Texte intégral
Q.- Monsieur le ministre de la défense, dans votre discours du 12 novembre dernier, vous avez défini les orientations devant présider à la réorganisation de la Direction des constructions navales, la DCN, autour desquelles s'est engagée la réflexion au sein de la représentation nationale et des établissements.
Parmi les grands axes sur lesquels vous avez appelé à la concertation figurent, d'une part, la mesure d'âge à cinquante-deux ans qui doit permettre une adaptation en douceur du format des établissements DCN, et, d'autres part, les recrutements de jeunes censés compenser les effets de cette disposition.
Vous avez également souligné la nécessité de dynamiser les écoles de formation technique en les orientant vers la formation continue des personnels de la DCN et en les incitant à diversifier leur plan de charge, notamment en mettant leur outil au service des entreprises privées et publiques des bassins d'emploi.
Enfin, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre la réduction de la durée du temps de travail dans les établissements de DCN considérant que cette mesure, à laquelle le Gouvernement a montré son attachement, pourrait utilement relancer le dialogue social au sein des établissements et permettre d'engager une réflexion approfondie sur l'organisation du travail au sein de la DCN. Il devrait en résulter une amélioration de la productivité du travail, absolument indispensable à la restauration de la compétitivité des établissements.
Voilà les quelques points, monsieur le ministre, sur lesquels je souhaite obtenir les réponses les plus précises possible.
Pour ce qui concerne la mesure d'âge à cinquante-deux ans, elle touchera à peu près 700 personnes sur le site de Cherbourg et risque, si elle n'est pas compensée par des recrutements de jeunes sur le volume desquels il faut s'entendre, de conduire à une remise en cause des compétences de la DCN dans ce que l'on appelle ses "coeurs de métier". C'est la raison pour laquelle, dans le cadre d'une réflexion propre à l'établissement de Cherbourg et à laquelle ont été associées les organisations syndicales, l'hypothèse a été émise d'un recrutement d'une centaine de jeunes sur trois ou quatre exercices budgétaires. Ce recrutement permettrait de compenser l'effet sur les compétences et sur l'organisation de l'établissement de la mise en oeuvre des mesures d'âge. Bien entendu, s'il devait intervenir, ce recrutement suppose, comme vous l'avez souhaité vous-même, une dynamisation des écoles de formation technique.
Pour ce qui concerne la formation initiale des ouvriers sous statut, je tiens à préciser que, sur les treize instructeurs que comptent actuellement les écoles de formation technique, quatre doivent partir à la retraite dans les années qui viennent. Or nous sommes très attachés à leur remplacement et nous faisons tout, au sein de la commission de suivi dont vous avez souhaité la création et qui a été instituée en présence du délégué interministériel pour la restructuration de la défense au cours des dernières semaines, pour que les écoles de formation technique orientent leur activité dans le sens de la diversification.
Pour terminer, je voudrais appeler votre attention sur deux points.
Le premier porte sur la réduction de la durée du temps de travail. Il s'agit d'un chantier extrêmement lourd et difficile. Vous savez à quel point les ouvriers de la DCN et leur encadrement sont soucieux d'améliorer la compétitivité de l'établissement pour être en mesure de faire face à des appels d'offres en dehors de leurs relations classiques avec la marine nationale. A cet effet, il convient d'augmenter la productivité du travail et de réorganiser le travail au sein d'un certain nombre d'ateliers. La réduction de la durée du temps de travail et le lancement d'une négociation large autour de ce sujet pourraient incontestablement permettre d'aboutir à ces résultats.
Le second point concerne l'avenir de l'hôpital militaire de Cherbourg. Nous saisissons bien, monsieur le ministre, que la professionnalisation des armées privera les centres hospitaliers des armées du concours des médecins appelés du contingent, qui remplissaient des missions importantes. Nous comprenons également que les médecins militaires devront intervenir de plus en plus soit au sein des hôpitaux d'instruction des armées pour former ceux qui seront appelés à intervenir sur le théâtre des opérations, soit au titre de la projection de force sur le théâtre pour participer à un certain nombre d'opérations où l'armée française se trouve impliquée.
