Interviews de Mme Marine Le Pen, porte-parole du Front national, à "Radio classique" le 1er mars, et à "France 2" le 3 mars 2004, sur la participation du FN aux élections régionales et sur son programme électoral.

Prononcé le 1er mars 2004

Média : France 2 - Radio Classique - Télévision

Texte intégral

Radio Classique le 1er mars 2004
H. Lauret-. Bonjour M. Le Pen.
- "Bonjour."
Q- Alors toutes les formalités administratives sont terminées ?
R- "Tout à fait."
Q- Pas de mauvaise surprise ?
R- "Non."
Q- J'ai sous les yeux votre affiche de campagne : " Notre région a besoin de courage, votez M. Le Pen ". Sans surprise, là aussi ?
R- "Oui, enfin sans surprise, je crois que la notion de courage me paraît être véritablement ce qui différencie le Front national des autres mouvements politiques, et notamment le premier des courages que nous avons et qu'ils n'ont pas, c'est de dire la vérité aux Français et aux Franciliens."
Q- Dans trois semaines, les régionales et, en même temps, on fait tous le même constat : cette campagne a vraiment du mal à démarrer, c'est tout juste d'ailleurs si elle s'est un peu agitée avec l'invalidation de J.-M. Le Pen en PACA. Vous disiez, vous, M. Le Pen, il y a à peu près 10 jours que le rendez-vous serait un succès pour le FN si vous arriviez à rééditer le score de la présidentielle, c'est-à-dire 16,5 à 17%. Apparemment, ça n'en prend pas le chemin.
R- "Je ne suis pas d'accord, moi je me détermine un peu par rapport aux sondages, en les extrapolant toujours, puisque le Front national est toujours sous-estimé dans ces sondages. Or, nous sommes dans ces sondages entre 15 et 16, donc je pense que nous pouvons parfaitement rééditer l'exploit de la présidentielle au niveau national et avoir de véritables surprises dans un certain nombre de régions ..."
Q- Jusque et y compris en Ile-de-France parce que c'est quand même une région qui, franchement ce n'est pas une terre d'élection pour le Front national ?
R- "Non, c'est vrai ce n'est pas une terre d'élection, c'est bien pour ça que j'ai décidé de m'y présenter d'ailleurs, parce que je pense que quand on est un jeune dirigeant, il faut savoir prendre ses responsabilités, et éventuellement d'ailleurs savoir prendre des risques. Mais je pense que dans toutes les régions, le Front national va augmenter, par rapport aux dernières régionales."
Q- Ah ! par rapport aux régionales oui.
R- "Mais les régionales, notamment en Ile-de-France, étaient meilleures que les présidentielles, donc vous voyez qu'on tape haut quand même."
Q- Globalement, vous souhaitez M. Le Pen, vous l'avez dit plusieurs fois, vous souhaitez qu'on fasse une lecture nationale de ce scrutin. Vous disiez très justement qu'il n'y aura plus d'élection pendant trois ans.
R- "Il est évident que ces élections ont une dimension nationale, c'est peut-être d'ailleurs la raison pour laquelle les observateurs politiques ont du mal à sentir cette campagne, c'est qu'on est un peu un pied à droite, un pied à gauche, un pied dans les régionales, un pied dans le national. Les régions ne sont pas des îles, elles ne sont pas séparées évidemment du sort de la Nation. Par conséquent, la politique nationale qui est appliquée par le Gouvernement, influe tout à fait évidemment sur ces régions et les obligent à réparer les pots cassés, quand elles le peuvent."
Q- Mais on a l'impression que votre stratégie consiste effectivement à brouiller les cartes, essentiellement à droite d'ailleurs, à empoisonner la vie de la droite, et en même temps qu'il y a une sorte d'incapacité à vous installer dans l'action.
R- "Pas du tout. En tous cas, moi, je suis dans l'action depuis six mois puisque j'ai commencé ma campagne au mois de septembre. Donc ça fait six mois que je suis sur le terrain, six mois que je travaille avec mes experts sur le programme régional. Notre but n'est évidemment pas d'ennuyer la droite. Notre but, c'est de la remplacer, par conséquent, nous y mettons tout notre coeur, parce que tout simplement..."
