Texte intégral
Q - On vous prête l'intention de vouloir tenir demain un discours de rupture.
R - Je pense qu'en France, un changement profond, une rupture est nécessaire, indispensable. Tout le montre à mes yeux dans la situation du pays. La croissance est à zéro, le nombre des emplois ne cesse de baisser, les cerveaux s'en vont, les jeunes subissent un chômage extrêmement lourd. 70 % des Français, dans un sondage publié hier, sont pessimistes pour l'avenir, le double d'il y a seulement un an ! Tout cela montre que les résultats ne sont pas au rendez-vous malgré les assurances qui avaient été prodiguées.
Q - Comment pensez-vous créer cette rupture ?
R - Elle ne pourra intervenir qu'à l'occasion des prochaines échéances électorales, parce qu'il ne peut y avoir de vrais changements qu'avec l'adhésion des Français et un projet nouveau défendu devant eux. Cette vision de long terme, c'est ce qui manque au Gouvernement. On fait et on défait. Par exemple, on décide de privatiser les autoroutes contre toute logique et surtout contre une décision du Gouvernement et du Parlement d'il y a à peine six mois. Où est la cohérence ?
Q - Comment concilier alliance politique et perspective de rupture ?
R - J'ai choisi de ne pas participer au gouvernement et l'UDF a fait le même choix. Nous pensions que rien ne changerait, et effectivement rien n'a changé. Qui peut dire aujourd'hui que la confiance est plus grande qu'il y a cent jours ? Nous devons dire tout cela calmement, sans agressivité, mais fortement pour que les citoyens retrouvent un espoir. Les citoyens voient bien où en est la gauche et se rendent bien compte qu'il n'y a pas d'espoir de ce côté. Du côté du gouvernement, c'est la même chose. Si nous voulons offrir une perspective au pays, il faut avoir le courage de dire non quand c'est nécessaire. Nous devons montrer qu'il y a des hommes politiques capables de se tenir sur une ligne et qui ne sont pas à la merci du vent, comme des girouettes.
Q - Cette ligne, c'est une ligne de position ?
R - Cette ligne, c'est l'autonomie. Nous soutenons quand il s'agit de choix justes et nous nous opposons quand nous les croyons faux. On devrait avoir les yeux ouverts, ce qui obligerait le gouvernement à expliquer et convaincre.
Q - Gilles de Robien dit que vous servez la soupe à l'opposition.
R - Il y a des gens qui croient que l'UDF devrait être la succursale de l'UMP. Je pense tout le contraire. Tous les messages que je reçois me demandent au contraire d'être nous-mêmes, encore plus libres. Ils souhaitent une parole qui sonne vraie. Indignée à certains moments, confiante à d'autres.
Q - Les élus de l'UDF aussi ?
R - Je savais depuis le début qu'il fallait changer la culture de cette famille politique. C'est nécessaire, même si c'est difficile. Pendant vingt ans, cette famille a été réduite au silence au nom de cette vieille idée de l'union qui signifiait pour les Français qu'UDF et RPR étaient interchangeables. Pour ma part, je pense qu'il était nécessaire de lui rendre un projet et une vision qui assume sa différence. Tout le prouve aujourd'hui. C'est mon combat, et il commence à être compris. Quelque chose est en train de bouger. La gauche explose, la droite est à la veille de sa guerre interne.
Q - Mais n'est-ce pas plutôt une démarche personnelle ?
R - Nous sommes un parti démocratique avec des votes, et ceux-ci ont toujours été acquis à plus de 80 %. Pour le reste, j'ai la confiance de la base de l'UDF et je ne vais pas m'en excuser.
Q - Quelles sont les différences essentielles avec l'UMP ?
R - Je crois qu'il existe un lien indissoluble entre efficacité économique et justice sociale. L'un est la condition de l'autre, et réciproquement. Quand je vois le contrat Nouvelle embauche, qui est la liberté de licencier sans motif, sans préavis et tous les jours pendant deux ans, je pense qu'il ne peut pas donner l'idée de la justice. De plus, il a été créé sans débat, sans même que le Parlement ait eu son mot à dire. Enfin, un problème capital est éludé si l'on veut lutter contre les délocalisations : on ne peut pas continuer à concentrer toutes les charges sociales sur le travail. Il faudra aussi avoir le courage de lancer une réforme fiscale ainsi qu'une réforme de l'Etat. Il ne faut pas abandonner le modèle français, il faut le reconstruire.
