Texte intégral
En Espagne, est-ce une victoire des socialistes ou une défaite d'Aznar ?
François Hollande (PS). C'est une victoire de la démocratie.
La participation des Espagnols au vote, exceptionnelle, inflige la meilleure riposte possible au terrorisme. En même temps, elle signifie un rejet du mensonge et de la manipulation dont José Maria Aznar s'est fait l'instrument. Ce vote, c'est aussi la sanction de la politique du gouvernement sortant sur le plan social comme sur le plan diplomatique avec l'alignement inconditionnel sur Bush. Ce résultat marque enfin la confiance accordée aux socialistes espagnols qui ont su répondre aux besoins de vérité et de renouvellement.
Qui est, pour vous, leur leader José Luis Rodriguez Zapatero ?
C'est un quadra, un homme d'un nouvelle génération. Il a mené avec courage pendant quatre ans le redressement du PSOE après un échec historique. Il a fait le choix lucide d'être solidaire du gouvernement Aznar dans la lutte contre le terrorisme de l'ETA, tout en se différenciant clairement de la politique de la droite sur l'Irak. Il avait condamné l'entrée en guerre de son pays au côté des Etats-Unis. Enfin, il a su faire une synthèse entre la tradition du socialisme espagnol de lien avec les catégories populaires et les aspirations modernisatrices de ses concitoyens.
" Les gouvernements qui trompent sont sanctionnés "
L'alignement de l'Espagne sur Bush, c'est fini ?
Oui. Le vote des Espagnols, c'est celui d'une liberté retrouvée par rapport à la politique de George Bush suivie aveuglément par Aznar. Les terroristes n'y sont pour rien. Avant même le scrutin et les attentats, Zapatero avait clairement dit que, s'il gagnait, il retirerait les troupes espagnoles d'Irak.
Quelles leçons les socialistes français en tirent-ils ?
La première leçon vaut pour tous : face aux menaces et aux agressions terroristes, la principale arme des démocraties, c'est leur vitalité, c'est-à-dire le vote et l'esprit civique. La seconde leçon s'adresse aux socialistes : lorsqu'on mène le combat avec obstination et conviction, lorsqu'on affirme fièrement son identité politique tout en faisant passer le renouvellement, la victoire est possible. Enfin, l'éthique est devenue un repère essentiel : les gouvernements qui mentent, qui trompent, qui abusent leur opinion publique sont sanctionnés.
Le terrorisme inquiète l'Europe...
Nous sommes en guerre. Et l'Europe n'est pas à la hauteur de la menace qui pèse sur elle. Ce qui m'a frappé lors de la manifestation de vendredi à Madrid, c'est l'absence de très nombreux chefs d'Etat et de gouvernement qui auraient dû être tous là. Il y a beaucoup trop de retard dans la coordination des politiques de sécurité et de justice. L'Union européenne doit être plus unie, plus cohérente et plus autonome dans ses choix de politique étrangère.
Souhaitez-vous qu'en France l'opposition soit davantage associée à la lutte contre le terrorisme ?
Oui. Nous devons être non seulement solidaires de cette lutte, mais même partie prenante. Il est de la responsabilité du gouvernement d'associer l'opposition par les voies qui lui paraîtront les plus appropriées à l'information et à la connaissance des menaces. Je pense à l'affaire AZF. Nous sommes disponibles car, lorsque l'intérêt national et la sécurité des citoyens sont en jeu, il n'y a pas de place pour la polémique ou la confrontation.
Des menaces ont été proférées contre la France après la loi sur le voile. Fallait-il la voter ?
La laïcité est la meilleure réponse au respect de la liberté religieuse de nos concitoyens. Elle n'est pas négociable au plan intérieur, encore moins au plan international.
" Nous sommes la seule opposition qui vaille "
Appelez-vous à un vote sanction le 21 mars ?
Dans toute élection nationale - et c'est le cas -, il y a pour tout gouvernement risque de sanction. Or, aujourd'hui, de nombreux Français sont mécontents (le mot est faible), et il y a même beaucoup d'objets de colère. La meilleure manière d'exprimer positivement sa désapprobation, c'est de voter. Je préfère que les Français trouvent le chemin des urnes plutôt que celui de la rue. Le vote doit être utile à la fois pour se protéger compte tenu des décisions que prépare le gouvernement en matière de Sécurité sociale, de droit du travail, de privatisation des services publics, mais aussi pour assurer les changements que nous proposons. Dès les élections de 2004, nous pouvons modifier la vie de nos concitoyens.
Lionel Jospin est réapparu ce week-end. Une rentrée très commentée...
