Texte intégral
Une consultation électorale est toujours un moment fort de la démocratie. Loin de nous l'idée de négliger les messages que les Français nous ont adressés, même si certaines formulations excessives traduisent plus d'incompréhension que de condamnation.
Je me garderai, aujourd'hui, parlant au nom de notre groupe UMP, de polémiquer en évoquant les caricatures de ceux qui, à défaut de proposer, ont emprunté les facilités de la critique systématique. Il y a un temps pour tout. Le temps est à l'action.
A vous, Monsieur le Premier ministre, de poursuivre une action courageuse éclairée par l'expérience et la parole des Français, en donnant la priorité au redressement de notre économie et à la bataille pour l'emploi.
A votre majorité de jouer plus activement encore son rôle de trait d'union avec les Français pour les convaincre de s'engager dans l'effort d'adaptation nécessaire.
A l'opposition, qui ne doit pas ignorer que le pays attend autre chose qu'un simple discours démagogique, de se montrer responsable.
Oui, les Français expriment l'inquiétude d'une société en quête de son avenir, de sa place dans la compétition internationale et de la sauvegarde de notre modèle social.
Il y a, dans la France d'aujourd'hui, un mélange d'inquiétude, de crispation face à l'avenir, et en même temps, de formidables réserves d'énergie et de création. A la tentation du doute, nous devons substituer un désir d'avenir. Nous devons sauver ce qui fait l'essence et la force de notre pays, en l'adaptant aux nouveaux enjeux.
Rester immobile ce serait conduire la France dans l'impasse. A l'inverse, il faut choisir le bon rythme, ménager les transitions pour une société dont certains membres éprouvent la crainte d'être oubliés de notre communauté nationale.
C'est ce message qu'a retenu le Président de la République ; c'est le sens des engagements que vous venez de prendre devant nous.
Au nom des députés de notre groupe, je voudrais rappeler que ce projet, si difficile soit-il, est à notre portée, comme en témoignent les progrès déjà réalisés. Mais ce projet doit être centré sur l'essentiel : le renouveau économique et social dont nous avons besoin.
Enfin, sa mise en uvre exige une action quotidienne conduite dans la vérité et la justice, à laquelle nous entendons participer activement.
Pour donner le courage aux Français de poursuivre les efforts qu'exige l'avenir, il n'est pas inutile de rappeler le chemin parcouru depuis deux ans. Les chantiers de la France ont progressé malgré les difficultés créées par une croissance mondiale et surtout européenne trop faible.
Ces chantiers, nous éprouvons une fierté légitime de les avoir ouverts avec vous, après trop d'immobilisme. Il y avait urgence à agir : urgence pour mettre nos retraites par répartition à l'abri de déficits de plus en plus menaçants ; urgence pour doter nos forces de sécurité de nouveaux moyens d'action juridiques et financiers ; urgence pour sortir des injustices provoquées par la coexistence de plusieurs SMIC. Qui peut le nier ? Certainement pas les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes et qui peuvent désormais partir plus tôt à la retraite. Certainement pas les 150.000 jeunes sans formation accueillis en contrats à durée indéterminée grâce au contrat jeune en entreprise. Certainement pas nos compatriotes les plus fragiles qui bénéficient des premiers reculs indiscutables de la violence.
De nouveaux outils ont été forgés pour accompagner nos compatriotes les moins favorisés : droit individuel à la formation pour les salariés les plus modestes, prestation pour le jeune enfant, deuxième chance pour les ménages surendettés... Un bilan objectif n'autorise pas ces jugements à l'emporte-pièce, ces caricatures qui ont aggravé l'inquiétude et le pessimisme de nos compatriotes.
Il est vrai que vous avez dû agir dans un climat économique très difficile. En ouvrant des dossiers laissés trop longtemps en jachère, vous avez dû bousculer des habitudes et générer des mécontentements. Pour autant, fallait-il renoncer à l'action ? Par exemple, l'organisation de notre effort national pour la recherche est un problème qui ne date pas d'hier : le rapport d'audit sur le CNRS montrait bien le risque d'une sclérose. La démarche budgétaire qui a été l'objet des contestations a eu le mérite de poser le problème dans toutes ses dimensions : l'ouverture d'un certain nombre de postes à de jeunes chercheurs, mais aussi, comme l'ont souligné nos prix Nobel, nos capacités à encourager les jeunes chercheurs, à décloisonner les pôles de recherche, à articuler la recherche publique, privée et l'université, à mettre l'accent sur les domaines d'excellence et à organiser la coopération européenne. Au-delà du conflit, une prise de conscience nationale s'est faite, un dialogue s'est engagé et, de nouvelles perspectives vont pouvoir se dégager.
