Texte intégral
O. de Lagarde - Votre contrat "Nouvelle embauche" est présenté comme la mesure phare du Gouvernement dans la lutte contre le chômage. Mais avant même qu'il soit adopté, vous êtes déjà obligé de le corriger. Il devait permettre un allongement de la période d'essai à deux ans. En fait, il ne s'agit plus aujourd'hui que de "procédure de rupture simplifiée". Est-ce que cela revient au même ?
J.-L. Borloo - Oui, cela revient au même. La question, c'est quoi ?
Q- La question posée, c'est de savoir...
R- Non, non, la question qui est posée, à laquelle D. de Villepin a voulu répondre... On a 1.7 millions d'entrepreneurs qui travaillent seuls. Et puis, presque autant qui travaillent à deux ou trois personnes. Quand vous travaillez seuls, prendre la décision de recruter, donc de doubler vos charges, c'est une marche considérable. C'est compliqué, en termes de papiers, d'obligations financières et sociales. Vous rentrez dans un autre univers et puis, là, vous ne savez pas si la marche n'est pas trop... Il y a une véritable incertitude. Qu'est-ce qui se passe jusqu'à présent ? Au fond, [dans] 70 % des cas, ou on ne recrutait pas du tout ou [on recrutait sur] des CDD de moins de quatre mois et demi, qui ne donnaient aucun droit au salarié. Donc, on est dans une situation qui était paradoxale, parce qu'à la fois il y avait l'appréhension de celui qui doit recruter, et de l'autre côté, il y a des salariés qui n'avaient pas les mêmes garanties que quand on rentre à l'Aérospatiale ou chez Renault. Et donc, l'objectif du Premier ministre, c'est d'améliorer à la fois les conditions des salariés, pour que ça soit attractif, et réduire cette appréhension et simplifier l'embauche dans des très petites entreprises. Penser que tout notre système doit être strictement le même pour un recrutement dans une entreprise de 10.000 personnes et dans une entreprise d'une personne, cette espèce de modèle absolument égalitaire des procédures, des coûts, c'est franchement pas raisonnable.
Q- C'est très compliqué, mais ce qui très compliqué, c'est aussi....
R- Non, ce n'est pas très compliqué. Il faut simplement qu'on adapte les obligations sociales au sens de la dépense, de la procédure... Il doit y avoir de "contrats Petites entreprises", tout simplement, mais qui soient suffisamment attractifs, parce qu'elles ont également du mal à recruter.
Q- Ce qui est compliqué aussi, c'est de s'attaquer au chômage en France sans réformer le code du travail. Honnêtement, est-il possible de réduire vraiment le chômage en France sans toucher au "modèle social français" ?
R- Mais évidemment. Attendez ! Le modèle social français, c'est quoi ? C'est l'école gratuite ; c'est, tout à l'heure, vous avez un pépin dans la rue, drame... Il y a un hélicoptère qui vient, on ne vous demande pas la couleur de votre peau, on ne vous demande pas qui vous êtes, si vous êtes riche ou si vous êtes pauvre, on vous emmène aux urgences. C'est cela le modèle français. Alors, il faut le moderniser, notre modèle. Mais bon sang de bonsoir ! Le moderniser, c'est la loi de service à la personne qui va nous permettre de développer considérablement ce secteur où il n'y aucune contestation de personne sur les besoins. 500.000 emplois dans les trois, quatre ans, personne ne le conteste. Probablement un million. Est-ce qu'on a besoin de faire une révolution du droit du travail ? Non, on s'adapte. Il y a une nouvelle convention collective sur les droits des salariés, mais surtout des puissantes aides dans tous les domaines. Doubler quasiment l'apprentissage, est-ce que c'est une révolution ou est-ce simplement bien faire fonctionner le modèle français ? Le contrat de professionnalisation, est-ce que c'est une révolution ou bien faire fonctionner notre modèle ? On a le génie dans ce pays, au lieu de bien faire fonctionner les outils dont on dispose, les adapter, les moderniser, il faut qu'on se balance, pendant d'ailleurs six mois en général, des grands mots, pas de gros mots mais des grands mots, des grands débats théologiques, "modèles", "systèmes"...