Cela étant, la carte sanitaire cherbourgeoise présente des spécificités qui tiennent au fait que l'hôpital militaire de Cherbourg a été pris en compte dans la définition de cette carte sanitaire. Ainsi, alors que le taux d'occupation des lits à l'hôpital civil, l'hôpital Pasteur de Cherbourg, est de l'ordre de 98 %, la disparition de l'hôpital militaire priverait la carte sanitaire des moyens hospitaliers nécessaires à l'exercice des missions des différents hôpitaux. Or, du fait de la présence d'une mono-industrie nucléaire militaire et civile et des problèmes de santé publique propres à ce bassin d'emploi qui peuvent en résulter, la situation est particulièrement cruciale à Cherbourg. Cela me conduit à insister auprès de vous, monsieur le ministre, afin que les moyens humains, matériels, techniques de l'hôpital maritime soient maintenus dans cette ville, quitte à établir une collaboration plus étroite entre l'hôpital civil et l'hôpital militaire selon des modalités à trouver.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le député, pour mettre en prospective les questions, je rappelle tout d'abord que, pour appliquer la loi de programmation dans les années à venir, le Gouvernement a retenu un objectif budgétaire en croissance par rapport au budget de 1998. En outre, il a assorti cet objectif ambitieux, et qui n'est pas si fréquent aujourd'hui dans les pays d'Europe, d'une exigence accrue d'efficacité envers les différentes structures, notamment industrielles, qui travaillent pour la défense, cela s'appliquant à la DCN comme aux autres. Nous nous plaçons donc dans une hypothèse de consolidation du volume d'activité.
Aujourd'hui même, je tiens des réunions approfondies avec chacune des organisations syndicales représentatives des personnels de la construction navale afin d'engager une discussion complète sur la modernisation négociée de la Direction des constructions navales qui doit se dérouler avec la compréhension et l'assentiment des personnels concernés.
Le conflit social qu'a connu l'établissement de Toulon s'est terminé vendredi. Cette conclusion permet que, dès cette semaine, s'engagent des discussions autour de M. Greif, directeur des constructions navales, et de M. Jean-Louis Moynot, que j'ai chargé d'une mission de modernisation économique et sociale, pour évoquer la réorganisation industrielle de ces établissements de l'Etat dans les conditions que vous avez rappelées. Il s'agit, en effet, de gagner en compétitivité et en efficacité afin de pouvoir compléter le plan de charge, en plus des missions pour la marine nationale, par du travail en coopération avec les Etats étrangers attirés par la qualité et la valeur technique des productions de la DCN et, éventuellement, de s'engager dans des opérations en diversification comme à Brest avec les plates-formes off shore. Cette possibilité est à étudier dans le cas de Cherbourg.
Cela passe, entre autres, par la mise en oeuvre de la mesure d'âge à 52 ans qui, en effet, a été définitivement approuvée par le Gouvernement dans un décret du mois de mai. C'est ce qui permettra de ramener les effectifs à un format plus adapté au plan de charge prévisible, mais aussi de faciliter la réorganisation des différents établissements qui doivent atteindre une cohésion entre eux.
Les objectifs sur l'aménagement du temps de travail vont s'engager avec la même finalité. Comme vous le suggérez, la discussion portera globalement sur la durée et l'aménagement du temps de travail et sur l'organisation du travail dans le sens de la modernisation négociée.
En ce qui concerne les recrutements, je rappellerai d'abord que la mesure d'âge à 52 ans est conditionnée par le processus du double volontariat des intéressés et de l'administration. Ainsi, aucun salarié ne sera contraint à partir et certains volontaires seront retenus par l'établissement, précisément à cause de leur savoir-faire, je pense notamment aux techniciens ou à la maîtrise. Ce n'est donc que dans la deuxième partie de l'année, lorsque ce dispositif aura fonctionné pendant quelques mois, qu'il sera possible d'en évaluer les effets. Nous ouvrirons alors, établissement par établissement, des discussions sociales sur le renouvellement des compétences et le niveau des recrutements nécessaires compte tenu du plan de charge. En tout état de cause, il y aura des recrutements: c'est le complément logique de cette mesure de départ anticipé.
