Texte intégral
Monsieur le Président de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, Cher Pierre MEHAIGNERIE,
Monsieur le Président de l'Association des Départements de France,
Monsieur le Président de l'Association des Maires de France,
Monsieur le Président du CNCPH,
Monsieur le délégué général de l'Observatoire,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'intervenir en clôture de ce colloque. L'Observatoire Décentralisé de l'Action Sociale est pour les collectivités territoriales, et notamment les départements, un lieu d'échanges et d'approfondissement. Mon ministère soutient votre action depuis 1990.
Je veux aujourd'hui remercier votre président, M. Pierre MEHAIGNERIE, votre délégué général, M. Jean-Louis SANCHEZ, et l'ensemble de leur équipe pour la qualité de l'organisation et la richesse des débats qui ont eu lieu, dont il m'a été rendu compte. Je veux surtout les remercier de continuer à tirer le fil rouge de la fraternité. Sans fraternité, les réseaux de solidarité que nous pouvons tisser ont quelque chose de froid, de mécanique, d'anonyme. L'action sociale ne peut se résumer à des solidarités de guichet. La solidarité doit avoir un visage. Il faut créer du sens, du lien humain et du lien social. Et je vous suis reconnaissant d'avoir pris l'initiative de décerner un diplôme à sept villes qui se sont distinguées pour faire vivre les valeurs de la fraternité : Albertville, Ajaccio, Tournon, Marseille, Morteau, Besançon et Nancy.
Le nouveau paysage de la solidarité que vous appelez de vos vux s'organise à partir des besoins de nos concitoyens et des réponses que nous serons capables d'y apporter. A cet égard, nous sommes confrontés à des évolutions historiques qui constituent autant de défis.
Le premier défi est celui du vieillissement. Ce défi, ce n'est pas seulement l'évolution des régimes de retraite, que le gouvernement s'attache à sauvegarder. C'est, plus généralement, l'attention que notre société doit porter au grand âge.
Quelques données d'évidence !
Une population vieillit parce que le nombre des naissances est insuffisant pour assurer le renouvellement des générations. La situation est meilleure en France qu'ailleurs. J'y reviendrai tout à l'heure, notre natalité est plus forte que dans les autres grands pays européens. C'est en grande partie parce que nous sommes parvenus à concilier natalité et activité professionnelle des femmes grâce à une politique familiale ambitieuse et moderne.
Autre évidence !
Une population vieillit lorsque l'espérance de vie s'accroît. C'est un défi pour plusieurs générations. La dépendance augmente de manière très forte avec l'âge. Et nous savons aussi que les femmes sont plus nombreuses que les hommes aux âges élevés de la vie.
A ce constat démographique, nous devons ajouter un constat strictement financier lié au veuvage. La disparition du conjoint, ce n'est pas seulement la tristesse et la solitude qui font irruption, c'est aussi la réduction mécanique de la pension de retraite et, par conséquent, des ressources du survivant.
Nous devons y ajouter encore un constat : celui de l'isolement. La famille est forte, en France, mais les conditions de vie de notre monde moderne provoquent souvent l'éloignement des proches.
Dans ces conditions, lorsque la famille ou les proches ne peuvent pas faire face seuls, la solidarité collective est indispensable pour prévenir les risques de l'isolement. Nous avons mesuré lors de la canicule de 2003 à quel point il peut avoir des conséquences dramatiques. C'est la raison pour laquelle Xavier Bertrand et moi-même, au-delà de l'organisation rigoureuse du plan canicule et des nouvelles obligations que nous avons créées pour faire face à de fortes chaleurs, nous ne cessons de faire appel à la solidarité entre Français et à la vigilance pour que les personnes âgées ne soient jamais laissées sans aide dans des épreuves aussi lourdes.
La solidarité est indispensable également pour prendre en charge la perte d'autonomie, et elle est indispensable pour organiser les services individuels et collectifs auxquels ont droit les personnes les plus âgées.
Aux défis du vieillissement en général s'ajoute le défi spécifique du vieillissement des personnes handicapées. Nous savons que les incapacités s'accroissent sensiblement avec l'avancée de l'âge. On peut même parler de vieillissement précoce, en particulier pour les personnes paraplégiques ou tétraplégiques, ou atteintes de trisomie 21.
