Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Un peu moins de trois mois après avoir pris mes fonctions, je me réjouis de l'occasion qui m'est ainsi donnée de m'entretenir avec vous des orientations du gouvernement en matière de coopération, de développement et de francophonie.
Nous aurons naturellement l'occasion d'échanger plus avant sur ces sujets au cours des différentes tables rondes qui vont suivre, et je serai heureuse de pouvoir entendre vos analyses et vos points de vue, mais je souhaite d'entrée de jeu vous donner mon sentiment - et mes priorités - pour les secteurs d'intervention dont j'ai plus particulièrement la charge : l'aide au développement d'une part, la coopération culturelle et la francophonie d'autre part.
Ces trois premiers mois ont en effet été intenses en rencontres et en déplacements, ce qui m'a permis de mieux cerner les enjeux auxquels nous sommes confrontés, et de mieux mesurer la réalité de notre action sur le terrain. C'est donc à partir de ces premiers éléments mais aussi de l'expérience des problèmes de développement que j'ai pu avoir dans mes précédentes fonctions ministérielles ou encore il y a 20 ans dans cette Maison, que j'entends aujourd'hui fixer le cap de notre action commune dans les prochains mois.
L'aide aux plus pauvres, tout d'abord. C'est de longue date une priorité du président de la République, qu'il a encore rappelée hier. Mais c'est aussi devenu depuis peu une préoccupation majeure de la communauté internationale tout entière, et il faut s'en réjouir : j'ai pu le constater moi-même à New York il y a deux mois, les idées françaises, qu'il s'agisse de la mise en place de mécanismes innovants pour le financement du développement ou de la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement, suscitent, plus que jamais, l'initiative et alimentent les débats. Les autres pays se positionnent souvent par rapport à nous, et vous avez là, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, que vous soyez en poste dans un pays du Sud, en Europe, ou bien encore en Amérique du Nord, des thèmes à privilégier pour vous mobiliser dans le cadre de ce qu'on appelle aujourd'hui notre "diplomatie d'influence".
Le Sommet du G8 à Gleneagles le mois dernier, le sommet des chefs d'Etat à New York le mois prochain, témoignent de façon manifeste de la place centrale prise par les questions du développement dans les relations internationales. Ce n'est pas un hasard : le monde développé a aujourd'hui l'obligation de réussir, et de réussir vite, surtout en Afrique. Ce continent ne peut rester plus longtemps à l'écart de la mondialisation et s'enfoncer toujours plus dans la pauvreté, sauf à vouloir laisser s'intensifier les transferts de population, l'intégrisme, ou encore le terrorisme. C'est donc notre responsabilité collective, que d'inclure l'Afrique de façon équitable dans le commerce mondial, et de ne pas y créer les conditions d'une immigration clandestine.
En ce domaine, la France se veut exemplaire en inscrivant sa démarche dans le cadre d'une stratégie globale en faveur du développement, conçue autour de trois axes : des objectifs clairs, des moyens adaptés et des acteurs efficaces.
Des objectifs clairs, ce sont les Objectifs du Millénaire pour le Développement, qui fixent un cap pour 2015 - réduire de moitié la pauvreté dans le monde. Il s'agit donc d'orienter résolument l'ensemble de notre politique de coopération vers ce résultat.
Dans ce cadre, il nous faut davantage concentrer notre action pour la rendre plus efficace et plus visible sur le terrain ; il nous faut aussi travailler dans la transparence, en recherchant les partenariats extérieurs, publics ou privés. Enfin, nous devons intégrer une véritable culture du résultat en évaluant en permanence la pertinence de notre action.
Pour atteindre ces objectifs, concilier urgence et long terme est une exigence, même si je vois bien les difficultés que cela peut représenter sur le terrain. Il y a en effet toujours le risque que l'urgence accapare l'horizon, comme nous l'ont montré récemment le tsunami en Asie et la crise alimentaire au Niger.