Les écoles de formation technique devront, dans ce cadre, exercer pleinement leur mission qui va s'étendre, comme cela s'est déjà fait avec succès, à Brest, à l'ensemble des personnels de la défense en s'ouvrant aux salariés du bassin d'emploi même de statut non militaire.
Par ailleurs, dans quelques semaines, l'ingénieur général Piketti et l'amiral Foillard présenteront le rapport qu'ils m'ont récemment remis sur les conditions nécessaires au lissage du plan de charge de l'établissement de Cherbourg. Ils le feront devant les membres de la commission locale de suivi avec les élus concernés, bien sûr, et les organisations syndicales représentatives.
L'ensemble de ces éléments, auxquels devront naturellement s'ajouter les réflexions de la mission de M. Vincent sur la pérennisation des activités de diversification pétrolières pour Brest et les conclusions qu'on peut tirer des contrats à l'exportation, montrent qu'un véritable mouvement a été engagé. Je souhaite qu'il soit complété par une grande clarification des comptes de la DCN. En effet, ce n'est que si la Direction, le ministère et les représentants des organisations de salariés s'entendent sur les chiffres et l'équilibre financier de la DCN que des discussions vraiment fructueuses pourront être menées. C'est ainsi que nous pourrons assurer à la DCN et à ses personnels, dans le cadre de leur statut, un avenir à la hauteur des capacités technologiques de premier plan de cette entreprise.
A propos de l'hôpital Pasteur de Cherbourg, la décision relative à la réorganisation du service de santé n'est pas encore prise. Je dois la soumettre au Premier ministre dans la prochaine quinzaine. Quoi qu'il en soit, que cette décision maintienne en l'état l'hôpital Pasteur ou qu'elle se traduise par un regroupement avec d'autres établissements militaires, nous devons tenir compte de la contribution de cet hôpital aux besoins de santé de la presqu'île du Cotentin. Soyez donc assuré qu'avant que la décision ne soit prise nous poursuivrons la concertation de manière à prendre pleinement en compte les éléments du dossier dont je vous remercie de l'avoir présenté de façon complète et aussi soigneuse.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 novembre 2001)
Q - Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. Elle vise à connaître son sentiment sur les propos tenus par un membre de la majorité parlementaire, qui plus est vice-président de notre assemblée, lors du débat d'orientation budgétaire.
En effet, ce parlementaire du groupe RCV a remis en cause purement et simplement la pertinence des programmes militaires en affirmant: "Y a-t-il trop de fonctionnaires ? Je ne le crois pas. Y a-t-il trop de militaires ? Je le crois."
Je pense, en tant qu'ancien officier de carrière, que mes camarades qui défendent la paix sur des théâtres d'opérations extérieures, parfois au péril de leur vie, sauront apprécier les propos de ce représentant de la majorité, qui soutient peut-être l'action du Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre. Cette prise de position d'un vice-président de l'Assemblée nationale.est inquiétante dans la mesure où elle s'oppose à celle du Président de la République, à celle de M. le Premier ministre, et à la vôtre, monsieur le ministre. La politique de défense de notre pays ne souffre pas la médiocrité.
Enfin, je voudrais rappeler à ce collègue, sans doute égaré par une idéologie soixante-huitarde les termes du discours prononcé par M. Jospin, Premier ministre de notre pays, à Saint-Mandrier, devant des officiers et des officiers-mariniers: "Notre premier objectif demeure donc la poursuite d'un effort spécifique dans les domaines de la dissuasion nucléaire." C'était le 3 avril dernier, mes chers collègues.
