réseaux associant les maisons de retraite et les services d'aide à domicile dans les foyers d'hébergement.
C'est pour répondre à ce défi de société qu'est la dépendance, qu'elle soit due à l'âge ou au handicap, que le Premier ministre a présenté, le 6 novembre 2003, un plan de réforme de la dépendance avec l'annonce du Plan Vieillissement et Solidarités. Il s'est traduit par le vote de la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées du 30 juin 2004, créant la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, la CNSA, et instituant la Journée de Solidarité. Je suis sûr que les Françaises et les Français, qui visiteront ce salon et qui auront à travailler un jour de plus cette année, comprendront mieux la signification de l'effort de solidarité qui leur est demandé en faveur des personnes en perte d'autonomie.
Le Gouvernement met en uvre un programme d'actions sans précédent en faveur de la population âgée et handicapée de notre pays, en injectant plus de 8 milliards d'euros supplémentaires cumulés sur quatre ans. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes, et témoignent de l'ambition, qui anime le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, de répondre au défi éthique, social, et politique que représente le vieillissement de la population.
Cette réforme appuie et complète aussi la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, adoptée le 11 février 2005, qui instaure une prestation de compensation, organise les maisons départementales du handicap et fixe les compétences et les contours définitifs de la CNSA.
Je voudrais aussi évoquer devant vous les perspectives d'évolution, tant pour le secteur des personnes handicapées que pour celui des personnes âgées. Nous sommes ardemment décidés à poursuivre l'amélioration de la qualité de prise en charge des personnes âgées à domicile et en institution, à augmenter les capacités d'accueil et à proposer une offre toujours plus diversifiée. C'est précisément l'objet du Plan Vieillissement et Solidarités, dont nous avons voulu, avec Catherine Vautrin, accélérer sa mise en uvre en 2005.
En effet, sur les 10 000 places nouvelles en établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes, les EPHAD, que prévoit le plan sur la période 2004 à 2007, la moitié sera créée en 2005, contre le quart initialement prévu, ce qui représente environ 80 nouvelles maisons de retraite. Par ailleurs, 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile seront créées, contre 4 250 prévues initialement.
La médicalisation de ces établissements, c'est-à-dire le recrutement de personnels soignants et de médecins coordonnateurs, est prioritaire. Elle passe par la signature de conventions tripartites, entre l'Etat, le Conseil général et l'établissement.
Au cours de l'année 2004, 1 250 conventions ont été signées. C'est le meilleur résultat obtenu depuis le début de la mise en uvre de la réforme de la tarification de ces établissements. On a même observé une accélération sensible sur les deux derniers mois de 2004, de plus de 22 % par rapport à 2003. Ceci a permis de créer 10 000 emplois de personnels soignants et 104 000 places médicalisées.
Pour 2005, nous nous sommes fixés l'objectif ambitieux de voir signer 1 500 conventions supplémentaires. Elles permettront de créer 12 000 nouveaux emplois et 120 000 places médicalisées.
Pour atteindre cet objectif, nous avons accordé de nouveaux assouplissements pour l'allocation de ressources aux structures de moins de 60 places qui bénéficieront, en fonction de leur taille, d'une dotation améliorée, afin de tenir compte de leur difficulté à réaliser des économies d'échelle.
Cette avancée vient en prolongement du décret du 13 février 2005 qui fixe les règles relatives à la médicalisation et à la tarification des prestations de soins pour les résidents dans les petites unités de vie. Un arrêté, en cours de finalisation, précisera la tarification des services de soins infirmiers à domicile au sein de ces petites unités.
Nous tenons à ce que dans les nouvelles créations, les établissements habilités à l'aide sociale tiennent une place prépondérante. Pour renforcer cet aspect, la circulaire relative à la campagne budgétaire pour 2005 dans les établissements et services médico-sociaux et sanitaires, accueillant des personnes âgées, permet d'engager une politique dynamique de reconversion de lits de médecine, chirurgie et obstétrique en lits en nouvelles places d'établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes.
Selon nos estimations, 10 000 nouveaux lits pourraient être ouverts ainsi, ce qui double les prévisions initiales.
Enfin, Catherine Vautrin a confié au Commissariat au Plan une mission d'évaluation des besoins en places nouvelles à l'horizon 2010, 2015 et 2025, région par région, afin que nous puissions faire face du mieux possible aux attentes dans ce domaine.
Je sais, Monsieur le Ministre, que vous attachez une importance particulière à la mise aux normes et à la rénovation des établissements d'accueil pour personnes âgées. Nous avons pu dégager à cet effet, suite à l'arbitrage du Premier Ministre, une enveloppe nouvelle de 50 millions d'euros, en complément des crédits du contrat de plan Etat-Région 2000-2006.
Ces 50 millions vont s'ajouter aux 25 millions d'euros d'ores et déjà inscrits sur le budget de l'Etat, et nous nous efforcerons d'obtenir, pour 2006, une somme encore supérieure.