Q- On va abandonner la théologie. Est-ce que ce modèle social français n'est pas au-dessus de nos moyens ? Si je vous pose la question, c'est que T. Breton qui l'a dit.
R- Oui, mais je ne sais pas ce que cela veut dire.
Q- Eh ben, cela veut dire que c'est trop cher, qu'on n'a plus les moyens ...
R- Mais quoi ? Qu'est-ce qui est trop cher ? Ces phrases, c'est très bien, mais qu'est-ce qui est trop cher ? Il faut qu'on fasse payer l'école ? La vraie question, c'est celle-là. On est capable de ramener le taux d'emploi ou le taux de chômage, dans notre modèle, en le modernisant, en [le plaçant] dans les meilleurs de la classe européenne. Il faut juste s'en occuper. Personne ne conteste qu'on est capable de passer de 300.000 à 500.000 apprentis, personne ne conteste le fait qu'on est capable... ça ne dépend que de nous de passer de 16.000 contrats de professionnalisation à 100.000 ou 120.000. La semaine dernière, est-ce qu'on a perçu la révolution qu'on a faite ? A partir d'un licenciement économique, au lieu de partir au chômage avec une allocation, en restant chez soi, tous les salariés des entreprises de moins de 1.000 rentrent dans un parcours de qualification/formation qui s'appelle la "convention de reclassement personnalisé". Cela fait 200.000 personnes par an qui vont retrouver immédiatement une activité, au lieu de rester et de toucher l'allocation chômage. Mais ce sont ces micros révolutions dans le modèle français, à moderniser, qu'on est en train de faire, et ça, je peux vous dire que c'est des réformes de structures majeures. Le fait que vous n'alliez plus à l'ANPE d'un côté, faire un dossier, et recommencer, faire la même chose aux Assedic, à l'autre bout de la rue, qu'on a aujourd'hui une gestion commune des ressources humaines, un dossier unique, une informatique unique, c'est cela les vraies révolutions, nécessaires, de la modernisation du modèle français.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juin 2005)
J.-L. Borloo - Oui, cela revient au même. La question, c'est quoi ?
Q- La question posée, c'est de savoir...
R- Non, non, la question qui est posée, à laquelle D. de Villepin a voulu répondre... On a 1.7 millions d'entrepreneurs qui travaillent seuls. Et puis, presque autant qui travaillent à deux ou trois personnes. Quand vous travaillez seuls, prendre la décision de recruter, donc de doubler vos charges, c'est une marche considérable. C'est compliqué, en termes de papiers, d'obligations financières et sociales. Vous rentrez dans un autre univers et puis, là, vous ne savez pas si la marche n'est pas trop... Il y a une véritable incertitude. Qu'est-ce qui se passe jusqu'à présent ? Au fond, [dans] 70 % des cas, ou on ne recrutait pas du tout ou [on recrutait sur] des CDD de moins de quatre mois et demi, qui ne donnaient aucun droit au salarié. Donc, on est dans une situation qui était paradoxale, parce qu'à la fois il y avait l'appréhension de celui qui doit recruter, et de l'autre côté, il y a des salariés qui n'avaient pas les mêmes garanties que quand on rentre à l'Aérospatiale ou chez Renault. Et donc, l'objectif du Premier ministre, c'est d'améliorer à la fois les conditions des salariés, pour que ça soit attractif, et réduire cette appréhension et simplifier l'embauche dans des très petites entreprises. Penser que tout notre système doit être strictement le même pour un recrutement dans une entreprise de 10.000 personnes et dans une entreprise d'une personne, cette espèce de modèle absolument égalitaire des procédures, des coûts, c'est franchement pas raisonnable.
Q- C'est très compliqué, mais ce qui très compliqué, c'est aussi....
