Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le doyen,
Mesdames, messieurs,
Un véritable événement nous réunit aujourd'hui. Qui, en effet, se serait aventuré à prédire, il y a seulement trois ans, la fusion de trois des unités de formation et de recherche médicales les plus importantes de notre pays ? Necker-Enfants malades, Cochin-Port Royal, Broussais-Hôtel-Dieu : trois unités parisiennes de surcroît, aujourd'hui réunies en une même entité. Faut-il voir dans cette recherche de raison et de clarté l'influence de René Descartes ? C'est en tout cas sous son patronage que se placent l'université Paris V et sa nouvelle UFR médicale.
Un triple contexte entoure cette démarche : l'évolution de notre système de santé, la mise en place du processus de Bologne, et la préparation de la loi d'orientation sur la recherche.
Notre système de santé , vous le savez, connaît certaines difficultés. L'université se doit de concourir à leur solution. Elle joue pleinement son rôle en offrant aux professionnels de santé une formation de qualité, et en contribuant au progrès médical par une recherche de pointe, ambitieuse, dynamique, et régulièrement évaluée.
Le processus de Bologne lui offre une occasion de reconsidérer et d'améliorer ses cursus de formation. Déjà, la quasi-totalité des universités se sont engagées avec succès dans cette approche nouvelle. Comme je l'annonçais devant la conférence des présidents d'universités à la fin du mois de septembre, je crois le moment venu d'adapter ce processus aux professions de santé, notamment à celles qui sont réglementées.
La loi d'orientation sur la recherche , enfin, est d'une actualité toute particulière. Elle révèle l'importance que le gouvernement donne à la portée économique et sociale de la recherche biomédicale et en santé.
Je saisis donc cette occasion pour vous redire mon attachement à cette fusion, souligner les ambitions du processus de Bologne, et enfin, rappeler la place et le rôle qui doivent être dévolus à la recherche dans le domaine médical et dans celui de la santé.
Monsieur le président, monsieur le doyen, mesdames et messieurs,
L'événement que constitue la réunion des trois UFR médicales est d'une portée remarquable.
Il témoigne d'abord d'une véritable dynamique institutionnelle, qui a su faire table rase de schémas dépassés. Elle écarte aujourd'hui la concurrence au profit de la complémentarité. Sur le site de Cochin, une même dynamique a déjà porté les unités de l'INSERM à se fédérer pour développer une recherche plus performante. Cet état d'esprit partagé augure bien du succès de votre démarche.
Mais la fusion des trois UFR traduit également votre volonté de relever le défi de la concurrence internationale. Vous savez l'importance que revêt selon moi une circulation équilibrée du savoir et des compétences, dans un monde où ceux-ci conditionnent étroitement le dynamisme national. Le temps n'est donc plus à la dispersion des moyens, mais à l'acquisition d'une masse critique, qui permette d'aller, dans une continuité harmonieuse, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. Telle est bien la logique de votre regroupement, qui vous donne les moyens de figurer efficacement au rang des grands centres européens et mondiaux.
Il a, sur ce plan, valeur d'exemple. Je ne doute pas que d'autres institutions universitaires veuillent le suivre, et je veillerai à les y encourager.
Je conclurai sur ce point en rappelant que votre regroupement accompagne une réorganisation profonde de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris. Le partenariat des stratégies de vos établissements, avec le concours des organismes de recherche, et notamment de l'INSERM, inscrit dans le projet d'ordonnance relative à la nouvelle gouvernance hospitalière, fait espérer un développement important de notre recherche. C'est avec ces partenaires, Monsieur le président, que vous devrez préparer le volet santé de votre contrat quadriennal.
Pour sa part, l'extension du processus de Bologne aux professions de santé ouvre, me semble-t-il, des perspectives nouvelles à la formation de tous les professionnels qui participent, d'une manière ou d'une autre, à la prise en charge de la santé de nos concitoyens. Je dis " tous les professionnels ", car tous ont vocation à partager des savoirs, des valeurs, des compétences. C'est peu de dire que les cursus actuels ne favorisent pas ce partage. Il faut donc saisir l'occasion du processus de Bologne pour les réorganiser selon une méthodologie partagée.