A domicile, le problème du vieillissement des personnes handicapées est redoublé par le vieillissement des aidants. Moins d'un tiers d'entre eux sont des professionnels. Près des trois quarts sont des aidants familiaux : les enfants, le conjoint, parfois aussi des frères et surs ou des parents plus éloignés.
En établissement, la question se posera, à très court terme, de l'adaptation des structures et des conditions de transfert en maison de retraite. Nous savons que 10 % des personnes vivant en établissement pour adultes handicapés ont atteint ou dépassé soixante ans. Dès maintenant coexistent deux publics qui n'ont ni les mêmes besoins, ni sans doute les mêmes attentes, en termes de loisirs, par exemple.
Le Haut Conseil de la population et de la famille a souligné la nécessité de mieux connaître la situation des personnes handicapées vieillissantes. Il a suggéré des principes à partir desquels pourrait se construire l'action publique. Il a demandé que soient " gommés " les effets négatifs du couperet de l'âge de 60 ans.
Je partage ces conclusions. Et je poursuis des objectifs très précis :
- Favoriser la continuité de la vie.
- Veiller à l'égalité des modes de prise en charge selon l'hébergement.
- Supprimer les effets pervers liés à la variabilité des critères d'attribution des aides destinées aux personnes handicapées.
Une deuxième tendance lourde de notre société, c'est l'aspiration de chacun à vivre sa vie, à tous les âges de sa vie et quels que soient ses handicaps éventuels, l'aspiration aussi à participer pleinement à la vie sociale, à exercer pleinement ses droits de citoyens.
Nous vivons une période de mutation de nos politiques de solidarité. J'y vois une chance de progrès pour nos concitoyens. Le temps n'est plus où la politique des personnes âgées et des personnes handicapées pouvait se résumer à garantir un minimum vieillesse aux uns, une AAH aux autres, ou à alimenter les lignes budgétaires de créations de places en établissements sans se préoccuper des projets de vie de leurs pensionnaires.
Bien sûr, il faut poursuivre la politique de création de places d'accueil en établissement, tout en recherchant une nouvelle architecture au bénéfice du grand âge. Mais je suis persuadé qu'il faut aussi aller encore plus loin dans l'offre de maintien à domicile. Et, lorsque le maintien à domicile trouve ses limites - je pense par exemple aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, dont le nombre, hélas ne cesse d'augmenter - nous devons adapter les places existantes pour qu'elles répondent aux besoins de ces personnes.
Un tel projet nécessite, j'en suis conscient, de profondes transformations. Pour offrir aux personnes âgées accueillies en établissements une qualité de vie conforme à leurs projets, nous devons leur offrir aussi une qualité de soins conforme à leurs attentes.
Il passe aussi par un soutien apporté aux aidants naturels. C'est permettre aux familles de " souffler ", d'avoir un temps de répit en augmentant les possibilités d'hébergement temporaire. C'est organiser l'accueil de jour pour permettre à la famille de poursuivre ses activités. C'est prévenir les situations d'enfermement, d'isolement, d'épuisement de l'entourage. Je pense, là encore, à ces prises en charge de long terme des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, dont une majorité vit à domicile.
Nous devons les uns et les autres rejeter cette forme insidieuse d'individualisme qui s'abrite derrière la solidarité collective, pour ne voir que des personnes âgées là où il faudrait aider et accompagner des parents ou des grands-parents. Le rôle de la famille, des aidants naturels, doit regagner du terrain dans notre société. Ce rôle doit être pleinement reconnu et, par conséquent, pleinement soutenu.
La politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées dispose aujourd'hui d'instruments juridiques rénovés, propices au développement des services de proximité, à la continuité et à la qualité des prises en charge, au rééquilibrage de la répartition de l'offre, au décloisonnement des dispositifs, à la mutualisation des moyens.
Trois séries de textes fondateurs ont été adoptées au cours des années récentes.
Tout d'abord la loi de 2002. Elle a profondément rénové le cadre de l'action sociale et médico-sociale avec le souci permanent de promouvoir le droit des personnes. La réforme de la tarification n'a pas d'autre raison d'être que d'améliorer les conditions de vie dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes.
