Point de presse de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur la position de la France vis à vis du rôle de l'Otan, notamment dans la lutte contre le terrorisme et le maintien de la paix dans les Balkans et en Afghanistan, Bruxelles le 2 avril 2004.

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Circonstance : Réunion ministérielle de l'OTAN, Conseil OTAN-Russie, à Bruxelles le 2 avril 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
J'ai l'honneur de vous retrouver dans d'autres circonstances, sous un autre titre, puisque j'ai l'honneur de prendre le relais d'un grand ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, donc de continuer le dialogue que vous aviez avec lui. Pour autant, je voudrais faire appel à votre compréhension aujourd'hui parce que j'ai des engagements à la Commission, pour régler un certain nombre de sujets. J'ai quitté mon bureau il y a 48 heures, un peu rapidement et donc, je vais vous demander la permission, de ne pas me livrer aujourd'hui au jeu des questions et des réponses, mais notre ambassadeur pourra poursuivre le dialogue après que je vous ai quittés. Je voudrais simplement vous dire quelques mots de l'état d'esprit qui était le mien en venant participer à cette première réunion ministérielle de l'OTAN et puis à la session du Conseil OTAN - Russie à laquelle je viens de participer.
Ce matin, le Conseil des ministres s'est réuni pour le nouveau gouvernement à Paris, et néanmoins je n'ai pas voulu manquer cette réunion qui, pour moi et pour nous tous, était très importante puisqu'elle était celle où sept nouveaux États entrent officiellement dans l'Alliance. C'est donc un moment important pour eux, pour nous, une journée historique d'autant qu'on se souvient d'où ils viennent, de l'engagement et de l'effort qui a été le leur. Une journée historique qui en précède d'autres, à quelques semaines du 1er mai où plusieurs de ces pays vont entrer dans l'Union européenne et tous les autres, en tout cas dans le même mouvement même si certains rentrent un peu plus tard.
Cette réunion avait un caractère informel, qui a permis d'avoir une liberté dans nos échanges. Naturellement, liberté mais aussi gravité puisque l'actualité internationale est marquée par le terrorisme après la tragédie de Madrid, et cela exigeait que nous, nous marquions à l'OTAN, comme la France le fait avec ses partenaires au sein de l'Union européenne, notre détermination à nous opposer à ce fléau. Nous avons adopté une déclaration en ce sens. L'OTAN peut, dans le cadre de ses compétences, apporter une contribution. Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont la même détermination puisqu'ils ont décidé il y a quelques jours à Bruxelles de mettre en oeuvre, par anticipation, la clause de solidarité à laquelle j'ai eu l'honneur de travailler comme président du groupe sur la défense dans le cadre de la convention.
Permettez-moi simplement d'évoquer les principaux points sur lesquels nous avons travaillé depuis ce matin :
- D'abord, la prochaine relève par l'Union européenne de l'opération de l'OTAN en Bosnie ; celle-ci constituera la première opération de l'Union de cette ampleur - je n'oublie pas la Macédoine - avec un recours aux moyens de l'OTAN au titre des engagements et des arrangements de "Berlin Plus". Là encore, l'Union européenne reste durablement engagée sur cette question d'une vraie politique de défense conduisant à une défense européenne.
Je suis heureux de mesurer avec beaucoup d'autres, concrètement, la mise en oeuvre de cette politique.
- La nécessité au Kosovo de tout faire pour que l'opération de l'OTAN, la KFOR, contribue à une stabilisation de la situation dans cette région. Nous avons également parlé de ce sujet avec mon collègue russe. La France, comme vous le savez, assurera le commandement de la KFOR un peu avant la fin de l'année.
- L'état des engagements de l'OTAN en Afghanistan, et la nécessité d'assurer que les missions de l'OTAN en soutien du gouvernement afghan soient mises en oeuvre avec tous les moyens nécessaires. La France contribue à cet effort et participera avec l'état-Major du Corps européen au commandement de la FIAS - la Force internationale d'assistance à la sécurité - à partir du mois d'août.
