Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur la mise en place du pôle de Crolles, prototype des "plates-formes technologiques européennes", visant à renforcer le potentiel de recherche et d'innovation, sur la création de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de l'Agence de l'innovation industrielle, Crolles (Isère) le 7 avril 2005.

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Circonstance : Visite du site de Crolles (Isère) le 7 avril 2005

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Député,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs,
Je suis très heureux de me trouver ici, en pays de montagne, pour saluer le résultat de nombreuses années d'efforts dans le domaine de la recherche et de l'innovation.
Les montagnes, ces barrières naturelles parfois bien difficiles à franchir, ont longtemps servi de frontières entre les Etats. Mais si j'en juge par les réalisations de cette région, c'est peut être aussi ces frontières difficilement franchissables qui ont été une puissante motivation pour les hommes à se surpasser pour mieux communiquer et qui explique en partie le sens de la conquête, l'inventivité et le goût de l'innovation qui caractérise votre région.
Je crois que l'on peut réellement affirmer que le pôle de Crolles est le symbole d'une coopération internationale réussie autour d'un projet de haute technologie, projet dont j'ai pu apprécier l'ambition tout à l'heure.
Je suis particulièrement heureux de pouvoir effectuer cette visite aux côtés de M. Brinkhorst.
Car aujourd'hui, face à la croissance des autres zones économiques et scientifiques dans le monde, le seul territoire qui nous permettra de nous battre à armes égales est bien celui de l'Europe.
L'émergence de Grenoble en tant que pôle de visibilité mondiale dans le domaine de la micro-électronique doit beaucoup au rôle décisif joué par l'initiative européenne Eureka. Le " cluster " MEDEA et son prédécesseur JESSI menés dans ce cadre ont permis la remontée spectaculaire des acteurs européens dans le classement mondial des industriels de la microélectronique, en créant dans la période, plus de 50 000 emplois au niveau européen.
Je voulais rappeler d'entrée ces données en présence de M. Brinkhorst car les Pays-bas figurent, avec l'Allemagne et la France, parmi les trois pays " moteurs " de MEDEA.
L'exemple de MEDEA est donc une belle illustration des succès auxquels a pu conduire l'analyse commune de nos pays en permettant de constituer des masses critiques technologiques de niveau européen, souvent indispensables pour peser dans la concurrence mondiale, et en permettant de concentrer les soutiens publics à la R D sur un petit nombre de priorités stratégiques.
L'Europe s'est fixé un objectif ambitieux à Lisbonne pour le développement de la recherche et de l'innovation qui doit atteindre 3% du PIB en 2010, afin de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde.
La Commission européenne a engagé un travail en profondeur pour se donner les moyens d'atteindre cet objectif et structurer l'espace européen de la recherche en évitant la dispersion des efforts.
Le Commissaire européen de la Recherche, M. Janez Potocnik a rendu public, hier, les nouvelles orientations proposées pour le 7ème programme cadre de recherche et de développement, qui démarrera en 2007.
Un des axes prioritaires de ce programme est la constitution des " plates-formes technologiques européennes ". Cette initiative redonne toute sa place à la recherche dans une démarche ambitieuse, en association avec les industriels. Ce concept de plate-forme technologique est bien connu des industriels de la filière micro-électronique car il est étroitement lié à celui des " clusters Eureka " que j'évoquais à l'instant.
Les plates-formes technologiques européennes sont , pour l'Europe, le moyen de mettre en uvre non seulement une politique de recherche dynamique mais aussi une véritable politique industrielle.
L'objectif est de déterminer quelques axes prioritaires de recherche qui auront des impacts forts sur la société, et de réunir tous les acteurs (grandes entreprises, centres de recherche, PME) autour d'une vision et d'une approche communes.
Le pôle de Crolles est une préfiguration de ce que pourraient être ces plates-formes technologiques. Le programme mené par l'Alliance Philips, Freescale et STMicroelectronics, dont je salue aujourd'hui le nouveau Président Carlo Bozotti, qui a remplacé il y a quelques semaines Pacale Pistorio, est emblématique de ce que doit être la coopération d'entreprises et de laboratoires de recherche autour d'une vision et d'un programme stratégique communs.