Q- Mais il y a peu de chance Marine Le Pen...
R- "Ah ! mais ne croyez pas ça, ne croyez pas ça, parce que nous pensons qu'elle est..."
Q- Mathématiquement, mécaniquement...
R- "Mais vous ne savez pas, le Front national peut arriver en tête dans un certain nombre de régions, et dans d'autres, il peut arriver largement avant la droite."
Q- Et pour autant ne pas enlever la région.
R- "Vous n'en savez rien, moi je crois qu'on ne rééditera pas ce qui s'est passé aux présidentielles, et honnêtement, si il se passe un match, par exemple, gauche/Front national, moi je pense qu'une grande partie des électeurs de l'UMP voteront pour le Front national."
Q- Tenez, prenons le cas de l'Ile-de-France, ça tombe bien. J.-P. Huchon, tout le monde sait qu'il a été élu précisément parce que le Front national n'a pas joué la carte de la droite.
R- "Ah ! non. Excusez-moi, non. Non, je ne peux pas laisser dire ça parce que ce n'est pas vrai. J.-P. Huchon a été élu parce que l'UMP a refusé que nous votions pour eux, alors ce n'est pas nous qui n'avons pas joué le jeu."
Q- Ca revient au même.
R- "Ah ! non ça ne revient pas du tout au même puisque nous, nous étions prêts à faire élire un président RPR, et ils ont refusé nos voix."
Q- Et vous les auriez tenus en otages.
R- "Mais non, ils ont refusé nos voix. Ils ont tellement eu peur, d'ailleurs dans un certain nombre d'autres régions, parce que ça s'est passé dans beaucoup de régions, qu'il y a des régions comme le Nord-Pas-de-Calais où ils n'ont même pas présenté de candidat, de peur d'être élus. Alors ça n'est pas le Front national qui ne joue pas le jeu, c'est la droite qui a préféré mettre la gauche au pouvoir. Il faut quand même le rappeler parce que ça démontre un état d'esprit tellement idéologique et tellement éloigné de la volonté des Français, puisque la volonté majoritaire qui s'était exprimée, c'était que la région soit de droite, le RPR, maintenant l'UMP le refuse."
Q- Pourquoi voulez-vous que ça change cette fois-ci Marine Le Pen ?
R- "Parce que le mode de scrutin a changé."
Q- Indépendamment du mode de scrutin.
R- "Le mode de scrutin obligatoirement ayant changé, il n'y aura plus de phénomène d'alliance. A la limite, j'allais dire, le président de la région n'aura même plus à être élu, il sera élu directement par les électeurs."
Q- Les électeurs ne le savent pas d'ailleurs.
R- "Non ils ne le savent pas, mais on va leur rappeler qu'au deuxième tour, c'est la liste arrivée en tête qui grâce à une prime en termes de sièges aura la majorité absolue, sauf si, après, le groupe qui est élu se re-sépare."
Q- Oui.
R- "Là aussi, on peut avoir des surprises."
Q- C'est-à-dire, allez jusqu'au bout de votre idée.
R- "Il n'est pas tout à fait impossible à partir du moment où l'UMP et l'UDF vont fusionner au second tour, que dans un certain nombre de régions, arrivés installés à l'exécutif, ils se reséparent en groupes différents. Et dans ces conditions-là, la majorité ne sera plus absolue."
Q- Vous ne voyez pas M. Santini et M. Copé se séparer ?
R- "Eux non, parce que manifestement, ils s'adorent. D'ailleurs, avant même d'avoir joué le premier tour, ils ne parlent déjà que du deuxième. Moi je pense qu'il s'agit, là, d'une malhonnêteté à l'égard des électeurs, parce que si il y a des électeurs qui vont voter pour M. Santini, c'est pour sanctionner l'UMP. Or, ils vont se retrouver électeurs de l'UMP au second tour."