Concernant le développement des services à la personne handicapée, des efforts budgétaires importants ont permis, dès 2003, de doubler le rythme de créations de places en établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie par rapport aux cinq années précédentes. Chaque semaine, ce sont en moyenne 100 places supplémentaires dédiées aux services et à l'hébergement, qui sont ouvertes sur tout notre territoire. Ce sont aussi 60 places de centres d'aide au travail pour les travailleurs handicapés qui sont créées.
C'est grâce à un partenariat constructif engagé avec la fédération hospitalière de France, les agences régionales d'hospitalisation, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et l'Union régionale des caisses d'assurance maladie que nous obtenons ces résultats. Cette dynamique partenariale doit permettre d'une part de disposer de moyens mobiles et partagés entre les structures sanitaires et médico-sociales d'un même département, et d'autre part de soutenir les promoteurs associatifs qui ont des difficultés foncières.
De plus, une dotation spécifique a été dédiée, en 2004, à des travaux de mise aux normes de sécurité pour les établissements et services accueillant des personnes handicapées.
Pour faire fonctionner les structures qui accueillent des personnes âgées ou handicapées, il faut, bien sûr, disposer de personnels qualifiés en nombre nécessaire. En ce qui concerne le grand âge, la campagne nationale, que Catherine Vautrin a officiellement lancée hier, vise précisément à faire connaître et valoriser ces métiers. Il faut encourager les jeunes de ce pays à choisir des professions du secteur médico-social. Cette campagne sera élargie à l'ensemble du secteur sanitaire et médico-social.
Il est indispensable d'organiser au mieux l'accompagnement des personnes âgées autour de métiers reconnus et de formations qualifiantes et valorisantes.
Telle est aussi l'une des ambitions du plan de service à la personne âgée que je présenterai demain, avec mes collègues Catherine Vautrin, Marie-Anne Montchamp et Xavier Bertrand.
Ce plan - je vous l'annonce d'ores et déjà - vise notamment à consacrer les métiers du grand âge, en facilitant la création de nouveaux services, de nouveaux métiers et de nouveaux emplois.
Enfin, concernant l'arrivée à échéance des contrats d'emplois-jeunes, des contrats emplois consolidés ou de contrats emplois solidarité, je voudrais dire aux nombreux responsables d'établissements ici présents, que nous avons pris avec Gérard Larcher - votre prédécesseur, Monsieur le Ministre, à la présidence de la FHF et auquel je tiens à rendre hommage - des mesures qui permettront de compenser les 5 000 contrats qui viennent à échéance en 2005 par 5 000 contrats d'avenir ou contrats d'accès à l'emploi. Nous irons encore plus loin en créant au moins 3 000 contrats de plus. Il n'y aura donc pas de disparition de postes d'emplois-jeunes d'un côté, comme certains le craignent, et de créations de postes de personnels soignants de l'autre : il n'y aura que "du plus" et je crois pouvoir dire aussi "du mieux".
Le plan de développement des métiers du handicap, ancré dans la loi du 11 février 2005, favorisera plus particulièrement la complémentarité des interventions médicales, sociales et scolaires au bénéfice de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte.
Ce plan des métiers assure la reconnaissance des fonctions émergentes, l'exigence de gestion prévisionnelle des emplois et le souci d'articulation des formations initiales et continues. Il tient compte également du rôle des "aidants" familiaux, bénévoles ou associatifs. Il vise à accompagner la mise en uvre des différentes lois dans ce domaine.
Marie-Anne Montchamp s'est donc engagée à évaluer rapidement les besoins en emplois et en formation dans le champ du handicap. Actuellement, seuls les emplois et qualifications liés aux prises en charge spécifiques dans le cadre des établissements spécialisés sont bien connus. Il s'agit d'élargir l'approche à toutes les formes d'accueil, d'accompagnement et de service en milieu ordinaire à l'école, au travail ou dans les loisirs. Comme vous le savez, le Président de la République a fait de l'amélioration de la condition des personnes handicapées une des trois priorités de son quinquennat. Le devoir de la collectivité est de protéger et d'aider cette population fragile, mais aussi de permettre à chaque personne souffrant d'un handicap de garder son rôle dans la société et sa dignité.
Comme vous le voyez, les projets ne manquent pas ! Il en va de l'intérêt des personnes âgées et des personnes handicapées, mais aussi de leurs familles, c'est-à-dire en définitive, de la société tout entière. Le sens de la Journée de Solidarité, c'est précisément de dégager de nouveaux moyens pour mieux accompagner les personnes en perte d'autonomie dans notre pays.
Je sais pouvoir compter - et je les en remercie - sur tous les professionnels engagés au quotidien dans l'accompagnement de nos concitoyens les plus fragiles, pour relever ce défi de société.
Je vous remercie.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 14 mars 2005)