Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Madame et Messieurs les Ambassadeurs,
Mes Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat est particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur les trois Etats du Caucase méridional -l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Il m'est spécialement agréable de vous exprimer mes souhaits de très cordiale bienvenue. Comme vous le savez, cette région, carrefour du monde, riche d'atouts et de potentialités qu'elle doit résolument mettre en valeur, me tient particulièrement à cur.
Commençons par revenir sur le proche passé. Depuis 1999, année de notre précédente réunion, quelle évolution, que de changements, de chantiers, de révolutions, parfois...
En Arménie tout d'abord, les indicateurs macro économiques sont encourageants : une croissance rapide - de l'ordre de 10 % par an depuis 2000 - principalement portée par le secteur agricole -, une inflation maîtrisée et des revenus réels en augmentation.
Les autorités ont courageusement entrepris des réformes structurelles : rapprochement de la législation arménienne avec les règles de l'OMC, volonté d'une plus grande proximité avec l'Union européenne.
L'activité bancaire a été réformée, assainie et consolidée : aujourd'hui, la banque centrale joue un rôle actif pour s'aligner sur les " standards " européens et poursuivre la réforme bancaire. Cette politique a pour résultat un assainissement du secteur et une augmentation de la demande de crédit, même si la défiance règne encore dans une économie aujourd'hui peu bancarisée. Une première société de leasing a été créée en 2003 : c'est une activité à encourager car elle favorise le développement des PME, qui souffrent actuellement d'une trop faible croissance.
J'en viens maintenant à l'Azerbaïdjan, pays pétrolier, gazier et de transit, qui connaît, pour sa part, l'une des meilleures situations macroéconomiques de la région : croissance de 10 % par an ; inflation, déficit et dette maîtrisés ; réserves de change et excédent commercial substantiels.
Le pays s'était déjà doté d'un fonds pétrolier pour financer notamment la diversification de l'économie ; il avait également adopté un programme de réduction de la pauvreté et de développement économique.
Depuis 2003, l'ardeur réformatrice s'est poursuivie avec l'adoption de la loi bancaire et de la loi garantissant l'indépendance de la banque centrale, avec la création d'une société d'Etat pour améliorer l'accès de la population aux ressources hydrauliques et avec l'élaboration d'un plan d'utilisation des moyens pétroliers.
En Géorgie, enfin, la situation se caractérise principalement par une croissance maintenue - à un niveau de 8,5 % - et la restauration des finances publiques : la collecte fiscale s'est indiscutablement améliorée et ses recettes ont permis le paiement massif d'arriérés et l'exécution du budget sans déficit, hors paiement d'arriérés.
Les réformes structurelles continuent avec notamment des transformations dans l'administration, la réorganisation du secteur énergétique et la poursuite active des privatisations. La gestion de la banque centrale est considérée comme excellente et le secteur bancaire, toujours peu développé, est sain.
Rappelons que la Géorgie va percevoir des revenus importants pour le transit -par son territoire- du pétrole et du gaz azerbaïdjanais. Et que l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan sera inauguré dans quelques jours, le 25 mai...
Ce rapide panorama, encourageant certes, ne serait pas complet si j'omettais d'évoquer les handicaps dont souffrent encore diversement ces trois pays et de mentionner les réformes inachevées ou à entreprendre.
Tout d'abord, il faut dire un mot de la difficile question de la pauvreté. Dans toute la région, on trouve des poches d'indigence même si elles tendent à se résorber. Les autorités se sont saisies de ce problème. Elles doivent plus que jamais veiller strictement à une répartition harmonieuse des fruits de la croissance.
N'oublions pas non plus le rôle considérable des PME, instrument précieux dans cette lutte comme dans la lutte contre l'exode des populations. Il faut donc créer un environnement favorable à l'implantation de ces entreprises.
La corruption, ensuite : en décourageant malheureusement l'initiative privée, c'est un obstacle puissant au développement économique. Les gouvernements, qui ont entrepris une lutte active contre ce fléau, avec quelques résultats encourageants, doivent poursuivre résolument leurs efforts. Le Sénat a organisé en 2004 une visite d'étude sur ce sujet pour une délégation géorgienne : il est prêt à poursuivre cette coopération.
