Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, à "RMC Info" le 2 août 2005, sur le montant d'une éventuelle rançon payée pour libérer les journalistes otages en Irak, sur les ordonnances du plan d'urgence pour l'emploi, sur la création du contrat Nouvelles embauches et ses conséquences.

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Texte intégral

G. Cahour - Ça sent les vacances, pour vous, après ce Conseil des ministres. Aujourd'hui, c'est le dernier Conseil des ministres de l'année, enfin, de l'année scolaire, on va dire.
R - Voilà, de l'année scolaire, si vous voulez. Mais les choses vont reprendre assez vite puisque, en fait, il y a une trêve des Conseils des ministres traditionnelle qui est de l'ordre d'à peu près trois semaines. Mais en même temps, comme vous le savez, les uns et les autres, on est amenés à être mobilisés dans nos charges respectives et on veille évidemment à suivre nos dossiers de très près...
Q - Les portables restent allumés.
R - Comme vous dites, les ordinateurs aussi !
Q - Nous allons parler, bien évidemment, beaucoup de l'emploi, ensemble ce matin, [...]. Mais d'abord, je voudrais que nous parlions de ce sujet que nous avons évoqué avec R. Auque à 8h10 sur RMC. R. Auque - vous le connaissez certainement, il a été le correspondant de RMC à Bagdad - affirme ce matin que six millions de dollars ont été versés pour libérer F. Aubenas et H. Hanoun, un petit peu moins pour C. Chesnot et G. Malbrunot. D'après lui, c'est un pays tiers ou alors un émir arabe qui a versé ces six millions de dollars. Est-ce que vous confirmez cette information, maintenant qu'il n'y a plus aucun risque pour les journalistes français, puisqu'il n'y en a plus en Irak ?
R - Absolument pas. Vous connaissez très exactement les choses sur ce sujet. Nous avons dit, sur ce point, il n'y avait pas eu de rançon versée et encore une fois je...
Q - Même pas un pays tiers, même pas un pays ami ?
R - Encore une fois, je le redis à nouveau : ce sont des sujets sur lesquels nous nous sommes, les uns et les autres, exprimés. La France a rappelé la mobilisation considérable qui a été celle de nos services pour la libération de F. Aubenas, comme d'ailleurs les deux autres otages français...
Q - Chesnot et Malbrunot...
R - Chesnot et Malbrunot. Je crois que sur ce sujet, je vous ai dit ce qu'il en était.
Q - Donc, aucune rançon n'a été versée, c'est ce que vous nous avez dit ?
R - Absolument.
Q - L'emploi, avec D. de Villepin qui doit faire adopter aujourd'hui lors le dernier Conseil des ministres, avant l'été, les ordonnances du plan d'urgence pour l'emploi. Avec ces ordonnances, comparées à un schéma normal de débat au Parlement, adoption des textes par le Parlement, combien de mois ont été gagnés pour faire adopter ces mesures, et notamment le contrat Nouvelles embauches ?
R - Ce n'est pas tout à fait comme cela que l'on comptabilise les choses. Le but du jeu n'est pas forcément à chaque fois de vouloir aller vite pour le plaisir d'aller vite. Ce qui est très important, et je crois que les Français l'ont parfaitement compris, c'est que le Premier ministre a dit clairement qu'à partir du moment où il y avait une priorité absolue sur l'emploi, il était indispensable de prendre des mesures qui soient directement opérationnelles au lendemain des congés d'été. Et donc, au 1er septembre, l'ensemble des dispositions qui ont été annoncées par D. de Villepin dans sa prise de fonctions au mois de juin, seront directement opérationnelles. Pour une raison simple, c'est que, évidemment, sur ces sujets, la mobilisation soit être totale. D'autant qu'en plus, comme vous l'avez vu, il y a quelques tendances qui sont un peu encourageantes. On a par exemple le sentiment - c'est le ministre du Budget qui vous parle - que du point de vue de l'activité économique, le deuxième semestre devrait être meilleur que le premier. Du point de vue de l'emploi, vous l'avez vu, les chiffres sont un peu encourageants - ceux du mois dernier. Bon. Donc, l'objectif, maintenant, c'est de passer à la vitesse supérieure. Il y a d'un côté le plan Borloo, c'est-à-dire tout ce qui concerne ce que l'on appelle "les contrats aidés", pour permettre de sortir un certain nombre de nos concitoyens qui sont vraiment dans une situation d'exclusion, de cette exclusion - c'est les contrats aidés dans les collectivités locales, au sein des administrations de l'Etat. Et puis, d'autre part, il y a toutes les mesures que l'on prend pour faciliter l'embauche dans les entreprises. Donc, cela fait quand même un plan global. Si vous ajoutez à cela la baisse des charges sociales, il y a vraiment de quoi avoir là un des plans les plus ambitieux pour l'emploi qui n'ait jamais été lancé.
Q - Il y avait urgence, nous sommes bien d'accord, tout le monde en avait conscience après le référendum sur la Constitution européenne. Comme il y avait urgence, on a gagné, quoi ? On a gagné six mois, quelque chose comme ça ?
R - Sans doute...
Q - Quelque chose comme ça ?
R - Sans doute. C'est toujours un peu difficile...
Q - J'ai l'impression que vous prenez cette question comme une question taboue.
R - Pas du tout, mais je vais vous dire...
Q - C'est important l'urgence.
R - Bien sûr, non seulement c'est important, mais comme je vous l'ai dit, on l'assume, les uns et les autres. Mais c'est très difficile de vous dire combien de semaines ou de mois ont été gagnés parce que tout dépend de la durée des travaux du Parlement sur tel ou tel sujet. Mais il faut quand même rappeler une chose, il ne faut pas dire que cela s'est fait en dehors du Parlement. Il y a d'abord eu une loi qui a présenté l'ensemble des ordonnances, dans laquelle le Parlement a autorisé le Gouvernement à faire. Ensuite, le Parlement ratifie, a posteriori, les ordonnances. Donc, il est quand même largement présent dans le dispositif.
