Déclarations de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur les victimes françaises du raz de marée en Asie du Sud-Est du 26 décembre 2005, notamment leur identification, à Paris le 19 mars 2005.

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Circonstance : Réunion avec les familles des victimes du tsunami, à Paris le 19 mars 2005

Texte intégral

(Déclaration à la presse de Michel Barnier, à Paris le 19 mars 2005)
Comme les famille des victimes du Tsunami l'ont souhaité, nous avons organisé cette réunion. Il y a près de trois mois cette tragédie du tsunami a touché toute l'Asie. C'était une catastrophe mondiale avec des centaines de milliers de victimes. Et parmi ces victimes, il y a 95 Français.
Nous avons été sur place immédiatement, moi-même dans les 48h, avec nos services, avec des organisations non-gouvernementales et des associations qui ont fait un formidable travail, avec des entreprises, avec des collectivités locales.
Aujourd'hui, nous avons réuni ces familles, comme elles le souhaitaient, pour répondre à des questions difficiles et graves. Car en tout 40 de ces victimes ont été formellement identifiées aujourd'hui. Ce qui veut dire que beaucoup ne l'ont pas été encore. Nous voulons aller jusqu'au bout pour participer à ce travail d'identification. Et nous prendrons des initiatives pour accélérer, aux côtés des autorités locales, ce travail d'identification.
Et puis, il y a le problème du rapatriement, il y a beaucoup de questions juridiques. Donc cette réunion est faite pour partager la douleur immense de ces familles - nous la partageons depuis le premier jour - et pour répondre à leurs questions, pour les écouter.
Je veux dire que nous pensons au-delà et avec les victimes françaises du tsunami, à toutes les autres victimes, à ces pays qui ont été détruits et qu'il faut reconstruire. Et la France, par son travail de coopération, par celui des organisations non-gouvernementales, par la coopération des collectivités locales, restera jusqu'au bout pour participer à la reconstruction de ces pays
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mars 2005)
(Déclaration de Michel Barnier, à Paris le 19 mars 2005)
Mesdames,
Mesdemoiselles,
Messieurs,
Si vous le voulez bien, je vais débuter cette réunion en vous saluant collectivement et individuellement, dans une circonstance qui est vraiment très particulière et très grave. J'espère que nous saurons trouver, les uns et les autres, les mots pour participer à cette réunion. Je veux vous dire ce que nous pouvons, ce que nous faisons et répondre à toutes vos questions.
Mes premiers mots seront pour vous dire que, avec Nicole Guedj, la secrétaire d'Etat aux Droits des victimes qui est à mes côtés, toute l'équipe qui m'entoure, représentant toutes les administrations qui ont été mobilisées depuis cette tragédie, - j'ai eu l'occasion de le dire personnellement et verbalement à plusieurs d'entre vous, j'ai eu l'occasion de l'écrire à chacun - votre peine, votre douleur, nous les avons partagées. Je l'ai dit, aussi vite que je l'ai pu, en me rendant sur place, vous le savez, 48 heures après cette tragédie au Sri Lanka et à Phuket.
Beaucoup d'entre vous ont souhaité que nous nous retrouvions, même si c'est difficile, tous ensemble et je pense que c'est une bonne idée que nous puissions exprimer ensemble cette douleur, la manière d'y faire face, et également, aborder sur un plan très précis, très juridique, complexe, les problèmes que vous vivez, que l'on tente d'apporter même partiellement des réponses.
Je voudrais donc introduire cette réunion, avant que Nicole Guedj vous dise elle-même quelques mots. Parmi les 300.000 victimes de cette tragédie du tsunami, il y a eu 95 Français qui sont une mère, un père, un fils, une fille, un proche, quelqu'un que l'on aime, et vous êtes au premier rang de cette douleur et de cette incompréhension, parfois même de cette colère, je le sais.
Cette réunion est la vôtre. Vous l'avez souhaitée, je l'ai su, nous l'avons donc organisée avec le souci qu'elle soit utile, qu'elle se déroule simplement et dignement et qu'elle permette à chacun et à chacune d'exprimer sa douleur, ses questions, franchement et directement, face à des membres du gouvernement, à des directeurs généraux, à des responsables administratifs qui sont là pour être, eux aussi, utiles.
C'est dans cet esprit que nous avons souhaité que soient parmi vous, ici et devant vous, tous les principaux responsables, non seulement de l'Etat, - les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur, de la Justice et de la Défense -, mais aussi des partenaires ou des responsables privés, pour que chacun des dossiers que vous souhaitez évoquer puisse trouver son interlocuteur.
Il m'a semblé finalement, je le dis très franchement, qu'il valait mieux que cette réunion soit la nôtre, qu'elle soit votre réunion. Parce que nous travaillons en toute transparence, ceux d'entre vous qui souhaiteront rencontrer des journalistes, parce qu'eux souhaitent vous rencontrer, pourront le faire. Nous avons prévu que les représentants de la presse puissent, à l'issue de cette réunion, dans une salle contiguë à celle-ci, et en dehors de notre présence - ce sera donc votre choix et votre liberté - vous rencontrer.
