Texte intégral
Chers collègues,
L'environnement économique international est resté globalement favorable depuis notre dernière réunion. Bien sûr, nous savons que des risques demeurent, au premier rang desquels la forte augmentation des prix du pétrole et la persistance des déséquilibres macro-économiques, susceptibles de compromettre la croissance et la stabilité financière.
Nous connaissons cependant les solutions et il est rassurant de penser que les autorités politiques de nos pays peuvent, que nous pouvons, les mettre en uvre, à contre-courant du discours dominant selon lequel les gouvernements ne pourraient plus avoir aucune influence. Je récuse cette idéologie de la démission. Une volonté politique forte et partagée, si nous agissons de concert, peut peser sur le cours des choses. Le Fonds monétaire international a bien entendu un rôle déterminant à jouer dans cette recherche de la prospérité mondiale car c'est lui la vigie qui identifie les vulnérabilités émergentes et s'efforce de convaincre des mesures pour y répondre.
I- UNE MAITRISE CONCERTEE DES RISQUES MACRO-ECONOMIQUES ET DES VULNERABILITES FINANCIERES.
A- Maîtriser ensemble les risques macro-économiques qui pèsent sur la croissance mondiale.
Depuis la dernière réunion du Comité monétaire et financier international, l'activité mondiale est entrée dans une phase de ralentissement mais la croissance est restée forte et les perspectives restent favorables.
Les perspectives économiques décrites par le FMI, si elles se confirment, apparaissent somme toute favorables. En 2005, l'activité devrait rester soutenue, bien qu'en ralentissement par rapport au niveau record atteint en 2004, dans les pays émergents comme dans les pays industrialisés. En particulier, l'Asie émergente devrait connaître un ralentissement très modéré dans le sillage de l'économie chinoise. Aux États-Unis, le soutien apporté à la croissance par les politiques macroéconomiques devrait continuer de se réduire, mais la progression des revenus salariaux et la bonne santé financière des entreprises devraient permettre à l'économie américaine de rester dynamique. Dans la zone euro et au Japon, la demande intérieure devrait se raffermir très progressivement.
Permettre à la croissance mondiale d'être forte et équilibrée dans un proche avenir suppose néanmoins de prendre collectivement la mesure des risques qu'il nous appartient de prévenir.
Le premier de ces risques concerne l'envolée des prix du pétrole : si les effets d'un choc pétrolier sont aujourd'hui moins forts que par le passé, ils demeurent non négligeables, dans les pays industrialisés mais sans doute plus encore dans les pays émergents ou en développement, non producteurs de pétrole.
Le second risque concerne les déséquilibres macro-économiques mondiaux qui, dans un scénario défavorable, pourraient conduire à des mouvements désordonnés des taux de change et une remontée brutale des taux d'intérêt, aujourd'hui exceptionnellement bas.
Les membres de la communauté internationale se doivent d'adopter une approche coopérative pour assurer la maîtrise de ces risques.
Les principales zones économiques ont naturellement une responsabilité particulière en la matière. La stratégie identifiée par le Fonds monétaire international d'une consolidation budgétaire poursuivie aux Etats-Unis, des réformes structurelles en Europe et d'une plus grande flexibilité des régimes de change en Asie vont dans le bon sens. En effet, la réduction du déficit courant américain passe en premier lieu par une remontée de l'épargne américaine, publique et privée. Il convient de ramener les finances publiques sur une trajectoire soutenable. Tous les engagements américains qui vont dans ce sens sont les bienvenus. De même, une hausse du taux d'épargne des ménages est souhaitable. Le resserrement monétaire à l'uvre devrait y contribuer. Par ailleurs, une plus grande flexibilité des monnaies asiatiques est souhaitable : si la parité choisie n'est pas la bonne, un taux de change fixe peut conduire à des distorsions de prix, il peut renforcer les velléités protectionnistes, et accroître la volatilité d'autres monnaies qui flotteraient par rapport au dollar. La zone euro peut difficilement supporter une telle volatilité.