R- Non, ce n'est pas très compliqué. Il faut simplement qu'on adapte les obligations sociales au sens de la dépense, de la procédure... Il doit y avoir de "contrats Petites entreprises", tout simplement, mais qui soient suffisamment attractifs, parce qu'elles ont également du mal à recruter.
Q- Ce qui est compliqué aussi, c'est de s'attaquer au chômage en France sans réformer le code du travail. Honnêtement, est-il possible de réduire vraiment le chômage en France sans toucher au "modèle social français" ?
R- Mais évidemment. Attendez ! Le modèle social français, c'est quoi ? C'est l'école gratuite ; c'est, tout à l'heure, vous avez un pépin dans la rue, drame... Il y a un hélicoptère qui vient, on ne vous demande pas la couleur de votre peau, on ne vous demande pas qui vous êtes, si vous êtes riche ou si vous êtes pauvre, on vous emmène aux urgences. C'est cela le modèle français. Alors, il faut le moderniser, notre modèle. Mais bon sang de bonsoir ! Le moderniser, c'est la loi de service à la personne qui va nous permettre de développer considérablement ce secteur où il n'y aucune contestation de personne sur les besoins. 500.000 emplois dans les trois, quatre ans, personne ne le conteste. Probablement un million. Est-ce qu'on a besoin de faire une révolution du droit du travail ? Non, on s'adapte. Il y a une nouvelle convention collective sur les droits des salariés, mais surtout des puissantes aides dans tous les domaines. Doubler quasiment l'apprentissage, est-ce que c'est une révolution ou est-ce simplement bien faire fonctionner le modèle français ? Le contrat de professionnalisation, est-ce que c'est une révolution ou bien faire fonctionner notre modèle ? On a le génie dans ce pays, au lieu de bien faire fonctionner les outils dont on dispose, les adapter, les moderniser, il faut qu'on se balance, pendant d'ailleurs six mois en général, des grands mots, pas de gros mots mais des grands mots, des grands débats théologiques, "modèles", "systèmes"...
Q- On va abandonner la théologie. Est-ce que ce modèle social français n'est pas au-dessus de nos moyens ? Si je vous pose la question, c'est que T. Breton qui l'a dit.
R- Oui, mais je ne sais pas ce que cela veut dire.
Q- Eh ben, cela veut dire que c'est trop cher, qu'on n'a plus les moyens ...
R- Mais quoi ? Qu'est-ce qui est trop cher ? Ces phrases, c'est très bien, mais qu'est-ce qui est trop cher ? Il faut qu'on fasse payer l'école ? La vraie question, c'est celle-là. On est capable de ramener le taux d'emploi ou le taux de chômage, dans notre modèle, en le modernisant, en [le plaçant] dans les meilleurs de la classe européenne. Il faut juste s'en occuper. Personne ne conteste qu'on est capable de passer de 300.000 à 500.000 apprentis, personne ne conteste le fait qu'on est capable... ça ne dépend que de nous de passer de 16.000 contrats de professionnalisation à 100.000 ou 120.000. La semaine dernière, est-ce qu'on a perçu la révolution qu'on a faite ? A partir d'un licenciement économique, au lieu de partir au chômage avec une allocation, en restant chez soi, tous les salariés des entreprises de moins de 1.000 rentrent dans un parcours de qualification/formation qui s'appelle la "convention de reclassement personnalisé". Cela fait 200.000 personnes par an qui vont retrouver immédiatement une activité, au lieu de rester et de toucher l'allocation chômage. Mais ce sont ces micros révolutions dans le modèle français, à moderniser, qu'on est en train de faire, et ça, je peux vous dire que c'est des réformes de structures majeures. Le fait que vous n'alliez plus à l'ANPE d'un côté, faire un dossier, et recommencer, faire la même chose aux Assedic, à l'autre bout de la rue, qu'on a aujourd'hui une gestion commune des ressources humaines, un dossier unique, une informatique unique, c'est cela les vraies révolutions, nécessaires, de la modernisation du modèle français.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juin 2005)