Q - Il y a une mesure, qui est peut-être la mesure que l'on retient le plus souvent, c'est ce contrat Nouvelles embauches, un CDI avec une période d'essai de deux ans, et des indemnités si jamais le contrat s'arrête en plein milieu, c'est ça ?
R - Voilà.
Q - Combien d'indemnités, grosso modo, par rapport à un CDI, par rapport à la rupture d'un contrat à durée indéterminée, pour nous donner une idée ?
R - En gros, si vous voulez, c'est un peu amélioré par rapport à ça, c'est vrai. Mais je crois que ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'intérêt de ce dispositif c'est que l'on s'est placé aussi bien du point de vue du salarié que du point de vue de l'employeur. Je crois que cela vaut peut-être la peine de s'arrêter à cela, parce que je sais qu'il y a un peu de polémique sur ce contrat Nouvelles embauches, parce que c'est une grande innovation. Voyons les choses, d'abord du côté du salarié : il y a effectivement une petite amélioration par rapport au droit commun sur l'indemnisation, si c'est interrompu avant la fin, mais ce que je veux surtout que chacun comprenne, c'est que c'est en même temps un encouragement au CDI plutôt qu'au CDD. Et cela, c'est très important. Le CDD, c'est quand même un symbole de relative précarité, le CDI c'est l'inverse ; il y a des droits fondamentaux qui sont plus importants sur le CDI. Et le fait d'avoir cette période de deux ans, elle est en même temps un encouragement pour l'employeur, parce que je crois que chacun doit quand même comprendre que toutes les études montrent que plus vous mettez de contraintes lourdes, plus vous dissuadez les entreprises d'embaucher. C'est comme ça. Vous pouvez le déplorer ...
Q - Mais vous n'avez pas peur que le contrat se transforme en contrat de mission de deux ans et qu'au bout de deux ans, les employeurs passent à un autre salarié, avec cette même facilité de pouvoir licencier dans les deux ans ?
R - Je crois qu'il ne faut pas voir les choses comme ça. Comment ça marche ? Surtout que je vous rappelle que l'on cible des très petites entreprises...
Q - De moins de vingt salariés.
R - Comment ça se passe ? On sait bien que dans les petites entreprises, il y a un lien personnel entre le chef d'entreprise et son équipe. Ce lien personnel se crée au fil des semaines et des mois ; pourquoi voulez-vous que l'on soit simplement dans une logique de dire "au bout de deux ans on arrête" ? Non ! En réalité, derrière tout cela, il y a la possibilité pour le salarié comme pour l'employeur, de se connaître, de bosser ensemble, de construire une relation et une relation qui fait que l'entrepreneur se dit : "Mais j'ai besoin de mon salarié, parce qu'il est bon, parce qu'il est devenu indispensable à ma boite, et donc on continue ensemble".
Q - Comment les gens vont-ils pouvoir louer un appartement avec ces nouveaux contrats ?
R - Vous avez tout à fait raison, aujourd'hui, le logement est une priorité majeure. On sait bien qu'il y a un certain nombre de restrictions de propriétaires pour louer à des gens dont on se demande s'ils vont pouvoir payer si jamais ils n'ont pas de travail. Je voudrais quand même dire que le contrat Nouvelles embauches offre un plus considérable par rapport au CDD, parce que le CDD s'arrête, par exemple, au bout de dix-huit mois, et sans aucune garantie.
Q - C'est un moins par rapport au CDI.
R - Sauf qu'il y a très peu de CDI, c'est ça le sujet. Pourquoi avons-nous décidé de faire ce contrat Nouvelles embauches sous la forme d'un CDI ? C'est pour relancer le CDI, c'est pour qu'il se généralise pour les entreprises de moins de vingt salariés et que ce soit une vraie forte incitation. Vous verrez avec le temps qui passe, qu'en réalité, très largement, ce sera beaucoup plus facile avec le contrat Nouvelles embauches, qui est sous la forme d'un CDI, de pouvoir dire à son employeur (sic) :"Voilà les conditions dans lesquelles je travaille, je suis embauché, etc." Donc, je crois que ce sera un plus. Je voudrais ajouter une autre chose, c'est que nous allons, avec des formules comme celles-là, mais d'autres sont prévues ; il y a par exemple une prime qui est versée à des personnes qui reprennent un travail dans des secteurs où l'on n'a pas assez de main d'uvre, ce que l'on appelle les secteurs "pénuriques", parce qu'on a 2 500 000 chômeurs, mais de l'autre côté, comme vous le savez, nous avons 500 000 offres d'emploi non satisfaites. Donc, on voit bien qu'il y a besoin de mettre de la fluidité sur le marché du travail. L'objectif, c'est qu'avec le contrat Nouvelles embauches, il y ait un flux beaucoup plus important d'embauches qui se fasse.
Q - On verra les résultats à partir du 1er septembre 2007, c'est-à-dire après l'élection présidentielle. Pour D. de Villepin, potentiellement candidat à la présidentielle, ces résultats arriveront un peu tard.
R - Là, très honnêtement, pour l'instant, on n'est pas dans cette ambiance-là. On est le nez sur le guidon, on lance notre plan pour l'emploi, qui, vous le voyez, comprend des mesures qui n'ont jamais été essayées en France jusqu'à présent. Ce qui compte, c'est la dynamique pour l'emploi. Là, on n'est pas dans l'ambiance politique politicienne, ce n'est vraiment pas cela l'objectif !
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 8 août 2005)