Mnsieur le ministre, j'en viens à ma question :en quels termes pensez-vous pouvoir convaincre votre majorité décidément si plurielle ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le député, pour avoir vivement souhaité, dans des législatures précédentes, que des discussions ouvertes devant l'Assemblée nationale permettent au gouvernement de former ses choix budgétaires après un réel échange, je pense que l'actuel Gouvernement a bien fait d'organiser la semaine dernière un débat d'orientation budgétaire au cours duquel des parlementaires de toutes opinions ont pu exprimer des propositions tant sur les recettes que sur les dépenses du budget de notre pays. Il me paraît en effet utile, quand on exerce avec conscience le mandat qui est le vôtre, que 1 500 milliards de francs de dépenses publiques fassent l'objet de discussions préalables permettant à chacun de faire part de son opinion
Mais ce n'est pas tout. Ce même parlementaire a également estimé qu'il convenait d'annuler, de retarder ou d'étaler des programmes comme ceux du char Leclerc, de l'avion Rafale, du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins et du missile balistique M . Les ouvriers des arsenaux et du GIAT apprécieront !
M. Cova : Ces propos sont surprenants, choquants, et révèlent une profonde méconnaissance des problèmes de défense. Je pense que vous aurez à cur d'expliquer à ce parlementaire l'importance de ces programmes pour la défense de notre pays et le maintien de la paix dans le monde. Vous lui démontrerez l'intérêt du programme de simulation des essais nucléaires, qu'il convient selon lui de supprimer purement et simplement.
M. le ministre de la défense. Toutes les opinions sont respectables. Par ailleurs, si vous aviez lu, au lieu de les citer en les déformant, les propos de M. Cochet, il ne vous aurait pas échappé qu'il indiquait une préférence pour une réduction limitée des dépenses de défense. Ce n'est pas la position que défendra le Gouvernement. Celle-ci sera, comme vous avez bien fait de le rappeler, conforme à celle qu'a exprimée le Premier ministre à Saint-Mandrier, il y a deux mois.
Mais, monsieur Cova, puisque vous avez une certaine expérience de la législature précédente, je vous ferai observer que, à défaut de débat d'orientation budgétaire correct, la majorité antérieure a essayé de bricoler des réductions de dépenses alors même que la discussion budgétaire se déroulait, et que cela a été un fiasco total. Nous, nous débattons avant, ce qui est de meilleure méthode. En fait, monsieur le député, je préfère de loin une majorité qui est, certes, diverse mais qui débat de questions de fond et de thèmes politiques honorables, et arrive toujours à se rassembler, à une minorité qui, hélas ! discute de thèmes comme la préférence nationale et finit par se déchirer !
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 novembre 2001)
Parmi les grands axes sur lesquels vous avez appelé à la concertation figurent, d'une part, la mesure d'âge à cinquante-deux ans qui doit permettre une adaptation en douceur du format des établissements DCN, et, d'autres part, les recrutements de jeunes censés compenser les effets de cette disposition.
Vous avez également souligné la nécessité de dynamiser les écoles de formation technique en les orientant vers la formation continue des personnels de la DCN et en les incitant à diversifier leur plan de charge, notamment en mettant leur outil au service des entreprises privées et publiques des bassins d'emploi.
Enfin, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre la réduction de la durée du temps de travail dans les établissements de DCN considérant que cette mesure, à laquelle le Gouvernement a montré son attachement, pourrait utilement relancer le dialogue social au sein des établissements et permettre d'engager une réflexion approfondie sur l'organisation du travail au sein de la DCN. Il devrait en résulter une amélioration de la productivité du travail, absolument indispensable à la restauration de la compétitivité des établissements.
Voilà les quelques points, monsieur le ministre, sur lesquels je souhaite obtenir les réponses les plus précises possible.
Pour ce qui concerne la mesure d'âge à cinquante-deux ans, elle touchera à peu près 700 personnes sur le site de Cherbourg et risque, si elle n'est pas compensée par des recrutements de jeunes sur le volume desquels il faut s'entendre, de conduire à une remise en cause des compétences de la DCN dans ce que l'on appelle ses "coeurs de métier". C'est la raison pour laquelle, dans le cadre d'une réflexion propre à l'établissement de Cherbourg et à laquelle ont été associées les organisations syndicales, l'hypothèse a été émise d'un recrutement d'une centaine de jeunes sur trois ou quatre exercices budgétaires. Ce recrutement permettrait de compenser l'effet sur les compétences et sur l'organisation de l'établissement de la mise en oeuvre des mesures d'âge. Bien entendu, s'il devait intervenir, ce recrutement suppose, comme vous l'avez souhaité vous-même, une dynamisation des écoles de formation technique.