Ensuite, la loi du 30 juin 2004. Elle a créé la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie. La reconnaissance de la dépendance et des besoins nouveaux qu'elle crée rendait nécessaire ce nouveau développement de notre protection sociale. La CNSA est la réponse novatrice que le Parlement et le Gouvernement ont voulu apporter à ces deux grands défis du vieillissement et du handicap. Elle permet une meilleure mobilisation et une meilleure coordination des moyens complémentaires de l'Etat, des départements et de l'assurance maladie pour prendre en charge la perte d'autonomie. Elle articule de manière originale le rôle de l'Etat, garant de l'égalité de traitement au plan national, et celui des collectivités départementales, qui représentent le niveau de proximité et d'efficacité le mieux adapté aux besoins très divers des personnes. Elle met en oeuvre un mode nouveau de gouvernance qui associe de manière inédite l'ensemble des acteurs de la politique de la vieillesse et du handicap à la définition et à la gestion de cette politique.
Enfin, troisième volet de ce nouveau cadre législatif, la loi du 13 août 2004 a confié au département le rôle de coordination dans le secteur gérontologique et la loi du 11 février 2005 lui a confié le pilotage de la politique de compensation du handicap. C'est une réponse à la demande de proximité que nous adressent nos concitoyens. C'est aussi un acte de reconnaissance de l'uvre déjà réalisée par les départements. Car les départements se sont montrés particulièrement dynamiques dans leurs politiques du troisième âge.
Les politiques des départements, comme celles de l'Etat, sont au service du citoyen. Elles se déploient dans le respect des lois. Il y a un Etat puissance publique, un Etat régalien. Il y a aussi un Etat acteur de la solidarité aux côtés d'autres acteurs. L'Etat doit avoir une relation de confiance avec les départements, avec tous les départements. Demain, plus encore qu'aujourd'hui, l'Etat et les départements agiront en complémentarité, chacun dans le respect des prérogatives de l'autre.
En matière de prestations, la création de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie et, au 1er janvier 2006, de la création de la prestation de compensation, ouvrent une ère nouvelle de prestations personnalisées. C'est une rupture avec la logique traditionnelle des prestations de sécurité sociale.
Permettez-moi de m'arrêter un instant sur la prestation de compensation du handicap. Cette prestation se substitue à partir du 1er janvier 2006 à l'actuelle Allocation Compensatrice pour Tierce Personne. La réforme de la compensation permettra de faire face aux besoins, elle augmentera les aides aux personnes et elle ne génèrera pas le transfert de charges aux départements que certains ont cru pouvoir annoncer, en s'appuyant sur des projections irréalistes.
Tenons-nous en au bon sens. Si vraiment il y avait actuellement en France 350 000 personnes exclues de l'accès à l'Allocation Compensatrice pour Tierce Personne, cela se saurait!
Il est vrai que la nouvelle prestation de compensation bénéficiera à un plus large public qu'aujourd'hui. La raison en est simple. Il n'y a plus de condition de ressources pour accéder à la compensation. Je m'en réjouis, car la compensation n'est pas une aide sociale de plus à la personne. C'est un droit qui respecte le principe d'universalité.
Il est vrai aussi que la nouvelle prestation de compensation permettra de mieux prendre en compte les besoins réels des personnes et d'augmenter le nombre d'heures de tierce personne.
Il est vrai enfin que la nouvelle prestation permettra un effort sans précédent en faveur des personnes les plus lourdement handicapées. Mais pour financer ces trois grands progrès sans aggraver les charges des départements, la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie mettra en année pleine 360 millions d'euros à leur disposition, soit une augmentation de 64 % des crédits actuellement consacrés par les départements à l'ACTP. C'est un progrès considérable. Et je m'en félicite. A partir de maintenant, les personnes très lourdement handicapées pourront enfin obtenir une prise en charge à domicile 24h sur 24, pour partie en rémunérant des professionnels et pour partie en indemnisant leurs aidants familiaux.
Enfin, j'en appelle aux départements, aux caisses de sécurité sociale, à tous les acteurs qui agissent ensemble dans le cadre des sites de la vie autonome. Ils apportent une aide extra légale indispensable aux personnes handicapées. Je compte sur la poursuite de leur engagement au service des personnes handicapées dans le cadre du fonds de compensation créé par la loi du 11 février.
En confiant au département le pilotage de la compensation et la coordination gérontologique ; en créant la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, lieu du dialogue au jour le jour entre personnes âgées et personnes handicapées ; en créant les prestations personnalisées que sont l'Allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation, nous nous sommes engagés dans un processus de convergence des politiques de solidarité.
