Texte intégral
Q - A neuf jours du référendum, alors que le non s'est réinstallé en tête des sondages, qu'est-ce qui peut renverser la tendance ?
R - Le plus efficace pour assurer la victoire du oui, c'est la mobilisation individuelle, personnelle, des Français. C'est un référendum qui se joue dans le peuple, en bas. Et non pas au sommet. Ce ne sont pas les injonctions des grands responsables qui vont changer les choses. Seul le sentiment qu'auront les Français qu'on ne peut pas laisser porter un coup si rude à l'Europe, notre seul vrai atout, pourra bouleverser la tendance.
Q - Allez-vous réussir à convaincre les indécis ?
R - Jamais une consultation n'a donné lieu à autant de réflexion sur le fond, et c'est d'une certaine manière formidablement encourageant pour la démocratie. Voilà une vraie démocratie en action. Mais là, il s'agit de décider ce que va être le XXIe siècle. Est-ce que le XXIe siècle est un jeu à deux grandes puissances, Chine et Etats-Unis, avec les autres qui regardent ou qui subissent, ou bien est-ce un jeu à trois, Chine, Etats-Unis, Europe. Sommes-nous, dans le jeu ou sommes-nous hors-jeu ? Est-ce que nous sommes quantité négligeable malgré notre histoire, ou bien est-ce que nous sommes de vrais acteurs ?
Q - Ce serait donc une catastrophe si le non l'emportait ?
R - Il y aurait de très graves conséquences pour l'avenir de l'Europe. La Constitution ne peut être adoptée qu'à l'unanimité des peuples et des Etats qui l'ont signée. Donc il faut vingt-cinq oui. Si la France dit non, il n'y a pas de Constitution possible et évidemment il n'y a pas de renégociation possible. Il n'y a pas de texte de rechange.
Q - Mais pour le traité de Nice, l'Irlande n'avait-elle pas revoté ?
R - Elle a voté non d'abord et elle a voté oui ensuite. Elle a revoté sur le même texte. Les Irlandais ont été amenés à dire oui après avoir dit non, et je n'ai pas envie de vivre cela pour mon pays. Je n'ai pas envie que mon pays soit placé devant un tel dilemme. Beaucoup de Français croient que si on vote non, on recommence, on refait un texte différent, meilleur. Tout le monde sait que c'est impossible. Et d'ailleurs, dans quel sens ? Dans le sens de Le Pen ou dans le sens du Parti communiste, dans le sens de Fabius ? La réponse est impossible à apporter.
Q - En voulez-vous à Laurent Fabius qui, d'une certaine manière, a légitimé le non ?
R - Il a pris une grande responsabilité, une lourde responsabilité. Il a choisi de démentir tout son parcours personnel et d'afficher une ligne opposée à celle qui avait été la sienne jusque-là.
Q - Et Jacques Delors, grande figure européenne, qui a évoqué un probable " plan B "
R - Je pense que c'est un cafouillage d'expression. C'est un des hommes politiques français pour qui j'ai le plus d'attachement, de considération. Ca peut arriver de faire un faux pas, de manquer une marche. Depuis, il a clairement corrigé.
Q - Faites-vous partie de ceux qui pensent qu'après chaque intervention de Jean-Pierre Raffarin, le non progresse ?
R - Avant la campagne, j'ai dit que moins le gouvernement intervenait comme un acteur du référendum et mieux c'était. Le président de la République a des responsabilités, c'est évident, mais le gouvernement aurait pu adopter une attitude de réserve, pour bien montrer qu'il ne s'agissait pas d'un enjeu de politique intérieure.
Q - Sauf qu'il est de plus en plus présent
R - Je ne sais pas si l'on doit ranger cela dans la colonne des bonnes nouvelles. On verra au résultat. Mais au bout du compte, je suis sûr que les Français jugeront sur d'autres critères. Ils jugeront sur le fond.
Q - Des élections ont été perdues par la droite l'année dernière. Les leçons ont-elles été tirées ? Assistera-t-on à un vote sanction ?
R - Il y a sans aucun doute une envie de vote sanction. Mais il y a des sujets sur lesquels il faut que le peuple français se rassemble au-delà de ses colères, de ses indifférences et de ses antagonismes. Il y a des moments où ce qu'on décide est tellement important que cela doit dépasser le temps, les inimitiés Je vous assure que dans vingt ans on ne pensera plus au gouvernement Raffarin et au lundi de Pentecôte de 2005. Mais on pensera encore au résultat de ce référendum. Ce n'est pas un enjeu pour 2005, c'est un enjeu pour le siècle.