Si je prends l'exemple du Niger, la crise alimentaire n'est pas seulement due à ses causes naturelles les plus visibles, comme l'invasion par les criquets et la sècheresse, mais résulte bien plus d'une situation structurelle de vulnérabilité alimentaire : en 1999 déjà, on évaluait à un tiers la part de la population du Niger souffrant de malnutrition. On ne peut donc dissocier aide humanitaire et aide au développement, et il n'est pas possible d'isoler notre action de long terme de l'action d'urgence. Il nous faut à la fois permettre aux agriculteurs de produire pour l'auto-suffisance des populations et leur apporter une aide alimentaire en cas de crise.
Cet exemple nigérien montre également l'attention que nous devons porter aux questions d'environnement. Des différents Objectifs du Millénaire, c'est assurément l'un de ceux que notre pays suit avec le plus d'attention. Vous le savez, la France s'est attachée à promouvoir la notion d'environnement mondial en soutenant le projet de création d'une Organisation des Nations unies pour l'Environnement (ONUE). Ce qui est perçu comme une idée française est désormais soutenu par tous nos partenaires de l'Union européenne. Il nous faut donc poursuivre notre travail de persuasion qui commence à porter ses fruits.
Deuxième axe de notre stratégie, des moyens adaptés. Notre pays a montré la voie en décidant de porter son aide publique au développement à 0,5 % du revenu national brut en 2007, et à 0,7 % en 2012.
Certes, la majeure partie de nos efforts budgétaires est orientée depuis quelques années vers des actions multilatérales. L'exemple du Fonds mondial contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose, pour lequel j'annoncerai la contribution française à Londres la semaine prochaine, est probablement emblématique. Mais sachez que j'entends me battre pour redonner également à notre action bilatérale les moyens qu'elle mérite, et ce en dépit des contraintes budgétaires que vous connaissez.
Pour autant, il faut s'en convaincre, l'effort budgétaire ne pourra pas tout. Face à l'énormité des besoins en faveur du développement, il nous faut parvenir rapidement à la mise en place des sources innovantes de financement mises en avant sur la scène internationale par le président de la République. Notre action diplomatique est essentielle pour réussir en la matière. Je compte donc sur vous pour mobiliser les gouvernements de vos pays de résidence. Mais je compte aussi sur vous pour y mobiliser les sociétés civiles. Car si l'idée de taxes internationales se heurte parfois à des réticences de principe des Etats, les opinions publiques en revanche sont souvent plus ouvertes à l'idée de consacrer à une grande cause l'équivalent de quelques euros, prélevés par exemple sur le prix d'un billet d'avion. Il vous faut donc rencontrer les ONG, présenter le projet dans les universités, devant les élus, ou encore en parler aux chefs d'entreprises. Et à plus court terme, nous avons un objectif diplomatique précis : obtenir, d'ici le sommet de New York dans deux semaines, le maximum de soutiens à cette proposition que nous défendons avec l'Algérie, l'Allemagne, le Brésil, le Chili et l'Espagne.
Troisième axe enfin de notre stratégie en faveur du développement : des acteurs efficaces. C'est le sens de la réorganisation de notre dispositif de coopération, engagée depuis l'an dernier.
Il s'agit d'abord de clarifier le rôle de chacun pour éviter les doubles emplois. Vous êtes ainsi désormais clairement en charge sur le terrain du pilotage stratégique, l'Agence française de développement se voyant confier quant à elle la mise en uvre des projets. Vous disposez d'instruments nouveaux pour assurer ce pilotage, en particulier les "Documents cadres de partenariat" auxquels j'attache une grande importance, et à l'élaboration desquels je vous demande d'apporter une attention particulière. Il doit s'agir de documents pleinement opérationnels, et j'entends d'ailleurs procéder à la signature de certains DCP au cours de mes prochains déplacements, afin de leur donner la visibilité politique qu'ils méritent. A vous de saisir cette opportunité pour en valoriser le contenu. A vous - surtout - de veiller à leur qualité, c'est-à-dire à leur caractère pragmatique, concret et précis.