A force, les commentaires vont s'épuiser. Lionel Jospin s'exprime comme il est naturel qu'un ancien Premier ministre le fasse et comme un militant socialiste a le devoir de le faire. Ceux qui s'en étonnent devraient comprendre qu'on peut faire des déclarations et afficher son soutien à des candidats sans être soi-même candidat à la présidentielle.
La concurrence d'André Santini en Ile-de-France et, au-delà, celle des candidats UDF vous trouble-t-elle ?
Si concurrence il y a, elle est à droite, et elle est féroce et déstabilisatrice pour la majorité. Nous sommes la seule opposition qui vaille, puisque nous sommes les seuls au Parlement à voter contre les textes du gouvernement et à proposer, avec d'autres, une alternative. Chacun sait que l'UMP et l'UDF se retrouveront au second tour : François Bayrou est pris dans une contradiction qui le piège. Quant à André Santini, il essaye de faire de la politique en souriant, mais le programme qu'il propose est triste comme la politique de Raffarin. Puisque c'est la même.
Pour le PS, quel sera le 21 mars le critère de la victoire ou de la défaite ?
La règle est simple : la gauche aura gagné si elle augmente le nombre de régions dont elle a aujourd'hui la responsabilité, c'est-à-dire huit sur vingt-deux. Nous devons donc essayer de garder celles que nous avons, et parvenir à en conquérir d'autres.
Pour 2007, on parle de Fabius, Strauss-Kahn, Delanoë et même Jospin. Beaucoup moins de vous...
J'ai la responsabilité du PS. Dans la vie politique, ce qui compte ce sont les actes et non les proclamations. Quels que soient les résultats des 21 et 28 mars, nous aurons à nous atteler à la confection d'un projet pour 2007. Telle est mon ambition car c'est la condition sine qua non du succès.
Diriez-vous de Zapatero qu'il est votre jumeau en politique ?
Nous sommes de la même génération. Nous avons l'un comme l'autre surmonté un échec grave. Nous avons su rassembler notre parti. Maintenant, il est au pouvoir. Je me reconnais dans la façon dont il défend ses convictions.
Propos recueillis par Philippe Martinat et Dominique de Montvalon
(Source http://www.ps.fr, le 17 mars 2004)
18 mars 2004
Q- S. Paoli-. Sera-ce un vote sanction ? Ainsi que l'augure le dernier sondage publié, sondage Sofres, concernant les régionales et cantonales dont le premier tour interviendra dimanche. L'abstention sera-t-elle une fois encore, l'un des faits dominants du scrutin ? La question du terrorisme est-elle politiquement exploitée, comme s'en accusent mutuellement, la droite et la gauche ? Invité de Question Directe, en duplex à Tulles, F. Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, député maire de Tulle, bonjour.
R- "Bonjour."
Q- Y a-t-il décidément, instrumentalisation politique de la question du terrorisme ? La droite et la gauche s'en rejettent la responsabilité.
R- "Soyons clairs : la lutte contre le terrorisme, après ce qui s'est produit à Madrid et, il y a maintenant près de deux ans, à New York et Washington, appelle la solidarité et l'union de tous, et il ne faudrait en aucune manière, à quelques jours, à quelques heures d'un scrutin, régional et cantonal, mais qui aura, on le sait, une portée nationale, utiliser le thème ou la peur du terrorisme à des fins électoralistes. En revanche, je pense ce que demandent les Français c'est qu'on ne confonde pas la transparence nécessaire, l'exigence de vérité indispensable, avec la publicité de toutes les menaces d'où qu'elles viennent. Donc ça demande, je crois, de la vigilance, ça demande du respect, ça demande de l'intelligence collective. C'est pourquoi, nous, l'opposition, nous avons demandé, et le gouvernement a fini par nous donner raison, qu'il y ait au niveau du Premier ministre, avec les groupes parlementaires, une association à l'information et aux éventuelles menaces qui pourraient peser sur notre territoire."
Q- Oui, le problème c'est que, maintenant, il y a la suspicion partout, tout le temps. Peut-être avez-vous entendu les propos de X. Bertrand de l'UMP, dans le journal de 8H00, vous accuser d'avoir prononcé des mots et au fond, avoir eu une attitude irresponsable quand vous évoquiez ce que vous jugiez, vous, être l'exemple espagnol, c'est-à-dire la bascule de l'opinion après ce qu'il faut bien appeler, le mensonge du gouvernement Aznar.
