Texte intégral
REUNION INTERMINISTERIELLE UE/SADC INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN, SUR LA PREVENTION ET LA RESOLUTION DES CONFLITS
Vienne - 03.11.1998
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Ce n'est pas aux Africains présents dans cette salle que je l'apprendrais : développement et sécurité sont, en Afrique comme ailleurs, mais en Afrique avec plus d'actualité qu'ailleurs, hélas, intimement liés.
L'insuffisance de l'investissement intérieur et extérieur, les fluctuations des termes de l'échange commercial grèvent les efforts de l'Afrique pour rattraper son rythme de développement. Mais les blocages les plus difficiles, l'histoire récente de l'Afrique le montre, sont de nature politique. Outre les souffrances directes qu'elles provoquent, les guerres civiles, le recours à la violence pour la conquête du pouvoir, l'instabilité chronique qui en découle, entraînent nécessairement la défiance des investisseurs, des entrepreneurs, la fuite de l'épargne, la désorganisation, voire l'absence de productions agricoles, et par voie de conséquence, parfois la famine, aggravée par les flux de réfugiés ou de déplacés. C'est alors l'image internationale d'un pays, voire d'une sous-région, qu'il faut entièrement reconstruire.
Plus encore que les facteurs du développement, ces dimensions politiques relèvent des souverainetés et des histoires nationales.
L'Union européenne n'entend pas aborder ces questions en moraliste ou en donneuse de leçon. Notre propre histoire ne nous en donne pas le droit. La constitution d'une identité nationale, la construction d'un État véritable, l'instauration d'un régime politique accepté par tous et garantissant à tous les libertés fondamentales et les mêmes droits, sont des processus difficiles et complexes. Il ne nous appartient pas de nous ingérer dans ces processus. Mais nous voulons pouvoir affirmer nos valeurs, notre conviction des bienfaits de la démocratie. Nous voulons aussi en encourager les progrès avec les moyens de notre coopération, appuyer le développement de l'Etat de droit et d'un environnement juridique plus sûr, tenant compte naturellement de vos réalités historiques, sociales, culturelles, mais qui s'inscrivent dans la voie du progrès humain.
L'Union européenne, principal bailleur de fonds à l'aide au développement de l'Afrique, et aussi, à travers ses Etats-membres, principal partenaire économique (et de très loin) du continent africain, ne peut donc en aucune manière se désintéresser des facteurs qui peuvent concourir à la stabilisation et à la paix de chacun des pays, de chacune des régions africaines.
Et puisque nous sommes des démocrates, laissez-moi vous rendre attentifs à cette simple réalité : nous ne savons pas convaincre nos populations qu'il faut aider un pays dont les dirigeants s'enferment dans des logiques de guerre civile et qui ne se préoccupent en aucune manière de cohésion sociale et de bonne gouvernance.
Comment en outre y attirer des investisseurs, y développer le commerce, sauf hélas celui des armes ?
Jusqu'à ces dernières années, l'Union Européenne avait peut-être paru marquer son intérêt de façon trop exclusivement critique. Il est certes plus facile, pour quinze États du Nord, de dénoncer tel coup d'Etat, telle violation des Droits de l'Homme, et de prendre des sanctions, que de définir patiemment les mesures positives, constructives, inscrites dans une logique de dialogue avec les autorités en même temps qu'avec la société civile d'un pays dont on craint qu'il connaisse une crise politique susceptible de déclencher un cycle de violence.
Depuis quelques années, c'est dans cette seconde voie que l'Union européenne s'est engagée : la voie du dialogue politique, même si la réprobation indignée peut et doit rester justifiée, et la voie du partenariat, qui privilégie la logique des engagements mutuels à celle des sanctions unilatérales. Chacun ici le sait, le dialogue renforcé auquel nous songeons dans le cadre de la future Convention de Lomé est fondé sur cette nouvelle approche. C'est dans cette même logique que, le 25 mai 1998, sous Présidence britannique, le Conseil européen a adopté une position commune sur les Droits de l'Homme, les principes démocratiques, l'État de droit et la bonne gestion des affaires publiques en Afrique, qui vise à assurer la cohérence des activités et de la présence de l'Union européenne en Afrique.
La cohérence est en effet nécessaire, afin que des États ou des régions n'aient pas le sentiment d'être victimes de discriminations, comparativement avec d'autres qui bénéficieraient d'une indulgence inexpliquée.