A travers ces documents, il s'agit en effet de concevoir désormais pour chaque pays une programmation pluriannuelle sur la base de projets identifiés, répondant aux attentes des populations locales, négociés sur place par vous-mêmes avec les gouvernements locaux, et régulièrement évalués pour y apporter les corrections éventuellement nécessaires. En clair, nos DCP doivent être de véritables stratégies de développement sur cinq ans, et doivent pouvoir détailler les projets de coopération sur lesquels nos financements seront mobilisés, en privilégiant autant que possible la recherche de partenariats publics ou privés pour mieux relayer et démultiplier nos efforts. Il s'agit d'insuffler à notre politique de coopération une logique de programmation et de contractualisation : en un mot, passer d'une logique d'assistance qui est aujourd'hui dépassée à une logique de partenariat, moderne et efficace.
Votre rôle est essentiel à la réussite de cette réforme : le pilotage du dispositif vous appartient, et il vous confère une mission de "développeur" qui doit progressivement s'affirmer aux côtés de vos missions plus traditionnelles d'animation et de coordination. Votre rôle est aussi désormais celui de l'influence, en particulier auprès des organisations européennes et multilatérales : il vous faut mieux intégrer votre travail sur le terrain au cadre d'action de l'Union européenne et des organisations internationales. Dans chaque poste, vous devez inculquer à vos collaborateurs le réflexe européen, le réflexe multilatéral. Vous devez aussi réorganiser vos services de coopération dans ce but. J'aurai d'ailleurs l'occasion demain d'aborder à nouveau ce point avec vous dans le cadre d'une table ronde plus spécifique.
Le cadre européen est particulièrement important. Je crois que l'on ne peut plus aujourd'hui travailler isolément, sans associer nos partenaires et la Commission à nos réflexions et à nos projets. Je compte insister à nouveau sur ce point au cours de la table ronde que j'animerai dans la matinée avec Armand De Decker, mon homologue belge, que je salue très chaleureusement et très amicalement en le remerciant sincèrement de sa présence parmi nous.
La meilleure coordination que nous recherchons au niveau européen commence en effet par certaines initiatives bilatérales concrètes sur le terrain : je veux citer à titre d'exemple les financements apportés par le Royaume-Uni à certains de nos projets de coopération au Niger, en contrepartie desquels nous intervenons au Rwanda en appui à des projets britanniques.
Tout cela ne porte évidemment aucun préjudice au dialogue que nous devons par ailleurs intensifier avec les grands pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, ainsi qu'avec les Etats du Proche-Orient.
Je pense en particulier que le moment est venu d'engager un dialogue avec la Chine comme nous pouvons en avoir avec nos homologues européens ou américains : j'ai prévu d'entamer prochainement des discussions avec les autorités chinoises sur ce que nous pourrions faire ensemble, notamment en matière de coopération dans des pays tiers.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, vous le voyez, votre contribution est essentielle pour défendre les idées françaises en faveur des pays du Sud.
Je souhaite également évoquer devant vous les principaux enjeux en matière de francophonie.
La francophonie a connu une évolution très importante sous l'impulsion du président de la République depuis 1995. La francophonie, ce n'est pas seulement la promotion de la langue française, c'est aussi une organisation politique pour défendre nos valeurs communes. Elle veille notamment au respect de la démocratie. C'est un espace de solidarité au service du développement durable, et un réseau d'échanges privilégiés, au sein duquel nous partageons souvent les mêmes idées. C'est aussi une union déterminée à défendre la diversité culturelle, essentielle à notre temps. Bien sûr, cet espace francophone doit, comme la coopération bilatérale française, améliorer son fonctionnement institutionnel. Nous aurons d'ailleurs en novembre prochain à Madagascar une importante réunion ministérielle qui devrait aboutir à une profonde réforme visant, là encore, à davantage de pragmatisme et d'efficacité.
Quant à la promotion de la langue, je voudrais tracer ici quelques pistes, qu'il vous reviendra de faire vôtres ou d'adapter en fonction des réalités de votre pays de résidence.