Les réformes structurelles sont nécessaires en Europe pour augmenter la croissance et la France continue d'en prendre sa part. Après la réforme des retraites en 2003, puis celle de l'assurance maladie l'an dernier, nous poursuivons actuellement une réforme du marché du travail visant à augmenter la participation de tous, notamment des plus jeunes, des moins qualifiés et des plus âgés, ceci par des incitations financières à travailler pour ces catégories et par des allègements de charges sur les salaires les plus faibles. Par ailleurs, la réforme du marché des produits, notamment l'ouverture de nos industries de réseaux entamée en 2004 se poursuit. Enfin un effort nouveau est fait pour soutenir les entreprises innovantes et la R D. L'Etat français continue l'assainissement des finances publiques et la réforme des administrations publiques. Cela passe par une grande maîtrise de la dépense, la mise en place d'un pilotage par objectif, et l'amélioration de la productivité des services de l'Etat.
Cependant, les réformes structurelles européennes ne peuvent contribuer que marginalement à la résorption des déséquilibres mondiaux, ainsi que différentes études économiques l'ont montré.
La zone euro présente en effet une situation extérieure qui est proche de l'équilibre. La faible croissance européenne de ces dernières années n'est en rien la cause du déséquilibre outre atlantique. Ceci ne doit pas nous empêcher de continuer les réformes déjà entreprises pour accroître le potentiel de croissance en Europe et qui sont naturellement indispensables pour tirer le meilleur parti de la mondialisation de l'économie et faire face aux risques actuels, mais c'est bien par des ajustements internes aux Etats-Unis, en particulier une hausse de l'épargne publique et privée, que doit venir la réponse aux déséquilibres macro-économiques.
S'agissant des prix du pétrole, une action coordonnée paraît nécessaire entre les pays producteurs et consommateurs dans un contexte où les prix élevés, au-delà de facteurs conjoncturels, paraissent rendre compte d'un déséquilibre durable entre l'offre et la demande.
Compte tenu du caractère durable des tensions sur le marché du pétrole, les solutions de court terme comme l'augmentation de la production dans la limite des capacités existantes, ou la mobilisation des stocks, ne suffisent pas. Il faut rechercher les possibilités d'accroissement de l'offre, ce qui passe par des investissements nouveaux, aussi bien dans la production que le raffinage pour éviter les goulots d'étranglement. Une plus grande transparence du marché paraît également nécessaire et des progrès ont été réalisés en ce sens ces derniers mois. Tout cela restera insuffisant si l'on ne réduit pas progressivement l'intensité en pétrole de la croissance. Plusieurs orientations pourraient permettre d'aller dans ce sens : des mesures concrètes, de nature technique, d'économie d'énergie ; le développement d'énergies renouvelables et de substitution ; des mesures d'incitation à une consommation plus parcimonieuse.
B. Les efforts collectifs en faveur d'une plus grande transparence financière, condition de la stabilité, doivent être poursuivis.
Le système financier international, confronté à des chocs nombreux, a montré sa résilience, même s'il est nécessaire de rester vigilant sur certaines évolutions.
La croissance mondiale, le redressement des marchés financiers, et l'amélioration dans beaucoup de pays de la situation financière des ménages, des entreprises et des institutions financières sont à l'origine de ce résultat. Avec une croissance mondiale qui reste globalement soutenue, la stabilité financière devrait continuer à s'améliorer.
Cette situation globalement favorable ne doit pas nous empêcher d'essayer de rechercher les risques potentiels auxquels nous pourrions être confrontés dans un avenir plus ou moins lointain.
La valorisation de certains actifs s'est fortement accrue au cours des dernières années et atteint des niveaux aujourd'hui élevés. La forte progression de la liquidité mondiale qui a soutenu la croissance ces dernières années s'est en effet accompagnée d'une hausse des prix des obligations et des biens immobiliers et d'une forte diminution des primes de risque. L'amélioration des fondamentaux et notamment de la situation macro économique explique une partie très importante des évolutions que nous observons. Il reste que le risque existe qu'avec le crédit facile, certains segments de marché aient été survalorisés. Il convient de suivre ces évolutions avec beaucoup d'attention.