Q - Comment le définiriez-vous ?
R - Le préambule de la Constitution de la République française dit qu'elle est démocratique, laïque et sociale. Eh bien, cela fait trois raisons de défendre le modèle français. A force de ne pas réformer le modèle français, nous aurons un jour la VIe avec la concentration de tous les pouvoirs dans les mêmes mains, le peuple n'est plus entendu. Il faut que le Parlement soit respecté, qu'il puisse enfin donner son avis sur les grands sujets, alors qu'on lui a interdit de le faire, même sur l'adhésion de la Turquie. Tous les courants politiques doivent y être représentés, ce qui implique une part de proportionnelle.
Q - Vous semblez effectuer un déplacement sur l'échiquier politique ?
R - Non. Le chemin que je définis est central et rassembleur pour le pays, il n'exclut personne. Même au sein de l'UMP, je sens bien qu'il y a aussi un sentiment de rage, d'impuissance face à la différence entre la vie que les Français subissent et le langage des gouvernants.
Q - Misez-vous sur une scission au sein du PS ?
R - Il y a des courants démocratiques à gauche que je respecte. Leur vision me semble incompatible avec les vieilles recettes marxistes. Mais ce n'est pas à moi de le dire. C'est leur responsabilité de choisir leur chemin.
Q - Risque-t-on de ne pas arriver jusqu'aux échéances électorales ?
R - La société française est pleine d'orages. Il y a pire encore que l'orage, c'est le risque de ne plus croire en rien.
Q - Tout était donc contenu dans le non au référendum ?
R - On avait laissé le projet européen s'éloigner des Français. Il y avait aussi un tel rejet de la manière de gouverner que c'était inéluctable. Ceux qui racontaient qu'un plan B était tout prêt dans les tiroirs, quelle responsabilité historique de tromperie portent-t-ils ! Mais cela n'empêche pas qu'il faille intégrer dans la réflexion les raisons du non. C'est nécessaire et c'est juste. Et c'est moi, européen convaincu, qui le dis !
Recueillis par Jean-Paul Brunel et Jean-Pierre Deroudille
(Source http://www.udf.org, le 30 août 2005)
R - Je pense qu'en France, un changement profond, une rupture est nécessaire, indispensable. Tout le montre à mes yeux dans la situation du pays. La croissance est à zéro, le nombre des emplois ne cesse de baisser, les cerveaux s'en vont, les jeunes subissent un chômage extrêmement lourd. 70 % des Français, dans un sondage publié hier, sont pessimistes pour l'avenir, le double d'il y a seulement un an ! Tout cela montre que les résultats ne sont pas au rendez-vous malgré les assurances qui avaient été prodiguées.
Q - Comment pensez-vous créer cette rupture ?
R - Elle ne pourra intervenir qu'à l'occasion des prochaines échéances électorales, parce qu'il ne peut y avoir de vrais changements qu'avec l'adhésion des Français et un projet nouveau défendu devant eux. Cette vision de long terme, c'est ce qui manque au Gouvernement. On fait et on défait. Par exemple, on décide de privatiser les autoroutes contre toute logique et surtout contre une décision du Gouvernement et du Parlement d'il y a à peine six mois. Où est la cohérence ?
Q - Comment concilier alliance politique et perspective de rupture ?
R - J'ai choisi de ne pas participer au gouvernement et l'UDF a fait le même choix. Nous pensions que rien ne changerait, et effectivement rien n'a changé. Qui peut dire aujourd'hui que la confiance est plus grande qu'il y a cent jours ? Nous devons dire tout cela calmement, sans agressivité, mais fortement pour que les citoyens retrouvent un espoir. Les citoyens voient bien où en est la gauche et se rendent bien compte qu'il n'y a pas d'espoir de ce côté. Du côté du gouvernement, c'est la même chose. Si nous voulons offrir une perspective au pays, il faut avoir le courage de dire non quand c'est nécessaire. Nous devons montrer qu'il y a des hommes politiques capables de se tenir sur une ligne et qui ne sont pas à la merci du vent, comme des girouettes.
Q - Cette ligne, c'est une ligne de position ?
R - Cette ligne, c'est l'autonomie. Nous soutenons quand il s'agit de choix justes et nous nous opposons quand nous les croyons faux. On devrait avoir les yeux ouverts, ce qui obligerait le gouvernement à expliquer et convaincre.
