Texte intégral
Q - Que pensez-vous de l'élection de Laurence Parisot à la tête du Medef?
R - Si la nouvelle présidente compte maintenir la ligne Seillière, les problèmes se poseront. Sous l'ère Seillière, le Medef est passé d'une confédération patronale à un mouvement de lobbying. La refondation sociale initiée par l'ancien président a conduit à la destructuration du dialogue social. Le Medef n'a eu de cesse de reléguer à l'arrière-plan les négociations interprofessionnelles pour renvoyer les négociations sociales au niveau de l'entreprise. Le Medef est-il prêt à engager un mouvement qui redonnerait au niveau interprofessionnel et à la branche un rôle de régulation? Voilà ce que j'attends de Laurence Parisot. Mais il faut stopper les dérives. Les négociations doivent aboutir à des accords normatifs qui s'appliquent à toutes les branches et à toutes les entreprises, et non à de simples accords de méthode qui ne sont que des codes de bonne conduite non contraignants.
Q - Sur quels nouveaux thèmes souhaitez-vous négocier?
R - Nous demandons par exemple une négociation interprofessionnelle sur les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Mais une question reste non réglée, celle du droit de saisine. Sur le thème de la sous-traitance, l'ensemble des organisations syndicales réclament depuis longtemps une négociation. Mais le patronat la refuse. En revanche, lorsque le Medef veut négocier, les syndicats ne peuvent refuser. Ils doivent disposer d'un droit de saisine, comme le patronat.
Q - Dominique de Villepin s'est donné cent jours pour restaurer la confiance. Comment jugez-vous ses premiers pas?
R - Mal. Le Premier ministre nous a reçus avant son discours de politique générale. Nous lui avons fait part de nos revendications sur les priorités que sont le pouvoir d'achat, le chômage, la crise de l'hôpital public, l'avenir du service public et la politique industrielle. Nous lui avons dit qu'après le mouvement social du 10 mars et le vote du 29 mai, il nous semblait important de donner une lisibilité à la politique gouvernementale à moyen et long terme. Villepin n'a tenu aucun compte de nos demandes. Pour seule réponse, il s'est contenté, sans concertation aucune, d'annoncer des mesures ultralibérales et de multiplier les avantages fiscaux pour les entreprises. C'est inacceptable.
Q - Pensez-vous que le gouvernement va reculer sur le contrat nouvelle embauche?
R - A partir du moment où le Premier ministre l'a annoncée dans son discours de politique générale, la mesure risque d'être maintenue. Le gouvernement pourrait tenter de déminer quelques points en instituant préavis et indemnités de rupture. Mais sur la disposition essentielle - le licenciement sans justification de motif de rupture -, il ne bougera pas. Cette mesure pose des problèmes juridiques. Même dans le Code civil, il n'existe pas de rupture sans motif. Ce nouveau contrat de travail précaire répond à une vieille revendication patronale. Nous ne l'accepterons jamais. Comme nous n'accepterons pas que les jeunes de moins de 26 ans ne soient plus comptés dans les seuils de dix et cinquante salariés. Si le gouvernement maintient ce projet, nous déposerons une plainte au BIT pour discrimination sur l'âge.
Q - Le gouvernement compte sur le contrat nouvelle embauche pour inciter les petites entreprises à embaucher...
R - Le président de la CGPME a reconnu lui-même que les entreprises n'embaucheront que s'il y a de la croissance. Le système pourrait aussi entraîner des effets pervers de turnover. Il faudrait plutôt que les chambres des métiers, de commerce et d'industrie et les organisations patronales fassent leur travail.
Q - Quelle riposte envisagez-vous?
R - Rendez-vous à la rentrée, pour les cent jours du Premier ministre. Il faut une action au moins aussi forte que celle du 10 mars. Mais pour que la mobilisation soit réussie, il faut qu'il y ait plusieurs organisations. Nous poursuivrons jusqu'au début septembre les contacts avec les autres confédérations pour arrêter les modalités et la date précise de l'action. La mobilisation visera plus large que le plan Villepin. Elle portera aussi sur le pouvoir d'achat, revendication prioritaire des salariés. Ceux-ci ont le sentiment d'être méprisés par le gouvernement qui reste sur sa logique, comme s'il ne s'était rien passé. Voilà trois fois depuis 2002 qu'il y a eu des votes sanction. Sans aucune conséquence. Puisque le gouvernement est sourd, la mobilisation est indispensable.
Q - Comment s'annonce la négociation sur l'assurance chômage prévue à l'automne?
R - Cette négociation sera "hard". Signe inquiétant : pour la première fois depuis 1993, le patronat a refusé une revalorisation des allocations chômage. Si l'on veut aborder cette négociation dans de bonnes conditions, il faut clarifier les rôles et les financements entre l'Etat et le régime d'assurance chômage. En vingt ans, la part de l'Etat dans l'indemnisation du chômage est passé de 30 % à 10 %. Si le patronat cherche à diminuer les droits des chômeurs, nous ne l'accepterons pas. Nous avons deux revendications. Rétablir les cotisations et régler le problème de la précarité de l'emploi. Le développement de celle-ci, qui risque de s'accentuer avec le contrat nouvelle embauche, est responsable chaque année de 5, 5 milliards d'euros de déficit du régime. Il faut reposer la question d'une surcotisation patronale sur les contrats précaires. Restera-t-il à la fin de l'année un régime paritaire d'assurance chômage? Je n'en suis pas certain. L'Etat et le patronat cherchent peut-être à le faire disparaître, pour faciliter la fusion des organismes Unedic et ANPE.
