Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur la coopération bilatérale et l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, au Sénat le 9 février 2000.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je souhaite d'abord rappeler que c'est le 20 novembre 1995 à Bruxelles qu'était signé l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part. Une semaine plus tard, l'Union européenne et les douze partenaires méditerranéens, dont Israël, adoptaient la déclaration de Barcelone, acte fondateur du partenariat euro-méditerranéen.
Depuis lors, l'ensemble des pays de la région, à commencer par Israël, ont traversé bien des épreuves et connu bien des soubresauts. En dépit des difficultés rencontrées, les peuples israélien et palestinien n'ont cessé de manifester leur attachement à la paix et leur volonté de poursuivre le processus de paix. L'élection de M. Barak et la constitution d'un gouvernement en Israël soutenu par une large majorité parlementaire à la Knesset ont ravivé les espoirs mis dans une solution négociée du conflit israélo-palestinien.
Comme vous le savez, le processus de paix avait connu une éclipse pendant un peu plus de trois ans, alors que M. Netanyahou était au pouvoir. Cette situation explique le délai qui s'est écoulé depuis la conclusion de cet accord.
C'est pourquoi le Gouvernement estime opportun de saisir cette occasion pour témoigner concrètement de son engagement en faveur de la paix et de la stabilisation dans la région. Tel est le sens de l'accord d'association qui vous est présenté aujourd'hui.
Certes, la route est encore longue et il faudra aux parties beaucoup de courage et de volonté. Les récents événements illustrent, si besoin était, combien la voie est ardue. Je pense tout particulièrement au brusque regain de tension au Sud-Liban, suivi des bombardements israéliens au Liban qui ont fait de nombreux blessés civils et atteint des stations relais électriques, c'est-à-dire des objectifs civils, que nous déplorons. Nous avons appelé les deux parties à ne pas céder à la tentation de représailles ou à l'escalade.
Mais la mise en oeuvre de l'accord de Charm el-Cheikh, signé le 4 septembre 1999, et les négociations sur le statut final des territoires palestiniens qui ont véritablement débuté le 8 novembre doivent être considérés comme des signaux particulièrement encourageants, en dépit des difficultés d'application. Je mentionnerai enfin la reprise des négociations entre Israël et la Syrie le 15 décembre dernier. Malgré un processus par à coup, comme le montre le report récent d'une nouvelle session de pourparlers syro-israéliens, ce développement va aussi dans le bon sens. La communauté internationale, et plus particulièrement l'Union européenne, doit poursuivre sans relâche son appui à ce processus, en exprimant sa confiance aux dirigeants de la région, pleinement conscients de leur lourde responsabilité historique. La France, pour sa part, y est résolue.
En effet, pour la France comme pour l'Union européenne, les peuples des autres rives de la Méditerranée, qu'il s'agisse d'Israël ou de ses voisins, sont des amis proches et des partenaires essentiels. L'Europe est unie à eux par la richesse de l'histoire, la force des liens présents et la volonté de construire un avenir commun.
Je tiens à souligner qu'Israël occupe une place qui la distingue dans l'histoire de la politique méditerranéenne de l'Union. Dès 1975, un accord de coopération avait été conclu entre Israël et la Communauté, permettant très rapidement aux deux parties de renforcer leurs relations dans le cadre d'un libre-échange industriel effectif depuis 1989. En dépit de ses protocoles d'adaptation successifs, cet accord restait limité aux questions économiques et commerciales. Ainsi, dans le prolongement des accords d'Oslo, le Conseil européen d'Essen, en 1994, avait-il reconnu à Israël un statut privilégié dans l'ensemble des relations extérieures de la Communauté. La Commission a reçu mandat de négocier un nouvel accord avec Israël permettant de renforcer ces relations dans tous les domaines. Enfin, la relance de la politique méditerranéenne de l'Union, voulue par la France et consacrée par la déclaration de Barcelone en 1995, confère à la relation euro-israélienne une dimension nouvelle et particulière :
- elle s'articule autour de trois volets : un volet politique et de sécurité, un volet économique et financier et un volet social et humain,
- elle fait de l'accord d'association l'une des pierres angulaires dans la perspective de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange à l'horizon 2010,
- elle a pour ambition d'élever Israël au rang de partenaire entier dans l'ensemble euro-méditerranéen.