L'exposition des ménages aux risques financiers a fortement crû, notamment dans certains pays. Le développement de l'endettement et de l'épargne financière permet en théorie aux ménages de mieux lisser leur consommation tout au long de leur cycle de vie, et à la politique monétaire d'agir plus facilement sur l'économie. A contrario, le développement de certains produits financiers peut induire des phénomènes fortement pro-cycliques en rendant les ménages très sensibles aux évolutions boursières, et favoriser des transferts de risques mal contrôlés - par les superviseurs mais également par des agents mal informés sur les risques qu'ils sont amenés à détenir, avec un risque de démultiplication des effets récessifs des chocs sur les taux, les ménages ayant une capacité d'absorption plus réduite que les institutions financières. Ainsi, la part des produits risqués dans l'épargne des ménages s'est accrue avec la disparition progressive des fonds de pension à prestation définie. Dans certains pays comme les Pays-Bas, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, l'épargne retraite représente plus de 60 % du PIB et est investie à plus de 50 % dans des actions au travers de fonds de pension. Le cas des ménages français reste à cet égard atypique et moins préoccupant, avec un taux d'endettement bas et peu d'épargne placée sur des produits en action, même si le niveau des prix immobiliers reste inquiétant. Ces évolutions reflètent un transfert des risques croissant vers les ménages qui, selon les cas, peut jouer favorablement sur la stabilité financière et la croissance, ou au contraire induire des effets pervers.
Les dernières réunions du Forum de stabilité financière et du GAFI ont permis de progresser en matière de transparence du système financier international.
Les travaux réalisés sur les dérivés de crédit ou en cours sur la transparence dans le domaine de la réassurance ont beaucoup contribué à ces avancées. D'autres enjeux de première importance demeurent à l'ordre du jour. Je me félicite à cet égard du travail réalisé par le FMI sur les fonds à effet de levier et partage ses conclusions sur la nécessité de fixer des règles en matière de diffusion de l'information.
Je me félicite également des progrès importants réalisés à l'occasion de la réunion du Forum de Stabilité Financière à Tokyo le mois dernier pour le renforcement de la supervision des centres offshore et de la coopération internationale. La mise en place d'un groupe de suivi qui identifiera les progrès accomplis, mais aussi les lacunes persistantes, voire les reculs, afin d'en informer le public, constitue une avancée majeure. Notre objectif doit être de prévenir d'éventuels risques systémiques, de préserver la confiance des épargnants et de lutter contre l'éventuelle utilisation de certains de ces centres comme canal du blanchiment et du financement du terrorisme. Le FMI joue bien sûr un rôle essentiel dans cette surveillance des centres offshore. Le travail doit se poursuivre sur l'identification des critères applicables aux intermédiaires financiers.
La recherche d'une plus grande transparence contribue également à prévenir l'utilisation à des fins criminelles ou terroristes du système financier international. La France, à l'occasion de sa présidence du GAFI, s'efforce d'y contribuer activement. L'adoption d'une nouvelle recommandation spéciale contre le financement du terrorisme, en octobre dernier, sur le contrôle des mouvements d'espèces transfrontaliers est à cet égard à relever, tout comme le lancement du processus d'adhésion de la Chine qui permettra d'associer un acteur majeur à l'édification des standards et à la discipline qu'ils appellent. La France est attachée à ce que la coopération engagée entre le GAFI et le FMI se poursuive. L'évaluation des dispositifs nationaux est un outil essentiel. Néanmoins, pour être efficace, cet exercice doit mettre l'accent sur l'efficacité réelle des dispositifs, à travers les résultats obtenus, notamment en termes de coopération internationale. Il est important que le FMI y apporte tout son concours. Par ailleurs, les réflexions devraient se poursuivre sur la sécurisation des systèmes de paiement, en particulier les risques liés à l'utilisation excessive des espèces, à un encadrement insuffisant des sociétés de transferts de fonds et des virements électroniques, ou encore de l'endossement des chèques.
II- LA FONCTION CENTRALE DU FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL DANS LE SYSTEME FINANCIER INTERNATIONAL ET AUPRES DES PAYS EN DEVELOPPEMENT DOIT ETRE REAFFIRMEE.
A- Renforcer l'institution.
Le premier chantier concerne la gouvernance et la gestion de l'institution.
La légitimité politique qui appartient en dernier ressort aux gouvernements des Etats membres doit être renforcée. C'est pourquoi les Statuts avaient prévu la mise en place d'une instance, le Collège, composé des ministres et qui aurait donné des orientations au Conseil. La mise en place du Comité monétaire et financier international a représenté un progrès en ce sens, mais il n'a pas l'autorité prévue par les statuts. Il faut aller au bout de cette réforme. Cette légitimité renforcée passe aussi par la mise en uvre de procédures de gestion qui permettront une meilleure information du conseil et du CMFI et la responsabilisation de la direction générale. A cet égard, les contrôles internes devraient être renforcés et un comité d'audit devrait être mis en place auprès du conseil d'administration.