R- "C'était la moindre des choses que de revenir sur ce qu'a été le cas espagnol justement, c'est-à-dire une leçon exemplaire de démocratie. Un peuple qui est touché dans sa chair, à travers un attentat odieux, lâche, qui a eu des conséquences, on le sait, considérables sur les victimes d'abord et sur leurs familles, oui c'était une réaction comme il convenait de la part du peuple espagnol, de sanctionner non pas simplement le terrorisme - ça il fallait répondre par une participation civique exceptionnelle, elle l'a été - mais de sanctionner le mensonge, c'était la moindre des choses que de le faire, et je pense que nous n'avons pas nous, la gauche essayé de récupérer, là encore, le vote des Espagnols. Nous avons dit : entendons la leçon du peuple espagnol qui a réagi contre le terrorisme, en donnant une formidable leçon de démocratie, et en condamnant par ailleurs, le mensonge de gouvernants qui voulaient désigner des auteurs, avant même de savoir qui avait commis les actes, voire même sachant qui avait commis les actes, continuaient à désigner les mêmes auteurs à des fins électorales. Je pense que la droite française devrait entendre ce qui s'est produit en Espagne, pour ne pas justement reproduire ce qui, en France, serait forcément mal jugé."
Q- Mais comment la droite et la gauche française sauront-elles nous convaincre, nous les citoyens, qu'il n'y a pas décidément instrumentalisation politique de ces questions ? Par exemple, fallait-il ou non publier des communiqués de menaces ? Même à droite, le débat est ouvert s'agissant ce qui vient de se passer, concernant les derniers communiqués terroristes.
R- "Moi, je ne pense pas qu'il faille mettre de la polémique. Je l'ai dit, il y a suffisamment de raisons de se prononcer pour les élections qui viennent - raisons nationales, raisons régionales, départementales - sans pour autant justement faire ce que serait le jeu des menaces terroristes, c'est-à-dire utiliser le thème à des fins électorales. Alors, s'il y a une polémique, si j'ai bien compris, elle est à l'intérieur du Gouvernement. Il semble qu'entre le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice, il y ait eu débat sur la publicité qu'il fallait donner à d'éventuelles menaces, en l'occurrence à des lettres dont on ne savait pas si elles provenaient d'auteurs ou de groupes identifiés comme terroristes. Moi je ne sais rien, je n'ai aucune information. Et d'ailleurs est-ce normal que l'opposition n'ait aucune information, que les groupes parlementaires, n'aient aucune information ? Certes, il faut garder le secret, la discrétion lorsqu'il y a des craintes, ou lorsqu'il y a des vérifications à faire. Mais pourquoi donner une publicité, à tort ou à raison, je n'en sais rien, et ne pas donner l'information aux groupes parlementaires, qui savent justement à un moment, savoir ce qui doit être dit, ce qui doit rester à un moment confidentiel. C'est pour ça que nous avons demandé cette réunion, elle aura lieu aujourd'hui et je pense que c'est une bonne démarche. Mais, à l'évidence, le scrutin de dimanche, il doit revenir pour ce qu'il est, c'est-à-dire deux ans après la constitution du gouvernement Raffarin, nous pouvons évaluer ses résultats, porter un jugement, je l'ai dit, prononcer une sanction, et nous savons bien que nous n'en aurons plus l'occasion, avant trois ans. Donc ça mérite, je crois, la mobilisation de tous. Moi si j'ai un message, un appel à lancer aujourd'hui, c'est celui du vote, c'est parce que lorsqu'on a des sujets de mécontentement, et il y en a, lorsqu'on veut prononcer un certain nombre d'expressions, lorsqu'on veut à un moment, dire sa voix, eh bien il faut voter. Ce n'est pas simplement en allant rejoindre un moment, les cortèges de manifestants, non. Lorsqu'on a l'occasion de pouvoir saisir le droit de vote, comme moyen d'expression, on l'utilise. Et ce qui à mon avis doit être blâmé dans l'instant, c'est le pari que fait le gouvernement justement, de l'abstention."
Q- Mais alors, là voilà à nouveau que se pose la question, sinon de la vérité, ou moins de là où se situe la parole politique. Il s'agit tout de même d'élections régionales et cantonales. Et à vous écouter les uns et les autres, et encore une fois, à droite comme à gauche, on entend beaucoup plus mettre en valeur des enjeux, qui portent sur un test national, et sur des questions qui sont plus d'ordre de politique internationale, géopolitiques. On a l'impression que cantonales et régionales c'est passé à la trappe.
