Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Mesdames et Messieurs,
Soixante ans après des événements qui ont marqué son Histoire et celle du monde, le peuple français se souvient de toutes celles et de tous ceux qui ont été emportés dans le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale.
Avec admiration et reconnaissance, la Nation honore la mémoire de celles et ceux qui ont uvré à la Libération et à la Victoire.
Avec respect et émotion, la République rend hommage à toutes les victimes militaires et civiles, à chacune et à chacun de ceux qui ont souffert de ces années de fer, de feu et de sang.
Aujourd'hui, au nom du Gouvernement et de tous nos concitoyens, je veux rappeler le long calvaire des prisonniers de guerre.
Soixante ans après leur retour, nous n'avons pas oublié leurs souffrances, ni celles de leurs familles et de leurs proches.
Nous n'avons pas, non plus, oublié la douleur de ceux qui ne purent se soustraire au Service du Travail Obligatoire, et qui en subirent les si lourdes conséquences.
La capitulation du IIIe Reich, que nous commémorons en ces jours - hier à Reims, ce matin à Paris, demain à Moscou - cette capitulation consacrait l'effondrement complet de l'Allemagne nazie.
C'est au milieu d'un chaos indescriptible que déportés, prisonniers de guerre, requis du STO, victimes du nazisme, ont pris le chemin du retour vers la patrie.
Pour beaucoup, le premier contact réel avec la France se fit donc ici, dans ce qui était alors la gare d'Orsay.
Ici, les témoins s'en souviennent eurent lieu nombre de scènes émouvantes de retrouvailles, mais aussi, tant de scènes bouleversantes quand l'épreuve de la captivité avait brisé des familles et des destins.
Pour les prisonniers de guerre qui n'avaient pu s'évader ou qui n'avaient pas été libérés, cinq longues années d'une si difficile captivité prenaient fin.
Une captivité commencée au lendemain des terribles combats de mai et juin 1940.
Face à un ennemi à la force irrésistible, tous, officiers, sous-officiers, soldats, ont combattu courageusement et souvent héroïquement.
En quelques semaines, près de 100 000 combattants sont tombés au champ d'honneur, plus de 250 000 ont été blessés au combat.
Leur sacrifice, injustement méconnu, mérite le respect et la reconnaissance de la Nation.
Cependant, leur valeur et leur loyauté ne purent changer le cours de l'Histoire.
Aux termes de l'Armistice, plus de 1 800 000 Français prirent le douloureux chemin de l'Allemagne pour y être détenus.
Au choc, immense, de la défaite, aux souffrances liées à toute captivité, s'ajoutèrent la rudesse du parcours, la dureté des stalags et des oflags.
Les témoignages comme les rapports officiels ont abondamment décrit ce que vécurent nos prisonniers dans un pays en guerre totale conduit par un régime barbare à l'idéologie criminelle.
Je salue, cet après-midi, les anciens prisonniers de guerre, les " P G ", présents parmi nous.
Je vous assure, ainsi que vos camarades, de toute l'estime du pays.
Cette cérémonie du 60ème anniversaire du retour en France invite naturellement à se souvenir aussi de ceux qui prirent tous les risques pour s'évader.
Plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes parvinrent à fausser compagnie à leurs geôliers.
Il leur en fallait du courage, de la hardiesse, pour s'échapper, pour traverser l'Allemagne, parfois l'Europe, avant de rejoindre la France.
Il leur en fallait de l'habileté, de l'intelligence, pour ne pas être repris.
Et, je pense à ceux qui ne réussirent pas à mener à bien leur projet d'évasion.
Nous savons qu'ils furent alors souvent soumis à des traitements cruels, à de nouvelles conditions de détentions inhumaines dans des camps et des lieux de sinistre mémoire.
En même temps que les prisonniers de guerre, revinrent en France les requis du Service du Travail Obligatoire.
C'est la collusion croissante entre l'occupant et les autorités de la collaboration, leur compromission, qui avait abouti à l'humiliante création du STO.
D'emblée, cette mesure honteuse a profondément heurté le cur des Français.
Nous sommes fiers de tous ceux qui ont réussi à fuir cette funeste obligation.
L'année dernière, sur le plateau du Vercors, au nom du Gouvernement, j'ai rendu solennellement hommage aux innombrables réfractaires, à ceux qui ont grossi les rangs de la Résistance et des maquis.
Ils ont bien mérité de la patrie.
Pourtant, plusieurs dizaines de milliers de Français ne purent pas échapper à la contrainte, implacable, exercée par les nazis et leurs séides.
Pour eux, s'engagea une douloureuse et durable épreuve. On comprend ce qu'ils ont ressenti, et ce qu'ils ressentent encore.
Je salue toutes les victimes de l'application de cette loi inique.
Messieurs, nous savons que vous avez alors tout fait pour contrarier l'effort de guerre de l'ennemi.
Sabotages et résistance passive ont magnifiquement exprimé votre indéfectible patriotisme.
Le nombre des prisonniers de guerre et le prolongement de leur détention, le principe même du STO et la masse des travailleurs ainsi contraints, furent une épreuve marquante pour la Nation toute entière.
Pendant la guerre et même des années après, cette blessure a marqué les esprits et le pays.
Dans l'adversité, ces hommes devinrent l'enjeu de négociations cyniques entre l'occupant et ses complices de Vichy.
Leurs familles et l'ensemble de la population en subirent les tristes répercussions.
Mais, après leur retour, nombreux et solidaires, ils surent susciter des idées nouvelles, des forces politiques importantes, des mouvements associatifs puissants.
Ils ont imprégné le mouvement des idées et l'action de la République de leur humanisme, de leur attachement à la dignité des hommes et à la fraternité entre les peuples.
Mesdames, Messieurs, en se remémorant ces temps de malheurs, on mesure l'importance du changement opéré en Europe au cours du dernier demi-siècle.
Nos peuples ont réussi à transformer le cours de leur Histoire.
Des siècles d'affrontements, de morts, de massacres, de souffrances ont laissé place à l'union et à la paix.
Cette gare, témoin de tant de larmes, de joie et de douleur, cette gare est devenue un musée.
Puissions-nous ne plus jamais assister à un retour en arrière tragique sur notre continent.
Désormais, la poursuite de cette grande espérance est entre nos mains.
C'est à nous qu'il appartient de défendre et de transmettre cet idéal né des malheurs dont nous nous souvenons aujourd'hui.
Nous le devons aux combattants victorieux, à toutes les victimes, à celles et à ceux qui connaissent le prix du combat et de la haine.
Nous le devons aux artisans de la paix en Europe. Courageux et audacieux, sur des terres qui n'y étaient jamais parvenues, ils sont parvenus à conjuguer la paix et la liberté.
Vive la République !
Vive la France !
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 mai 2005)