Je viens de parler du Kosovo, puis de l'Afghanistan. Voilà deux opérations qui sont absolument les deux principales opérations de l'OTAN et dans lesquelles la France a pris et prend davantage encore dans les semaines et les mois qui viennent, une part très importante.
Nous sommes d'ailleurs, je vais vérifier ce point avec notre ambassadeur, le troisième contributeur dans ces opérations de l'OTAN.
D'autres discussions plus larges ont eu lieu, comme celles qui nous mobilisent pour préparer le Sommet d'Istanbul, les 28 et 29 juin prochain. Nous travaillons à préparer cette grande échéance. Parmi les initiatives discutées dans cette perspective, figure une proposition, vous le savez, pour développer des liens entre l'OTAN et les pays du Moyen-Orient au-delà et en plus des relations très utiles qui existent déjà avec les pays méditerranéens au sein du Dialogue méditerranéen.
Nous pensons qu'il faut définir un cadre politique général incluant une dimension de sécurité régionale. C'est dans ce cadre politique que pourrait être examinée alors et que pourrait s'insérer éventuellement la contribution propre de l'OTAN à cette zone, qui, c'est le moins qu'on puisse dire, est au coeur de tensions politiques très graves et très fortes.
Nous avons rappelé à l'ensemble de nos collègues le souhait de la France que rien ne soit arrêté à cet égard à l'OTAN sans qu'au préalable ait été sondée la disponibilité des pays de cette zone à s'engager dans cette voie et que soit bien mesuré et évalué leur intérêt réel à prendre part à ce type de coopérations.
C'est dans cet esprit que le Secrétaire général de l'OTAN a reçu le mandat de se rendre dans la zone pour des consultations à caractère exploratoire. C'est sur cette base des réactions qu'il enregistrera, qu'il recueillera dans tous les pays, qu'il sera possible de déterminer, d'ici Istanbul, l'éventuelle contribution qui pourrait être celle de l'OTAN.
L'autre point sur lequel je suis intervenu personnellement tout à l'heure au cours d'un tour de table, est celui d'un rôle éventuel de l'OTAN en Irak. Simplement pour rappeler une position à la fois très ferme et bien connue de la France. Nous pensons que L'OTAN n'est tout simplement pas le lieu où doivent se préparer nos décisions concernant la situation de l'Irak après le 1er juillet, c'est-à-dire après la mise en place d'un gouvernement souverain, je pense donc que cette question d'un rôle éventuel de l'OTAN en Irak n'est pas d'actualité.
J'ai pu saluer à l'occasion de cette journée beaucoup de nos nouveaux collègues. J'en connaissais beaucoup personnellement au titre de mes précédentes fonctions. J'ai eu trois entretiens bilatéraux particuliers et très constructifs, l'un avec Sergueï Lavrov, l'autre avec Colin Powell et le troisième avec M. Fischer. Il s'agissait dans les cas des ministres américain et russe, de prises de contacts au cours desquelles nous avons évoqué plusieurs points déjà abordés à cette réunion ministérielle. A l'égard de M. Colin Powell et devant mes collègues, j'ai tenu à dire que dans les circonstances tragiques, et devant l'acte, comment dirais-je, d'une vraie sauvagerie dont ont été victimes avant-hier des ressortissants des États-Unis à Falloudja, j'ai voulu redire combien nous partagions l'émotion profonde du peuple américain. Nous avons évoqué notamment toutes les questions liées au terrorisme et le point des prochaines initiatives du Sommet d'Istanbul.
Avec Sergueï Lavrov, j'ai évoqué plus précisément, notamment la question du Kosovo, avant que le président de la République française demain rencontre le président Poutine.
Enfin, j'ai été très heureux de retrouver parmi beaucoup de ministres amis européens notamment, mon ami Joschka Fischer, avec lequel nous avons également évoqué plusieurs points des relations bilatérales et des prochaines échéances européennes.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 avril 2004)