Nous ne souhaitons d'ailleurs pas nous contenter d'une seule interprétation mécanique sur la base de critère définis en commun. En cas de conflit, les belligérants ne peuvent pas toujours, par exemple, être simplement mis dos à dos : il y a parfois des agresseurs et des agressés clairement identifiés. C'est pourquoi nous voulons privilégier le dialogue avec les pays impliqués pour nourrir la concertation des instances européennes concernées par une éventuelle décision à prendre.
Dans le même sens, l'Union Européenne a décidé, le 2 Juin 1997, en adoptant une position commune à ce sujet, que la prévention et le règlement des conflits devaient constituer sa priorité en Afrique, et que, dès lors, cette dimension devait être présente dès la phase de définition des programmes de coopération au développement. L'idée est de renforcer les synergies entre les différents instruments dont l'Union s'est dotée, de manière à favoriser une approche globale au service de la prévention effective des conflits.
Mais la prévention et le règlement des conflits, c'est aussi, au-delà de l'aide au développement, au-delà des encouragements aux efforts en faveur de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit, un appui particulier aux efforts que les Etats et les organisations régionales ou sous-régionales d'Afrique déploient dans les domaines spécifiques de la diplomatie préventive et du maintien de la paix.
Vous le savez, là encore l'Union européenne, depuis son Conseil de Madrid en décembre 1995, a marqué sa disponibilité à aider l'Afrique à jouer un rôle accru dans la gestion de ses crises. D'ores et déjà, elle a répondu favorablement à une demande de financement présentée par l'OUA en faveur du centre de gestion des conflits d'Addis Abeba. Plus récemment elle a arrêté le principe d'une aide financière à l'exercice d'entraînement au maintien de la paix, l'exercice Blue Crane, qui devait avoir lieu en novembre en Afrique du Sud et qui doit impliquer des contingents de divers pays de la SADC, ainsi que des partenaires extérieurs à la région. La France, pour ne parler que de ce que je connais bien, avait prévu d'appuyer cet exercice, en mettant à sa disposition un avion de transport, un bâtiment de la Marine, une soixantaine de soldats et une enveloppe de plus de 300.000 dollars. Je sais que d'autres pays de l'Union s'étaient également engagés à appuyer, d'une manière analogue, cette initiative.
Cet exercice est reporté, nous en comprenons les raisons, mais nous encourageons vivement ses promoteurs à le mener à bien dès que les conditions en seront réunies. Car il nous semble que ce genre d'exercice, comme son prédécesseur Blue Hungwe, qui avait eu lieu l'an passé au Zimbabwe, sont de nature, peu à peu, au sein de la sous-région, à tisser des liens nouveaux, à bâtir une nouvelle vision des intérêts collectifs, à donner un sens concret à l'espoir de renaissance africaine, pour reprendre les termes du vice-président M'Beki, par-delà les aléas conjoncturels et les crises récurrentes qui ralentissent votre marche.
L'Union européenne, je viens de le dire, a marqué sa disponibilité à vous aider dans ce domaine.
Il vous appartient à présent de rendre possible la concrétisation de cette disposition favorable.
Je voudrais, en guise de conclusion, dire enfin un mot de la dissémination des armes conventionnelles. Les transferts d'armes, licites et a fortiori illicites, jouent un rôle certain dans l'accumulation des risques sur le continent africain. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne, résolue à empêcher les exportations d'armements qui pourraient être utilisées à des fins de répression interne ou d'agression internationale, ou contribuer à l'instabilité régionale, pas seulement en Afrique, mais dans l'ensemble du monde, a, le 8 juin dernier adopté un code de conduite instaurant des normes communes exigeantes dans ce domaine. Ces normes seront considérées comme minimales par les Etats membres de l'Union européenne. La France, qui a apporté tout son appui à ce projet, se félicite particulièrement de son adoption. Car si les Africains ont une responsabilité première dans la prévention des conflits, les partenaires extérieurs que nous sommes peuvent, par ce type de décisions concrètes, aider puissamment à la stabilisation de votre continent.