D'une manière générale, d'abord, il y a lieu de s'interroger sur les compétences et les connaissances à réunir, pour atteindre le plus haut niveau de qualité dans l'exercice professionnel.
Je crois judicieux que, partant ainsi des métiers, l'on s'interroge ensuite sur le programme éducatif qui sera capable d'en assurer la maîtrise. Pour chaque profession, ce programme devra constituer un véritable cahier des charges de la formation initiale.
Aux enseignants, enfin, d'élaborer les parcours pédagogiques correspondants, de la licence au doctorat ; à eux d'identifier les grades et les diplômes requis pour l'exercice d'une profession donnée, pour le passage d'une étape à une autre. Appliquée aux professions de santé, l'habilitation des parcours, qui relève habituellement des tutelles universitaires, ne saurait se faire sans le concours du ministère chargé de la santé, notamment pour les professions réglementées ; puisque c'est à lui que revient, directement ou non, la responsabilité de conférer l'autorisation d'exercer.
Je vois dans cette approche la promesse d'une rénovation, pour des cursus parfois encombrés de notions périmées, et qui pourraient être raccourcis, cursus médical compris. J'y vois l'identification d'un bagage culturel et surtout éthique, commun à toutes les professions de santé. J'y vois aussi, du même coup, l'amorce de leur décloisonnement, et l'ouverture de passerelles permettant le changement d'activité, au rythme des compétences acquises et des projets individuels développés. J'y vois enfin, pour celles et ceux des étudiants que les numerus clausus et les quotas tiendraient à l'écart de certaines formations, la possibilité de suivre des parcours universitaires différents, ouvrant sur d'autres carrières.
Ensemble, ces dispositions pourraient faire évoluer les modalités de la sélection initiale. Elles sont de nature à faciliter la mobilité des étudiants, comme plus tard des professionnels. Elles ont enfin le mérite de préparer à la formation continue, mission explicite, mais non exclusive, de l'Université.
Je voudrais à ce propos aborder le cas particulier des doubles formations professionnelles et scientifiques du plus haut niveau. Leurs parcours doivent être aménagés, de telle façon que les étudiants qui auront, très tôt dans leurs cursus, manifesté du goût et des aptitudes pour ces formations longues, se voient proposer les voies les plus adaptées à leurs projets personnels. On peut ainsi envisager, schématiquement, de mener une formation scientifique jusqu'au doctorat avant de compléter sa formation professionnelle, ou inversement, de parachever sa formation professionnelle avant de compléter sa formation scientifique.
Je sais, monsieur le président, que vous partagez ces préoccupations immédiates avec le directeur général de l'INSERM. Cette perspective conduira naturellement à chercher le moyen de poursuivre harmonieusement la formation professionnelle spécialisée et la formation scientifique qui la complète. C'est la plus haute ambition de ce projet.
Quant aux professions paramédicales, aujourd'hui peu nombreuses à emprunter la voie universitaire, elles peuvent et doivent relever de principes similaires : elles doivent elles aussi, à la faveur de conventions avec des instituts ou écoles qui ne relèvent pas de l'université, offrir des perspectives de formation renouvelées. Dans ce cadre, une fois le cahier des charges d'une profession de santé établi, je ne doute pas que les structures universitaires concernées auront à cur d'en inscrire la mise en uvre dans le LMD, et d'en soumettre les projets à la procédure universitaire d'habilitation, en concertation étroite avec le ministère chargé de la santé. C'est en tout cas la voie dans laquelle je les engage à progresser.
Ainsi, votre université aura le privilège de réunir, en un continuum, les professions médicales et pharmaceutiques qu'elle abrite de longue date, un ensemble de formations paramédicales, et d'autres secteurs d'activité impliqués dans la formation et la recherche, avec un esprit d'enrichissement mutuel.
