Déclaration de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, sur son action à Force ouvrière, sa succession et le syndicalisme, Villepinte le 6 février 2004.

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Circonstance : Clôture du 20ème congrès de FO à Villepinte du 2 au 6 février 2004

Texte intégral

Marc Blondel- "Mes chers camarades, je vais donc intervenir pour clore ce 20e congrès avec, vous le pensez bien, une certaine appréhension et pour tout dire, une certaine émotion.
[] Il est certain que lorsqu'il y a 3.000 personnes comme c'est le cas, cela se transforme assez rapidement en meeting permanent. Il est certain que si nous étions la moitié, l'organisation en serait allégée, vraisemblablement, les différentes interventions plus cadrées, des camarades plus formés. Mais est-ce qu'en définitive, participer pour la première fois à un congrès confédéral, [] cela n'est pas une façon d'éveiller la petite étincelle qui nous confirme comme militant ? [] Alors, je ne sais pas ce que fera le bureau confédéral, mais sur le fond, même si cela crée quelques difficultés, je pense que ce n'est pas aussi mauvais que cela."
Marc Blondel se livre à une critique de certains journaux dans leur manière "sélective" de rendre compte des congrès de FO.
"Sur 150 interventions, on est allé chercher quelques interventions critiques et parfois désagréables à l'endroit du Bureau Confédéral et de son orientation. [] Je voudrais dire aux camarades qui ont été cités par ces journaux : ne vous faites pas d'illusions, ce n'est pas pour vous, ce n'est pas parce qu'ils pensaient que ce que vous disiez était bien, c'est parce que cela crée la zizanie à l'intérieur de la boutique." []
"Un journaliste, que je connais bien, a eu la gentillesse de rappeler que je ne savais pas lire, ou que je n'avais pas beaucoup lu! Mes chers camarades, en dehors du fait que je sais lire et compter, je veux rappeler que moi, au moins, j'ai lu le rapport d'activité, les 1.100 Pages ! [] Alors moi je peux dire "je sais ce dont je parle" ". []
Il remercie "tous ceux qui nous ont permis de tenir ce Congrès" et les délégués "d'avoir participé, y compris aux séances de nuit, d'avoir été fidèles aux engagements de délégués que vous aviez pris devant vos camarades".
"Je veux remercier aussi ceux qui nous ont assistés, à la fois le personnel de la Confédération qui a fait là un acte militant, les personnels de technique qui nous ont aidés à tenir, je crois, ce congrès de façon correcte, et puis comme on dit les sponsors, qui nous ont aidés [] y compris l'autorité régionale!" []
"150 interventions [] de camarades qui sont venus expliquer dans le détail ce qu'ils pensaient et comment, eux, plaçaient leurs revendications. Des camarades qui ont confiance en l'organisation, mais qui ont compris que celle-ci était un patchwork, que nous étions différents, de formations différentes, de cultures différentes, parfois d'église, ou sans église, parfois engagés politiquement ou pas engagés politiquement !
Nous sommes effectivement la représentation de la classe ouvrière, diverse et variée, mais avec le souci de définir le dénominateur commun qui nous permettra de nous asseoir, de nous fonder, et de nous battre justement pour que demain soit meilleur.
On peut effectivement cataloguer les uns et les autres, on le fait parfois très très rapidement, on le fait parfois à la légère aussi je n'oserai pas dire qu'il y a des militants qui vont prendre des responsabilités dans l'organisation de demain, ils sont parfois peu connus, ils sont même, je veux dire, sur ce plan, quelque peu vierges. []
Et on les affuble déjà d'appartenances ! [] Mes chers camarades, le camarade que vous aviez devant vous, est un militant de l'organisation Force Ouvrière. C'est la qualité qui lui donne le droit de discuter avec vous. [] Les appartenances extérieures, cela évolue. Il y a ceux qui ont été, il y a ceux qui voudront bien être, et il y a ceux qui ne sont pas encore ! [] On ne peut pas bâtir une organisation en étant victimes de cette sorte de procès. J'insiste. L'appartenance majeure, la vraie, au Congrès, c'est l'appartenance à la CGT-Force Ouvrière. []
Quelques camarades se sont étonnés de ne pas voir ou de ne pas rencontrer différents camarades qui ont marqué le mouvement syndical. J'indique [] que tous les anciens Confédéraux ont été invités. Différents Confédéraux nous ont fait savoir qu'il leur était impossible d'être parmi nous, parfois malheureusement pour des raisons de santé, parfois pour des raisons d'opportunité, mais tous ont été invités, y compris ceux avec lesquels nous avons eu parfois quelques démêlés !