Q- Est-ce que ce n'est pas simplement pour exprimer une sensibilité qui est légèrement différente de celle de l'UMP, tout simplement ?
R- "C'est vraiment très très légèrement différent, parce qu'on a beaucoup de mal à voir la différence entre les deux. M. Santini explique cela par une différence de style, ça ne suffit pas pour faire des listes séparées la différence de style. Mais bon, encore une fois, ça ne va pas durer très longtemps, puisqu'au second tour, tout ce beau monde, comme d'habitude, va se resserrer la main, et faire une liste commune."
Q- M. Le Pen, quand on regarde votre programme, au fond il ne change pas beaucoup, vous voulez supprimer l'impôt sur le revenu, notamment les deux premières tranches si j'ai bien compris. Vous voulez supprimer l'ISF - ça, ça fera plaisir à un certain nombre de gens, mais pas à beaucoup d'électeurs en l'occurrence -, fermer les frontières, imposer la préférence nationale, privilégier les Français de souche ?
R- "Non, non, non. Pas privilégier les Français de souche, non. Ca, vous ne l'avez lu nulle part. Nous voulons privilégier les Français, point. Pas de souche, On ne va pas remonter ni aux parents, ni aux grands parents. Encore une fois ceux qui sont Français..."
Q- Il n'y a aucune ambiguïté là dessus ?
R- "Il n'y a aucune ambiguïté, il n'y a jamais eu d'ambiguïté. Nous ne voulons pas fermer les frontières, nous voulons avoir des frontières, voilà, parce que des frontières..."
Q- Ca revient à fermer les frontières, M. Le Pen, ne jouons pas sur les mots.
R- "Non, non pas du tout, parce qu'avoir des frontières c'est comme avoir une porte à votre appartement. Cela ne veut pas dire qu'elle est fermée à double tour en permanence, ça veut dire que vous pouvez l'entrouvrir, que vous pouvez l'ouvrir, que vous pouvez en tout cas choisir qui vient chez vous. Voilà c'est ça avoir des frontières."
Q- On revient à Schengen, autrement dit votre programme, plus de recettes budgétaires.
R- "Pourquoi plus de recettes budgétaires ?"
Q- Parce que si vous supprimez demain matin l'impôt sur le revenu, ça fera peut-être plaisir à beaucoup de gens dans une première phase, mais je pense que du point de vue de la situation financière de l'Etat, ce sera une catastrophe.
R- "Pas du tout, parce que 4/5 de ce que rapporte l'impôt sur le revenu sera immédiatement récupéré par l'intermédiaire de l'augmentation de la base de la TVA. Vous comprenez bien qu'à partir du moment..."
Q- Mécaniquement.
R- "Oui mécaniquement bien sûr, il est évident qu'à partir du moment où nous laisserons aux travailleurs le fruit de leur travail, ils consommeront, et que par l'intermédiaire de la TVA, il y a encore une fois 4/5 qui sera récupéré immédiatement, mais il y a d'autres phénomènes, d'autres leviers économiques vous savez, qui fonctionnent lorsqu'on supprime un impôt tel que l'impôt sur le revenu. Donc vous avez rappelé que nous voulons supprimer les deux premières tranches la première année, c'est l'anticipation, c'est-à-dire qu'on investit dans l'avenir, à partir du moment où on sait qu'on a de fait une augmentation de niveau de vie. Donc ne croyez pas ça. Nous pensons, et encore une fois ce n'est pas moi, ce sont des experts qui ont fait cette analyse là, et d'ailleurs le prix Nobel d'économie, aussi M. Allais a dit que c'était parfaitement faisable et envisageable."
Q- Tout est faisable, tout est envisageable.
R- "Il y a d'autres impôts, non mais il y a d'autres impôts, je veux dire, par exemple, les droits de succession dans la famille, il faut les supprimer, ce n'est pas absolument délirant, l'Italie vient de le faire, et d'ailleurs, à la limite pour les plus Européens d'entre nous, ce serait anormal qu'il y ait une telle différence entre les Italiens et les Français, entre le conjoint italien et le conjoint français."