Je vous remercie
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REUNION MINISTERIELLE UE/SADC INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN, SUR LE COMMERCE ET LA PROMOTION DE L'INVESTISSEMENT
Vienne - 03.11.1998
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Depuis la Conférence ministérielle de Berlin, les thèmes du commerce et de la promotion des investissements sont revenus régulièrement dans nos discussions. Chacun le sait, les échanges et les flux privés dans un monde globalisé jouent désormais un rôle moteur pour la croissance et le développement. La crise financière internationale, que nous traversons actuellement, illustre l'importance des mesures susceptibles de les attirer mais aussi de les pérenniser.
Dans le cadre de la coopération régionale avec votre Communauté, en vertu du programme indicatif régional signé en 1996, l'Union a identifié clairement le commerce et l'investissement comme une priorité. L'entrée en vigueur de l'Accord de Maurice, qui consacre l'adhésion de l'Afrique du Sud à la Convention de Lomé, et celle du VIIIème Fonds européen de développement, vont permettre à l'Union européenne de conforter les efforts déployés en ce sens. Au titre de la seule aide programmable, les dotations en faveur de vos pays atteignent près de 1,3 milliard d'écus. Par ailleurs, la réflexion que nous avons engagée avec le Groupe ACP, le 30 septembre dernier, sur les contours de notre partenariat à l'horizon 2000 débouchera, j'en suis certain, sur de nouvelles perspectives prometteuses dans ce domaine.
Deux aspects essentiels de cette problématique méritent d'être soulignés :
1. Un environnement favorable au développement des affaires est un préalable à la promotion du commerce et de l'investissement. Vous savez toute l'importance qui s'attache à l'existence d'une administration transparente, d'une législation claire et cohérente, d'une fiscalité équitable, d'un cadre macro-économique stable et d'une justice efficace et indépendante.
La promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité politique est bien entendu également essentielle. J'y faisais allusion tout à l'heure.
Mais, je crois qu'il faut aller plus loin et agir de concert en Europe et sur le continent africain. A écouter les représentants du secteur privé en Europe, l'on constate une certaine méconnaissance de vos pays et, parfois même, une certaine appréhension quant aux conditions qui y prévalent en matière d'activité économique, voire quant aux risques d'instabilité politique.
Il s'agit désormais de donner une image juste et favorable de l'Afrique australe et plus généralement de votre continent aux entrepreneurs européens. La confiance nécessaire à la promotion des investissements résulte aussi d'un effort de communication.
Dans cette perspective, nous pourrions notamment nous attacher :
- à promouvoir le renforcement et la reconnaissance des organisations professionnelles dans vos pays;
- à mieux mesurer la façon dont les investisseurs les perçoivent;
- à accroître la connaissance des marchés et des secteurs productifs en Afrique;
- à favoriser l'essor de l'information macro et micro-économique, par la production de données statistiques.
Je citerai pour exemple l'initiative prise par les pays de la zone franc avec l'appui de la France visant à valoriser les atouts de leur deux sous-régions d'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale. Ils ont organisé à Paris, une rencontre entre les investisseurs, les gouvernements, les administrations qui a permis de réunir plus de 450 entreprises et de lancer un site Internet "Investir en zone franc". Les institutions nationales et régionales ont pu mieux se faire connaître, l'amélioration de la situation macro économique a été mise en valeur, les initiatives en vue d'assainir l'environnement juridique et régional ont été présentées et les avantages attendus du rattachement à l'euro ont été justement soulignés. Cette expérience pilote pourrait, le moment venu, être mise à profit dans d'autres régions, pourquoi pas la vôtre ? Faut-il rappeler qu'en 1998 et 1999, les projections montrent que, avec les pays de la zone franc, votre sous-région connaîtra l'un des taux de croissance économique les plus forts au monde ?
2. L'intégration régionale constitue l'autre levier d'une stratégie destinée à favoriser l'essor de l'investissement et du commerce. La taille des marchés entre en ligne de compte dans les décisions des investisseurs. L'objectif de diversification peut être mieux atteint et la dépendance à l'égard des productions traditionnelles plus rapidement réduite, au bénéfice de la croissance, de l'emploi et donc du bien être des populations.
La SADC a parfaitement compris cette logique. L'Union européenne suit avec attention ses progrès vers l'intégration économique régionale, depuis la signature du Protocole de Maseru. Les discussions en vue de l'établissement d'une zone de libre-échange en Afrique australe sont bien engagées, comme en témoigne la récente réunion du Forum de négociations commerciales dans la capitale namibienne.