Pour ce qui concerne la formation initiale des ouvriers sous statut, je tiens à préciser que, sur les treize instructeurs que comptent actuellement les écoles de formation technique, quatre doivent partir à la retraite dans les années qui viennent. Or nous sommes très attachés à leur remplacement et nous faisons tout, au sein de la commission de suivi dont vous avez souhaité la création et qui a été instituée en présence du délégué interministériel pour la restructuration de la défense au cours des dernières semaines, pour que les écoles de formation technique orientent leur activité dans le sens de la diversification.
Pour terminer, je voudrais appeler votre attention sur deux points.
Le premier porte sur la réduction de la durée du temps de travail. Il s'agit d'un chantier extrêmement lourd et difficile. Vous savez à quel point les ouvriers de la DCN et leur encadrement sont soucieux d'améliorer la compétitivité de l'établissement pour être en mesure de faire face à des appels d'offres en dehors de leurs relations classiques avec la marine nationale. A cet effet, il convient d'augmenter la productivité du travail et de réorganiser le travail au sein d'un certain nombre d'ateliers. La réduction de la durée du temps de travail et le lancement d'une négociation large autour de ce sujet pourraient incontestablement permettre d'aboutir à ces résultats.
Le second point concerne l'avenir de l'hôpital militaire de Cherbourg. Nous saisissons bien, monsieur le ministre, que la professionnalisation des armées privera les centres hospitaliers des armées du concours des médecins appelés du contingent, qui remplissaient des missions importantes. Nous comprenons également que les médecins militaires devront intervenir de plus en plus soit au sein des hôpitaux d'instruction des armées pour former ceux qui seront appelés à intervenir sur le théâtre des opérations, soit au titre de la projection de force sur le théâtre pour participer à un certain nombre d'opérations où l'armée française se trouve impliquée.
Cela étant, la carte sanitaire cherbourgeoise présente des spécificités qui tiennent au fait que l'hôpital militaire de Cherbourg a été pris en compte dans la définition de cette carte sanitaire. Ainsi, alors que le taux d'occupation des lits à l'hôpital civil, l'hôpital Pasteur de Cherbourg, est de l'ordre de 98 %, la disparition de l'hôpital militaire priverait la carte sanitaire des moyens hospitaliers nécessaires à l'exercice des missions des différents hôpitaux. Or, du fait de la présence d'une mono-industrie nucléaire militaire et civile et des problèmes de santé publique propres à ce bassin d'emploi qui peuvent en résulter, la situation est particulièrement cruciale à Cherbourg. Cela me conduit à insister auprès de vous, monsieur le ministre, afin que les moyens humains, matériels, techniques de l'hôpital maritime soient maintenus dans cette ville, quitte à établir une collaboration plus étroite entre l'hôpital civil et l'hôpital militaire selon des modalités à trouver.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le député, pour mettre en prospective les questions, je rappelle tout d'abord que, pour appliquer la loi de programmation dans les années à venir, le Gouvernement a retenu un objectif budgétaire en croissance par rapport au budget de 1998. En outre, il a assorti cet objectif ambitieux, et qui n'est pas si fréquent aujourd'hui dans les pays d'Europe, d'une exigence accrue d'efficacité envers les différentes structures, notamment industrielles, qui travaillent pour la défense, cela s'appliquant à la DCN comme aux autres. Nous nous plaçons donc dans une hypothèse de consolidation du volume d'activité.
Aujourd'hui même, je tiens des réunions approfondies avec chacune des organisations syndicales représentatives des personnels de la construction navale afin d'engager une discussion complète sur la modernisation négociée de la Direction des constructions navales qui doit se dérouler avec la compréhension et l'assentiment des personnels concernés.