Il me semble naturel que les innovations correspondantes, en termes de pédagogie et d'organisation, justifient une approche empirique, parfois expérimentale. La demande d'habilitation s'accompagnera donc d'une procédure d'évaluation vigilante. Elle en examinera le bien fondé, elle en suggèrera les ajustements.
Je voudrais en dernier lieu en venir au potentiel de recherche que vous réunissez, dans le domaine biomédical et, plus largement, dans le domaine de la santé.
Je suis en effet impressionné par l'exceptionnelle capacité, je devrais dire la force de frappe, que représente l'association d'une cinquantaine d'équipes labellisées, issues de l'INSERM pour la plupart, lorsqu'elles s'unissent, et parfois se confondent, avec celles des hôpitaux du G.H.U. ouest de l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris - sans parler de leurs affinités avec l'Institut Curie et avec les équipes réputées qui évoluent en son sein. Un tel potentiel de recherche situe votre université en bonne place parmi les pôles internationaux de renom, notamment les pôles européens. Vous détenez là une capacité d'innovation peu commune dans notre pays. Elle s'illustre dans la constitution, en son sein, de plusieurs écoles doctorales, propres à renouveler l'attrait de l'université française auprès des étudiants étrangers, mais aussi des meilleurs professeurs et chercheurs. Soucieux de lui donner les meilleurs prolongements, y compris sur le plan économique, vous avez, Monsieur le président, joué un rôle déterminant dans l'accueil d'un incubateur. Le caractère exemplaire de cette démarche suggère d'autres évolutions. Je pense en particulier au regroupement récent que vient de concrétiser l'université Pierre-et-Marie-Curie ; à ceux que prépare l'université Denis-Diderot. Ils reçoivent aujourd'hui tous mes encouragements.
En lançant, avec François d'Aubert, les consultations et la concertations conduites depuis le printemps dernier ; en élaborant le projet de loi d'orientation sur la recherche qui leur fait suite, nous avons en effet l'ambition de faciliter et d'amplifier l'approche que vous préfigurez.
Sans aborder tous les aspects de cette loi, j'indique ici que la constitution des Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur, les PRES, sera bien de nature à étendre de tels rapprochements. Je souhaite que les dispositions prises pour assurer la collaboration entre les universités et leurs composantes, les organismes de recherche, les CHU et d'autres partenaires soient de nature à simplifier leur gestion d'ensemble. Je voudrais que cette ouverture stimule chez les chercheurs et enseignants-chercheurs, médecins ou non, le goût d'entreprendre des projets communs. Trop d'entre eux se disent en effet attachés à ces rapprochements statutaires, sans pouvoir encore franchir l'étape décisive.
Il y a aussi là, en germe, les prémisses d'une convergence des outils et des procédures d'évaluation qui nous font aujourd'hui défaut. Qu'il s'agisse des structures, des projets, des chercheurs et enseignants-chercheurs eux-mêmes comme des personnels hospitaliers et universitaires, une évaluation rigoureuse conditionne l'affectation équitable des moyens dégagés ; elle permet la juste reconnaissance de l'engagement des hommes, et de leurs mérites.
Dans un domaine aux implications aussi vastes que celui de la recherche biomédicale et en santé, marier l'ambition d'une recherche plus performante à un profond renouvellement pédagogique, avec le concours de votre partenaire hospitalier, c'est donner tout son sens à votre action au service de l'homme, et en premier lieu de l'homme qui souffre. La dimension éthique de ce défi est grande. Je la crois de nature à conforter le dynamisme de vos équipes, à restaurer leur foi en l'avenir.
En rassemblant vos forces, vous m'avez convaincu de la pertinence et de l'ampleur de votre projet. Soyez aujourd'hui convaincu de ma détermination à l'accompagner.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 10 février 2005)