Q- Votre programme vise, dites-vous très clairement à lutter contre les effets de la politique nationale, alors là vous visez directement la politique de J.-P. Raffarin, qui pourrait bien prendre la tête de l'UMP au lendemain des régionales, et qui apparemment prépare un remaniement.
R- "Vous êtes sûr que l'UMP existera encore le lendemain des régionales ? Moi je pense que l'UMP est en voie de désintégration, et que probablement, elle ne survivra pas au lendemain des régionales. Donc il peut toujours en prendre la tête, mais ça ne changera pas grand chose. Oui, il va remanier, ça changera quoi ? Encore une fois, le problème là, c'est la tête, là, pour le coup. Ce n'est pas tant les ministres qui composent le Gouvernement. C'est : où va ce Gouvernement, qu'est-ce qu'il veut, quelle vision a t-il de la France ? Et ça les Français n'arrivent à le comprendre. Et pour cause d'ailleurs, parce qu'ils changent d'avis eux-mêmes toutes les semaines."
Q- Pourquoi ça ?
R- "Parce qu'ils déposent des projets de loi, ils les retirent, ils disent quelque chose, le lendemain, ils disent l'inverse. On ne sait pas ce qu'ils veulent et les Français n'arrivent pas à comprendre où ils vont."
Q- Il y a eu par exemple une loi, il y a une loi sur le voile. Vous vous devriez être pour cette loi a priori en tout cas, et en même temps au prétexte que c'est une loi présentée par l'UMP, vous la critiquez.
R- "Non pas du tout, ce que je critique, c'est la volonté de l'appliquer, je pense qu'ils n'ont aucune volonté pour l'appliquer, d'ailleurs..."
Q- Attendez que la loi soit votée.
R- "Le Président de la République l'a dit lui-même, lorsqu'il a indiqué aux Français qu'il allait faire voter une loi, il a dit, " il faudra négocier l'application de cette loi. " On ne négocie pas l'application d'une loi, voyez-vous, on l'applique, voilà, et c'est tout ce manque de fermeté je crois, ce manque d'autorité..."
Q- Sur le principe, êtes-vous d'accord avec cette loi Marine Le Pen ?
R- "Sur le principe, sur le voile ?"
Q- Oui.
R- "Oui, sur l'interdiction du voile je suis d'accord, mais je pense qu'il aurait fallu interdire le voile dans les écoles, dans les administrations publiques par circulaire. D'ailleurs, encore une fois, je l'ai dit à multiples reprises, si il y a une loi sur le voile dans les écoles, il va falloir aussi faire une loi sur la polygamie, il va falloir faire une loi sur mixité dans les piscines, il va falloir faire une loi sur tous les problèmes qui ont la même cause en réalité. Moi tout ce que je reproche à ce Gouvernement, c'est le manque d'autorité."
Q- M. Le Pen d'un mot, vous n'avez pas, vous de carte orange à 45 euros?
R- "Non, d'ailleurs, c'est inapplicable, je ne fais pas de promesses que je ne peux pas tenir, moi, à la différence des autres. Ce n'est absolument pas financé, ça entraînera l'augmentation de 61% des impôts locaux directs."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 mars 2004)
FRANCE 2 le 3 mars 2004
Q- F. Laborde-. Nous allons évoquer l'Ile-de-France, mais faisons d'abord un petit détour par la région PACA, où J.-M. Le Pen, votre père, n'est plus candidat. On se rend compte que son "remplaçant", entre guillemets, fait jeu égal et peut-être même mieux dans les intentions de vote que J.-M. Le Pen ? C'est un peu étonnant, non ?
R- "Non, je ne crois pas. C'est la conséquence de la légitime indignation des électeurs face à son éviction de cette campagne en PACA."
Q- Donc, de toute façon, il ne sera sur aucune liste ?
R- "Non, ça y est, les listes sont déposées. Il avait d'ailleurs dit que s'il subissait cette injustice, il prendrait la tête de la campagne nationale, ce qu'il fait aujourd'hui."
