Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, à "BFM" le 15 avril 2005, sur l'intervention du Président de la Répubique en faveur de la Constitution européenne.

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Média : BFM

Texte intégral

Q- Est-ce que le "oui" sera écouté, suivi, après le plaidoyer de J. Chirac [...] qui a donc exhorté hier soir sur TF1 les Français à ne pas avoir peur de la Constitution européenne ? Le chef de l'Etat affirme qu'une victoire du "non" arrêterait la construction européenne et affaiblirait la voix de la France. G. de Robien bonjour.
R- Oui bonjour.
Q- Vous êtes le ministre des Transports. On a entendu tout à l'heure un tenant du "non", P. de Villiers. Vous défendez vous-même le "oui". Alors " la France mouton noir " dit J. Chirac, " la France cesserait d'exister politiquement en Europe, ça serait l'arrêt de la Constitution européenne ". Est-ce qu'il n'exagère pas un peu, est-ce qu'il ne dramatise pas un petit peu ?
R- Pas du tout. Je faisais une réunion hier soir avec ce même genre de questions aussi, en écoutant le Président et en organisant le dialogue sur les deux fronts, si je puis dire. La France serait marginalisée alors que vraiment, l'Europe - la Constitution européenne - permet à la France d'être mieux représentée. Cela veut dire que ça renforce notre place au sein de l'Europe et ça renforce notre place dans la mondialisation. Cela veut dire qu'on défendrait mieux à la fois nos emplois, nos intérêts, que la France aurait plus de force, la France aurait plus de puissance, et en aucun cas, comme le suggère votre interlocuteur précédent, la France ne perdrait du poids et de la puissance, c'est exactement le contraire.
Q- L'arrêt de la construction européenne ! Tout de même, il y a des traités qui existent : il y a Maastricht, il y a Nice, ça continue tout ça ?
R- Voilà, ça continue et tous les reproches qu'on fait aujourd'hui à l'Europe continueraient, alors que, justement, avec une Constitution, tout ce que l'on reproche à l'Europe - la technocratie, la lourdeur, des contraintes etc. - cela peut évoluer de façon démocratique, c'est-à-dire avec la force des Parlements nationaux ajoutés au Parlement européen, et c'est ainsi que bien entendu on fait évoluer les choses de façon démocratique. On passerait d'une Europe technocratique, souvent d'ailleurs mise à l'index, à une Europe enfin démocratique.
Q- G. de Robien, il n'y a aucun inconvénient dans de Constitution européenne, vous n'en voyez aucun ?
R- Vous savez, à chaque fois qu'on met des forces en commun, on est chacun individuellement plus fort, et on représente une vraie entité sur la scène mondiale. Je pense que c'est ça que le Président a rétabli comme vérité hier. Aussi bien les jeunes et les Français qui s'inquiètent de tel ou tel point qui leur sont insupportables dans leur vie quotidienne, ce sont des points qu'on peut et qu'on doit résoudre à l'échelon national, mais en même temps il a bien montré, il a clarifié la situation, il a recentré le débat en montrant que ce qui se joue avec la Constitution, c'est notre capacité à défendre nos intérêts sur le plan mondial, mais en même temps les valeurs françaises à travers une Constitution qui est plutôt d'inspiration française, et de défendre aussi bien notre puissance de force pour combattre une mondialisation que tout le monde craint.
Q- J. Chirac avait en face de lui hier 83 jeunes, qui ont posé des questions extrêmement concrètes sur leur vie quotidienne. Est-ce que vous avez l'impression quand même qu'il a apporté des réponses très précises, notamment il y avait une jeune fille à un moment qui disait "en matière de santé, qu'est-ce que ça va m'apporter de plus cette Constitution européenne", il n'y a pas eu vraiment de réponse du chef de l'Etat.
R- Alors d'abord l'assurance, la vraie assurance que l'Europe, en aucun cas, n'obligera un Etat comme la France, qui a un système de santé performant, à revenir sur son système de santé performant. C'est une garantie de plus, alors que certains disent " l'Europe vient empiéter sur des domaines qui sont nationaux ", c'est tout le contraire. La Constitution viendra au contraire encore une fois clarifier les compétences des uns et des autres, de l'Europe et de chacun des Etats, et confirme la spécificité du régime social français.
Q- G. de Robien, comment vous l'expliquez vous-même cette montée du non dans les sondages ? Est-ce que ce sont des inquiétudes autour de l'Europe ou est-ce que c'est la morosité économique et sociale qui nourrit le "non" au referendum, peut-être l'impopularité du Gouvernement, en tout cas de son chef J.-P. Raffarin ?
R- On pourrait dire tout ça, moi je ne crois pas. C'est aujourd'hui, à 7 semaines des élections, c'est la méconnaissance de la question qui est posée, et donc de la confusion, involontaire bien sûr, de toute bonne foi des jeunes ou des moins jeunes, de penser que l'Europe est responsable de tous nos maux ou qui ne voient pas encore comment un texte européen comme une Constitution peut leur apporter un plus, une valeur ajoutée, une force supplémentaire pour répondre aux grands défis, aux grands problèmes comme la mondialisation. Et donc lorsque le débat, bien engagé hier soir, va se poursuivre, les gens vont faire la part des choses entre ce qui relève des Etats, et donc de la vie quotidienne, et ce qui relève vraiment de l'Europe et le plus qu'apporte la Constitution.
Q- G. de Robien, J. Chirac a hier exclu de démissionner si le "non" passait, mais s'il avait dit "je démissionne si le "oui" passe", est-ce que ça n'aurait pas été un signe très fort ?
R- Mais quelle est cette logique ? Respectons la Constitution française. Quand on veut proposer une Constitution européenne - et la Constitution française, elle élit un président de la République pour 5 ans, elle élit une majorité pour 5 ans - alors qu'est-ce que ça veut dire ? Encore une fois, c'est la confusion entre la politique intérieure et cette grande et belle démarche européenne pour nous rendre tous plus forts. Et donc je crois que le Président a rétabli justement cette vérité simple : "Françaises, Français, vous pouvez vous prononcer tous les cinq ans sur le président de la République et sur la majorité qui vous gouvernent, mais le 29 mai, il vous sera posé une autre question, c'est "voulez-vous avoir des règles communes à 25 pays, pour être plus démocrates entre nous et prendre des décisions que vous aurez vous-mêmes aidées à choisir
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2005)