Cette dynamique de convergence entre la prise en charge des personnes handicapées et celle des personnes âgées dépendantes est explicite dans la loi du 11 février 2005 sur le handicap : un délai de cinq ans a été fixé pour harmoniser APA et PCH en faisant tomber la frontière des 60 ans. Elle est déjà mise en oeuvre par la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie qui regroupe " sous un même toit " les risques dépendance et handicap et dans un même conseil les représentants des personnes âgées et des personnes handicapées.
Nous devons aller plus avant dans ce processus.
Mais nous devons le faire dans le respect des différences de situation, de besoins, d'aspirations, en sachant que le handicap ne se réduit pas à la dépendance dans l'accomplissement des actes ordinaires de la vie courante. Pour un même degré de dépendance, une personne handicapée peut avoir besoin d'une prestation d'un montant plus élevé que la personne âgée. Par exemple, un étudiant handicapé aura besoin, comme la personne âgée, d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes ordinaires de la vie courante (se lever, se coucher, s'alimenter, etc.). Mais, en outre, faire ses études sera pour lui " un acte ordinaire de la vie courante " qui exige un accompagnement particulier (auxiliaire de vie universitaire).
On ne peut pas confondre le manque d'autonomie d'une personne handicapée et la perte d'autonomie liée à l'âge. Les projets de vie qui en résultent sont nécessairement différents.
Sans doute les convergences doivent-elles d'abord être recherchées en amont, du côté des équipes pluridisciplinaires chargées de l'évaluation de la dépendance et du handicap, du côté des Maisons départementales des personnes handicapées, du côté des métiers et des formations liés à la dépendance, de la mutualisation des moyens sur un territoire donné.
Je suis aussi favorable à ce qu'on explore les convergences possibles - et bien sûr leurs limites - dans les méthodes d'évaluation de la dépendance, du handicap et de la compensation.
Ce nouveau paysage de la solidarité qui se dévoile sous nos yeux comporte pour nous de nouvelles exigences. Mais je le vois se dessiner avec confiance.
Confiance parce que, je tiens à vous en assurer, le Gouvernement est pleinement mobilisé au service des personnes âgées et des personnes handicapées. Les arbitrages récents en matière de handicap en témoignent. Dans un contexte budgétaire difficile, la pleine application de la loi handicap sera réalisée, tous les engagements de l'Etat seront respectés, toutes les obligations qui incombent directement à l'Etat seront financées. Nous avons dégagé des ressources suffisantes pour que les actions de l'Etat ne pèsent ni sur la CNSA ni sur la Sécurité sociale. J'y ai été particulièrement attentif. Et je peux vous assurer qu'étant en charge de la famille, des personnes handicapées et des personnes âgées, je veille à la mobilisation et à la cohérence de tous les moyens de nos politiques publiques au service de la solidarité, qu'elles relèvent de la sécurité sociale, de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie ou de l'action sociale de l'Etat.
Confiance aussi, parce que tous les acteurs des politiques publiques de la dépendance sont désormais directement impliqués dans la conception de ces politiques autant que dans leur mise en uvre et leur évaluation. J'en attends un surcroît d'engagement et de responsabilité. Ensemble, il nous revient de faire que les défis du vieillissement soient bien évalués, que notre système juridique continue à s'adapter, et que nous disposions des moyens suffisants pour confronter utilement nos objectifs aux résultats obtenus, pour évaluer les dispositifs mis en place et pour rechercher la meilleure utilisation de nos ressources.
Confiance, enfin, parce que notre politique de la dépendance concrétise les valeurs qui fondent la République. En rendant la cité accessible à tous, nous élargissons le champ de la liberté ; en créant le droit à compensation, nous élargissons le champ de l'égalité ; en organisant l'indispensable solidarité envers ceux qui manquent d'autonomie ou qui perdent leur autonomie avec le grand âge, nous élargissons le champ de la fraternité.
Je veux vous dire aussi mon engagement pour la famille et pour l'enfance. La famille reste la cellule de base de notre société. Une cellule essentielle d'entraide et de solidarité.
Le désir de constituer une famille, d'avoir des enfants, sont des aspirations fondamentales et immuables. Nous devons faire en sorte qu'elles puissent se réaliser. C'est aussi une question de renouvellement des générations.
