Texte intégral
Q- Jean-Michel APHATIE : Bonjour Jean-Marie Le Pen. Vous voguiez sur les fleuves russes la semaine dernière entre Saint Pétersbourg et Moscou.
R- Jean-Marie LE PEN : Sur la Volga.
Q- Une délégation du Front National était reçue à l'Hôtel Matignon, c'était lundi dernier, dans le cadre de consultations que Dominique de Villepin menaient sur l'Europe. D'habitude le Front National est exclu de telles consultations. A votre avis, pourquoi avez-vous été invité cette fois ?
R- C'est à Monsieur de Villepin qu'il faudrait le demander.
Q- Vous lui avez posé la question ?
R- Ceci me parait assez normal d'ailleurs. Nous sortons de la persécution semble t-il. Je rappelle qu'un autre premier Ministre avait fait cette démarche à plusieurs reprises. C'était Monsieur Balladur.
Q- L'année 90.
R- Et je crois que la majorité se rend compte qu'aux prochaines élections elle ne sera pas majoritaire et je me demande si cette démarche ne laisse pas espérer peut-être une modification du mode de scrutin. On se souvient que François Mitterrand avait modifié le mode de scrutin, non pas du tout pour aider le Front National à avoir 35 députés, mais pour permettre au parti socialiste de conserver une portion importante de l'Assemblée.
Q- Si vous sortez de la persécution, comme vous dites, c'est que vous pensez qu'un dialogue peut être noué d'une façon ou d'une autre avec l'actuelle majorité, certains de ses
représentants ?
R- Écoutez, le dialogue en politique serait normal même si les points de vue sont contradictoires ou divergents. La règle de la République, la règle de la démocratie c'est que l'on n'écarte personne, en tout cas pas les élus, ceux qui sont désignés par leurs électeurs pour les représenter. Ça a été le cas malheureusement je crois, du fait de Monsieur Chirac, pendant très longtemps, hélas et je crois que ça n'a pas contribué, ou peu, à ruiner progressivement les bases de la démocratie française.
Q- Là, Monsieur de Villepin n'agit pas comme le Président de la République visiblement, vis-à-vis de vous.
R- Absolument. Il agit comme premier Ministre, et je pense tout de même qu'il ne le fait pas sans avoir quelques soutiens ou appuis, ou autorisations.
Q- Y a t-il d'autres contacts qui ne seraient pas publics entre une partie du gouvernement, de la majorité, et vous-même Jean-Marie Le Pen ?
R- Non, non. Et s'il y en avait je ne vous le dirais pas.
Q- Donc la question était sans objet. Gouvernement toujours : Nicolas Sarkozy est de retour. On parle beaucoup de Nicolas Sarkozy. Certaines de ses déclarations suscitent beaucoup de commentaires. "Je vais nettoyer la Cité des 4.000 au karcher", etc. On dit que Jean-Marie Le Pen que Nicolas Sarkozy, pardon.
R- Ne confondez pas.
Q- Je ne confonds pas, regarde vers votre électorat, et essaie de l'attirer à lui dans la perspective de 2007. Cela vous inquiète t-il Jean-Marie Le Pen ? Jean-Marie Le Pen vous inquiète t-il ?
R- Il n'est pas le seul à regarder du côté de notre électorat mais jusqu'à présent c'est nous qui avons plutôt pris des points dans l'électorat de nos concurrents, plutôt que l'inverse.
Q- Ça ne durera peut-être pas.
R- Non je ne crois pas. Je ne crois pas du tout parce que les gens se rendent bien compte de ce que le discours de Monsieur Sarkozy a de spectaculaire, n'est-ce pas. C'est-à-dire qu'il dit, mais il ne fait pas toujours ce qu'il dit. Il est en campagne, il ne le cache pas et les gens maintenant sont un peu je crois, prudents, quand ils entendent des hommes politiques faire des déclarations musclées, sans que celles-ci soient jamais suivies de quelque effet que ce soit.
Q- Mais si l'on regarde les enquêtes d'opinion, la personnalité de Nicolas Sarkozy, sa manière de parler d'ailleurs, recueillent une large approbation. Y compris dans vos rangs visiblement.
R- Je crois que ça reflète sa présence médiatique en fait quand on est sur les médias, eh bien on recueille dans les sondages un pourcentage non négligeable qui est relié directement à cette présence. Il est évident qu'en ce qui nous concerne, nous cheminons en quelque sorte, nous, hors des médias, puisque à part cette exception dont je vous remercie, nous ne sommes guère invités depuis le référendum. Pourtant nous avons joué, me semble t-il, un certain rôle, comme le reconnaissait d'ailleurs tout à l'heure Monsieur.