Oui, vous vous deviez d'agir. Vous deviez, à l'instar de beaucoup de nos amis européens, aider nos compatriotes à préférer les chemins de l'insertion aux chemins de l'assistance. Mais de tels changements exigent de savoir ménager les transitions. Cette démarche courageuse mérite d'être poursuivie graduellement, et surtout d'être mieux expliquée pour être partagée par nos concitoyens.
Cela ne veut pas dire, loin de là, qu'il faille céder au syndrome du milieu du gué. Après avoir quitté la rive, les uns s'impatientent de ne pas voir se dessiner d'autres rives ; ils sollicitent une accélération au risque de chavirer, tandis que les autres, inquiets, imaginent une marche arrière. Non, Monsieur le Premier Ministre, plus que jamais, l'heure est à l'action. Et vous voilà appelés à un surcroît de vigilance et de pédagogie.
C'est au nom de l'avenir de la France et de ses jeunes générations, que nous voulons avec vous aller plus loin. Face aux réalités du monde d'aujourd'hui, nous devons garder le courage de l'action.
Une réussite économique et sociale durable exige quelques démarches prioritaires qui commandent notre développement et le recul du chômage. Nous devons surmonter ce qui est souvent présenté comme un dilemme, soit plus de rigueur pour réduire nos dettes, soit plus de pouvoir d'achat pour entretenir la consommation. Il s'agit de privilégier tout ce qui contribuera au dynamisme de la Nation.
C'est dans ce but qu'il faut remettre de l'ordre dans nos finances publiques pour consacrer plus de ressources à l'investissement et à l'innovation, pour rendre nos universités capables de rivaliser avec les meilleurs centres de formation mondiaux et être les premières en Europe à accueillir les étudiants étrangers dans tous les domaines scientifiques, techniques et financiers où va se jouer la croissance mondiale. Les frais de gestion de notre secteur public s'avèrent trop dispendieux, pour une efficacité insuffisante. Un travail de mise au clair et d'élagage des dépenses de fonctionnement de l'Etat a été engagé avec le concours actif de notre commission des finances dans le cadre de la LOLF. Cet effort doit être poursuivi avec opiniâtreté. C'est la condition indispensable pour prélever moins sur tout ce qui contribue au développement des activités économiques et pour dégager les moyens nécessaires à l'intégration des banlieues, au grand effort national de formation.
La bataille de l'emploi ne peut pas se gagner sans une économie dynamique et concurrentielle. Les Français doivent en être convaincus.
Certes, ils assistent à des transferts d'activité. Certaines délocalisations ont beaucoup marqué les esprits ces dernières années. Il faut avoir le courage de souligner qu'elles ont parfois été déclenchées par le manque de confiance des acteurs économiques et sociaux dans un Etat qui a freiné plus qu'il n'a entraîné. Ceux qui entreprennent ont redouté la poursuite d'une avalanche de règlements, de prélèvements. Les partenaires sociaux ont eu le sentiment de ne pas pouvoir choisir eux-mêmes les règles du jeu appropriées à leur entreprise en matière de temps et de conditions de travail. Bref, à force d'encadrer à l'excès nos entreprises, ne les a-t-on pas fragilisées et n'a-t-on pas aggravé les problèmes du chômage ?
La vérité exige aussi de dire que la France, comme tous les pays développés, est plongée dans une mondialisation qui entraîne des changements. Pour autant, l'ouverture internationale de notre pays peut créer plus d'emplois qu'elle n'en détruit ; mais la difficulté est d'amener les Français à passer de certaines activités à d'autres ; de les aider à progressivement occuper des emplois plus qualifiés, ces emplois nouveaux rendus nécessaires par l'essor des technologies. C'est pour cela que le problème de l'adaptation de nos formations aux emplois de demain est une impérieuse nécessité à laquelle Etats et régions devront concourir activement.