En réunissant sur un même outil industriel trois grandes entreprises qui ont décidé d'unir leurs forces de R D, avec un soutien fort de l'Etat et des collectivités territoriales, cette opération a permis de projeter l'image d'une France technologiquement innovante.
Grenoble et sa région sont aujourd'hui connues à l'international comme étant le creuset des recherches en micro et nanotechnologies ; c'est cet effet structurant que nous cherchons et que nous voulons reproduire sur d'autres territoires.
S'il y a un secret à la réussite dans le domaine de la recherche et de l'innovation c'est avant tout la mobilisation de tous les acteurs. L'innovation ressort bien souvent, en effet, de contacts et d'échanges entre hommes et femmes qui partagent des mêmes compétences et un même territoire.
C'est pourquoi le Gouvernement Français a voulu s'inspirer sur l'ensemble de son territoire de ce modèle de développement économique et apporter ainsi sa contribution à la construction de l'Europe de la recherche. C'est cette vision qui nous a conduit à lancer, en septembre 2004, l'exercice des pôles de compétitivité, auquel vous avez répondu. Regrouper sur un même territoire l'ensemble des forces liées à l'innovation, autour d'une stratégie et d'un domaine technologique, c'est tenter de reproduire ce qui se passe ici et qui marche.
En associant les entreprises, les centres publics de recherche et les instituts de formation autour d'une stratégie partagée au service du développement économique, nous espérons que se libéreront les énergies de notre nation.
Ce dispositif vise avant tout à permettre qu'émergent des projets concrets de coopération entre ces acteurs. Cette dimension collaborative est essentielle.
700 M d'euros sur trois ans seront dédiés au développement des pôles de compétitivité. Tous les projets ne pourront bien entendu pas être labellisés car les pôles de compétitivité doivent prouver leur capacité à atteindre la taille critique, avec une visibilité internationale. Mais la dynamique créée autour de l'appel à projets est d'ores et déjà un immense succès. Elle a permis la constitution de plus de 100 partenariats stratégiques qui se poursuivront, j'en suis convaincu, sur le long terme, et s'inscriront dans une structuration de l'outil de recherche et de l'industrie de notre pays et, au-delà de l'Europe.
Le processus de sélection qui s'est enclenché par la remise des dossiers le 28 février dernier comporte trois phases : la première est une instruction par le préfet de région. La deuxième est une instruction par les services centraux de l'Etat. Enfin, les dossiers seront examinés par un groupe de personnalités qualifiées. A l'issue de ce processus, le Comité interministériel à l'aménagement du territoire (CIADT) de juillet prochain labellisera les projets d'envergure internationale et précisera l'accompagnement de l'Etat pour les dossiers qui permettront une structuration des territoires dans un objectif de développement économique et de compétitivité.
Mais la réussite de Crolles, c'est aussi un formidable investissement financier de tous au service de la recherche et de la technologie européenne. L'industrie de la filière micro-électronique est caractérisée par des coûts d'investissement et de R D très élevés et indissociables de la production. Durant la décennie écoulée, ce sont près de 4 Mds d'euros qui ont été investis par les entreprises partenaires du programme bien sûr, mais également par l'Etat puis les collectivités locales, sans oublier les centres de recherche de pointe comme le CEA-LETI et les instituts de formation, universités et écoles d'ingénieurs de Grenoble. Cet effort d'investissement considérable sera poursuivi et amplifié.
Ainsi entre 2003 et 2008, il est prévu que le projet CROLLES II mobilise 3,5 Mds d'euros, soit 2,2 Mds d'euros d'investissements matériels et 1,3 Md d'euros de dépenses de recherche pure, afin qu'un nouveau seuil technologique puisse encore être franchi. La constitution d'un pôle comme celui-ci est donc une affaire de constance, de long terme, et de patience.
Au-delà de la dimension territoriale essentielle pour renforcer notre potentiel de recherche et d'innovation, c'est parce qu'il est conscient de la nécessité d'accompagner l'effort des industriels et de mobiliser les laboratoires publics que le Gouvernement a souhaité se doter de nouveaux outils structurants, qui sont en cours de constitution et seront opérationnels avant la fin de l'année : l'Agence Nationale de la Recherche, consacrée à la recherche amont, et l'Agence de l'Innovation Industrielle, davantage tournée vers l'innovation des entreprises.