Q- Monsieur Duhamel.
R- Je ne veux pas.
Q- Mais ce sont des faits. Il le disait, il disait que le non avec une dominante souverainiste. Il n'empêche que, peut-être vous n'êtes pas davantage invité parce que, pas plus avant qu'après le référendum vous n'apparaissez dans le jeu politique. Vous êtes toujours dans votre coin, sans alliance, sans stratégie, sans vraie visibilité de ce point de vue.
R- Non, dites "sans alliance" parce que c'est un fait, mais il n'est pas justement de notre part mais pas "sans stratégie". Nous avons une stratégie politique, qui consiste à défendre les idées qui sont les nôtres. Et pas adopter celles de nos concurrents sous prétexte de nous faire valoir. C'est clair. Nous avons une opinion sur un certain nombre de sujets. Nous faisons une critique, qu'on pourrait appeler "tribunicienne" de la politique française. Et je crois que nous rendons un service éminent, et nous le rendrions encore bien plus si on respectait les règles de la démocratie représentative, c'est-à-dire si le Front National était représenté au Palais Bourbon, au Parlement, comme il devrait l'être, normalement dans des institutions normales.
Q- Sont représentées les forces politiques qui sont en capacité de passer des alliances. Vous venez de l'expliquer, vous ne le souhaitez pas donc vous ne pouvez pas être représenté.
R- A la limite, tout dépend de la situation du pays. Moi je considère que la situation du pays est catastrophique. Et que, dans ces circonstances-là, eh bien il est évident que tous les représentants des partis politiques doivent s'inquiéter de savoir si le pays va survivre n'est-ce pas, d'autant que l'avatar européen va nous mettre devant nos responsabilités. Jusqu'à présent en quelque sorte on envoyait à l'Europe les problèmes qui nous dérangeaient, en espérant qu'ils les résolvent pour nous. Là, maintenant, "il faut être courageux", a dit Monsieur Seillière. Il a dit d'ailleurs ça en partant "courage, fuyons".
Q- Mais alors, tirez-vous quelques conclusions particulières de ce raisonnement que vous venez de tenir. Le pays est en danger, et alors ?
R- Le Front National a des positions mais il est prêt à discuter avec les gens qui auraient la même conception que lui de l'intérêt national. Sinon des moyens pour l'atteindre.
Q- Le Front National de la jeunesse tiendra son université début août, sous le patronage d'Alexis Carrel. Alors ça fait un peu polémique. Parce qu'Alexis Carrel, Prix Nobel de Médecine, était aussi un théoricien de l'eugénisme et puis il a été proche du pouvoir de Vichy. Vous comprenez le choix des jeunes de votre organisation politique ?
R- Il faut leur demander à eux. Ils n'ont pas de Nicole. Ils ont fait leur choix, un grand chirurgien.
Q- Ils engagent un peu le Front National.
R- Un grand chirurgien. Oui oui, un grand chirurgien.
Q- Sans doute, il a été prix Nobel, en 1912.
R- Mais il a fait des découvertes tout à fait remarquables et je crois que l'ostracisme dont il est victime est assez injustifié et très politicien.
Q- C'est-à-dire qu'il y a eu des déclarations, des écrits de sa part, qui ont tout de même été assez critiqués par la suite. C'est-à-dire, en gros : il faut détruire tous les faibles. C'est l'eugénisme, hein.
R- En effet, il a été partisan qu'il y ait une certaine aide à ce que les êtres qui naissent soient plutôt bien portants et viables, plutôt que l'inverse.
Q- Voilà. On appelait ça l'eugénisme. Ça va encore vous embarrasser. Ça va encore faire polémique. Vous n'avez pas besoin de ça Jean-Marie Le Pen.
R- On trouvera certainement des adversaires pour utiliser ce genre de piteux arguments.
Q- Ce sont des arguments piteux, ça ne vaut pas plus que ça d'après vous.
R- Non.
Q- Très bien. Vous soutenez la décision de la mairie de Marignane de permettre l'érection d'une stèle en souvenir de l'OAS ? Ça pourrait se faire dans les prochains jours.
R- Je ne me suis pas interrogé sur la question, mais il me parait naturel qu'on puisse honorer la mémoire de gens. Beaucoup de gens se rendent au Mur des Fusillés, la fête de l'anniversaire de la commune, je trouve ça assez normal.
Q- Vous ne serez pas à Marignane le jour où on inaugurera la stèle.
R- Non, je n'y serai pas, je n'y ai pas été convié.
Q- Soutien moral.
R- Vous me demandez si ça me parait normal, je vous dis : ça me parait assez normal.
Q- Allez, Jean-Marie Le Pen, de retour des flots de la Volga, c'est ça hein ?