Il faut d'abord répéter que nous ne sommes pas en compétition avec l'anglais : nous nous situons dans un autre registre, celui du plurilinguisme, c'est-à-dire de la recherche de la diversité culturelle. Cette optique nous permet de mener une politique d'alliances avec d'autres langues européennes, et en aucun cas de concurrence avec elles.
Dans la promotion du français à l'étranger, la première responsabilité est évidemment celle des autorités du pays de votre résidence : il leur revient de mettre en place des cours de français dans leur système scolaire et universitaire. Je compte sur votre capacité de conviction pour plaider l'instauration d'une ou deux, voire trois langues vivantes obligatoires dans le système scolaire local.
Dans de nombreux pays, l'un des grands problèmes est le renouvellement des générations de professeurs de français. Nous y contribuons activement par le soutien aux associations de professeurs et par des actions de formation permanente.
Je vous demande enfin de veiller à une meilleure adéquation locale entre l'offre et la demande des cours de français dispensés dans notre propre réseau d'instituts et d'Alliances françaises, selon les âges, les publics visés, les spécialités. Nous sommes prêts à vous y aider.
Au-delà de cette action bilatérale, je veux aussi souligner l'importance que j'attache au combat mené pour conserver au français toute sa place de langue de communication et de travail dans les institutions européennes. L'avenir du français comme langue de communication internationale passe, en effet, par l'Europe. La France et les instances francophones restent vigilantes, et développent d'importants programmes tel que le plan pluriannuel d'action pour le français dans l'Union européenne.
Une réflexion similaire vient également d'être engagée par l'Organisation internationale de la Francophonie sur la place du français dans les organisations d'Afrique subsaharienne.
Cette politique de promotion du français en Afrique doit non seulement toucher les milieux scolarisés, mais aussi la société au sens large. Nous y travaillons avec RFI et TV5.
Je souhaite également appeler votre attention sur le vecteur d'influence potentiel considérable que représentent nos entreprises à l'étranger. Nos entreprises peuvent nous aider à créer un contexte francophile et francophone, qui leur sera bénéfique en retour et à terme. Nous pouvons les inciter, me semble-t-il, à valoriser le français, en encourageant l'apprentissage de notre langue par leurs salariés, recrutés locaux.
Au-delà de la promotion du français, de ses programmes de coopération, et de son rôle politique accru, la Francophonie cherche enfin à promouvoir la diversité culturelle. Ce thème offre d'ailleurs un exemple des contributions utiles que la Francophonie peut apporter à la régulation de la mondialisation. L'Organisation internationale de la Francophonie s'est ainsi engagée activement en faveur de l'adoption à l'UNESCO d'une "Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques".
L'avant-projet de texte a été adopté au niveau des experts par une très grande majorité de pays, et les ministres de la Culture réunis à Madrid le 12 juin dernier se sont prononcés en faveur de l'adoption définitive du projet à l'UNESCO.
Ce texte reflète les objectifs auxquels nous tenons : la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels, le droit des gouvernements à conduire des politiques culturelles, et le renforcement de la solidarité culturelle internationale. C'est pourquoi nous souhaitons que la convention puisse être adoptée lors de la prochaine conférence générale de l'UNESCO, puis être ratifiée d'ici 2008. Il nous faut pour cela rester vigilants et mobilisés pour que l'avant-projet soit adopté en l'état.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, les chantiers que je viens de passer en revue devant vous sont importants, et en cela, motivants ; les mener à bien demandera le plein investissement de tous, et au premier chef de vous-mêmes et de vos collaborateurs qui avez pour mission de défendre nos intérêts à l'étranger.
Je mesure d'autant mieux l'importance et la difficulté de ces missions que, comme vous le savez, je ne me sens pas tout à fait extérieure à ce ministère, où j'ai servi plusieurs années.
Je veux donc vous dire en guise de conclusion le réel plaisir qui est le mien à retrouver cette Maison pour y exercer ces nouvelles fonctions ministérielles, et vous redire ma détermination à agir à vos côtés pour la réussite de notre politique
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 août 2005)
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Un peu moins de trois mois après avoir pris mes fonctions, je me réjouis de l'occasion qui m'est ainsi donnée de m'entretenir avec vous des orientations du gouvernement en matière de coopération, de développement et de francophonie.