Je me félicite d'ailleurs [] que notamment mon compagnon Claude Jenet soit là. J'avais, avec mes camarades du bureau confédéral, des liens de fraternité avec Claude, j'y ajouterai un petit peu de complicité! [] On obtient cela quand on se connaît bien, on obtient cela quand on milite ensemble, on obtient cela quand on a pris des coups ensemble. [] En 1995, à la fin d'une manifestation contre les Ordonnances Juppé, il y avait un boulanger, place de la Nation, au moment où le cortège était en train d'éclater, et que la dissolution était prononcée, qui était en colère suite aux effets de la grève sur son commerce. Il s'est précipité et il voulait me rentrer dans le dos à coups de tête! Et puis celui qui a fait écran, c'est Claude. [] Aujourd'hui je te dis merci! Et maintenant, que la situation et la santé de Claude ne sont plus aussi bonnes, si je peux te rendre le service contraire, je te tends la main, mon cher Claude et je t'embrasse."
[Applaudissements] []
Face à la longueur des résolutions adoptées, en rappelant que c'est le futur bureau qui décidera : " Je suggère de trouver le moyen de présenter les choses par une espèce de "digest" qui reprendrait les principales revendications, qui permettraient de sensibiliser, de mobiliser les salariés, de manière à ce qu'on prenne bien conscience que le Congrès a travaillé et que nous savons ce que nous faisons." []
"Nos propositions, ce sont nos revendications, mes chers camarades. Alors faisons connaître nos revendications!"
[]
"Mes chers camarades, surtout ne faites pas la confusion de croire que vos talents de négociateurs suffiront, ce n'est pas la qualité des camarades qui vont aller discuter quand c'est possible, avec le patronat, ce n'est pas la qualité des fédéraux qui discuteront au niveau des branches, ce n'est pas la qualité du négociateur dans l'entreprise, du représentant ou du délégué syndical, mes chers camarades, c'est tout autre chose. On veut par la technique nous évincer, on veut par la technique nous conduire à une autre politique, on veut par la technique nous faire taire, on veut par la technique nous contraindre à abandonner notre syndicalisme à la faveur ou pour préconiser je ne sais quel syndicalisme d'arrangement, d'accompagnement, de "soft low".
J'ai peur moi de ceux qui disent "revendication par anticipation sur les événements" , j'ai peur de cela, parce que déjà anticiper sur les événements c'est aussi les accepter.
Je pense qu'il y a des choses que nous ne pouvons pas accepter, je pense que nous devons rester fermes, sur la situation actuelle des salariés. Mes chers camarades, j'ai commencé à militer, il y a plus de quarante cinq ans. Pendant pratiquement quarante ans, nous avons amélioré successivement la situation des salariés et depuis quelques années on est, non pas en train simplement de détricoter[], on est en train de remettre en cause la situation relative des travailleurs dans ce pays et dans l'ensemble des pays, c'est-à-dire qu'on nous fait taire pour remettre tout en cause et si nous nous exprimons [] on essaiera de nous faire rentrer dans le rang d'abord en provoquant une modification du paysage syndical, et ensuite, en nous privant de notre possibilité d'expression, de notre possibilité de contracter et de notre possibilité, dans un deuxième temps, de faire des mouvements et de marquer notre mécontentement !
[]
"Nous avons à faire à des organisations syndicales, pardonnez-moi, qui n'ont guère de référence. D'abord, les organisations syndicales de type autonome, corporatiste, qui laissent croire que tout s'arrange parce qu'ils ont arrangé dans un endroit la situation de certains salariés, qui oublient la solidarité, qui oublient que le mouvement syndical forme un tout.
Nous ne sommes pas, mes chers camarades, les représentants des fonctionnaires, les représentants du privé, les représentants de l'automobile, les représentants des jeunes. Non ! Nous sommes les représentants de l'ensemble de la classe ouvrière avec toutes les solidarités que cela suppose.
Je l'ai dit, je crois, dans ma réponse, il ne suffit pas de négocier ici un accord dans un secteur professionnel, en oubliant totalement le secteur d'à côté. Le rôle de la confédération c'est de promouvoir la revendication et des résultats à ce niveau-là. On ne peut pas faire quand on est tenant de l'autonomie, on ne peut pas non plus quand on est comme d'autres organisations syndicales, Robert Santune vous a donné d'ailleurs quelques réflexions historiques que je partage, et que l'on veut accompagner à la prise de pouvoir.