Comme elle s'y est engagée dans le programme d'octobre 1996, l'Union européenne est prête à soutenir de nouvelles initiatives, comme la création de mécanismes destinés à faciliter la libéralisation du commerce, des investissements et des paiements intrarégionaux. Les conférences sectorielles apportent une contribution fort utile. L'Union peut aussi faire bénéficier la SADC de sa propre expérience en mettant à sa disposition des spécialistes de ces questions. A titre bilatéral, la France envisage également ce type de soutien. J'ai moi-même signé avec le Dr Mbuende, en juin dernier à l'occasion de la visite du président Jacques Chirac en Namibie, une déclaration conjointe prévoyant la mise en oeuvre de telles actions en faveur de la SADC et de ses Etats membres.
Nous ne souhaitons cependant pas en rester là. Notre volonté est d'aider les ACP à donner un nouvel élan à l'intégration régionale au sein de leur groupe. C'est bien là tout le sens des propositions européennes pour l'avenir de la Convention de Lomé. Vous les connaissez désormais. Nous avons entendu les vôtres avec beaucoup d'intérêt.
Nous comprenons vos appréhensions face au défi que représente la perspective d'entrer à terme dans une relation de libre-échange avec l'Union européenne et face à l'ampleur des efforts qu'elle impliquerait de votre part.
Un tel ancrage entre nos marchés respectifs ne peut être que progressif. Il devra comprendre des mesures d'accompagnement substantielles qu'il faudra bien que l'OMC accepte. Mais de tels efforts favoriseraient l'émergence d'un lien encore plus étroit entre nous. Il ne manquerait pas d'exercer également un puissant effet d'attraction sur les investisseurs privés.
Telle est l'ambition que l'Union européenne nourrit pour la prochaine Convention. Nous sommes convaincus qu'elle doit revenir aux sources de la spécificité du lien entre commerce et développement qu'elle avait introduit à titre précurseur, il y a près de vingt-cinq ans. La mondialisation en a encore renforcé la pertinence.
Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les Ministres,
La SADC aura à coeur, je le crois, d'examiner tout le parti qui peut être tiré des propositions européennes. Les progrès qu'elle a déjà accomplis dans la construction d'une communauté intégrée et ouverte sur le monde et la part substantielle des investissements européens directs vers l'Afrique qu'elle attire déjà l'y aideront, je n'en doute pas.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)
Vienne - 03.11.1998
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Ce n'est pas aux Africains présents dans cette salle que je l'apprendrais : développement et sécurité sont, en Afrique comme ailleurs, mais en Afrique avec plus d'actualité qu'ailleurs, hélas, intimement liés.
L'insuffisance de l'investissement intérieur et extérieur, les fluctuations des termes de l'échange commercial grèvent les efforts de l'Afrique pour rattraper son rythme de développement. Mais les blocages les plus difficiles, l'histoire récente de l'Afrique le montre, sont de nature politique. Outre les souffrances directes qu'elles provoquent, les guerres civiles, le recours à la violence pour la conquête du pouvoir, l'instabilité chronique qui en découle, entraînent nécessairement la défiance des investisseurs, des entrepreneurs, la fuite de l'épargne, la désorganisation, voire l'absence de productions agricoles, et par voie de conséquence, parfois la famine, aggravée par les flux de réfugiés ou de déplacés. C'est alors l'image internationale d'un pays, voire d'une sous-région, qu'il faut entièrement reconstruire.
Plus encore que les facteurs du développement, ces dimensions politiques relèvent des souverainetés et des histoires nationales.
L'Union européenne n'entend pas aborder ces questions en moraliste ou en donneuse de leçon. Notre propre histoire ne nous en donne pas le droit. La constitution d'une identité nationale, la construction d'un État véritable, l'instauration d'un régime politique accepté par tous et garantissant à tous les libertés fondamentales et les mêmes droits, sont des processus difficiles et complexes. Il ne nous appartient pas de nous ingérer dans ces processus. Mais nous voulons pouvoir affirmer nos valeurs, notre conviction des bienfaits de la démocratie. Nous voulons aussi en encourager les progrès avec les moyens de notre coopération, appuyer le développement de l'Etat de droit et d'un environnement juridique plus sûr, tenant compte naturellement de vos réalités historiques, sociales, culturelles, mais qui s'inscrivent dans la voie du progrès humain.