Q - Gilles de Robien dit que vous servez la soupe à l'opposition.
R - Il y a des gens qui croient que l'UDF devrait être la succursale de l'UMP. Je pense tout le contraire. Tous les messages que je reçois me demandent au contraire d'être nous-mêmes, encore plus libres. Ils souhaitent une parole qui sonne vraie. Indignée à certains moments, confiante à d'autres.
Q - Les élus de l'UDF aussi ?
R - Je savais depuis le début qu'il fallait changer la culture de cette famille politique. C'est nécessaire, même si c'est difficile. Pendant vingt ans, cette famille a été réduite au silence au nom de cette vieille idée de l'union qui signifiait pour les Français qu'UDF et RPR étaient interchangeables. Pour ma part, je pense qu'il était nécessaire de lui rendre un projet et une vision qui assume sa différence. Tout le prouve aujourd'hui. C'est mon combat, et il commence à être compris. Quelque chose est en train de bouger. La gauche explose, la droite est à la veille de sa guerre interne.
Q - Mais n'est-ce pas plutôt une démarche personnelle ?
R - Nous sommes un parti démocratique avec des votes, et ceux-ci ont toujours été acquis à plus de 80 %. Pour le reste, j'ai la confiance de la base de l'UDF et je ne vais pas m'en excuser.
Q - Quelles sont les différences essentielles avec l'UMP ?
R - Je crois qu'il existe un lien indissoluble entre efficacité économique et justice sociale. L'un est la condition de l'autre, et réciproquement. Quand je vois le contrat Nouvelle embauche, qui est la liberté de licencier sans motif, sans préavis et tous les jours pendant deux ans, je pense qu'il ne peut pas donner l'idée de la justice. De plus, il a été créé sans débat, sans même que le Parlement ait eu son mot à dire. Enfin, un problème capital est éludé si l'on veut lutter contre les délocalisations : on ne peut pas continuer à concentrer toutes les charges sociales sur le travail. Il faudra aussi avoir le courage de lancer une réforme fiscale ainsi qu'une réforme de l'Etat. Il ne faut pas abandonner le modèle français, il faut le reconstruire.
Q - Comment le définiriez-vous ?
R - Le préambule de la Constitution de la République française dit qu'elle est démocratique, laïque et sociale. Eh bien, cela fait trois raisons de défendre le modèle français. A force de ne pas réformer le modèle français, nous aurons un jour la VIe avec la concentration de tous les pouvoirs dans les mêmes mains, le peuple n'est plus entendu. Il faut que le Parlement soit respecté, qu'il puisse enfin donner son avis sur les grands sujets, alors qu'on lui a interdit de le faire, même sur l'adhésion de la Turquie. Tous les courants politiques doivent y être représentés, ce qui implique une part de proportionnelle.
Q - Vous semblez effectuer un déplacement sur l'échiquier politique ?
R - Non. Le chemin que je définis est central et rassembleur pour le pays, il n'exclut personne. Même au sein de l'UMP, je sens bien qu'il y a aussi un sentiment de rage, d'impuissance face à la différence entre la vie que les Français subissent et le langage des gouvernants.
Q - Misez-vous sur une scission au sein du PS ?
R - Il y a des courants démocratiques à gauche que je respecte. Leur vision me semble incompatible avec les vieilles recettes marxistes. Mais ce n'est pas à moi de le dire. C'est leur responsabilité de choisir leur chemin.
Q - Risque-t-on de ne pas arriver jusqu'aux échéances électorales ?
R - La société française est pleine d'orages. Il y a pire encore que l'orage, c'est le risque de ne plus croire en rien.
Q - Tout était donc contenu dans le non au référendum ?
R - On avait laissé le projet européen s'éloigner des Français. Il y avait aussi un tel rejet de la manière de gouverner que c'était inéluctable. Ceux qui racontaient qu'un plan B était tout prêt dans les tiroirs, quelle responsabilité historique de tromperie portent-t-ils ! Mais cela n'empêche pas qu'il faille intégrer dans la réflexion les raisons du non. C'est nécessaire et c'est juste. Et c'est moi, européen convaincu, qui le dis !
Recueillis par Jean-Paul Brunel et Jean-Pierre Deroudille
(Source http://www.udf.org, le 30 août 2005)