Q- Dans les sondages, aujourd'hui, en Ile-de-France, de combien êtes-vous créditée ? Suivez-vous cela régulièrement ?
R- "Pas très régulièrement. Cela doit être entre 13 et 14, mais je me souviens toujours que J.-M. Le Pen était crédité de 9 % un mois avant la présidentielle et qu'il a fini à 17. Vous voyez qu'il y a toutes les raisons d'espérer."
Q- Qui est votre concurrent le plus sérieux ? Est-ce Santini, Copé, Huchon ?
R- "Mon concurrent le plus sérieux, c'est "l'UMPS", ce sont ceux qui font strictement la même politique depuis six ans à la région, les uns dans l'exécutif, les autres dans une absence d'opposition totale à cet exécutif socialiste. Donc je les mets un peu tous dans le même sac..."
Q- Vous deviez être reçue par le Medef, vous aviez envoyé votre programme et, finalement, Seillière a demandé à ce que vous ne soyez pas reçu. Cela vous a-t-il choqué ?
R- "C'est toujours choquant quand le baron décrète à qui il parle et à qui il ne parle pas. C'est un mépris total du peuple, un mépris total des élus. Cela ne m'étonne pas beaucoup de lui. Mais je ne le mélange pas avec l'ensemble des petits patrons, qui ne se reconnaissent pas dans ce représentant de l'argent."
Q- D'ailleurs vous "visez", entre guillemets, effectivement les petits patrons, les artisans, les commerçants, puisque parmi les dispositions de votre programme, il y en a une qui concerne la prise en charge des frais d'analyses financières ? Pourquoi ? Parce qu'ils sont effectivement en difficulté ? On vous a entendu vous émouvoir, à plusieurs reprises, de la disparition des commerces de proximité...
R- "Oui, ils vivent des situations extrêmement difficiles. Ce sont souvent des gens qui travaillent énormément, ils ne connaissent pas trop les 35 heures. Et je crois qu'il faut les aider à supporter la crise. Or, eux, ils ne délocalisent pas et ils créent des emplois. Alors, c'est vraiment un axe de développement économique sur lequel il faut appuyer, pour pouvoir préserver le tissu économique et social d'Ile-de-France."
Q- C'est aussi pour eux que vous voulez créer un contrat régional d'apprentissage ? Cela veut dire, par exemple, que vous estimez qu'on pourrait réduire le temps passé à l'école, ou peut-être sortir de l'école avant les seize ans ?
R- "Dans le cadre de l'expérimentation, on pourrait, dans certains secteurs, proposer l'apprentissage à quatorze ans. Parce que je vois des enfants qui sont manifestement pas faits pour l'école, qui ne veulent pas aller à l'école, qui veulent apprendre un métier et on leur interdit de le faire, alors que par ailleurs, les bouchers en Ile-de-France, que j'ai rencontrés au Salon de l'agriculture, me disent qu'ils ont 2.000 places d'apprentis et qu'ils n'ont personne. Là, il y a un vrai problème."
Q- Faut-il revoir le contrat d'apprentissage pour garantir qu'on leur donne, en même qu'un savoir-faire professionnel, les bases d'un minimum pour devenir demain, à leur tour, commerçants ?
R- "Bien sûr et je crois que là, la région a véritablement quelque chose à faire, dans un domaine où, le moins que l'on puisse dire, c'est que M. Huchon n'a pas été très performant."
Q- Parmi vos propositions, il y a aussi l'aide aux mères de famille en difficulté ?
R- "C'est une ligne budgétaire que le FN a fait voter, lors de la dernière mandature - donc vous voyez que nous avons une capacité de propositions intéressantes -, parce que la multiplication des familles monoparentales entraîne des situations très difficiles pour les mères qui élèvent leurs enfants seules. Et en Ile-de-France, c'est encore plus difficile qu'ailleurs."
Q- Beaucoup de mamans qui élèvent leurs enfants seules en Ile-de-France sont des mamans souvent d'origine étrangère. Faut-il faire une différence ou pas ?