Par ailleurs, la question de la juste représentation de chacun doit trouver une solution. La voix des pays à bas revenu est ainsi insuffisamment représentée à la fois parce que les droits de vote sont strictement calculés en fonction de la quote-part de chacun dans les ressources du Fonds et parce qu'ils disposent d'un nombre insuffisant de chaises au Conseil. Une augmentation limitée du nombre de chaises au Conseil (deux par exemple) qui resterait donc dans une proportion mesurée, ainsi que des droits de vote de base plus élevés, seraient des solutions. Le problème des pays émergents, dont la part dans l'économie mondiale a progressé sans que la structure du Fonds n'en tienne suffisamment compte doit également trouver une réponse. Dès lors qu'un accord interviendrait sur une formule de calcul des quotas plus lisible et pertinente et sur une augmentation générale répondant aux évolutions de l'économie mondiale, des évolutions en ce sens pourraient être envisagées.
La surveillance et les instruments de prévention des crises doivent également être renforcés.
Des progrès importants ont été accomplis s'agissant de la surveillance, avec le développement des procédures de surveillance régionale, le lancement de l'approche dite " bilantielle ", qui doit permettre de mieux identifier les vulnérabilités de nos économies, la surveillance des systèmes financiers, le développement d'un nouveau cadre d'analyse de la soutenabilité de la dette des pays pauvres.
Cependant, trois pistes d'amélioration me paraissent devoir être étudiées. Il s'agit tout d'abord de l'organisation de la surveillance, avec la question de l'indépendance, ou du " regard extérieur " nécessaire par rapport aux départements géographiques. Un bon équilibre doit être trouvé en la matière qui pourrait passer par un rôle accru du département de revue des politiques, et une information plus directe du conseil d'administration sur les différentes analyses coexistant au sein des services. Il s'agit ensuite de la question du champ de la surveillance. Les progrès dans la prise en compte des questions de change, longtemps délaissées alors qu'elles sont au cur du mandat du Fonds, sont à saluer mais demandent à être confirmés. De même, la compétence du Fonds devrait être étendue à la question de l'ouverture du compte de capital, afin de promouvoir une libéralisation ordonnée de celui-ci. Enfin, la question de la fonction d'assurance du Fonds ne peut plus être occultée. La création d'une facilité préventive (Un tel instrument a existé, mais mal configuré, n'a pas attiré de candidats et a été abandonné en novembre 2003 (Contingent Credit Line)), destinée à signaler la qualité de la politique économique conduite et à fournir un soutien massif et immédiat en cas de déclenchement d'une crise, pour éviter sa propagation, paraît ainsi nécessaire. Je sais que certains craignent qu'un tel instrument conduise à une mobilisation excessive des ressources du FMI, et mettent en avant la concentration déjà importante de ses engagements. Il faut en effet y être attentif et des réponses doivent être apportées dans le cadre de la résolution des crises.
Les travaux sur la résolution des crises ne doivent pas rester "en panne", l'expérience récente mettant en évidence que le FMI ne dispose pas des instruments nécessaires à sa mission dans l'environnement qui est le sien.
L'engagement du FMI pourra être d'autant mieux maîtrisé que nous aurons pu mieux définir les modalités de résolution des crises. Des progrès ont été accomplis avec l'adoption en 2003 d'un cadre dit d'accès exceptionnel aux ressources du FMI. Par ailleurs, les clauses d'action collective qui se sont généralisées dans les émissions obligataires souveraines, permettront à terme de mieux ordonner les processus de restructuration des dettes. Enfin, des Principes de bonne conduite pour la restructuration des dettes souveraines ont été définis l'année dernière entre certains pays émergents et les principales associations d'investisseurs, et ont été salués par le G20.