R- C'est ça...
(Source http://www.frontnational.fr, le 4 juillet 2005)
R- Jean-Marie LE PEN : Sur la Volga.
Q- Une délégation du Front National était reçue à l'Hôtel Matignon, c'était lundi dernier, dans le cadre de consultations que Dominique de Villepin menaient sur l'Europe. D'habitude le Front National est exclu de telles consultations. A votre avis, pourquoi avez-vous été invité cette fois ?
R- C'est à Monsieur de Villepin qu'il faudrait le demander.
Q- Vous lui avez posé la question ?
R- Ceci me parait assez normal d'ailleurs. Nous sortons de la persécution semble t-il. Je rappelle qu'un autre premier Ministre avait fait cette démarche à plusieurs reprises. C'était Monsieur Balladur.
Q- L'année 90.
R- Et je crois que la majorité se rend compte qu'aux prochaines élections elle ne sera pas majoritaire et je me demande si cette démarche ne laisse pas espérer peut-être une modification du mode de scrutin. On se souvient que François Mitterrand avait modifié le mode de scrutin, non pas du tout pour aider le Front National à avoir 35 députés, mais pour permettre au parti socialiste de conserver une portion importante de l'Assemblée.
Q- Si vous sortez de la persécution, comme vous dites, c'est que vous pensez qu'un dialogue peut être noué d'une façon ou d'une autre avec l'actuelle majorité, certains de ses
représentants ?
R- Écoutez, le dialogue en politique serait normal même si les points de vue sont contradictoires ou divergents. La règle de la République, la règle de la démocratie c'est que l'on n'écarte personne, en tout cas pas les élus, ceux qui sont désignés par leurs électeurs pour les représenter. Ça a été le cas malheureusement je crois, du fait de Monsieur Chirac, pendant très longtemps, hélas et je crois que ça n'a pas contribué, ou peu, à ruiner progressivement les bases de la démocratie française.
Q- Là, Monsieur de Villepin n'agit pas comme le Président de la République visiblement, vis-à-vis de vous.
R- Absolument. Il agit comme premier Ministre, et je pense tout de même qu'il ne le fait pas sans avoir quelques soutiens ou appuis, ou autorisations.
Q- Y a t-il d'autres contacts qui ne seraient pas publics entre une partie du gouvernement, de la majorité, et vous-même Jean-Marie Le Pen ?
R- Non, non. Et s'il y en avait je ne vous le dirais pas.
Q- Donc la question était sans objet. Gouvernement toujours : Nicolas Sarkozy est de retour. On parle beaucoup de Nicolas Sarkozy. Certaines de ses déclarations suscitent beaucoup de commentaires. "Je vais nettoyer la Cité des 4.000 au karcher", etc. On dit que Jean-Marie Le Pen que Nicolas Sarkozy, pardon.
R- Ne confondez pas.
Q- Je ne confonds pas, regarde vers votre électorat, et essaie de l'attirer à lui dans la perspective de 2007. Cela vous inquiète t-il Jean-Marie Le Pen ? Jean-Marie Le Pen vous inquiète t-il ?
R- Il n'est pas le seul à regarder du côté de notre électorat mais jusqu'à présent c'est nous qui avons plutôt pris des points dans l'électorat de nos concurrents, plutôt que l'inverse.
Q- Ça ne durera peut-être pas.
R- Non je ne crois pas. Je ne crois pas du tout parce que les gens se rendent bien compte de ce que le discours de Monsieur Sarkozy a de spectaculaire, n'est-ce pas. C'est-à-dire qu'il dit, mais il ne fait pas toujours ce qu'il dit. Il est en campagne, il ne le cache pas et les gens maintenant sont un peu je crois, prudents, quand ils entendent des hommes politiques faire des déclarations musclées, sans que celles-ci soient jamais suivies de quelque effet que ce soit.
Q- Mais si l'on regarde les enquêtes d'opinion, la personnalité de Nicolas Sarkozy, sa manière de parler d'ailleurs, recueillent une large approbation. Y compris dans vos rangs visiblement.
R- Je crois que ça reflète sa présence médiatique en fait quand on est sur les médias, eh bien on recueille dans les sondages un pourcentage non négligeable qui est relié directement à cette présence. Il est évident qu'en ce qui nous concerne, nous cheminons en quelque sorte, nous, hors des médias, puisque à part cette exception dont je vous remercie, nous ne sommes guère invités depuis le référendum. Pourtant nous avons joué, me semble t-il, un certain rôle, comme le reconnaissait d'ailleurs tout à l'heure Monsieur.
Q- Monsieur Duhamel.
R- Je ne veux pas.