R- "Ah non ! Je ne crois pas d'ailleurs que cela doit le cas. Encore une fois, en France, la majorité des habitants sont Français. Et qu'ils soient d'origine étrangère ou qu'ils ne soient pas d'origine étrangère ne change absolument rien au problème."
Q- Donc vous aidez toutes les mères de famille, quelle que soit leur nationalité ?
R- "Bien sûr."
Q- Mais vous avez tout de même un programme spécifique d'accession sociale à la propriété pour les familles françaises modestes ? Cela veut dire que l'on exclut forcément les autres ?
R- "Là, on n'est plus en matière sociale. On est en matière d'implantation sur le territoire. On se rend compte qu'il y a beaucoup de familles françaises modestes qui sont obligées de quitter l'Ile-de-France, qui la fuient, parce que les conditions de vie sont extrêmement chères. Comme il y a une politique de la ville, dont par ailleurs on s'est rendu compte qu'elle était totalement inefficace et qui, en très grande majorité, est à destination de l'immigration, eh bien, il me semble que la moindre des choses serait de rééquilibrer les aides régionales et de permettre véritablement de s'implanter par l'accession à la propriété."
Q- Mais alors, même question : comment définissez-vous une famille française ?
R- "Une famille française est une famille qui a une carte d'identité française."
Q- Mais si, par exemple, les parents ont la double nationalité et que les enfants sont Français ? Comment faites-vous ?
R- "Vous allez toujours me trouver un exemple très compliqué où le père est en voie de régularisation, mais la mère, bon... Ce n'est pas le problème. Je pense que la propriété est un besoin, est une envie profonde de nos compatriotes, c'est aussi céder un héritage à ses enfants, et je crois qu'aller dans le sens de l'accession à la propriété plutôt que..."
Q- Cela permet aussi d'intégrer davantage les familles d'origine étrangère ?
R- "Eventuellement, oui, parce que je vois que l'accession à la propriété est souvent aussi un acte d'apaisement social. On peut dégrader quand on est locataire, on dégrade beaucoup moins quand on est propriétaire."
Q- On a le sentiment, aujourd'hui, que le Front national a des propositions solides et n'est plus dans un registre protestataire un peu excessif. Mais si vous n'avez pas ce côté "poil à gratter", ce côté un peu à part, qu'est-ce qui va faire la spécificité du FN demain ?
R- "Les mesures qu'il propose. Nous sommes aujourd'hui le seul mouvement politique qui n'a pas eu l'occasion d'appliquer son programme. Les autres l'ont fait, ils ont démontré leur impuissance à régler les problèmes de la France et souvent même à refuser même de les voir, ces problèmes, et à les rendre tabous. Donc, voilà, essayez ! Essayez le Front national !"
Q- Qu'est-ce qui a changé ? Est-ce le FN qui a changé et qui est moins provocateur qu'il ne l'a été ? Ou est-ce que c'est le regard de l'opinion publique qui a changé ?
R- "A partir du 21 avril, il y a eu un double phénomène. Un très grand nombre de nos compatriotes se sont rendus compte que nous avions la capacité d'exercer le pouvoir, que nous avions les propositions pour le faire. Et le Front national, en même temps, est arrivé à maturité et s'est transformé d'un parti d'opposition en un parti de gouvernement. C'est cette double rencontre qui s'est produite depuis deux ans."
Q- On a dit de votre père, quand il était à l'élection présidentielle, qu'il s'était policé et qu'il ne se lançait plus dans les jeux de mots fâcheux, style "détail" etc. Avez-vous regretté quand il a employé ces formules-là ?
R- "Je ne vais pas passer ma carrière politique à parler d'une phrase que mon père a prononcée, sur laquelle il s'est expliqué 8.290.000 de fois. Je ne résume pas la carrière politique de mon père à ça. Et si je devais la résumer, ce ne serait pas facile, mais je dirais que c'est le seul à avoir prévu les problèmes que nous vivons aujourd'hui. Et gouverner c'est prévoir. Il a prévu. Je pense qu'il est temps qu'il gouverne !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 mars 2004)