Nous aurons naturellement l'occasion d'échanger plus avant sur ces sujets au cours des différentes tables rondes qui vont suivre, et je serai heureuse de pouvoir entendre vos analyses et vos points de vue, mais je souhaite d'entrée de jeu vous donner mon sentiment - et mes priorités - pour les secteurs d'intervention dont j'ai plus particulièrement la charge : l'aide au développement d'une part, la coopération culturelle et la francophonie d'autre part.
Ces trois premiers mois ont en effet été intenses en rencontres et en déplacements, ce qui m'a permis de mieux cerner les enjeux auxquels nous sommes confrontés, et de mieux mesurer la réalité de notre action sur le terrain. C'est donc à partir de ces premiers éléments mais aussi de l'expérience des problèmes de développement que j'ai pu avoir dans mes précédentes fonctions ministérielles ou encore il y a 20 ans dans cette Maison, que j'entends aujourd'hui fixer le cap de notre action commune dans les prochains mois.
L'aide aux plus pauvres, tout d'abord. C'est de longue date une priorité du président de la République, qu'il a encore rappelée hier. Mais c'est aussi devenu depuis peu une préoccupation majeure de la communauté internationale tout entière, et il faut s'en réjouir : j'ai pu le constater moi-même à New York il y a deux mois, les idées françaises, qu'il s'agisse de la mise en place de mécanismes innovants pour le financement du développement ou de la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement, suscitent, plus que jamais, l'initiative et alimentent les débats. Les autres pays se positionnent souvent par rapport à nous, et vous avez là, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, que vous soyez en poste dans un pays du Sud, en Europe, ou bien encore en Amérique du Nord, des thèmes à privilégier pour vous mobiliser dans le cadre de ce qu'on appelle aujourd'hui notre "diplomatie d'influence".
Le Sommet du G8 à Gleneagles le mois dernier, le sommet des chefs d'Etat à New York le mois prochain, témoignent de façon manifeste de la place centrale prise par les questions du développement dans les relations internationales. Ce n'est pas un hasard : le monde développé a aujourd'hui l'obligation de réussir, et de réussir vite, surtout en Afrique. Ce continent ne peut rester plus longtemps à l'écart de la mondialisation et s'enfoncer toujours plus dans la pauvreté, sauf à vouloir laisser s'intensifier les transferts de population, l'intégrisme, ou encore le terrorisme. C'est donc notre responsabilité collective, que d'inclure l'Afrique de façon équitable dans le commerce mondial, et de ne pas y créer les conditions d'une immigration clandestine.
En ce domaine, la France se veut exemplaire en inscrivant sa démarche dans le cadre d'une stratégie globale en faveur du développement, conçue autour de trois axes : des objectifs clairs, des moyens adaptés et des acteurs efficaces.
Des objectifs clairs, ce sont les Objectifs du Millénaire pour le Développement, qui fixent un cap pour 2015 - réduire de moitié la pauvreté dans le monde. Il s'agit donc d'orienter résolument l'ensemble de notre politique de coopération vers ce résultat.
Dans ce cadre, il nous faut davantage concentrer notre action pour la rendre plus efficace et plus visible sur le terrain ; il nous faut aussi travailler dans la transparence, en recherchant les partenariats extérieurs, publics ou privés. Enfin, nous devons intégrer une véritable culture du résultat en évaluant en permanence la pertinence de notre action.
Pour atteindre ces objectifs, concilier urgence et long terme est une exigence, même si je vois bien les difficultés que cela peut représenter sur le terrain. Il y a en effet toujours le risque que l'urgence accapare l'horizon, comme nous l'ont montré récemment le tsunami en Asie et la crise alimentaire au Niger.