Signé au terme de plus de deux ans de négociations, l'accord d'association s'articule autour des principales dispositions suivantes :
- l'insertion d'une clause sur le respect des Droits de l'Homme et des principes démocratiques, qui figure désormais dans tous les accords conclus par la Communauté européenne avec des pays tiers (et qui peut aller, le cas échéant, jusqu'à la suspension de tout ou partie de l'accord) ;
- la mise en place d'un dialogue politique, portant sur les questions d'intérêt commun et notamment sur la paix et la stabilité dans la région ;
- la consolidation de la zone de libre-échange existante, en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ;
- l'introduction de dispositions relatives aux services, aux mouvements de capitaux et au droit de la concurrence ;
- l'identification de nouveaux domaines de coopération (l'environnement et la culture par exemple) ainsi que la conclusion parallèle d'un accord sur la recherche, qui a ouvert à Israël le droit de participer au quatrième, puis au cinquième programme cadre de recherche et de développement de la Communauté.
En attendant son entrée en vigueur, les dispositions économiques et commerciales de l'accord ont été mises en oeuvre par anticipation dans le cadre de l'accord intérimaire, entré en vigueur le 1er janvier 1996.
Après la Tunisie, Israël sera ainsi le deuxième partenaire méditerranéen avec lequel un accord d'association entrera en vigueur. Il sera suivi, très prochainement, du Maroc puis, plus tard, de la Jordanie et de l'Egypte, avec laquelle les négociations sont à présent terminées. Elles se poursuivent, comme vous le savez, avec le Liban, la Syrie et l'Algérie. Par ailleurs, un accord intérimaire, dont je déplore qu'il n'ait pas encore pu produire tous ses effets, est déjà entré en vigueur avec l'OLP.
Au total, les dispositions de cet accord euro-israélien conduisent à renouveler en profondeur les relations entre Israël et l'Union européenne, en les inscrivant dans le cadre d'une politique euro-méditerranéenne, ambitieuse et globale, destinée à faire de la Méditerranée une zone de stabilité et de prospérité et qui constitue désormais l'une des priorités de la politique extérieure de l'Union européenne. Notre pays a une contribution importante à apporter à ce grand projet, nous en sommes tous conscients. Très bientôt, dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, au second semestre de cette année, la France entend faire du renforcement du dialogue euro-méditerranéen une de ses priorités.
Je tiens à souligner que le processus de paix au Proche-Orient et le partenariat euro-méditerranéen sont distincts et ne doivent pas se confondre. Mais ils sont également complémentaires, ainsi que les 27 partenaires l'ont une fois encore observé lors de la IIIème Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Stuttgart, en avril dernier. Fortifier le partenariat euro-méditerranéen, favoriser la coopération sud-sud, c'est aussi contribuer à la paix.
Ces questions alimenteront désormais le dialogue politique de l'Union européenne avec Israël, notamment dans le cadre du Conseil d'association. Le nouvel accord entre l'Union européenne et Israël nous donnera ainsi les moyens d'engager un suivi régulier de la mise en oeuvre de tous les volets de l'accord, y compris ses aspects relatifs aux Droits de l'Homme.
Je n'ignore pas Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, en présentant ce texte à votre assemblée, la préoccupation que continue de susciter dans la population palestinienne la poursuite de la colonisation. Mais les négociations sur le statut final, qui viennent de débuter, pourront, je le souhaite vivement, répondre d'ici le 13 septembre 2000, aux aspirations des deux populations, israélienne et palestinienne, à la paix et à la sécurité, dans le respect des droits qui leur sont reconnus respectivement par la communauté internationale.
C'est pour appuyer les efforts en faveur de la paix, de la stabilité régionale et du développement que le gouvernement souhaite que l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, qui s'inscrit précisément dans cette logique, puisse entrer en vigueur dès que possible. Il a été soumis à l'Assemblée nationale qui l'a approuvé le 23 novembre 1999.
Telles sont, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 février 2000)