Les pouvoirs publics doivent également veiller à la disparition des entraves fiscales et douanières qui rebutent les investisseurs étrangers. La prochaine entrée en vigueur des conventions fiscales avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan -récemment soumises à l'examen du Parlement français- devrait encore consolider et améliorer un cadre devenu, ces dernières années, plus favorable aux investissements, grâce aux mesures successives adoptées.
Les infrastructures, enfin, demeurent encore insuffisantes. L'économie arménienne est particulièrement pénalisée par l'enclavement du territoire, qui engendre des contraintes et des coûts de transports décourageants. La sensibilité des autorités à cette réalité devrait, avec la réalisation d'initiatives régionales, de nombreux projets ferroviaires, routiers ou portuaires et la construction de réseaux gaziers et pétroliers, ouvrir et dynamiser les économies caucasiennes.
Cependant, mes chers amis, gardons nous de pêcher par excès d'optimisme, voire de candeur... L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie ont des destins liés. En raison de leur situation géographique, du fait de l'étroitesse de leur territoire comme de leur population, leur avenir ne peut s'inscrire que dans la coopération régionale. Ces trois pays doivent se rapprocher et unir leurs efforts pour ériger un marché commun. Là est la clé de leur essor et de leur prospérité.
Mais tant que les conflits et les différends territoriaux entraveront leur destin, leur réussite économique demeurera incomplète et inachevée.
C'est une recommandation que j'adresse inlassablement à mes interlocuteurs caucasiens car c'est ma conviction profonde.
J'essaye d'y contribuer en réunissant régulièrement mes homologues, les présidents Aleskerov, Baghdassarian et Bourdjanadze.
Lors de notre dernière rencontre, à Versailles au mois de novembre dernier, je leur ai proposé de travailler ensemble sur deux thèmes fédérateurs et interdépendants, aux retombées économiques certaines : le développement du tourisme et la mise en valeur du patrimoine.
A ma demande, le Sénat finance un audit des capacités touristiques des trois pays du Caucase méridional et l'établissement d'un plan stratégique de développement régional. Je compte sur la bonne volonté de tous pour l'aboutissement de ce projet qui contribuera, certes modestement, au développement économique de cette grande région.
Je reste persuadé que celui-ci favorisera l'établissement de la paix.
Je souhaite à tous de studieux et fructueux travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 23 mai 2005)
Madame et Messieurs les Ambassadeurs,
Mes Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat est particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur les trois Etats du Caucase méridional -l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Il m'est spécialement agréable de vous exprimer mes souhaits de très cordiale bienvenue. Comme vous le savez, cette région, carrefour du monde, riche d'atouts et de potentialités qu'elle doit résolument mettre en valeur, me tient particulièrement à cur.
Commençons par revenir sur le proche passé. Depuis 1999, année de notre précédente réunion, quelle évolution, que de changements, de chantiers, de révolutions, parfois...
En Arménie tout d'abord, les indicateurs macro économiques sont encourageants : une croissance rapide - de l'ordre de 10 % par an depuis 2000 - principalement portée par le secteur agricole -, une inflation maîtrisée et des revenus réels en augmentation.
Les autorités ont courageusement entrepris des réformes structurelles : rapprochement de la législation arménienne avec les règles de l'OMC, volonté d'une plus grande proximité avec l'Union européenne.
L'activité bancaire a été réformée, assainie et consolidée : aujourd'hui, la banque centrale joue un rôle actif pour s'aligner sur les " standards " européens et poursuivre la réforme bancaire. Cette politique a pour résultat un assainissement du secteur et une augmentation de la demande de crédit, même si la défiance règne encore dans une économie aujourd'hui peu bancarisée. Une première société de leasing a été créée en 2003 : c'est une activité à encourager car elle favorise le développement des PME, qui souffrent actuellement d'une trop faible croissance.
J'en viens maintenant à l'Azerbaïdjan, pays pétrolier, gazier et de transit, qui connaît, pour sa part, l'une des meilleures situations macroéconomiques de la région : croissance de 10 % par an ; inflation, déficit et dette maîtrisés ; réserves de change et excédent commercial substantiels.
Le pays s'était déjà doté d'un fonds pétrolier pour financer notamment la diversification de l'économie ; il avait également adopté un programme de réduction de la pauvreté et de développement économique.
Depuis 2003, l'ardeur réformatrice s'est poursuivie avec l'adoption de la loi bancaire et de la loi garantissant l'indépendance de la banque centrale, avec la création d'une société d'Etat pour améliorer l'accès de la population aux ressources hydrauliques et avec l'élaboration d'un plan d'utilisation des moyens pétroliers.