De nombreuses questions restent néanmoins en suspens. Nous savons que, par construction, les clauses d'action collective comportent des limites car elles ne permettent pas de traiter les difficultés d'agrégation des créances et de coordination entre les créanciers, ni le stock de dettes existant avant l'instauration de ces clauses. Les Principes de bonne conduite n'apportent qu'une réponse partielle à ce problème parce qu'ils ne traitent pas de la question centrale du rôle du FMI. Or, l'examen de la viabilité de la dette et l'appréciation du critère de la négociation de bonne foi qui conditionnent la mise en uvre de la politique de prêts en arriérés du FMI est de la responsabilité du FMI : qu'adviendrait-il en effet si la restructuration agréée entre un pays et ses créanciers s'avérait incompatible avec l'examen de la soutenabilité de la dette et le cadrage macro-économique qui en résulterait dans le programme du FMI ? Par ailleurs, l'appréciation du critère de bonne foi a donné lieu à des contestations qui justifient que le Fonds examine sa définition et sa mise en uvre. Au total, à travers la place du FMI, c'est fondamentalement la question de l'institution garante du respect des règles du jeu du système financier international qui est en cause. En son absence se trouve menacée une de ses règles essentielles qu'est la confiance mutuelle entre créanciers et débiteurs à travers le respect des contrats.
Le rôle du Fonds dans la résolution des crises suppose enfin un renforcement de sa structure et de son pilotage financier. Face à la montée et à la concentration des risques, la France a exprimé son soutien à plusieurs orientations complémentaires : le renforcement de la gestion du risque, afin de pouvoir mesurer les incidences éventuelles d'un défaut en cas d'accès exceptionnel et de continuer à renforcer les réserves du FMI ; l'augmentation des ressources du FMI ; le respect par les débiteurs du statut de créancier privilégié du Fonds. Pour ces mêmes raisons, la France s'oppose aux mesures qui seraient de nature à fragiliser la situation financière du Fonds, comme des ventes d'or pour financer des abandons de créances, ou toute renonciation à des créances qui ne serait pas fondée sur des critères objectifs de viabilité de la dette du débiteur, en dernier ressort après que toutes les autres solutions et mises à contribution auront été mises en uvre, et financées par des contributions bilatérales des bailleurs afin d'en neutraliser le coût pour le FMI.
B- Le renforcement des instruments financiers du FMI dans les pays pauvres constitue enfin aujourd'hui une priorité de premier rang.
Le rôle du FMI dans les pays pauvres s'est avéré un des sujets les plus controversés dans la période récente.
S'il existe un très large consensus pour considérer le rôle de conseil de politique économique et le renforcement institutionnel à travers l'assistance technique comme faisant partie des missions du Fonds, un débat s'est ouvert sur la fonction d'assistance financière du FMI dans les pays pauvres. Ce raisonnement s'appuie sur plusieurs préoccupations : certains pays auraient été contraints de s'endetter alors qu'ils recherchent seulement une labellisation de leur politique économique, dans la mesure où ils n'ont pas de problèmes de balance des paiements ; cet endettement excessif aurait conduit à des niveaux d'endettement insoutenables. Deux conclusions principales sont tirées de cette analyse : nous devrions éviter une utilisation prolongée des ressources du FMI en apportant des alternatives aux pays en développement au moyen d'instruments de signalement ; de plus, les dons et/ou les allègements de dettes devraient être mis en uvre.
Il me semble pour ma part qu'en revenant encore une fois aux principes du FMI, il est évident que le Fonds doit s'engager financièrement auprès des pays en développement.
C'est en effet parce que le FMI est une institution universelle et parce qu'il ne dispose que des ressources que ses membres mettent à sa disposition qu'il doit disposer d'instruments et de politiques adaptés à l'ensemble de ses membres. Par conséquent, nous devons nous assurer que le FMI dispose des instruments de nature à répondre aux besoins concrets des pays à faibles revenus afin de répondre à son mandat.
Dans ces conditions, il faut d'abord se demander si la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) est un instrument approprié ou non et si les ressources sont suffisantes pour faire face aux besoins futurs. La réponse à la première question est certainement oui. La réponse à la seconde question est certainement non en l'état actuel.
La France ne partage pas l'analyse selon laquelle le Fonds irait au-delà de son mandat compte tenu de l'importante conditionnalité structurelle, ou de la durée et de la répétition des programmes sous FRPC. Bien sûr, il est possible d'améliorer certaines caractéristiques mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est de constater que la FRPC répond à certaines caractéristiques spécifiques des économies en développement, marquées parfois par des besoins de balance des paiements continus et structurels. Ainsi que le FMI l'a montré, ces besoins ne sont pas toujours associés à des déficits importants des paiements courants parce qu'ils sont artificiellement comprimés du fait des possibilités limitées de financement extérieur. Il faut aussi tenir compte du lien entre la stabilité macro-économique et les questions structurelles et institutionnelles, qui sont particulièrement importantes pour les pays à faibles revenus. Ces deux éléments sont la justification essentielle de la FRPC.