Q - Que se passera-t-il dans la politique française si le non l'emporte ?
R - Je ne mélange pas l'Europe avec la politique intérieure. Plus on mélange la politique intérieure avec l'Europe, plus on se casse ma figure, plus on s'écarte de l'enjeu et on favorise des votes de contestation. Je pense qu'il faut discuter de ça le 30 mai. Jusqu'au 29 mai, il faut dire aux Français, vous avez entre les mains une décision qui va engager vos enfants et les enfants de vos enfants. C'est ça la question, il n'y en a pas d'autre. La Constitution dit trois choses. Un, l'Europe existera ; deux ; elle aura un modèle économique et social très différent du reste du monde, elle choisit une économie de liberté mais à vocation sociale ; trois : c'est vous les citoyens qui déciderez de ses orientations. C'est une très grande avancée.
Q - Au lendemain du référendum, trouvera-t-on plus de ministres UDF au sein du gouvernement ?
R - Il est assez amusant de s'entendre si souvent proposer d'entrer au gouvernement alors qu'il y en a tant qui font des pieds et des mains Deux questions se posent. Quel sera le cap du nouveau gouvernement ? Et deuxièmement, quelle sera sa légitimité ? Il y a deux conditions pour réussir une action gouvernementale. La première, c'est aller dans la bonne direction, et la deuxième, c'est être soutenus par les Français ou en tout cas compris par les Français. Tant que nous n'entendrons pas de réponse claire à cette exigence de changement de cap, la réponse collective de l'UDF ne pourra pas changer.
Q - Que le oui ou le non l'emporte, pourra-t-on continuer à vivre sous cloche jusqu'à la présidentielle ?
R - Il y a une situation d'urgence et ce sera la question du 30 mai. La France est en situation de souffrance, de marasme. Tout ce qu'on vit montre la profondeur de la crise. Je me suis souvent senti seul ces trois dernières années à aller expliquer à la tribune de l'Assemblée sous les lazzis ou les huées de l'essentiel de la majorité que la France était en crise, que ça n'allait pas. Aujourd'hui, la preuve est faite tous les jours que ce diagnostic était juste. Et j'aurais préféré me tromper.
Propos recueillis par Eric Coder et Corinne Laurent
(Source http://www.udf-europe.net, le 24 mai 2005)
R - Le plus efficace pour assurer la victoire du oui, c'est la mobilisation individuelle, personnelle, des Français. C'est un référendum qui se joue dans le peuple, en bas. Et non pas au sommet. Ce ne sont pas les injonctions des grands responsables qui vont changer les choses. Seul le sentiment qu'auront les Français qu'on ne peut pas laisser porter un coup si rude à l'Europe, notre seul vrai atout, pourra bouleverser la tendance.
Q - Allez-vous réussir à convaincre les indécis ?
R - Jamais une consultation n'a donné lieu à autant de réflexion sur le fond, et c'est d'une certaine manière formidablement encourageant pour la démocratie. Voilà une vraie démocratie en action. Mais là, il s'agit de décider ce que va être le XXIe siècle. Est-ce que le XXIe siècle est un jeu à deux grandes puissances, Chine et Etats-Unis, avec les autres qui regardent ou qui subissent, ou bien est-ce un jeu à trois, Chine, Etats-Unis, Europe. Sommes-nous, dans le jeu ou sommes-nous hors-jeu ? Est-ce que nous sommes quantité négligeable malgré notre histoire, ou bien est-ce que nous sommes de vrais acteurs ?
Q - Ce serait donc une catastrophe si le non l'emportait ?
R - Il y aurait de très graves conséquences pour l'avenir de l'Europe. La Constitution ne peut être adoptée qu'à l'unanimité des peuples et des Etats qui l'ont signée. Donc il faut vingt-cinq oui. Si la France dit non, il n'y a pas de Constitution possible et évidemment il n'y a pas de renégociation possible. Il n'y a pas de texte de rechange.
Q - Mais pour le traité de Nice, l'Irlande n'avait-elle pas revoté ?
R - Elle a voté non d'abord et elle a voté oui ensuite. Elle a revoté sur le même texte. Les Irlandais ont été amenés à dire oui après avoir dit non, et je n'ai pas envie de vivre cela pour mon pays. Je n'ai pas envie que mon pays soit placé devant un tel dilemme. Beaucoup de Français croient que si on vote non, on recommence, on refait un texte différent, meilleur. Tout le monde sait que c'est impossible. Et d'ailleurs, dans quel sens ? Dans le sens de Le Pen ou dans le sens du Parti communiste, dans le sens de Fabius ? La réponse est impossible à apporter.