R- "Non, ne soyons pas, là aussi, dans la caricature. Il y a un enjeu national, je viens de l'évoquer, c'est la seule consultation nationale, qui aura lieu dans la législature, deux ans après de ce que l'on sait du 21 avril, de la politique Raffarin, menée depuis deux ans, et il n'y aura pas d'autre scrutin, avant trois ans, alors je crois que ça mérite de la considération. Alors maintenant, il y a un enjeu régional et départemental, et vous avez raison, et c'est pour ça que nous disons : il est nécessaire de sanctionner, à nos yeux, la politique du gouvernement Raffarin, injuste, inefficace, imprévoyante, mérite d'être condamnée - il n'y aura pas d'autre moyen de le faire que le vote -, deuxièmement, il faut se protéger par rapport à des menaces qui existent, je ne parle pas là, de menaces liées au terrorisme, je parle de menaces tout simplement, et c'est déjà suffisamment grave, liées à la Sécurité sociale, puisqu'il va y avoir des décisions, qui sont déjà prises, mais qui ne sont pas révélées, sur l'Assurance maladie, menaces par rapport au droit du travail, menaces par rapport à la privatisation des services publics. Donc le vote ça sert aussi, à porter un coup d'arrêt. Et puis il y a un troisième intérêt du vote, c'est l'action. C'est vrai qu'en utilisant les compétences des régions, et des départements, nous pouvons changer la vie quotidienne de nos concitoyens. Par exemple, nous avons dans toutes les régions où la gauche sera majoritaire il y aura la création d'emplois dans les associations, notamment pour les jeunes, emplois durables, parce que ça permettra justement de compenser les suppressions des emplois jeunes, que le gouvernement Raffarin a décidé au lendemain des élections de 2002. Deuxièmement, nous avons dit gratuité pour les livres scolaires pour les lycéens, nous avons dit mise à disposition d'un ordinateur pour tous les jeunes, nous avons dit chèque-culture pour accéder plus facilement aujourd'hui à ce qui est un droit essentiel qui est la culture, ou même de prendre en charge les licences sportives pour les familles. Nous avons dit " plan régional de formation professionnelle " pour les personnes qui sont les plus loin de l'emploi, qui ont été victimes de plans de licenciement. Nous avons dit priorité pour l'éducation, pour la formation professionnelle, parce que c'est la voie possible pour l'emploi. Voilà ce qu'on peut décider aujourd'hui dans les régions et dans les départements. Je donnerais juste un chiffre pour bien mesurer l'enjeu : 70 % des investissements publics aujourd'hui sont le fait des régions, des départements et des intercommunalités. Donc nous pouvons décider de notre avenir, de celui des territoires, d'ores et déjà, pour les élections régionales et cantonales. C'est donc un vote éminemment politique."
Q- Juste un dernier petit mot, mais il est important F. Hollande. Vous avez dit une chose importante : la politique peut changer la vie. Il se trouve qu'hier, dans les pages de Libération, Anne Muxel, qui est la directrice de recherche du CEVIPOF, le Centre d'étude de la vie politique française, disait aujourd'hui, je cite mot à mot : " plus personne ne croit que la politique peut changer la vie. "
R- "Mais vous vous rendez compte, si moi je prononçais un tel jugement, à la veille d'un vote ? Si on pense que ce que nous mobilisons comme crédits publics, ce que nous pouvons décider par la voie législative, ou par la voie de l'action publique, au niveau d'une région ou d'un département, ça ne servait à rien ? Mais ça serait la fin de la démocratie, ça ne serait même pas la peine d'aller voter. Et donc, je crois qu'il n'y a pas pire condamnation de l'avenir que d'imaginer que la politique, que le choix électoral, que la démocratie ça ne sert à rien. S'il y a un message à faire passer, c'est un message de confiance dans la démocratie, non pas dans les politiques, mais au moins dans la politique et dans le vote. Je ne suis pas là pour commenter finalement des commentaires, je suis là pour convaincre les citoyens que s'ils veulent s'emparer de leur avenir, c'est par le vote. Après, il est trop tard, et que lorsque nous sommes touchés au cur, par la démobilisation, la dépolitisation, lorsque le Gouvernement fait le choix de l'abstention, quand il supprime les campagnes d'information sur l'inscription des jeunes sur les listes électorales, lorsqu'il annule les spots télévisés, qui devaient expliquer le scrutin pour des raisons budgétaires, et lorsqu'en plus, il ferme les bureaux de vote dans les grandes villes à 18H00, 19H00, alors que c'était 20H00 jusqu'à présent, qu'est-ce qu'il cherche sinon, à dire aux Français : " finalement, ne vous déplacez pas ça ne sert à rien ". Eh bien moi je dis si, venez voter, prenez vos responsabilités, votez pour les uns, pour les autres, venez voter, exprimez-vous, dites votre choix, refusez ce que vous n'acceptez pas, et en même temps faites confiance à l'avenir, faites vous confiance, parce que la démocratie c'est la confiance non pas à l'égard des politiques, c'est une confiance à l'égard des citoyens. Voilà le message, que je veux passer ce matin."