Q- Mais ce sont des faits. Il le disait, il disait que le non avec une dominante souverainiste. Il n'empêche que, peut-être vous n'êtes pas davantage invité parce que, pas plus avant qu'après le référendum vous n'apparaissez dans le jeu politique. Vous êtes toujours dans votre coin, sans alliance, sans stratégie, sans vraie visibilité de ce point de vue.
R- Non, dites "sans alliance" parce que c'est un fait, mais il n'est pas justement de notre part mais pas "sans stratégie". Nous avons une stratégie politique, qui consiste à défendre les idées qui sont les nôtres. Et pas adopter celles de nos concurrents sous prétexte de nous faire valoir. C'est clair. Nous avons une opinion sur un certain nombre de sujets. Nous faisons une critique, qu'on pourrait appeler "tribunicienne" de la politique française. Et je crois que nous rendons un service éminent, et nous le rendrions encore bien plus si on respectait les règles de la démocratie représentative, c'est-à-dire si le Front National était représenté au Palais Bourbon, au Parlement, comme il devrait l'être, normalement dans des institutions normales.
Q- Sont représentées les forces politiques qui sont en capacité de passer des alliances. Vous venez de l'expliquer, vous ne le souhaitez pas donc vous ne pouvez pas être représenté.
R- A la limite, tout dépend de la situation du pays. Moi je considère que la situation du pays est catastrophique. Et que, dans ces circonstances-là, eh bien il est évident que tous les représentants des partis politiques doivent s'inquiéter de savoir si le pays va survivre n'est-ce pas, d'autant que l'avatar européen va nous mettre devant nos responsabilités. Jusqu'à présent en quelque sorte on envoyait à l'Europe les problèmes qui nous dérangeaient, en espérant qu'ils les résolvent pour nous. Là, maintenant, "il faut être courageux", a dit Monsieur Seillière. Il a dit d'ailleurs ça en partant "courage, fuyons".
Q- Mais alors, tirez-vous quelques conclusions particulières de ce raisonnement que vous venez de tenir. Le pays est en danger, et alors ?
R- Le Front National a des positions mais il est prêt à discuter avec les gens qui auraient la même conception que lui de l'intérêt national. Sinon des moyens pour l'atteindre.
Q- Le Front National de la jeunesse tiendra son université début août, sous le patronage d'Alexis Carrel. Alors ça fait un peu polémique. Parce qu'Alexis Carrel, Prix Nobel de Médecine, était aussi un théoricien de l'eugénisme et puis il a été proche du pouvoir de Vichy. Vous comprenez le choix des jeunes de votre organisation politique ?
R- Il faut leur demander à eux. Ils n'ont pas de Nicole. Ils ont fait leur choix, un grand chirurgien.
Q- Ils engagent un peu le Front National.
R- Un grand chirurgien. Oui oui, un grand chirurgien.
Q- Sans doute, il a été prix Nobel, en 1912.
R- Mais il a fait des découvertes tout à fait remarquables et je crois que l'ostracisme dont il est victime est assez injustifié et très politicien.
Q- C'est-à-dire qu'il y a eu des déclarations, des écrits de sa part, qui ont tout de même été assez critiqués par la suite. C'est-à-dire, en gros : il faut détruire tous les faibles. C'est l'eugénisme, hein.
R- En effet, il a été partisan qu'il y ait une certaine aide à ce que les êtres qui naissent soient plutôt bien portants et viables, plutôt que l'inverse.
Q- Voilà. On appelait ça l'eugénisme. Ça va encore vous embarrasser. Ça va encore faire polémique. Vous n'avez pas besoin de ça Jean-Marie Le Pen.
R- On trouvera certainement des adversaires pour utiliser ce genre de piteux arguments.
Q- Ce sont des arguments piteux, ça ne vaut pas plus que ça d'après vous.
R- Non.
Q- Très bien. Vous soutenez la décision de la mairie de Marignane de permettre l'érection d'une stèle en souvenir de l'OAS ? Ça pourrait se faire dans les prochains jours.
R- Je ne me suis pas interrogé sur la question, mais il me parait naturel qu'on puisse honorer la mémoire de gens. Beaucoup de gens se rendent au Mur des Fusillés, la fête de l'anniversaire de la commune, je trouve ça assez normal.
Q- Vous ne serez pas à Marignane le jour où on inaugurera la stèle.
R- Non, je n'y serai pas, je n'y ai pas été convié.
Q- Soutien moral.
R- Vous me demandez si ça me parait normal, je vous dis : ça me parait assez normal.
Q- Allez, Jean-Marie Le Pen, de retour des flots de la Volga, c'est ça hein ?
R- C'est ça...
(Source http://www.frontnational.fr, le 4 juillet 2005)