Le conflit social qu'a connu l'établissement de Toulon s'est terminé vendredi. Cette conclusion permet que, dès cette semaine, s'engagent des discussions autour de M. Greif, directeur des constructions navales, et de M. Jean-Louis Moynot, que j'ai chargé d'une mission de modernisation économique et sociale, pour évoquer la réorganisation industrielle de ces établissements de l'Etat dans les conditions que vous avez rappelées. Il s'agit, en effet, de gagner en compétitivité et en efficacité afin de pouvoir compléter le plan de charge, en plus des missions pour la marine nationale, par du travail en coopération avec les Etats étrangers attirés par la qualité et la valeur technique des productions de la DCN et, éventuellement, de s'engager dans des opérations en diversification comme à Brest avec les plates-formes off shore. Cette possibilité est à étudier dans le cas de Cherbourg.
Cela passe, entre autres, par la mise en oeuvre de la mesure d'âge à 52 ans qui, en effet, a été définitivement approuvée par le Gouvernement dans un décret du mois de mai. C'est ce qui permettra de ramener les effectifs à un format plus adapté au plan de charge prévisible, mais aussi de faciliter la réorganisation des différents établissements qui doivent atteindre une cohésion entre eux.
Les objectifs sur l'aménagement du temps de travail vont s'engager avec la même finalité. Comme vous le suggérez, la discussion portera globalement sur la durée et l'aménagement du temps de travail et sur l'organisation du travail dans le sens de la modernisation négociée.
En ce qui concerne les recrutements, je rappellerai d'abord que la mesure d'âge à 52 ans est conditionnée par le processus du double volontariat des intéressés et de l'administration. Ainsi, aucun salarié ne sera contraint à partir et certains volontaires seront retenus par l'établissement, précisément à cause de leur savoir-faire, je pense notamment aux techniciens ou à la maîtrise. Ce n'est donc que dans la deuxième partie de l'année, lorsque ce dispositif aura fonctionné pendant quelques mois, qu'il sera possible d'en évaluer les effets. Nous ouvrirons alors, établissement par établissement, des discussions sociales sur le renouvellement des compétences et le niveau des recrutements nécessaires compte tenu du plan de charge. En tout état de cause, il y aura des recrutements: c'est le complément logique de cette mesure de départ anticipé.
Les écoles de formation technique devront, dans ce cadre, exercer pleinement leur mission qui va s'étendre, comme cela s'est déjà fait avec succès, à Brest, à l'ensemble des personnels de la défense en s'ouvrant aux salariés du bassin d'emploi même de statut non militaire.
Par ailleurs, dans quelques semaines, l'ingénieur général Piketti et l'amiral Foillard présenteront le rapport qu'ils m'ont récemment remis sur les conditions nécessaires au lissage du plan de charge de l'établissement de Cherbourg. Ils le feront devant les membres de la commission locale de suivi avec les élus concernés, bien sûr, et les organisations syndicales représentatives.
L'ensemble de ces éléments, auxquels devront naturellement s'ajouter les réflexions de la mission de M. Vincent sur la pérennisation des activités de diversification pétrolières pour Brest et les conclusions qu'on peut tirer des contrats à l'exportation, montrent qu'un véritable mouvement a été engagé. Je souhaite qu'il soit complété par une grande clarification des comptes de la DCN. En effet, ce n'est que si la Direction, le ministère et les représentants des organisations de salariés s'entendent sur les chiffres et l'équilibre financier de la DCN que des discussions vraiment fructueuses pourront être menées. C'est ainsi que nous pourrons assurer à la DCN et à ses personnels, dans le cadre de leur statut, un avenir à la hauteur des capacités technologiques de premier plan de cette entreprise.
A propos de l'hôpital Pasteur de Cherbourg, la décision relative à la réorganisation du service de santé n'est pas encore prise. Je dois la soumettre au Premier ministre dans la prochaine quinzaine. Quoi qu'il en soit, que cette décision maintienne en l'état l'hôpital Pasteur ou qu'elle se traduise par un regroupement avec d'autres établissements militaires, nous devons tenir compte de la contribution de cet hôpital aux besoins de santé de la presqu'île du Cotentin. Soyez donc assuré qu'avant que la décision ne soit prise nous poursuivrons la concertation de manière à prendre pleinement en compte les éléments du dossier dont je vous remercie de l'avoir présenté de façon complète et aussi soigneuse.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 novembre 2001)
Q - Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. Elle vise à connaître son sentiment sur les propos tenus par un membre de la majorité parlementaire, qui plus est vice-président de notre assemblée, lors du débat d'orientation budgétaire.