Vous allez vouloir certainement aborder beaucoup de grandes questions. La première, la plus importante, la plus grave, concernera naturellement la recherche et l'identification des corps de vos proches. Les équipes internationales sur place, tout particulièrement en Thaïlande, ont mis en uvre, aux côtés des autorités locales, une coopération qui n'avait pas de précédent. Dans aucune tragédie précédente, nous n'avons eu un tel problème à résoudre.
Un certain nombre de résultats ont été obtenus, insuffisamment. Il faudra aller au bout de cette recherche et de ce travail d'identification mais je voudrais - il y en a ici parmi vous - dire un mot de remerciement à ceux qui participent à ce travail extrêmement difficile et sensible.
Ceux qui sont ici pourront vous dire, plus longuement et avec plus de compétence que moi, ce qui a déjà été fait, ce qu'ils vont continuer de faire pour mener à bien, et au bout, cette mission qui leur a été confiée. Sur ce sujet qui est le plus sensible, je voudrais simplement donner deux indications : d'abord, dire que nous allons appuyer davantage encore les autorités thaïlandaises en apportant notre contribution nationale à l'achat du logiciel d'identification génétique (Génécode), qui permettra une confrontation plus rapide et sûre des données santé et post mortem et facilitera ainsi, nous le souhaitons, l'identification d'un plus grand nombre de victimes. Nous étudions par ailleurs la possibilité de confier à des laboratoires français, le décodage génétique des prélèvements effectués en Thaïlande.
Si vous le voulez bien, nous allons revenir plus longuement et plus précisément sur l'ensemble de ce problème de l'identification. Au-delà de cette question, à côté de cette question qui est sans doute la plus sensible et la plus urgente, il y a naturellement d'autres problèmes qui vous préoccupent. Je voudrais en citer quelque uns : d'abord, les procédures de mise en uvre pour le retour des corps ; ensuite la question d'ordre pratique et juridique qui peut se poser par exemple, en matière de dommages et intérêts ou d'héritage ; le souhait, c'est un troisième point, manifesté par plusieurs d'entre vous, d'organiser une cérémonie du souvenir avec un caractère plus ou moins officiel. Je serais heureux que vous nous disiez ce que vous souhaitez et perpétuer ainsi la mémoire des disparus, peut-être à travers un monument ou une stèle sur les lieux du drame ou en France, comme nous avons pu le faire par exemple - je suis allé moi-même sur place - à Charm el Cheikh, après la tragédie de l'avion qui a disparu dans la mer.
En conclusion de cette brève introduction, je voudrais, avec toutes les équipes qui m'entourent et dont j'ai pu mesurer, dans cette circonstance-là mais dans d'autres, parce que le ministère des Affaires étrangères est le lieu où les conséquences de toutes ces crises internationales sont traitées, au même moment parfois, avec un degré plus ou moins grave de sérieux et de tragédie. Je peux vous dire, Mesdames et Messieurs que, une fois de plus, j'ai vérifié - voilà un an que je suis à ce poste - la grande qualité, la grande disponibilité des fonctionnaires qui sont sous mon autorité et de tous les autres qui travaillent avec nous. Bien sûr, les tragédies ne se ressemblent pas, mais je l'ai vu dans la crise en Côte d'Ivoire, dans l'affaire de Charm el Cheikh, même si elle est survenue avant que je ne sois ministre.
Ces gens sont ici. Ce sont des hommes et des femmes qui ont des missions, qui ont des compétences, qui ont des règles à respecter aussi, mais je veux leur dire devant vous que je les ai trouvés formidables dans cette tragédie, à la fois de compétence et d'humanité, même si toutes les questions ne sont pas résolues.
Puisque je parle de questions, puisque j'ai souhaité que cette réunion soit utile, je voudrais qu'à la fin de cette réunion, aucune question que vous vous posez ne soit restée sans réponse, même si les réponses sont partielles, même si toutes ne vous conviennent pas, je veux que l'on aille au bout de ce travail d'explication. Nous devons trouver des solutions ensemble.
Mon second point sera de vous dire que, si vous le souhaitez, nous pourrons nous retrouver, organiser d'autres réunions si cela vous paraît utile, peut-être avec des formules qu'il faudra renouveler et en fonction des besoins que vous exprimez.
Simplement, je voulais que vous compreniez bien, avec cette rencontre que vous avez souhaitée, que j'ai moi-même souhaitée, que les services de l'Etat que nous représentons ici sont disponibles, au-delà de ce qu'ils ont déjà fait pour vous aider, autant que vous le souhaiterez et autant que cela soit possible.
Après que Nicole Guedj aura dit quelques mots, il a été prévu que Michel Gaudin, qui est directeur général de la Police nationale et qui est à mes côtés ainsi que le général Guy Parayre, directeur général de la Gendarmerie nationale exposent ce qu'ils doivent vous dire sur ce travail et sur les procédures d'identification des victimes. Nous aurons sur ce sujet, un débat, un dialogue et ensuite, il y aura plusieurs autres points que je vous propose d'examiner comme la question du retour des dépouilles, les aspects pratiques et juridiques et cette question, que certains souhaitent évoquer, d'une cérémonie du souvenir
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mars 2005)