L'Union européenne, principal bailleur de fonds à l'aide au développement de l'Afrique, et aussi, à travers ses Etats-membres, principal partenaire économique (et de très loin) du continent africain, ne peut donc en aucune manière se désintéresser des facteurs qui peuvent concourir à la stabilisation et à la paix de chacun des pays, de chacune des régions africaines.
Et puisque nous sommes des démocrates, laissez-moi vous rendre attentifs à cette simple réalité : nous ne savons pas convaincre nos populations qu'il faut aider un pays dont les dirigeants s'enferment dans des logiques de guerre civile et qui ne se préoccupent en aucune manière de cohésion sociale et de bonne gouvernance.
Comment en outre y attirer des investisseurs, y développer le commerce, sauf hélas celui des armes ?
Jusqu'à ces dernières années, l'Union Européenne avait peut-être paru marquer son intérêt de façon trop exclusivement critique. Il est certes plus facile, pour quinze États du Nord, de dénoncer tel coup d'Etat, telle violation des Droits de l'Homme, et de prendre des sanctions, que de définir patiemment les mesures positives, constructives, inscrites dans une logique de dialogue avec les autorités en même temps qu'avec la société civile d'un pays dont on craint qu'il connaisse une crise politique susceptible de déclencher un cycle de violence.
Depuis quelques années, c'est dans cette seconde voie que l'Union européenne s'est engagée : la voie du dialogue politique, même si la réprobation indignée peut et doit rester justifiée, et la voie du partenariat, qui privilégie la logique des engagements mutuels à celle des sanctions unilatérales. Chacun ici le sait, le dialogue renforcé auquel nous songeons dans le cadre de la future Convention de Lomé est fondé sur cette nouvelle approche. C'est dans cette même logique que, le 25 mai 1998, sous Présidence britannique, le Conseil européen a adopté une position commune sur les Droits de l'Homme, les principes démocratiques, l'État de droit et la bonne gestion des affaires publiques en Afrique, qui vise à assurer la cohérence des activités et de la présence de l'Union européenne en Afrique.
La cohérence est en effet nécessaire, afin que des États ou des régions n'aient pas le sentiment d'être victimes de discriminations, comparativement avec d'autres qui bénéficieraient d'une indulgence inexpliquée.
Nous ne souhaitons d'ailleurs pas nous contenter d'une seule interprétation mécanique sur la base de critère définis en commun. En cas de conflit, les belligérants ne peuvent pas toujours, par exemple, être simplement mis dos à dos : il y a parfois des agresseurs et des agressés clairement identifiés. C'est pourquoi nous voulons privilégier le dialogue avec les pays impliqués pour nourrir la concertation des instances européennes concernées par une éventuelle décision à prendre.
Dans le même sens, l'Union Européenne a décidé, le 2 Juin 1997, en adoptant une position commune à ce sujet, que la prévention et le règlement des conflits devaient constituer sa priorité en Afrique, et que, dès lors, cette dimension devait être présente dès la phase de définition des programmes de coopération au développement. L'idée est de renforcer les synergies entre les différents instruments dont l'Union s'est dotée, de manière à favoriser une approche globale au service de la prévention effective des conflits.
Mais la prévention et le règlement des conflits, c'est aussi, au-delà de l'aide au développement, au-delà des encouragements aux efforts en faveur de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit, un appui particulier aux efforts que les Etats et les organisations régionales ou sous-régionales d'Afrique déploient dans les domaines spécifiques de la diplomatie préventive et du maintien de la paix.
Vous le savez, là encore l'Union européenne, depuis son Conseil de Madrid en décembre 1995, a marqué sa disponibilité à aider l'Afrique à jouer un rôle accru dans la gestion de ses crises. D'ores et déjà, elle a répondu favorablement à une demande de financement présentée par l'OUA en faveur du centre de gestion des conflits d'Addis Abeba. Plus récemment elle a arrêté le principe d'une aide financière à l'exercice d'entraînement au maintien de la paix, l'exercice Blue Crane, qui devait avoir lieu en novembre en Afrique du Sud et qui doit impliquer des contingents de divers pays de la SADC, ainsi que des partenaires extérieurs à la région. La France, pour ne parler que de ce que je connais bien, avait prévu d'appuyer cet exercice, en mettant à sa disposition un avion de transport, un bâtiment de la Marine, une soixantaine de soldats et une enveloppe de plus de 300.000 dollars. Je sais que d'autres pays de l'Union s'étaient également engagés à appuyer, d'une manière analogue, cette initiative.