La vie professionnelle, dans le monde où nous sommes, ne peut plus être uniforme et figée. Mais nous devons accompagner suffisamment les salariés pour que la mobilité, loin d'être vécue comme une angoisse, soit synonyme d'une nouvelle chance. Le droit individuel à la formation, l'accroissement des moyens mis à disposition des salariés appelés à changer d'activité, une politique très active du logement, des moyens renforcés pour nos missions locales sont autant de leviers d'action pour soutenir les Français dans cette bataille pour l'emploi.
Mais il faut aussi que les Français répondent à cette aide de la communauté nationale par leur propre engagement. A cet égard, il faut regarder autour de nous. S'agissant de la politique de l'emploi, l'expérience anglaise vaut mieux que les caricatures qui prétendent que le gouvernement de Tony Blair crée la précarité généralisée. Le New Deal du travail consiste en un donnant-donnant : la société offre formation et emploi, à charge pour la personne d'honorer le contrat, sous peine de perdre une partie des revenus de remplacement. Il ne s'agit pas de reproduire le même dispositif, mais d'y puiser quelques leçons, car les résultats sont là.
Je voudrais, au passage, souligner combien nous attendons une coopération européenne plus poussée au sein des pays qui partagent l'Euro. Au moment où les Européens s'apprêtent à se doter d'institutions politiques plus efficaces, au moment où le sentiment de solidarité se forge dans la lutte contre le terrorisme, il faut impérativement rechercher une cohésion économique et sociale européenne qui accroîtra nos chances dans la compétition mondiale. Le pacte de stabilité et de croissance devra tenir compte, par delà les indispensables économies, des dépenses nécessaires à l'amélioration de la compétitivité, de la recherche et du développement. Mais il faudra aussi, face à la Banque Centrale Européenne, une vraie coordination des politiques économiques.
Innover, investir, former, tout cela est indispensable pour ouvrir aux Français le chemin des emplois à venir. Ainsi nos compatriotes retrouveront la confiance, et notre pays le cercle vertueux de la croissance.
Mais cette confiance repose aussi sur notre sécurité sociale qui a su créer entre nous tous une très forte solidarité... J'en viens au deuxième chantier majeur, celui de la sauvegarde de notre assurance maladie. Là encore, il n'est pas inutile de regarder ce qui se passe autour de nous. En Allemagne, les forces politiques ont réussi à s'unir pour adapter leurs systèmes sociaux afin de les sauver. Peut-on pratiquer une opposition frontale quand il s'agit de l'essentiel pour l'avenir de nos compatriotes ? Dans certains discours électoraux, il n'a été question que d'une soi-disant mise en cause des acquis sociaux, au risque d'ancrer les Français dans la peur et dans la revendication du statu quo, fut-il injuste ! Au milieu de ce concert d'accusations souvent outrancières, nous n'avons pas entendu de propositions. Le Président de la République vient de lancer un appel au dialogue pour l'avenir de notre assurance maladie. Il faut qu'il soit entendu par tous, dans la fidélité à ceux qui, après avoir uni leurs forces dans la Résistance, ont créé cette sécurité sociale. Il faut que nous ayons, tous ensemble, le courage de mettre à plat les dévoiements du système : arrêts maladie de complaisance, nomadisme médical, surconsommation médicamenteuse, avant même d'aborder les adaptations de fond. Et il nous faudra faire très attention à ces Français modestes qui ne bénéficient pas de la Couverture Maladie Universelle tout en éprouvant des difficultés à souscrire une assurance mutuelle. C'est en pensant à eux qu'il faudra avoir le courage de réguler le dispositif, dont soignants et assurés doivent se sentir responsables au quotidien.
Oui, réformer c'est aussi savoir rompre avec de mauvaises habitudes, avec des comportements irresponsables. Ce défi nous concerne tous.
Réformer, c'est faire acte de courage et c'est aussi agir dans la vérité et la justice.