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 18 mars 2004)
François Hollande (PS). C'est une victoire de la démocratie.
La participation des Espagnols au vote, exceptionnelle, inflige la meilleure riposte possible au terrorisme. En même temps, elle signifie un rejet du mensonge et de la manipulation dont José Maria Aznar s'est fait l'instrument. Ce vote, c'est aussi la sanction de la politique du gouvernement sortant sur le plan social comme sur le plan diplomatique avec l'alignement inconditionnel sur Bush. Ce résultat marque enfin la confiance accordée aux socialistes espagnols qui ont su répondre aux besoins de vérité et de renouvellement.
Qui est, pour vous, leur leader José Luis Rodriguez Zapatero ?
C'est un quadra, un homme d'un nouvelle génération. Il a mené avec courage pendant quatre ans le redressement du PSOE après un échec historique. Il a fait le choix lucide d'être solidaire du gouvernement Aznar dans la lutte contre le terrorisme de l'ETA, tout en se différenciant clairement de la politique de la droite sur l'Irak. Il avait condamné l'entrée en guerre de son pays au côté des Etats-Unis. Enfin, il a su faire une synthèse entre la tradition du socialisme espagnol de lien avec les catégories populaires et les aspirations modernisatrices de ses concitoyens.
" Les gouvernements qui trompent sont sanctionnés "
L'alignement de l'Espagne sur Bush, c'est fini ?
Oui. Le vote des Espagnols, c'est celui d'une liberté retrouvée par rapport à la politique de George Bush suivie aveuglément par Aznar. Les terroristes n'y sont pour rien. Avant même le scrutin et les attentats, Zapatero avait clairement dit que, s'il gagnait, il retirerait les troupes espagnoles d'Irak.
Quelles leçons les socialistes français en tirent-ils ?
La première leçon vaut pour tous : face aux menaces et aux agressions terroristes, la principale arme des démocraties, c'est leur vitalité, c'est-à-dire le vote et l'esprit civique. La seconde leçon s'adresse aux socialistes : lorsqu'on mène le combat avec obstination et conviction, lorsqu'on affirme fièrement son identité politique tout en faisant passer le renouvellement, la victoire est possible. Enfin, l'éthique est devenue un repère essentiel : les gouvernements qui mentent, qui trompent, qui abusent leur opinion publique sont sanctionnés.
Le terrorisme inquiète l'Europe...
Nous sommes en guerre. Et l'Europe n'est pas à la hauteur de la menace qui pèse sur elle. Ce qui m'a frappé lors de la manifestation de vendredi à Madrid, c'est l'absence de très nombreux chefs d'Etat et de gouvernement qui auraient dû être tous là. Il y a beaucoup trop de retard dans la coordination des politiques de sécurité et de justice. L'Union européenne doit être plus unie, plus cohérente et plus autonome dans ses choix de politique étrangère.
Souhaitez-vous qu'en France l'opposition soit davantage associée à la lutte contre le terrorisme ?
Oui. Nous devons être non seulement solidaires de cette lutte, mais même partie prenante. Il est de la responsabilité du gouvernement d'associer l'opposition par les voies qui lui paraîtront les plus appropriées à l'information et à la connaissance des menaces. Je pense à l'affaire AZF. Nous sommes disponibles car, lorsque l'intérêt national et la sécurité des citoyens sont en jeu, il n'y a pas de place pour la polémique ou la confrontation.
Des menaces ont été proférées contre la France après la loi sur le voile. Fallait-il la voter ?
La laïcité est la meilleure réponse au respect de la liberté religieuse de nos concitoyens. Elle n'est pas négociable au plan intérieur, encore moins au plan international.
" Nous sommes la seule opposition qui vaille "
Appelez-vous à un vote sanction le 21 mars ?
Dans toute élection nationale - et c'est le cas -, il y a pour tout gouvernement risque de sanction. Or, aujourd'hui, de nombreux Français sont mécontents (le mot est faible), et il y a même beaucoup d'objets de colère. La meilleure manière d'exprimer positivement sa désapprobation, c'est de voter. Je préfère que les Français trouvent le chemin des urnes plutôt que celui de la rue. Le vote doit être utile à la fois pour se protéger compte tenu des décisions que prépare le gouvernement en matière de Sécurité sociale, de droit du travail, de privatisation des services publics, mais aussi pour assurer les changements que nous proposons. Dès les élections de 2004, nous pouvons modifier la vie de nos concitoyens.
Lionel Jospin est réapparu ce week-end. Une rentrée très commentée...