Si je prends l'exemple du Niger, la crise alimentaire n'est pas seulement due à ses causes naturelles les plus visibles, comme l'invasion par les criquets et la sècheresse, mais résulte bien plus d'une situation structurelle de vulnérabilité alimentaire : en 1999 déjà, on évaluait à un tiers la part de la population du Niger souffrant de malnutrition. On ne peut donc dissocier aide humanitaire et aide au développement, et il n'est pas possible d'isoler notre action de long terme de l'action d'urgence. Il nous faut à la fois permettre aux agriculteurs de produire pour l'auto-suffisance des populations et leur apporter une aide alimentaire en cas de crise.
Cet exemple nigérien montre également l'attention que nous devons porter aux questions d'environnement. Des différents Objectifs du Millénaire, c'est assurément l'un de ceux que notre pays suit avec le plus d'attention. Vous le savez, la France s'est attachée à promouvoir la notion d'environnement mondial en soutenant le projet de création d'une Organisation des Nations unies pour l'Environnement (ONUE). Ce qui est perçu comme une idée française est désormais soutenu par tous nos partenaires de l'Union européenne. Il nous faut donc poursuivre notre travail de persuasion qui commence à porter ses fruits.
Deuxième axe de notre stratégie, des moyens adaptés. Notre pays a montré la voie en décidant de porter son aide publique au développement à 0,5 % du revenu national brut en 2007, et à 0,7 % en 2012.
Certes, la majeure partie de nos efforts budgétaires est orientée depuis quelques années vers des actions multilatérales. L'exemple du Fonds mondial contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose, pour lequel j'annoncerai la contribution française à Londres la semaine prochaine, est probablement emblématique. Mais sachez que j'entends me battre pour redonner également à notre action bilatérale les moyens qu'elle mérite, et ce en dépit des contraintes budgétaires que vous connaissez.
Pour autant, il faut s'en convaincre, l'effort budgétaire ne pourra pas tout. Face à l'énormité des besoins en faveur du développement, il nous faut parvenir rapidement à la mise en place des sources innovantes de financement mises en avant sur la scène internationale par le président de la République. Notre action diplomatique est essentielle pour réussir en la matière. Je compte donc sur vous pour mobiliser les gouvernements de vos pays de résidence. Mais je compte aussi sur vous pour y mobiliser les sociétés civiles. Car si l'idée de taxes internationales se heurte parfois à des réticences de principe des Etats, les opinions publiques en revanche sont souvent plus ouvertes à l'idée de consacrer à une grande cause l'équivalent de quelques euros, prélevés par exemple sur le prix d'un billet d'avion. Il vous faut donc rencontrer les ONG, présenter le projet dans les universités, devant les élus, ou encore en parler aux chefs d'entreprises. Et à plus court terme, nous avons un objectif diplomatique précis : obtenir, d'ici le sommet de New York dans deux semaines, le maximum de soutiens à cette proposition que nous défendons avec l'Algérie, l'Allemagne, le Brésil, le Chili et l'Espagne.
Troisième axe enfin de notre stratégie en faveur du développement : des acteurs efficaces. C'est le sens de la réorganisation de notre dispositif de coopération, engagée depuis l'an dernier.
Il s'agit d'abord de clarifier le rôle de chacun pour éviter les doubles emplois. Vous êtes ainsi désormais clairement en charge sur le terrain du pilotage stratégique, l'Agence française de développement se voyant confier quant à elle la mise en uvre des projets. Vous disposez d'instruments nouveaux pour assurer ce pilotage, en particulier les "Documents cadres de partenariat" auxquels j'attache une grande importance, et à l'élaboration desquels je vous demande d'apporter une attention particulière. Il doit s'agir de documents pleinement opérationnels, et j'entends d'ailleurs procéder à la signature de certains DCP au cours de mes prochains déplacements, afin de leur donner la visibilité politique qu'ils méritent. A vous de saisir cette opportunité pour en valoriser le contenu. A vous - surtout - de veiller à leur qualité, c'est-à-dire à leur caractère pragmatique, concret et précis.