En effet, ce parlementaire du groupe RCV a remis en cause purement et simplement la pertinence des programmes militaires en affirmant: "Y a-t-il trop de fonctionnaires ? Je ne le crois pas. Y a-t-il trop de militaires ? Je le crois."
Je pense, en tant qu'ancien officier de carrière, que mes camarades qui défendent la paix sur des théâtres d'opérations extérieures, parfois au péril de leur vie, sauront apprécier les propos de ce représentant de la majorité, qui soutient peut-être l'action du Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre. Cette prise de position d'un vice-président de l'Assemblée nationale.est inquiétante dans la mesure où elle s'oppose à celle du Président de la République, à celle de M. le Premier ministre, et à la vôtre, monsieur le ministre. La politique de défense de notre pays ne souffre pas la médiocrité.
Enfin, je voudrais rappeler à ce collègue, sans doute égaré par une idéologie soixante-huitarde les termes du discours prononcé par M. Jospin, Premier ministre de notre pays, à Saint-Mandrier, devant des officiers et des officiers-mariniers: "Notre premier objectif demeure donc la poursuite d'un effort spécifique dans les domaines de la dissuasion nucléaire." C'était le 3 avril dernier, mes chers collègues.
Mnsieur le ministre, j'en viens à ma question :en quels termes pensez-vous pouvoir convaincre votre majorité décidément si plurielle ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le député, pour avoir vivement souhaité, dans des législatures précédentes, que des discussions ouvertes devant l'Assemblée nationale permettent au gouvernement de former ses choix budgétaires après un réel échange, je pense que l'actuel Gouvernement a bien fait d'organiser la semaine dernière un débat d'orientation budgétaire au cours duquel des parlementaires de toutes opinions ont pu exprimer des propositions tant sur les recettes que sur les dépenses du budget de notre pays. Il me paraît en effet utile, quand on exerce avec conscience le mandat qui est le vôtre, que 1 500 milliards de francs de dépenses publiques fassent l'objet de discussions préalables permettant à chacun de faire part de son opinion
Mais ce n'est pas tout. Ce même parlementaire a également estimé qu'il convenait d'annuler, de retarder ou d'étaler des programmes comme ceux du char Leclerc, de l'avion Rafale, du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins et du missile balistique M . Les ouvriers des arsenaux et du GIAT apprécieront !
M. Cova : Ces propos sont surprenants, choquants, et révèlent une profonde méconnaissance des problèmes de défense. Je pense que vous aurez à cur d'expliquer à ce parlementaire l'importance de ces programmes pour la défense de notre pays et le maintien de la paix dans le monde. Vous lui démontrerez l'intérêt du programme de simulation des essais nucléaires, qu'il convient selon lui de supprimer purement et simplement.
M. le ministre de la défense. Toutes les opinions sont respectables. Par ailleurs, si vous aviez lu, au lieu de les citer en les déformant, les propos de M. Cochet, il ne vous aurait pas échappé qu'il indiquait une préférence pour une réduction limitée des dépenses de défense. Ce n'est pas la position que défendra le Gouvernement. Celle-ci sera, comme vous avez bien fait de le rappeler, conforme à celle qu'a exprimée le Premier ministre à Saint-Mandrier, il y a deux mois.
Mais, monsieur Cova, puisque vous avez une certaine expérience de la législature précédente, je vous ferai observer que, à défaut de débat d'orientation budgétaire correct, la majorité antérieure a essayé de bricoler des réductions de dépenses alors même que la discussion budgétaire se déroulait, et que cela a été un fiasco total. Nous, nous débattons avant, ce qui est de meilleure méthode. En fait, monsieur le député, je préfère de loin une majorité qui est, certes, diverse mais qui débat de questions de fond et de thèmes politiques honorables, et arrive toujours à se rassembler, à une minorité qui, hélas ! discute de thèmes comme la préférence nationale et finit par se déchirer !
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 novembre 2001)