Les pays en développement ont par ailleurs besoin d'une facilité concessionnelle comme la FRPC, voire plus concessionnelle, du fait, parfois, de leur faible capacité de remboursement, et afin de protéger les dépenses sociales et utiles à la croissance.
En concluant que la FRPC est indispensable, je suis nécessairement amené à exprimer ma forte préoccupation du fait de l'impasse financière dans laquelle se trouvera bientôt cet instrument. En l'état actuel des choses, seuls 660 millions de DTS seront disponibles à partir de 2006, alors qu'environ 1 milliard serait nécessaire. Il est donc nécessaire que le FMI et ses membres prennent les décisions nécessaires pour garantir la pérennisation du financement de la FPRC à ce niveau.
Par ailleurs, les pays en développement sont particulièrement exposés aux chocs, comme le montre la situation actuelle des pays africains producteurs de coton. Il a été établi par le FMI lui même qu'une assistance financière spécifique est nécessaire. La FRPC n'est pas adaptée dans tous les cas, dans la mesure où si un pays ne s'inscrit pas dans le cadre d'un programme au titre de cette facilité au moment du choc, les délais de négociation et de mise en place sont trop longs. Dans ces conditions, un nouvel instrument paraît indispensable.
III- ASSURER LE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT, EN PARTICULIER EN AFRIQUE, EST LA TROISIEME EXIGENCE QUI REQUIERT L'ACTION COLLECTIVE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE.
A. Assurer la viabilité de la dette des pays en développement dans le cadre d'une politique de financement propre à chaque pays.
La première priorité est de mettre pleinement en uvre l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).
La France se félicite de l'accroissement important du nombre de pays bénéficiaires de l'initiative ayant franchi le point d'achèvement en 2004 et de la prorogation pour deux ans décidée l'année dernière de cette initiative. Néanmoins, des défis doivent encore être relevés. Il convient, afin que l'initiative soit pleinement profitable, que les allègements additionnels de dette au point d'achèvement soient présumés nécessaires lorsque les ratios d'endettement dépassent les objectifs fixés. Il convient surtout que des financements additionnels soient trouvés afin d'apporter les ressources nécessaires au traitement des arriérés à l'égard des institutions multilatérales des pays n'ayant pas encore franchi le point de décision, notamment le Soudan, le Libéria et la Somalie.
Des mécanismes adaptés doivent par ailleurs être mis en place pour assurer la viabilité de la dette des pays qui ne peuvent pas bénéficier de l'initiative PPTE et pour ceux en faveur desquels elle s'est avérée insuffisante.
Pour les pays non-PPTE, il existe aujourd'hui, avec l'Approche d'Evian du Club de Paris, un cadre de traitement de la dette des pays non-PPTE confrontés à un endettement insoutenable. Cette approche permet aux créanciers du Club de Paris d'apporter des réponses adaptées aux besoins de chacun des pays éligibles pouvant être confrontés à un endettement insoutenable.
Sous certaines conditions, assurer la viabilité de la dette peut conduire à envisager des allègements de dettes dues aux institutions financières multilatérales.
Pour les pays ayant bénéficié de l'initiative PPTE, dont certains demeurent vulnérables aux chocs exogènes et dont la dette multilatérale demeure significative, il convient de réfléchir à un dispositif d'assistance qui n'existe pas dans le cadre actuel. C'est pourquoi, la France est prête à étudier des allégements additionnels de la dette des pays ayant bénéficié de PPTE à l'égard de l'AID et du Fonds africain de développement. En revanche, la réduction de la dette de ces pays à l'égard du FMI n'apparaît pas prioritaire compte tenu de la part modeste de ces créances dans le total de la dette et de la nécessité de trouver en premier lieu les ressources additionnelles nécessaires à la pleine mise en uvre de l'initiative PPTE par le Fonds.
