Entretien de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, dans "Le Parisien" du 7 mars 2005 sur la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - Pourquoi vous engagez-vous derrière Paris 2012 ?
R - Je suis un militant de cette candidature ! Mais c'est moins le ministre de la France qui s'engage, que l'homme qui a consacré dix ans de sa vie à l'organisation des Jeux d'Albertville avec Killy. C'est vrai, il est assez original qu'un ministre des Affaires étrangères ait lui-même organisé des Jeux. A l'étranger, auprès des membres de la famille olympique, j'ai cette image de quelqu'un qui s'est vraiment engagé pour l'olympisme et ses valeurs. Or, ce sont eux qui comptent, eux qui vont choisir.
Q - Les ambassadeurs de France sont-ils tous mobilisés ?
R - Le mouvement olympique, ce n'est pas les Nations unies. Ce ne sont pas les gouvernements qui font le succès d'une candidature. Mais les candidats eux-mêmes, le comité de soutien, la bonne organisation, la bonne proposition, les sportifs. Une candidature olympique n'est pas la candidature officielle d'un Etat. C'est avant tout la candidature d'une ville et d'une région avec le soutien de l'Etat. Et dans ce cadre, nous devons tous agir en respectant les règles. Mes informations ne viennent pas des ambassades. J'ai personnellement revu lors des Jeux, comme récemment à Athènes, des gens du CIO.
Q - Paris est-il bien placé pour l'emporter ?
R - Il y a une possibilité de gagner. Mais aucune certitude. Face à nous, il y a de très bons candidats. Nous devrons faire attention jusqu'au bout, ne jamais faire preuve d'arrogance. Pour gagner, il faut être ensemble. Avoir un bon dossier et des convictions. C'est un honneur d'accueillir les Jeux, d'accueillir le monde entier et sa jeunesse dans un moment de paix. Ca vaut le coup de se battre.
Q - Madrid semble le concurrent le plus sérieux. Mais les récents attentats ne pénalisent-ils pas la capitale espagnole ?
R - Nous sommes dans un monde dangereux et personne n'est à l'abri. Dans les années passées, la France a connu des attentats. Puis, il y a eu le 11 septembre à New York et les attentats de Madrid. Tout cela justifie une exigence totale de sécurité pour tout organisateur. C'est l'un des points forts du dossier de Paris de garantir l'effort maximum sous la responsabilité de l'Etat.
Q - Comment aborder l'examen de passage avec la commission d'évaluation ?
R - Il faut être impeccable, prêt à répondre sincèrement à toutes les questions tout en montrant notre envie. Surtout pas d'esbroufe. Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Il ne servirait à rien de cacher nos difficultés. Tout ne peut pas être réglé immédiatement alors que les Jeux ne sont pas encore attribués.
Q - La victoire d'Albertville 1992 peut-elle service d'exemple ?
R - Les Jeux d'hiver représentent, en volume d'engagements et d'investissements, le tiers des Jeux d'été. Difficile aussi de comparer Paris et la Savoie. L'image d'Albertville a été portée dans le monde entier par les Jeux. A l'opposé, Paris est déjà la première destination du tourisme mondial. L'impact sera tout autre.
Q - Les Jeux ont-ils changé votre vie ?
R - On ne ressort pas des Jeux de la même manière qu'on y est entré. L'enthousiasme déclenché par cette petite flamme olympique est étonnant. J'ai été frappé par la force de cette lumière. Les 8.000 volontaires des Jeux d'Albertville avaient tous le sentiment, la conviction rare, d'avoir réussi personnellement, d'être aussi un peu meilleurs. Tout comme Jean-Claude Killy, si c'était à refaire, je le referais sans hésiter
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 2005)