Cet exercice est reporté, nous en comprenons les raisons, mais nous encourageons vivement ses promoteurs à le mener à bien dès que les conditions en seront réunies. Car il nous semble que ce genre d'exercice, comme son prédécesseur Blue Hungwe, qui avait eu lieu l'an passé au Zimbabwe, sont de nature, peu à peu, au sein de la sous-région, à tisser des liens nouveaux, à bâtir une nouvelle vision des intérêts collectifs, à donner un sens concret à l'espoir de renaissance africaine, pour reprendre les termes du vice-président M'Beki, par-delà les aléas conjoncturels et les crises récurrentes qui ralentissent votre marche.
L'Union européenne, je viens de le dire, a marqué sa disponibilité à vous aider dans ce domaine.
Il vous appartient à présent de rendre possible la concrétisation de cette disposition favorable.
Je voudrais, en guise de conclusion, dire enfin un mot de la dissémination des armes conventionnelles. Les transferts d'armes, licites et a fortiori illicites, jouent un rôle certain dans l'accumulation des risques sur le continent africain. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne, résolue à empêcher les exportations d'armements qui pourraient être utilisées à des fins de répression interne ou d'agression internationale, ou contribuer à l'instabilité régionale, pas seulement en Afrique, mais dans l'ensemble du monde, a, le 8 juin dernier adopté un code de conduite instaurant des normes communes exigeantes dans ce domaine. Ces normes seront considérées comme minimales par les Etats membres de l'Union européenne. La France, qui a apporté tout son appui à ce projet, se félicite particulièrement de son adoption. Car si les Africains ont une responsabilité première dans la prévention des conflits, les partenaires extérieurs que nous sommes peuvent, par ce type de décisions concrètes, aider puissamment à la stabilisation de votre continent.
Je vous remercie
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REUNION MINISTERIELLE UE/SADC INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN, SUR LE COMMERCE ET LA PROMOTION DE L'INVESTISSEMENT
Vienne - 03.11.1998
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Depuis la Conférence ministérielle de Berlin, les thèmes du commerce et de la promotion des investissements sont revenus régulièrement dans nos discussions. Chacun le sait, les échanges et les flux privés dans un monde globalisé jouent désormais un rôle moteur pour la croissance et le développement. La crise financière internationale, que nous traversons actuellement, illustre l'importance des mesures susceptibles de les attirer mais aussi de les pérenniser.
Dans le cadre de la coopération régionale avec votre Communauté, en vertu du programme indicatif régional signé en 1996, l'Union a identifié clairement le commerce et l'investissement comme une priorité. L'entrée en vigueur de l'Accord de Maurice, qui consacre l'adhésion de l'Afrique du Sud à la Convention de Lomé, et celle du VIIIème Fonds européen de développement, vont permettre à l'Union européenne de conforter les efforts déployés en ce sens. Au titre de la seule aide programmable, les dotations en faveur de vos pays atteignent près de 1,3 milliard d'écus. Par ailleurs, la réflexion que nous avons engagée avec le Groupe ACP, le 30 septembre dernier, sur les contours de notre partenariat à l'horizon 2000 débouchera, j'en suis certain, sur de nouvelles perspectives prometteuses dans ce domaine.
Deux aspects essentiels de cette problématique méritent d'être soulignés :
1. Un environnement favorable au développement des affaires est un préalable à la promotion du commerce et de l'investissement. Vous savez toute l'importance qui s'attache à l'existence d'une administration transparente, d'une législation claire et cohérente, d'une fiscalité équitable, d'un cadre macro-économique stable et d'une justice efficace et indépendante.
La promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité politique est bien entendu également essentielle. J'y faisais allusion tout à l'heure.
Mais, je crois qu'il faut aller plus loin et agir de concert en Europe et sur le continent africain. A écouter les représentants du secteur privé en Europe, l'on constate une certaine méconnaissance de vos pays et, parfois même, une certaine appréhension quant aux conditions qui y prévalent en matière d'activité économique, voire quant aux risques d'instabilité politique.
Il s'agit désormais de donner une image juste et favorable de l'Afrique australe et plus généralement de votre continent aux entrepreneurs européens. La confiance nécessaire à la promotion des investissements résulte aussi d'un effort de communication.