A force, les commentaires vont s'épuiser. Lionel Jospin s'exprime comme il est naturel qu'un ancien Premier ministre le fasse et comme un militant socialiste a le devoir de le faire. Ceux qui s'en étonnent devraient comprendre qu'on peut faire des déclarations et afficher son soutien à des candidats sans être soi-même candidat à la présidentielle.
La concurrence d'André Santini en Ile-de-France et, au-delà, celle des candidats UDF vous trouble-t-elle ?
Si concurrence il y a, elle est à droite, et elle est féroce et déstabilisatrice pour la majorité. Nous sommes la seule opposition qui vaille, puisque nous sommes les seuls au Parlement à voter contre les textes du gouvernement et à proposer, avec d'autres, une alternative. Chacun sait que l'UMP et l'UDF se retrouveront au second tour : François Bayrou est pris dans une contradiction qui le piège. Quant à André Santini, il essaye de faire de la politique en souriant, mais le programme qu'il propose est triste comme la politique de Raffarin. Puisque c'est la même.
Pour le PS, quel sera le 21 mars le critère de la victoire ou de la défaite ?
La règle est simple : la gauche aura gagné si elle augmente le nombre de régions dont elle a aujourd'hui la responsabilité, c'est-à-dire huit sur vingt-deux. Nous devons donc essayer de garder celles que nous avons, et parvenir à en conquérir d'autres.
Pour 2007, on parle de Fabius, Strauss-Kahn, Delanoë et même Jospin. Beaucoup moins de vous...
J'ai la responsabilité du PS. Dans la vie politique, ce qui compte ce sont les actes et non les proclamations. Quels que soient les résultats des 21 et 28 mars, nous aurons à nous atteler à la confection d'un projet pour 2007. Telle est mon ambition car c'est la condition sine qua non du succès.
Diriez-vous de Zapatero qu'il est votre jumeau en politique ?
Nous sommes de la même génération. Nous avons l'un comme l'autre surmonté un échec grave. Nous avons su rassembler notre parti. Maintenant, il est au pouvoir. Je me reconnais dans la façon dont il défend ses convictions.
Propos recueillis par Philippe Martinat et Dominique de Montvalon
(Source http://www.ps.fr, le 17 mars 2004)
18 mars 2004
Q- S. Paoli-. Sera-ce un vote sanction ? Ainsi que l'augure le dernier sondage publié, sondage Sofres, concernant les régionales et cantonales dont le premier tour interviendra dimanche. L'abstention sera-t-elle une fois encore, l'un des faits dominants du scrutin ? La question du terrorisme est-elle politiquement exploitée, comme s'en accusent mutuellement, la droite et la gauche ? Invité de Question Directe, en duplex à Tulles, F. Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, député maire de Tulle, bonjour.
R- "Bonjour."
Q- Y a-t-il décidément, instrumentalisation politique de la question du terrorisme ? La droite et la gauche s'en rejettent la responsabilité.
R- "Soyons clairs : la lutte contre le terrorisme, après ce qui s'est produit à Madrid et, il y a maintenant près de deux ans, à New York et Washington, appelle la solidarité et l'union de tous, et il ne faudrait en aucune manière, à quelques jours, à quelques heures d'un scrutin, régional et cantonal, mais qui aura, on le sait, une portée nationale, utiliser le thème ou la peur du terrorisme à des fins électoralistes. En revanche, je pense ce que demandent les Français c'est qu'on ne confonde pas la transparence nécessaire, l'exigence de vérité indispensable, avec la publicité de toutes les menaces d'où qu'elles viennent. Donc ça demande, je crois, de la vigilance, ça demande du respect, ça demande de l'intelligence collective. C'est pourquoi, nous, l'opposition, nous avons demandé, et le gouvernement a fini par nous donner raison, qu'il y ait au niveau du Premier ministre, avec les groupes parlementaires, une association à l'information et aux éventuelles menaces qui pourraient peser sur notre territoire."
Q- Oui, le problème c'est que, maintenant, il y a la suspicion partout, tout le temps. Peut-être avez-vous entendu les propos de X. Bertrand de l'UMP, dans le journal de 8H00, vous accuser d'avoir prononcé des mots et au fond, avoir eu une attitude irresponsable quand vous évoquiez ce que vous jugiez, vous, être l'exemple espagnol, c'est-à-dire la bascule de l'opinion après ce qu'il faut bien appeler, le mensonge du gouvernement Aznar.