Q - En voulez-vous à Laurent Fabius qui, d'une certaine manière, a légitimé le non ?
R - Il a pris une grande responsabilité, une lourde responsabilité. Il a choisi de démentir tout son parcours personnel et d'afficher une ligne opposée à celle qui avait été la sienne jusque-là.
Q - Et Jacques Delors, grande figure européenne, qui a évoqué un probable " plan B "
R - Je pense que c'est un cafouillage d'expression. C'est un des hommes politiques français pour qui j'ai le plus d'attachement, de considération. Ca peut arriver de faire un faux pas, de manquer une marche. Depuis, il a clairement corrigé.
Q - Faites-vous partie de ceux qui pensent qu'après chaque intervention de Jean-Pierre Raffarin, le non progresse ?
R - Avant la campagne, j'ai dit que moins le gouvernement intervenait comme un acteur du référendum et mieux c'était. Le président de la République a des responsabilités, c'est évident, mais le gouvernement aurait pu adopter une attitude de réserve, pour bien montrer qu'il ne s'agissait pas d'un enjeu de politique intérieure.
Q - Sauf qu'il est de plus en plus présent
R - Je ne sais pas si l'on doit ranger cela dans la colonne des bonnes nouvelles. On verra au résultat. Mais au bout du compte, je suis sûr que les Français jugeront sur d'autres critères. Ils jugeront sur le fond.
Q - Des élections ont été perdues par la droite l'année dernière. Les leçons ont-elles été tirées ? Assistera-t-on à un vote sanction ?
R - Il y a sans aucun doute une envie de vote sanction. Mais il y a des sujets sur lesquels il faut que le peuple français se rassemble au-delà de ses colères, de ses indifférences et de ses antagonismes. Il y a des moments où ce qu'on décide est tellement important que cela doit dépasser le temps, les inimitiés Je vous assure que dans vingt ans on ne pensera plus au gouvernement Raffarin et au lundi de Pentecôte de 2005. Mais on pensera encore au résultat de ce référendum. Ce n'est pas un enjeu pour 2005, c'est un enjeu pour le siècle.
Q - Que se passera-t-il dans la politique française si le non l'emporte ?
R - Je ne mélange pas l'Europe avec la politique intérieure. Plus on mélange la politique intérieure avec l'Europe, plus on se casse ma figure, plus on s'écarte de l'enjeu et on favorise des votes de contestation. Je pense qu'il faut discuter de ça le 30 mai. Jusqu'au 29 mai, il faut dire aux Français, vous avez entre les mains une décision qui va engager vos enfants et les enfants de vos enfants. C'est ça la question, il n'y en a pas d'autre. La Constitution dit trois choses. Un, l'Europe existera ; deux ; elle aura un modèle économique et social très différent du reste du monde, elle choisit une économie de liberté mais à vocation sociale ; trois : c'est vous les citoyens qui déciderez de ses orientations. C'est une très grande avancée.
Q - Au lendemain du référendum, trouvera-t-on plus de ministres UDF au sein du gouvernement ?
R - Il est assez amusant de s'entendre si souvent proposer d'entrer au gouvernement alors qu'il y en a tant qui font des pieds et des mains Deux questions se posent. Quel sera le cap du nouveau gouvernement ? Et deuxièmement, quelle sera sa légitimité ? Il y a deux conditions pour réussir une action gouvernementale. La première, c'est aller dans la bonne direction, et la deuxième, c'est être soutenus par les Français ou en tout cas compris par les Français. Tant que nous n'entendrons pas de réponse claire à cette exigence de changement de cap, la réponse collective de l'UDF ne pourra pas changer.
Q - Que le oui ou le non l'emporte, pourra-t-on continuer à vivre sous cloche jusqu'à la présidentielle ?
R - Il y a une situation d'urgence et ce sera la question du 30 mai. La France est en situation de souffrance, de marasme. Tout ce qu'on vit montre la profondeur de la crise. Je me suis souvent senti seul ces trois dernières années à aller expliquer à la tribune de l'Assemblée sous les lazzis ou les huées de l'essentiel de la majorité que la France était en crise, que ça n'allait pas. Aujourd'hui, la preuve est faite tous les jours que ce diagnostic était juste. Et j'aurais préféré me tromper.
Propos recueillis par Eric Coder et Corinne Laurent
(Source http://www.udf-europe.net, le 24 mai 2005)