C'est là une rupture absolument fondamentale, qui marque la volonté de l'Etat, dans sa politique de recherche comme dans sa politique industrielle, de dépasser le soutien " transversal " et indifférencié à l'ensemble des acteurs économiques pour développer la culture de projets, entrer dans une ère de choix partagés par tous et améliorer l'efficacité globale de notre effort de recherche et développement.
Cette volonté de multiplier les ponts entre les laboratoires et les entreprises, qui a montré toute son efficacité dans votre région, sera un enjeu essentiel du projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche et de l'innovation que le Gouvernement prépare et c'est la raison pour laquelle nous avons mis en place l'Agence nationale de la recherche (A. N. R.) qui a tenu son premier conseil d'administration le 15 février dernier.
L'ANR a pour vocation de financer des projets de recherche sélectionnés suivant des critères d'excellence, selon les standards internationaux. Ces projets concerneront à la fois la recherche fondamentale, la recherche partenariale alliant les laboratoires publics aux centres de R D des entreprises, et la recherche privée d'excellence.
Dotée dès cette année de 350Md'euros de crédits, l'ANR lancera les premiers appels à projet dans les prochaines semaines. Elle s'appuiera pour cela sur les Réseaux de recherche et d'innovation technologique (RRIT) qui ont déjà fait leur preuve par le passé. Ainsi dans le secteur des nanosciences et des nanotechnologies, un nouveau réseau, le R3N est mis en place. Avec mon collègue François d'Aubert, Ministre délégué à la Recherche, nous avons décidé de confier la présidence de ce réseau à M. Laurent Gouzènes, directeur des programmes de STMicroelectronics. Il est l'un des fers de lance du succès de Crolles et nous comptons sur lui pour conduire ce réseau. C'est la nouvelle illustration de notre volonté de développer les synergies entre laboratoires et entreprises. Le R3N fait partie des priorités de l'ANR et je veillerai, avec M. François d'AUBERT à ce qu'ils soient dotés des moyens financiers à la hauteur de l'enjeu pour notre industrie.
Mais la réussite de la recherche ainsi que ses retombées sur l'économie et l'emploi passent par un tissu industriel fort : c'est dans les entreprises de plus de 1000 salariés que se réalise plus de 70% de la recherche des entreprises et que se joue encore largement l'accès aux marchés mondiaux. Ce sont aussi ces entreprises qui structurent le tissu industriel de notre pays, les PME comme les services à l'industrie, et font sa spécialisation technologique. C'est une donnée que nous ne pouvons oublier.
L'Agence de l'innovation industrielle, répond à la volonté de redonner à nos grandes entreprises un rôle de moteur économique de l'innovation.
Le Président de la République a chargé M. Beffa, PDG de Saint-Gobain, de réfléchir à la relance d'une politique de grands programmes industriels, qui seraient menés par les leaders industriels français, via le soutien de cette nouvelle agence.
Il s'agira, en concentrant l'effort public sur quelques thèmes dans lesquels nos grandes entreprises nous paraissent avoir leur chance dans le concert concurrentiel mondial, de faire émerger plus clairement des points forts, des domaines d'excellence.
L'Agence de l'innovation industrielle, qui pilotera ces programmes, sera créée d'ici l'été, et sera dotée, sur la période 2005-2007, de 2Mds d'euros.
La coopération menée ici à Crolles est une illustration du type de grands programmes innovants que cette nouvelle agence a vocation à soutenir.
Face à une tentation de la sinistrose ambiante qui conduirait à considérer que se battre est vain, je retrouve ici, dans votre région, une capacité de faire face, de se retrousser les manches et de coopérer sur un projet d'une très grande ambition. Grâce aux efforts de tous, Crolles peut être l'un des cinq centres mondiaux de la micro et nanoélectronique qui joueront dans la cour des grands au niveau international. Je compte sur vous pour continuer à servir de moteur à une politique industrielle réussie, basée sur l'innovation et la technologie. Vous pouvez en retour compter sur moi et sur l'ensemble du Gouvernement, par son action au niveau national comme au niveau européen, notamment avec M. BRINKHORST, pour vous aider à franchir avec succès les prochaines étapes qui vous mèneront vers d'autres succès.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 11 avril 2005)