En Géorgie, enfin, la situation se caractérise principalement par une croissance maintenue - à un niveau de 8,5 % - et la restauration des finances publiques : la collecte fiscale s'est indiscutablement améliorée et ses recettes ont permis le paiement massif d'arriérés et l'exécution du budget sans déficit, hors paiement d'arriérés.
Les réformes structurelles continuent avec notamment des transformations dans l'administration, la réorganisation du secteur énergétique et la poursuite active des privatisations. La gestion de la banque centrale est considérée comme excellente et le secteur bancaire, toujours peu développé, est sain.
Rappelons que la Géorgie va percevoir des revenus importants pour le transit -par son territoire- du pétrole et du gaz azerbaïdjanais. Et que l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan sera inauguré dans quelques jours, le 25 mai...
Ce rapide panorama, encourageant certes, ne serait pas complet si j'omettais d'évoquer les handicaps dont souffrent encore diversement ces trois pays et de mentionner les réformes inachevées ou à entreprendre.
Tout d'abord, il faut dire un mot de la difficile question de la pauvreté. Dans toute la région, on trouve des poches d'indigence même si elles tendent à se résorber. Les autorités se sont saisies de ce problème. Elles doivent plus que jamais veiller strictement à une répartition harmonieuse des fruits de la croissance.
N'oublions pas non plus le rôle considérable des PME, instrument précieux dans cette lutte comme dans la lutte contre l'exode des populations. Il faut donc créer un environnement favorable à l'implantation de ces entreprises.
La corruption, ensuite : en décourageant malheureusement l'initiative privée, c'est un obstacle puissant au développement économique. Les gouvernements, qui ont entrepris une lutte active contre ce fléau, avec quelques résultats encourageants, doivent poursuivre résolument leurs efforts. Le Sénat a organisé en 2004 une visite d'étude sur ce sujet pour une délégation géorgienne : il est prêt à poursuivre cette coopération.
Les pouvoirs publics doivent également veiller à la disparition des entraves fiscales et douanières qui rebutent les investisseurs étrangers. La prochaine entrée en vigueur des conventions fiscales avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan -récemment soumises à l'examen du Parlement français- devrait encore consolider et améliorer un cadre devenu, ces dernières années, plus favorable aux investissements, grâce aux mesures successives adoptées.
Les infrastructures, enfin, demeurent encore insuffisantes. L'économie arménienne est particulièrement pénalisée par l'enclavement du territoire, qui engendre des contraintes et des coûts de transports décourageants. La sensibilité des autorités à cette réalité devrait, avec la réalisation d'initiatives régionales, de nombreux projets ferroviaires, routiers ou portuaires et la construction de réseaux gaziers et pétroliers, ouvrir et dynamiser les économies caucasiennes.
Cependant, mes chers amis, gardons nous de pêcher par excès d'optimisme, voire de candeur... L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie ont des destins liés. En raison de leur situation géographique, du fait de l'étroitesse de leur territoire comme de leur population, leur avenir ne peut s'inscrire que dans la coopération régionale. Ces trois pays doivent se rapprocher et unir leurs efforts pour ériger un marché commun. Là est la clé de leur essor et de leur prospérité.
Mais tant que les conflits et les différends territoriaux entraveront leur destin, leur réussite économique demeurera incomplète et inachevée.
C'est une recommandation que j'adresse inlassablement à mes interlocuteurs caucasiens car c'est ma conviction profonde.
J'essaye d'y contribuer en réunissant régulièrement mes homologues, les présidents Aleskerov, Baghdassarian et Bourdjanadze.
Lors de notre dernière rencontre, à Versailles au mois de novembre dernier, je leur ai proposé de travailler ensemble sur deux thèmes fédérateurs et interdépendants, aux retombées économiques certaines : le développement du tourisme et la mise en valeur du patrimoine.
A ma demande, le Sénat finance un audit des capacités touristiques des trois pays du Caucase méridional et l'établissement d'un plan stratégique de développement régional. Je compte sur la bonne volonté de tous pour l'aboutissement de ce projet qui contribuera, certes modestement, au développement économique de cette grande région.
Je reste persuadé que celui-ci favorisera l'établissement de la paix.
Je souhaite à tous de studieux et fructueux travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 23 mai 2005)