En sollicitant l'effort des Français, il ne s'agit pas de les désespérer mais de les entraîner. Pour ce surcroît de performance économique et de justice sociale, il faut d'abord tenir un discours vrai qui ne dissimule pas les difficultés, qui s'adresse à tous. Les Français qui appartiennent au secteur public, par définition plus à l'abri, ne peuvent pas oublier la solidarité qu'ils doivent à leurs compatriotes les plus exposés à la concurrence. Notre peuple a déjà montré dans l'histoire qu'il savait dépasser des clivages trop catégoriels, des vues trop corporatistes lorsque l'intérêt national était en jeu. Oui, il faut leur parler vrai. Agir dans la vérité, mais aussi agir dans la justice. Le gouvernement qui a en charge un pays en pleine transformation, a un devoir d'accompagnement social pour nos compatriotes qui redoutent de se retrouver au bord de la route, faute de savoir s'adapter assez rapidement. Mais attention : cela ne signifie en rien s'arque bouter sur des dispositifs d'assistance qui ont montré leur limites. L'accompagnement social c'est aussi le mouvement et l'innovation. Cela exige courage et discernement pour traiter avec justice des situations différentes qui impliquent des traitements différents. La cohésion nationale est à ce prix. Déjà, les chantiers lancés pour restructurer les banlieues qui se sont édifiées trop rapidement, les premiers contrats d'intégration ont ouvert des voies nouvelles. Nous serons à vos côtés pour poursuivre ce grand effort d'accompagnement social et d'intégration. Il y va de ce modèle social à la française qui fait la force de la France.
Le Parlement a un rôle majeur à jouer pour réussir avec vous ces adaptations. Notre société, dans sa complexité, a besoin de traits d'unions, de conciliateurs. Les députés au contact quotidien de la population sont des relais efficaces. Le Gouvernement a tout intérêt à les mettre à contribution.
Mais attention ! Il ne faut pas confondre la longueur de la loi et la vigueur de l'action. Depuis un certain nombre d'années, les gouvernements ont pris l'habitude de multiplier les textes et de prêter le flan à d'autres allongements d'origine parlementaire. C'est ainsi que la France croule sous des législations trop complexes pour être efficaces. La réhabilitation de la politique passe à coup sûr par une mise en uvre plus rapide, plus efficace de la loi. Il y faut la mobilisation de l'administration. Il y faut aussi la vigilance des parlementaires pour corriger le cas échéant les dysfonctionnements et réintroduire les souplesses nécessaires. La réforme introduite par la proposition de Jean-Luc Warsmann fera d'ailleurs obligation au rapporteur de suivre pas à pas l'exécution de la loi.
J'ai voulu centrer mon propos sur l'essentiel. On ne peut pas traiter simultanément tous les grands problèmes de société. Mais le Parlement, et il l'a déjà montré sous la houlette de notre Président Jean-Louis Debré, peut être ce lieu de réflexions et de débats qui épargne à notre pays des conflits aussi stériles que dangereux. Je pense au grand problème de la fin de vie, à celui de la tolérance républicaine, qui a donné lieu à la loi sur la laïcité. Aussi, servez-vous, Monsieur le Premier Ministre, du Parlement !
Les députés de notre groupe entendent prendre toute leur part à une action nécessaire pour faire avancer ces chantiers majeurs pour la France. Comme des capteurs d'énergie, ils peuvent susciter dans le pays cette volonté d'adaptation et de transformation sociale. Certes, nous savons les uns et les autres ce qu'il peut en coûter d'être les témoins fidèles de la vérité, les acteurs responsables du changement. Mais nous sommes prêts à en assumer les contraintes, soucieux de faire passer les intérêts de la France avant toute autre préoccupation.
C'est le sens de notre confiance exprimée aujourd'hui : confiance dans la poursuite d'une action courageuse, généreuse ; confiance à vous-même qui, malgré des attaques parfois très injustes, avez su garder courage et détermination. Confiance à l'équipe gouvernementale unie autour de vous dans la même volonté d'action.
Cette confiance à valeur d'engagement. A ceux qui restent dubitatifs, je rappelle que la cohésion du PACK de rugby exige toujours de la part des joueurs de rudes sacrifices. Il peut même arriver que le courage ne soit pas récompensé. Mais parce que le PACK est resté solide, soudé, volontaire, il réussit à l'emporter lors du match suivant. Les Bleus de France en ont fait la démonstration !
A nous aussi, tous ensemble, de faire gagner la France. Pour cela, les parlementaires du Groupe UMP voteront la confiance.
(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 6 avril 2004)