R- "C'était la moindre des choses que de revenir sur ce qu'a été le cas espagnol justement, c'est-à-dire une leçon exemplaire de démocratie. Un peuple qui est touché dans sa chair, à travers un attentat odieux, lâche, qui a eu des conséquences, on le sait, considérables sur les victimes d'abord et sur leurs familles, oui c'était une réaction comme il convenait de la part du peuple espagnol, de sanctionner non pas simplement le terrorisme - ça il fallait répondre par une participation civique exceptionnelle, elle l'a été - mais de sanctionner le mensonge, c'était la moindre des choses que de le faire, et je pense que nous n'avons pas nous, la gauche essayé de récupérer, là encore, le vote des Espagnols. Nous avons dit : entendons la leçon du peuple espagnol qui a réagi contre le terrorisme, en donnant une formidable leçon de démocratie, et en condamnant par ailleurs, le mensonge de gouvernants qui voulaient désigner des auteurs, avant même de savoir qui avait commis les actes, voire même sachant qui avait commis les actes, continuaient à désigner les mêmes auteurs à des fins électorales. Je pense que la droite française devrait entendre ce qui s'est produit en Espagne, pour ne pas justement reproduire ce qui, en France, serait forcément mal jugé."
Q- Mais comment la droite et la gauche française sauront-elles nous convaincre, nous les citoyens, qu'il n'y a pas décidément instrumentalisation politique de ces questions ? Par exemple, fallait-il ou non publier des communiqués de menaces ? Même à droite, le débat est ouvert s'agissant ce qui vient de se passer, concernant les derniers communiqués terroristes.
R- "Moi, je ne pense pas qu'il faille mettre de la polémique. Je l'ai dit, il y a suffisamment de raisons de se prononcer pour les élections qui viennent - raisons nationales, raisons régionales, départementales - sans pour autant justement faire ce que serait le jeu des menaces terroristes, c'est-à-dire utiliser le thème à des fins électorales. Alors, s'il y a une polémique, si j'ai bien compris, elle est à l'intérieur du Gouvernement. Il semble qu'entre le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice, il y ait eu débat sur la publicité qu'il fallait donner à d'éventuelles menaces, en l'occurrence à des lettres dont on ne savait pas si elles provenaient d'auteurs ou de groupes identifiés comme terroristes. Moi je ne sais rien, je n'ai aucune information. Et d'ailleurs est-ce normal que l'opposition n'ait aucune information, que les groupes parlementaires, n'aient aucune information ? Certes, il faut garder le secret, la discrétion lorsqu'il y a des craintes, ou lorsqu'il y a des vérifications à faire. Mais pourquoi donner une publicité, à tort ou à raison, je n'en sais rien, et ne pas donner l'information aux groupes parlementaires, qui savent justement à un moment, savoir ce qui doit être dit, ce qui doit rester à un moment confidentiel. C'est pour ça que nous avons demandé cette réunion, elle aura lieu aujourd'hui et je pense que c'est une bonne démarche. Mais, à l'évidence, le scrutin de dimanche, il doit revenir pour ce qu'il est, c'est-à-dire deux ans après la constitution du gouvernement Raffarin, nous pouvons évaluer ses résultats, porter un jugement, je l'ai dit, prononcer une sanction, et nous savons bien que nous n'en aurons plus l'occasion, avant trois ans. Donc ça mérite, je crois, la mobilisation de tous. Moi si j'ai un message, un appel à lancer aujourd'hui, c'est celui du vote, c'est parce que lorsqu'on a des sujets de mécontentement, et il y en a, lorsqu'on veut prononcer un certain nombre d'expressions, lorsqu'on veut à un moment, dire sa voix, eh bien il faut voter. Ce n'est pas simplement en allant rejoindre un moment, les cortèges de manifestants, non. Lorsqu'on a l'occasion de pouvoir saisir le droit de vote, comme moyen d'expression, on l'utilise. Et ce qui à mon avis doit être blâmé dans l'instant, c'est le pari que fait le gouvernement justement, de l'abstention."
Q- Mais alors, là voilà à nouveau que se pose la question, sinon de la vérité, ou moins de là où se situe la parole politique. Il s'agit tout de même d'élections régionales et cantonales. Et à vous écouter les uns et les autres, et encore une fois, à droite comme à gauche, on entend beaucoup plus mettre en valeur des enjeux, qui portent sur un test national, et sur des questions qui sont plus d'ordre de politique internationale, géopolitiques. On a l'impression que cantonales et régionales c'est passé à la trappe.