Propos recueillis par Catherine Delgado et Delphine Girard
(Source http://www.force-ouvriere.fr, le 12 juillet 2005)
R - Si la nouvelle présidente compte maintenir la ligne Seillière, les problèmes se poseront. Sous l'ère Seillière, le Medef est passé d'une confédération patronale à un mouvement de lobbying. La refondation sociale initiée par l'ancien président a conduit à la destructuration du dialogue social. Le Medef n'a eu de cesse de reléguer à l'arrière-plan les négociations interprofessionnelles pour renvoyer les négociations sociales au niveau de l'entreprise. Le Medef est-il prêt à engager un mouvement qui redonnerait au niveau interprofessionnel et à la branche un rôle de régulation? Voilà ce que j'attends de Laurence Parisot. Mais il faut stopper les dérives. Les négociations doivent aboutir à des accords normatifs qui s'appliquent à toutes les branches et à toutes les entreprises, et non à de simples accords de méthode qui ne sont que des codes de bonne conduite non contraignants.
Q - Sur quels nouveaux thèmes souhaitez-vous négocier?
R - Nous demandons par exemple une négociation interprofessionnelle sur les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Mais une question reste non réglée, celle du droit de saisine. Sur le thème de la sous-traitance, l'ensemble des organisations syndicales réclament depuis longtemps une négociation. Mais le patronat la refuse. En revanche, lorsque le Medef veut négocier, les syndicats ne peuvent refuser. Ils doivent disposer d'un droit de saisine, comme le patronat.
Q - Dominique de Villepin s'est donné cent jours pour restaurer la confiance. Comment jugez-vous ses premiers pas?
R - Mal. Le Premier ministre nous a reçus avant son discours de politique générale. Nous lui avons fait part de nos revendications sur les priorités que sont le pouvoir d'achat, le chômage, la crise de l'hôpital public, l'avenir du service public et la politique industrielle. Nous lui avons dit qu'après le mouvement social du 10 mars et le vote du 29 mai, il nous semblait important de donner une lisibilité à la politique gouvernementale à moyen et long terme. Villepin n'a tenu aucun compte de nos demandes. Pour seule réponse, il s'est contenté, sans concertation aucune, d'annoncer des mesures ultralibérales et de multiplier les avantages fiscaux pour les entreprises. C'est inacceptable.
Q - Pensez-vous que le gouvernement va reculer sur le contrat nouvelle embauche?
R - A partir du moment où le Premier ministre l'a annoncée dans son discours de politique générale, la mesure risque d'être maintenue. Le gouvernement pourrait tenter de déminer quelques points en instituant préavis et indemnités de rupture. Mais sur la disposition essentielle - le licenciement sans justification de motif de rupture -, il ne bougera pas. Cette mesure pose des problèmes juridiques. Même dans le Code civil, il n'existe pas de rupture sans motif. Ce nouveau contrat de travail précaire répond à une vieille revendication patronale. Nous ne l'accepterons jamais. Comme nous n'accepterons pas que les jeunes de moins de 26 ans ne soient plus comptés dans les seuils de dix et cinquante salariés. Si le gouvernement maintient ce projet, nous déposerons une plainte au BIT pour discrimination sur l'âge.
Q - Le gouvernement compte sur le contrat nouvelle embauche pour inciter les petites entreprises à embaucher...
R - Le président de la CGPME a reconnu lui-même que les entreprises n'embaucheront que s'il y a de la croissance. Le système pourrait aussi entraîner des effets pervers de turnover. Il faudrait plutôt que les chambres des métiers, de commerce et d'industrie et les organisations patronales fassent leur travail.
Q - Quelle riposte envisagez-vous?
R - Rendez-vous à la rentrée, pour les cent jours du Premier ministre. Il faut une action au moins aussi forte que celle du 10 mars. Mais pour que la mobilisation soit réussie, il faut qu'il y ait plusieurs organisations. Nous poursuivrons jusqu'au début septembre les contacts avec les autres confédérations pour arrêter les modalités et la date précise de l'action. La mobilisation visera plus large que le plan Villepin. Elle portera aussi sur le pouvoir d'achat, revendication prioritaire des salariés. Ceux-ci ont le sentiment d'être méprisés par le gouvernement qui reste sur sa logique, comme s'il ne s'était rien passé. Voilà trois fois depuis 2002 qu'il y a eu des votes sanction. Sans aucune conséquence. Puisque le gouvernement est sourd, la mobilisation est indispensable.
Q - Comment s'annonce la négociation sur l'assurance chômage prévue à l'automne?
R - Cette négociation sera "hard". Signe inquiétant : pour la première fois depuis 1993, le patronat a refusé une revalorisation des allocations chômage. Si l'on veut aborder cette négociation dans de bonnes conditions, il faut clarifier les rôles et les financements entre l'Etat et le régime d'assurance chômage. En vingt ans, la part de l'Etat dans l'indemnisation du chômage est passé de 30 % à 10 %. Si le patronat cherche à diminuer les droits des chômeurs, nous ne l'accepterons pas. Nous avons deux revendications. Rétablir les cotisations et régler le problème de la précarité de l'emploi. Le développement de celle-ci, qui risque de s'accentuer avec le contrat nouvelle embauche, est responsable chaque année de 5, 5 milliards d'euros de déficit du régime. Il faut reposer la question d'une surcotisation patronale sur les contrats précaires. Restera-t-il à la fin de l'année un régime paritaire d'assurance chômage? Je n'en suis pas certain. L'Etat et le patronat cherchent peut-être à le faire disparaître, pour faciliter la fusion des organismes Unedic et ANPE.
Propos recueillis par Catherine Delgado et Delphine Girard
(Source http://www.force-ouvriere.fr, le 12 juillet 2005)