Au cours de ces dernières années, le Gouvernement s'est fortement engagé pour favoriser et renforcer l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Je continuerai dans cette voie.
Dans le domaine de l'action en faveur des familles, le rôle de la CNAF est déterminant, c'est un acteur incontournable.
J'ai à cur de soutenir son action. C'est dans cet esprit que se sont tenues les discussions entre sa Présidente, Madame Prud'homme, et moi-même. Elles ont débouché sur un accord dont nous nous félicitons tous. Il permet d'augmenter significativement les ressources du FNAS.
Grâce à cette convention, les ressources du Fond National d'Action Sociale, le FNAS, augmenteront de 7,5 % par an, soit une évolution de 30% sur la période 2005-2008. Au total, ce sont ainsi 2,4 millions d'euros supplémentaires qui iront à l'action sociale de la branche famille.
Nous aurons ainsi presque doublé le montant consacré au FNAS entre 2002 et 2008. Je suis fier de cet effort. Il est essentiel, car c'est lui qui permet de concrétiser l'ensemble des engagements pris par l'Etat ces dernières années.
Vous savez que nous nous sommes engagés dans un programme ambitieux de création de crèches. 26 000 places de crèches ont été crées à ce jour, 31 000 supplémentaires d'ici 2008. A cela s'ajoutent les 15 000 places annoncées par le Premier ministre dans son discours de politique générale en juin dernier.
C'est un effort considérable. Mais il est nécessaire. Je m'engage à ce que ces places deviennent, le plus rapidement possible, des lieux de vie pour nos enfants. L'augmentation des ressources du FNAS permettront de financer l'intégralité de ces engagements.
Il me semble fondamental que nous puissions continuer à approfondir notre modèle français en faisant en sorte que taux de natalité et taux d'activité des femmes continuent à augmenter de façon parallèle.
C'est une position tout à fait originale. C'est un avantage crucial pour l'avenir.
Les discussions avec la CNAF ont été l'occasion de souligner qu'il était aussi nécessaire d'améliorer la manière dont le FNAS intervient dans le financement des équipements, en particulier pour l'enfance et la petite enfance, en donnant la priorité aux collectivités les moins équipées.
Offrir à chacun, quel que soit l'endroit où il vit, le même niveau d'accès aux différents modes de garde, cela veut dire, pour la CNAF et pour le réseau des CAF, développer une politique volontaire, qui définisse clairement nos priorités et qui identifie les équipements et les bassins de populations sur lesquels notre effort doit porter.
Je suis tout particulièrement attaché à la question du développement et de l'équilibre de l'enfant. Elle est primordiale. Elle ne peut tolérer aucune impasse.
Je vais proposer au cours de l'été au Premier ministre un certain nombre d'initiatives en vue de la Conférence de la famille qui doit se tenir en septembre prochain.
- Deux problématiques sont apparues avec force et me frappent particulièrement.
- La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Les risques liés aux nouvelles technologies telles qu'Internet.
Enfin, je tiens à vous dire combien je suis choqué des différentes affaires dont nous avons été témoins ces derniers temps, je pense notamment au procès d'Angers.
Je reste marqué par l'horreur des faits. Au-delà de la consternation qui suit la découverte de tels crimes, ces affaires montrent que notre système de protection de l'enfance comporte trop de lacunes, qu'il n'est pas suffisamment efficace, en particulier pour détecter et pour protéger des enfants en danger. Il faut rénover le dispositif actuel. C'est d'autant plus important que le nombre d'enfants qui bénéficient d'une mesure de protection administrative ou judiciaire a augmenté d'une manière très significatives ces dernières années. Aujourd'hui, plus de 263.000 enfants sont dans cette situation.
Deux groupes de travail ont travaillé sur ces questions à la demande du Ministère de la Famille. Deux thématiques essentielles de la protection de l'enfance ont été abordées en détail.
C'est l'amélioration des procédures de signalement, thème traité par le groupe de Philippe Nogrix. Philippe Nogrix m'a remis son rapport il y a quelques jours.
C'est aussi l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés, second thème sur lequel le groupe de travail présidé par louis de Broissia a travaillé. Je recevrai son rapport très prochainement.
Ces rapports rejoignent les premières conclusions de la mission d'information parlementaire de Valérie Pécresse et Patrick Bloche. Leurs constats ne peuvent nous laisser indifférents.