Sur les modalités de nouveaux allégements de dette multilatérale, la France partage la position exprimée par les institutions multilatérales sur les principes à respecter en cas d'annulations additionnelles de dette multilatérale : l'équité, l'additionnalité, la viabilité des IFIs et l'efficacité de l'aide. Comme le FMI et la Banque mondiale, la France considère en outre que la soutenabilité de la dette doit être considérée dans le nouveau cadre d'analyse élaboré par ces deux institutions. La France encourage vivement ces deux institutions à en assurer la mise en uvre rapide. Elle permettra en concertation avec les autres donateurs, la définition pays par pays du plafond tolérable de financement par prêts et permettra d'en déduire les volumes de dons nécessaires, compte tenu des besoins de financement que suppose la réalisation des objectifs du millénaire. Une formule pourrait ainsi résumer l'approche qui doit être la nôtre : autant de prêts que possible, autant de dons que nécessaire pour assurer une réelle soutenabilité. Sur cette base, la coordination entre l'ensemble des bailleurs, y compris avec les bailleurs multilatéraux, pourra être renforcée. Enfin, il convient de bien distinguer la question de la soutenabilité de la dette des pays pauvres de la question plus large du financement du développement car le rétablissement de la soutenabilité de la dette constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.
B. Mobiliser des ressources additionnelles.
Plus encore que la dette, le vrai problème est celui de la mobilisation de ressources additionnelles pour le développement.
L'allégement de la dette à lui seul n'est pas suffisant et doit être complété par la mobilisation de ressources additionnelles pour le développement. Les ressources mobilisables par des mesures sur la dette sont en effet loin de correspondre aux besoins : en moyenne le service de la dette pour les pays ayant bénéficié de PPTE est de 2% de leur PIB alors que les besoins de financement supplémentaires pour financer les objectifs du millénaire sont de 20%. Il apparaît donc clairement qu'une fois la dette ramenée à un niveau soutenable, seule la mobilisation de ressources additionnelles, notamment par le biais de mécanismes innovants, sera en mesure de permettre la réalisation des OMD.
Or, il reste beaucoup à faire pour assurer le financement des objectifs du millénaire et les biens publics mondiaux car les ressources mobilisées à ce stade, malgré les efforts accomplis, s'avèrent insuffisantes.
L'ampleur des besoins estimés par la Banque mondiale et les Nations-unies pour atteindre les objectifs du millénaire, au moins 50 Mds de dollars par an supplémentaires, est considérable. Nous sommes presque au tiers du parcours et nous sommes déjà en retard, l'Afrique tout particulièrement. De tous les continents, elle est le seul qui s'éloigne encore des objectifs du millénaire.
Dans ces conditions, nous avons besoin non seulement de plus de moyens, mais également de nouveaux types de moyens.
Nous sommes convaincus que le manque de stabilité et de prévisibilité en matière d'aide et de financement est un obstacle majeur à la lutte contre la pauvreté. C'est pourquoi il faut réfléchir à des mécanismes innovants. Facilité financière internationale comme taxes internationales ne sont pas des dispositifs théoriques mais des solutions pragmatiques et complémentaires pour mobiliser des ressources additionnelles.
Il existe plusieurs options de taxes possibles avec leurs avantages et leurs inconvénients. Il faut les étudier dans le détail. Parmi les formules qui peuvent être envisagées, figurent un prélèvement sur les transports aériens, également mis en uvre au plan national et coordonné à l'échelle internationale. Le secteur est en effet faiblement taxé, puisque le kérosène est exempté d'accises, et est exclu du protocole de Kyoto alors même qu'il contribue significativement au réchauffement climatique. Il souffre certes de difficultés conjoncturelles, mais ses perspectives de croissance sont fortes.
Le rapport conjoint du FMI et de la Banque mondiale sur les modalités innovantes de financement préparé pour ces réunions a montré que ces différentes pistes, et notamment les options fiscales, méritaient d'être étudiées plus avant. En février dernier, la France et l'Allemagne ont fait une proposition conjointe à l'occasion du G7 Finances, afin de mettre en place un projet pilote de taxation du transport aérien. La France est déterminée, en lien avec ses partenaires, à faire progresser le consensus sur ces questions, et notamment à l'occasion du sommet du G7 de juin et de l'Assemblée générale de l'ONU de septembre prochain.
(Source http://www.imf.org, le 17 septembre 2005)