Dans cette perspective, nous pourrions notamment nous attacher :
- à promouvoir le renforcement et la reconnaissance des organisations professionnelles dans vos pays;
- à mieux mesurer la façon dont les investisseurs les perçoivent;
- à accroître la connaissance des marchés et des secteurs productifs en Afrique;
- à favoriser l'essor de l'information macro et micro-économique, par la production de données statistiques.
Je citerai pour exemple l'initiative prise par les pays de la zone franc avec l'appui de la France visant à valoriser les atouts de leur deux sous-régions d'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale. Ils ont organisé à Paris, une rencontre entre les investisseurs, les gouvernements, les administrations qui a permis de réunir plus de 450 entreprises et de lancer un site Internet "Investir en zone franc". Les institutions nationales et régionales ont pu mieux se faire connaître, l'amélioration de la situation macro économique a été mise en valeur, les initiatives en vue d'assainir l'environnement juridique et régional ont été présentées et les avantages attendus du rattachement à l'euro ont été justement soulignés. Cette expérience pilote pourrait, le moment venu, être mise à profit dans d'autres régions, pourquoi pas la vôtre ? Faut-il rappeler qu'en 1998 et 1999, les projections montrent que, avec les pays de la zone franc, votre sous-région connaîtra l'un des taux de croissance économique les plus forts au monde ?
2. L'intégration régionale constitue l'autre levier d'une stratégie destinée à favoriser l'essor de l'investissement et du commerce. La taille des marchés entre en ligne de compte dans les décisions des investisseurs. L'objectif de diversification peut être mieux atteint et la dépendance à l'égard des productions traditionnelles plus rapidement réduite, au bénéfice de la croissance, de l'emploi et donc du bien être des populations.
La SADC a parfaitement compris cette logique. L'Union européenne suit avec attention ses progrès vers l'intégration économique régionale, depuis la signature du Protocole de Maseru. Les discussions en vue de l'établissement d'une zone de libre-échange en Afrique australe sont bien engagées, comme en témoigne la récente réunion du Forum de négociations commerciales dans la capitale namibienne.
Comme elle s'y est engagée dans le programme d'octobre 1996, l'Union européenne est prête à soutenir de nouvelles initiatives, comme la création de mécanismes destinés à faciliter la libéralisation du commerce, des investissements et des paiements intrarégionaux. Les conférences sectorielles apportent une contribution fort utile. L'Union peut aussi faire bénéficier la SADC de sa propre expérience en mettant à sa disposition des spécialistes de ces questions. A titre bilatéral, la France envisage également ce type de soutien. J'ai moi-même signé avec le Dr Mbuende, en juin dernier à l'occasion de la visite du président Jacques Chirac en Namibie, une déclaration conjointe prévoyant la mise en oeuvre de telles actions en faveur de la SADC et de ses Etats membres.
Nous ne souhaitons cependant pas en rester là. Notre volonté est d'aider les ACP à donner un nouvel élan à l'intégration régionale au sein de leur groupe. C'est bien là tout le sens des propositions européennes pour l'avenir de la Convention de Lomé. Vous les connaissez désormais. Nous avons entendu les vôtres avec beaucoup d'intérêt.
Nous comprenons vos appréhensions face au défi que représente la perspective d'entrer à terme dans une relation de libre-échange avec l'Union européenne et face à l'ampleur des efforts qu'elle impliquerait de votre part.
Un tel ancrage entre nos marchés respectifs ne peut être que progressif. Il devra comprendre des mesures d'accompagnement substantielles qu'il faudra bien que l'OMC accepte. Mais de tels efforts favoriseraient l'émergence d'un lien encore plus étroit entre nous. Il ne manquerait pas d'exercer également un puissant effet d'attraction sur les investisseurs privés.
Telle est l'ambition que l'Union européenne nourrit pour la prochaine Convention. Nous sommes convaincus qu'elle doit revenir aux sources de la spécificité du lien entre commerce et développement qu'elle avait introduit à titre précurseur, il y a près de vingt-cinq ans. La mondialisation en a encore renforcé la pertinence.
Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les Ministres,
La SADC aura à coeur, je le crois, d'examiner tout le parti qui peut être tiré des propositions européennes. Les progrès qu'elle a déjà accomplis dans la construction d'une communauté intégrée et ouverte sur le monde et la part substantielle des investissements européens directs vers l'Afrique qu'elle attire déjà l'y aideront, je n'en doute pas.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)