R- "Non, ne soyons pas, là aussi, dans la caricature. Il y a un enjeu national, je viens de l'évoquer, c'est la seule consultation nationale, qui aura lieu dans la législature, deux ans après de ce que l'on sait du 21 avril, de la politique Raffarin, menée depuis deux ans, et il n'y aura pas d'autre scrutin, avant trois ans, alors je crois que ça mérite de la considération. Alors maintenant, il y a un enjeu régional et départemental, et vous avez raison, et c'est pour ça que nous disons : il est nécessaire de sanctionner, à nos yeux, la politique du gouvernement Raffarin, injuste, inefficace, imprévoyante, mérite d'être condamnée - il n'y aura pas d'autre moyen de le faire que le vote -, deuxièmement, il faut se protéger par rapport à des menaces qui existent, je ne parle pas là, de menaces liées au terrorisme, je parle de menaces tout simplement, et c'est déjà suffisamment grave, liées à la Sécurité sociale, puisqu'il va y avoir des décisions, qui sont déjà prises, mais qui ne sont pas révélées, sur l'Assurance maladie, menaces par rapport au droit du travail, menaces par rapport à la privatisation des services publics. Donc le vote ça sert aussi, à porter un coup d'arrêt. Et puis il y a un troisième intérêt du vote, c'est l'action. C'est vrai qu'en utilisant les compétences des régions, et des départements, nous pouvons changer la vie quotidienne de nos concitoyens. Par exemple, nous avons dans toutes les régions où la gauche sera majoritaire il y aura la création d'emplois dans les associations, notamment pour les jeunes, emplois durables, parce que ça permettra justement de compenser les suppressions des emplois jeunes, que le gouvernement Raffarin a décidé au lendemain des élections de 2002. Deuxièmement, nous avons dit gratuité pour les livres scolaires pour les lycéens, nous avons dit mise à disposition d'un ordinateur pour tous les jeunes, nous avons dit chèque-culture pour accéder plus facilement aujourd'hui à ce qui est un droit essentiel qui est la culture, ou même de prendre en charge les licences sportives pour les familles. Nous avons dit " plan régional de formation professionnelle " pour les personnes qui sont les plus loin de l'emploi, qui ont été victimes de plans de licenciement. Nous avons dit priorité pour l'éducation, pour la formation professionnelle, parce que c'est la voie possible pour l'emploi. Voilà ce qu'on peut décider aujourd'hui dans les régions et dans les départements. Je donnerais juste un chiffre pour bien mesurer l'enjeu : 70 % des investissements publics aujourd'hui sont le fait des régions, des départements et des intercommunalités. Donc nous pouvons décider de notre avenir, de celui des territoires, d'ores et déjà, pour les élections régionales et cantonales. C'est donc un vote éminemment politique."
Q- Juste un dernier petit mot, mais il est important F. Hollande. Vous avez dit une chose importante : la politique peut changer la vie. Il se trouve qu'hier, dans les pages de Libération, Anne Muxel, qui est la directrice de recherche du CEVIPOF, le Centre d'étude de la vie politique française, disait aujourd'hui, je cite mot à mot : " plus personne ne croit que la politique peut changer la vie. "
R- "Mais vous vous rendez compte, si moi je prononçais un tel jugement, à la veille d'un vote ? Si on pense que ce que nous mobilisons comme crédits publics, ce que nous pouvons décider par la voie législative, ou par la voie de l'action publique, au niveau d'une région ou d'un département, ça ne servait à rien ? Mais ça serait la fin de la démocratie, ça ne serait même pas la peine d'aller voter. Et donc, je crois qu'il n'y a pas pire condamnation de l'avenir que d'imaginer que la politique, que le choix électoral, que la démocratie ça ne sert à rien. S'il y a un message à faire passer, c'est un message de confiance dans la démocratie, non pas dans les politiques, mais au moins dans la politique et dans le vote. Je ne suis pas là pour commenter finalement des commentaires, je suis là pour convaincre les citoyens que s'ils veulent s'emparer de leur avenir, c'est par le vote. Après, il est trop tard, et que lorsque nous sommes touchés au cur, par la démobilisation, la dépolitisation, lorsque le Gouvernement fait le choix de l'abstention, quand il supprime les campagnes d'information sur l'inscription des jeunes sur les listes électorales, lorsqu'il annule les spots télévisés, qui devaient expliquer le scrutin pour des raisons budgétaires, et lorsqu'en plus, il ferme les bureaux de vote dans les grandes villes à 18H00, 19H00, alors que c'était 20H00 jusqu'à présent, qu'est-ce qu'il cherche sinon, à dire aux Français : " finalement, ne vous déplacez pas ça ne sert à rien ". Eh bien moi je dis si, venez voter, prenez vos responsabilités, votez pour les uns, pour les autres, venez voter, exprimez-vous, dites votre choix, refusez ce que vous n'acceptez pas, et en même temps faites confiance à l'avenir, faites vous confiance, parce que la démocratie c'est la confiance non pas à l'égard des politiques, c'est une confiance à l'égard des citoyens. Voilà le message, que je veux passer ce matin."
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 18 mars 2004)