Ne cherchez pas, l'autogestion quand les gouvernements étaient de gauche, c'était pour partager le pouvoir, c'était aussi d'ailleurs pour faire peut-être que les représentants des travailleurs exploitent les travailleurs eux-mêmes, mais maintenant le syndicalisme d'accompagnement c'est pour partager le pouvoir avec les gens de droite! L'objectif de cette organisation [la CFDT, NDLR], c'est strictement cela! [] Quand on regarde de plus près on retrouve les notions d'association de capital-travail que nous connaissons bien.
Et puis reste, alors, après, les gens de la CGT. Les gens de la CGT pendant très longtemps, cela a été une courroie de transmission, une organisation politique, l'organisation politique a implosé, alors ils sont toujours courroie de transmission mais de rien! Mais de rien, c'est le vide! C'est le vide absolu !
C'est la réaction journalière, on ne voit pas justement de stratégie, sauf peut-être celle d'encadrer la classe ouvrière, sauf peut-être celle d'être un peu le garde-chiourme. Ils ont cette habitude. Ils n'ont pas la spontanéité des militants de Force Ouvrière.
Nous, nous savons très bien, y compris quand nos délibérations confinent un petit peu au bordel, mais nous sommes comme cela et nous ne sommes pas, nous, des gendarmes des salariés, au contraire. Nous voulons les amener à plus de rébellion, les amener à plus de détermination, à être des mécontents et des insatisfaits permanents parce qu'effectivement notre but c'est de modifier la société pour que demain soit meilleur que la veille. C'est notre but et notre seul but !
[]
Un nouveau bureau confédéral va être élu demain, un nouveau secrétaire général. Un nouveau bureau confédéral qui tiendra compte bien entendu de l'avis de l'organisation, de sa stabilité et de sa cohésion. Mes chers camarades, je compte sur vous. Il faudra leur donner le coup de main, il faudra avoir confiance en eux. Cela ne veut pas dire que vous devrez taire vos mécontentements et vos insatisfactions, mais il faudra leur accorder soutien, il est fort probable que d'aucuns vont dire : "cette grande gueule et cette gueule d'empeigne étant partie, c'est l'occasion d'essayer de provoquer la zizanie et de récupérer quelques éléments qui viendraient grandir nos organisations respectives".
Mes chers camarades, c'est de votre détermination que la passation de pouvoir se passera correctement. C'est vous qui ferez FO demain. Le bureau confédéral et son secrétaire général, comme je l'ai dit, c'est le mandaté numéro Un. Ils ne sont que l'expression de votre comportement, ce ne sont pas des bureaucrates, ce ne sont pas des apparatchiks dans le sens que veulent bien le faire remarquer d'ailleurs des gens qui ne savent pas ce que sont des apparatchiks, ce sont tout simplement des camarades qui, comme vous, veulent militer et se consacrer à l'organisation.
Rien qu'à ce titre-là, permettez-moi de vous dire qu'il faut oublier certaines choses. Rien que pour cela, ils méritent attention et soutien.
Quant à moi, je vais continuer à militer. Je vais continuer à militer d'abord parce que je crois dans le militantisme. Je l'ai dit, M. Somavia l'a rappelé, je participerai au Conseil d'Administration du Bureau International du Travail. J'essaierai, au BIT, de projeter notre façon de faire et nos revendications. [] Il y a encore beaucoup de pays de dictature. M. Somavia a voulu rappeler mon engagement en Biélorussie, je vais non seulement continuer pour la Biélorussie mais aussi pour la Chine et autres pays.
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[] Je me permettrai de rappeler ici, parce que je tiens à le faire, que la laïcité ce n'est pas, comme on veut le faire croire, le droit de croire, c'est surtout, mes chers camarades, le droit de ne pas croire !
Et puis, en vous regardant tous, dans les yeux, une dernière fois, continuez, battez-vous, faites que d'ici quelque temps vous me disiez "Marc, on manifeste. Est-ce que tu viens avec nous?" Donnez-moi la force de vous regarder et de vous admirer !
Merci. Sans vous, il n'y aurait jamais eu Blondel !
[Le congrès debout ovationne Marc Blondel].
[Projection d'un film sur les quinze ans d'actualité sociale passée, sur l'action de Marc Blondel et de FO.]
Robert Santune, Président.- Mes chers camarades, je clos le 20e Congrès Force Ouvrière, rentrez tous bien chez vous et surtout portez bien haut le drapeau de FO dans vos usines, vos ateliers et vos bureaux!

(source http://www.force-ouvriere.fr, le 9 février 2004)