Trop d'enfants sont encore en danger aujourd'hui dans notre pays, sans que cette situation puisse être repérée suffisamment tôt et signalée pour que des mesures de protection soient prises.
Deux séries de causes sont en jeu.
La trop grande dispersion de notre dispositif de protection de l'enfance, auquel participent de nombreux acteurs. Travailleurs sociaux, médecins, enseignants, magistrats : la coordination entre tous ces intervenants doit être améliorée. Il faut que chacun puisse intervenir pour le bénéfice de l'enfant.
Cela passe par une formation accrue, dès le départ, de ces professionnels. Cela passe également, j'en suis convaincu, par un meilleur partage des informations concernant l'enfant.
Je respecte profondément le secret professionnel. Il est indispensable à la protection de l'enfant. C'est la pierre angulaire d'une relation de confiance. Nous devons cependant nous interroger lorsqu'il s'avère qu'il devient un obstacle au signalement de situations dangereuses pour l'enfant. Peut-on envisager que ce secret soit partagé entre les professionnels qui s'occupent d'une même famille ou d'un même enfant, pour assurer une protection plus efficace ? La réflexion sur ce point est aujourd'hui ouverte. J'entends la conduire à son terme.
Il me paraît par exemple fondamental que les travailleurs sociaux puissent parler entre eux d'un même sujet et qu'ils puissent compléter les informations dont ils disposent chacun de leur côté. De la même manière, magistrats et travailleurs sociaux, doivent pouvoir échanger les informations qui leur permettent de faire leur travail au mieux.
Nous devons également travailler à améliorer la prise en charge des enfants et des familles. Je partage nombre des constatations et des propositions faites par le rapport Broissia : Il faut que nous assurions une bien meilleure articulation entre protection administrative et protection judiciaire. Il s'agit d'améliorer la continuité des suivis des situations.
Nous devons aussi repenser et diversifier les réponses que nous souhaitons apporter aux enfants et aux familles en terme de prise en charge. Cette réponse ne peut plus être binaire, avec d'un côté le placement de l'enfant et de l'autre l'intervention souvent ponctuelle d'un travailleur social. Nous devons repenser ces modes d'interventions pour les adapter le plus possible aux besoins de chacune des situations, aux besoins des enfants et des familles.
Enfin, je compte sur la mobilisation des professionnels de la protection de l'enfance pour travailler à des outils concrets de diagnostics et des indicateurs permettant de saisir la situation dans laquelle se trouvent les enfants et les familles. Je soutiendrai de telles démarches.
Cette grille d'analyse, qui doit être commune à chacun des professionnels, est une base indispensable pour permettre un signalement efficace des situations dangereuses. Cette grille doit aussi permettre d'identifier clairement les besoins des familles et des enfants auxquels nous devons apporter une réponse.
Cette rénovation de notre dispositif de protection de l'enfance est un chantier important. Les évolutions que je proposerai dès septembre tiendront compte de toutes les propositions. Celles de Philippe Nogrix, celles de Louis de Broissia, et celles du pré-rapport de la mission d'information parlementaire de Madame Pécresse et Monsieur Bloche.
Je tiens à ce que ce travail se fasse en étroite collaboration avec les Conseils Généraux qui sont les acteurs incontournables de la protection de l'enfance. Il réunira tous les partenaires qui interviennent dans ce cadre.
Enfance, famille, vieillesse, handicap. Sur toutes ces questions essentielles à l'équilibre de notre société, nous ne pouvons pas nous satisfaire de solutions conservatrices. Un immense effort a été engagé pour sauvegarder nos systèmes sociaux, retraites et santé.
A partir de ce socle aujourd'hui consolidé, nous avons à imaginer de nouvelles réponses aux attentes sociales de nos compatriotes. Je pense à ce que nous faisons pour l'autonomie des personnes âgées et pour la compensation du handicap, grâce au travail des Français. Je pense aussi à ce que nous devons faire ensemble demain pour l'enfance en difficulté. Ainsi, peu à peu, émerge ce nouveau visage de la solidarité que nous voulons voir s'affirmer ensemble, Etat, départements, communes, organismes de sécurité sociale, associations, partenaires sociaux
Je vous remercie d'avoir contribué à le dessiner au cours de votre colloque.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 11 juillet 2005)