A travers ces documents, il s'agit en effet de concevoir désormais pour chaque pays une programmation pluriannuelle sur la base de projets identifiés, répondant aux attentes des populations locales, négociés sur place par vous-mêmes avec les gouvernements locaux, et régulièrement évalués pour y apporter les corrections éventuellement nécessaires. En clair, nos DCP doivent être de véritables stratégies de développement sur cinq ans, et doivent pouvoir détailler les projets de coopération sur lesquels nos financements seront mobilisés, en privilégiant autant que possible la recherche de partenariats publics ou privés pour mieux relayer et démultiplier nos efforts. Il s'agit d'insuffler à notre politique de coopération une logique de programmation et de contractualisation : en un mot, passer d'une logique d'assistance qui est aujourd'hui dépassée à une logique de partenariat, moderne et efficace.
Votre rôle est essentiel à la réussite de cette réforme : le pilotage du dispositif vous appartient, et il vous confère une mission de "développeur" qui doit progressivement s'affirmer aux côtés de vos missions plus traditionnelles d'animation et de coordination. Votre rôle est aussi désormais celui de l'influence, en particulier auprès des organisations européennes et multilatérales : il vous faut mieux intégrer votre travail sur le terrain au cadre d'action de l'Union européenne et des organisations internationales. Dans chaque poste, vous devez inculquer à vos collaborateurs le réflexe européen, le réflexe multilatéral. Vous devez aussi réorganiser vos services de coopération dans ce but. J'aurai d'ailleurs l'occasion demain d'aborder à nouveau ce point avec vous dans le cadre d'une table ronde plus spécifique.
Le cadre européen est particulièrement important. Je crois que l'on ne peut plus aujourd'hui travailler isolément, sans associer nos partenaires et la Commission à nos réflexions et à nos projets. Je compte insister à nouveau sur ce point au cours de la table ronde que j'animerai dans la matinée avec Armand De Decker, mon homologue belge, que je salue très chaleureusement et très amicalement en le remerciant sincèrement de sa présence parmi nous.
La meilleure coordination que nous recherchons au niveau européen commence en effet par certaines initiatives bilatérales concrètes sur le terrain : je veux citer à titre d'exemple les financements apportés par le Royaume-Uni à certains de nos projets de coopération au Niger, en contrepartie desquels nous intervenons au Rwanda en appui à des projets britanniques.
Tout cela ne porte évidemment aucun préjudice au dialogue que nous devons par ailleurs intensifier avec les grands pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, ainsi qu'avec les Etats du Proche-Orient.
Je pense en particulier que le moment est venu d'engager un dialogue avec la Chine comme nous pouvons en avoir avec nos homologues européens ou américains : j'ai prévu d'entamer prochainement des discussions avec les autorités chinoises sur ce que nous pourrions faire ensemble, notamment en matière de coopération dans des pays tiers.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, vous le voyez, votre contribution est essentielle pour défendre les idées françaises en faveur des pays du Sud.
Je souhaite également évoquer devant vous les principaux enjeux en matière de francophonie.
La francophonie a connu une évolution très importante sous l'impulsion du président de la République depuis 1995. La francophonie, ce n'est pas seulement la promotion de la langue française, c'est aussi une organisation politique pour défendre nos valeurs communes. Elle veille notamment au respect de la démocratie. C'est un espace de solidarité au service du développement durable, et un réseau d'échanges privilégiés, au sein duquel nous partageons souvent les mêmes idées. C'est aussi une union déterminée à défendre la diversité culturelle, essentielle à notre temps. Bien sûr, cet espace francophone doit, comme la coopération bilatérale française, améliorer son fonctionnement institutionnel. Nous aurons d'ailleurs en novembre prochain à Madagascar une importante réunion ministérielle qui devrait aboutir à une profonde réforme visant, là encore, à davantage de pragmatisme et d'efficacité.
Quant à la promotion de la langue, je voudrais tracer ici quelques pistes, qu'il vous reviendra de faire vôtres ou d'adapter en fonction des réalités de votre pays de résidence.
Il faut d'abord répéter que nous ne sommes pas en compétition avec l'anglais : nous nous situons dans un autre registre, celui du plurilinguisme, c'est-à-dire de la recherche de la diversité culturelle. Cette optique nous permet de mener une politique d'alliances avec d'autres langues européennes, et en aucun cas de concurrence avec elles.
Dans la promotion du français à l'étranger, la première responsabilité est évidemment celle des autorités du pays de votre résidence : il leur revient de mettre en place des cours de français dans leur système scolaire et universitaire. Je compte sur votre capacité de conviction pour plaider l'instauration d'une ou deux, voire trois langues vivantes obligatoires dans le système scolaire local.
Dans de nombreux pays, l'un des grands problèmes est le renouvellement des générations de professeurs de français. Nous y contribuons activement par le soutien aux associations de professeurs et par des actions de formation permanente.
Je vous demande enfin de veiller à une meilleure adéquation locale entre l'offre et la demande des cours de français dispensés dans notre propre réseau d'instituts et d'Alliances françaises, selon les âges, les publics visés, les spécialités. Nous sommes prêts à vous y aider.
Au-delà de cette action bilatérale, je veux aussi souligner l'importance que j'attache au combat mené pour conserver au français toute sa place de langue de communication et de travail dans les institutions européennes. L'avenir du français comme langue de communication internationale passe, en effet, par l'Europe. La France et les instances francophones restent vigilantes, et développent d'importants programmes tel que le plan pluriannuel d'action pour le français dans l'Union européenne.
Une réflexion similaire vient également d'être engagée par l'Organisation internationale de la Francophonie sur la place du français dans les organisations d'Afrique subsaharienne.
Cette politique de promotion du français en Afrique doit non seulement toucher les milieux scolarisés, mais aussi la société au sens large. Nous y travaillons avec RFI et TV5.
Je souhaite également appeler votre attention sur le vecteur d'influence potentiel considérable que représentent nos entreprises à l'étranger. Nos entreprises peuvent nous aider à créer un contexte francophile et francophone, qui leur sera bénéfique en retour et à terme. Nous pouvons les inciter, me semble-t-il, à valoriser le français, en encourageant l'apprentissage de notre langue par leurs salariés, recrutés locaux.
Au-delà de la promotion du français, de ses programmes de coopération, et de son rôle politique accru, la Francophonie cherche enfin à promouvoir la diversité culturelle. Ce thème offre d'ailleurs un exemple des contributions utiles que la Francophonie peut apporter à la régulation de la mondialisation. L'Organisation internationale de la Francophonie s'est ainsi engagée activement en faveur de l'adoption à l'UNESCO d'une "Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques".
L'avant-projet de texte a été adopté au niveau des experts par une très grande majorité de pays, et les ministres de la Culture réunis à Madrid le 12 juin dernier se sont prononcés en faveur de l'adoption définitive du projet à l'UNESCO.
Ce texte reflète les objectifs auxquels nous tenons : la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels, le droit des gouvernements à conduire des politiques culturelles, et le renforcement de la solidarité culturelle internationale. C'est pourquoi nous souhaitons que la convention puisse être adoptée lors de la prochaine conférence générale de l'UNESCO, puis être ratifiée d'ici 2008. Il nous faut pour cela rester vigilants et mobilisés pour que l'avant-projet soit adopté en l'état.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, les chantiers que je viens de passer en revue devant vous sont importants, et en cela, motivants ; les mener à bien demandera le plein investissement de tous, et au premier chef de vous-mêmes et de vos collaborateurs qui avez pour mission de défendre nos intérêts à l'étranger.
Je mesure d'autant mieux l'importance et la difficulté de ces missions que, comme vous le savez, je ne me sens pas tout à fait extérieure à ce ministère, où j'ai servi plusieurs années.
Je veux donc vous dire en guise de conclusion le réel plaisir qui est le mien à retrouver cette Maison pour y exercer ces nouvelles fonctions ministérielles, et vous redire ma détermination à agir à vos côtés pour la réussite de notre politique
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 août 2005)