Texte intégral
Après les deux "non" consécutifs en réponse aux référendums français et hollandais sur le projet de Constitution européenne, l'Europe se retrouve incontestablement affaiblie. Baisser les bras n'est ni dans la tradition de la Défense ni dans mon état d'esprit. De plus, cela ne sert à rien.
Cette situation ne met donc un terme ni à notre capacité ni à notre volonté de faire avancer la Politique européenne de sécurité et de défense. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel. Nous allons continuer à prendre des initiatives sur la base des dispositions institutionnelles actuelles. Les progrès futurs de la PESD dépendront également de la prise de conscience à l'échelle européenne de notre réel besoin d'autonomie.
Cette année encore, les travaux du Conseil économique de défense ont largement contribué à cette prise de conscience. Ils ont favorisé la réflexion autour de la politique de défense. N'oublions pas qu'elle est aussi une politique économique, industrielle, d'emploi, de recherche, ainsi qu'un instrument de puissance. Elle peut concilier les objectifs de compétitivité, de solidarité et de souveraineté.
J'entends, d'ici aux vacances, rassembler un symposium des responsables industriels, politiques et sociaux de la défense, français et européens.
A l'heure où de nombreux pays de la zone euro connaissent une certaine stagnation de leur croissance, il faut voir dans l'économie de la défense une source possible de cette croissance que nous recherchons. La poursuite de nos efforts en faveur d'une économie de défense européenne durable doit demeurer un chantier essentiel. Il importe aujourd'hui plus que jamais que l'Europe dispose d'une économie de défense à la mesure de son poids géostratégique, économique et politique dans le monde.
Conforter l'économie européenne de la défense passe par deux exigences :
- La consolidation de nos industries à l'échelle européenne ;
- Un investissement plus important en faveur des capacités d'avenir.
1. Il est urgent et impératif de conforter l'industrie de défense en France et en Europe.
Le rôle de la Défense dans nos économies doit être mieux pris en compte ; il doit nous conduire à rechercher pour nos industries davantage d'efficacité et de compétitivité.
1.1 La Défense joue dans les économies européennes un rôle central.
Le niveau du budget de défense américain, de plus de 400 milliards de dollars, est sans conteste un vecteur majeur de développement économique et technologique.
A une moindre échelle, cet impact économique se vérifie en France. La Défense y est le premier investisseur public. Elle est aussi le premier recruteur. Les industries de défense françaises, grands groupes mais aussi PME-PMI réparties sur tout le territoire national, représentent 170.000 emplois directs et autant d'emplois indirects.
Dans l'Union européenne, de façon très globale, le secteur de la Défense représente 4 à 5 millions d'actifs. Les pays européens, qui dépensent environ 160 milliards d'euros par an pour leur défense, n'ont pas suffisamment conscience du potentiel économique qu'elle représente. Notre industrie européenne souffre d'une fragmentation des budgets nationaux de défense et d'un manque d'action collective, ce qui menace l'avenir stratégique de l'Europe à long terme.
1.2 La voie de l'efficacité est celle de la coopération européenne et du rapprochement de nos industries.
En France, une très grande partie des programmes d'armement majeurs sont conduits en coopération : l'avion de transport A400M, les missiles Meteor et Scalp, les hélicoptères Tigre et NH90, le satellite d'observation Hélios 2, les frégates Horizon et FREMM, le sous-marin Scorpène
La coopération industrielle doit se placer au service d'une compétitivité accrue de nos industries de défense. Les trois grands principes qui guident ma politique depuis trois ans vont dans ce sens :
- 1er principe : encourager de grands projets, portés par des industriels, pour promouvoir une industrie performante et compétitive ;
- 2ème principe : défendre nos intérêts stratégiques (autonomie, sécurité de nos approvisionnements, capacité à exporter). Pour cela nous devons nous appuyer notamment sur une action ambitieuse en matière de recherche et technologie et d'intelligence économique ;
- 3ème principe : favoriser l'émergence de leaders industriels de taille européenne. Sur ce dernier point, il est indispensable d'avancer rapidement sur la question des regroupements. A cet égard, je tiens à ce que le rapprochement entre DCN et Thales aboutisse dans les prochaines semaines. C'est un bon projet, nécessaire au parachèvement de la transformation de DCN.
2. Nous devons nous fixer de nouvelles ambitions pour développer des capacités d'avenir.
Les innovations technologiques sont un moteur de nos économies. Nous devons accroître nos investissements en faveur des capacités futures de l'Europe.
2.1 Un effort de R D soutenu est capital.
J'ai décidé une augmentation des crédits consacrés aux études en amont qui devront progressivement s'élever à 700 millions d'euros par an en 2008. En 2005, nous avons déjà fait la moitié du chemin, puisque 550 millions d'euros y sont destinés. Le développement de démonstrateurs financés à plusieurs Etats membres est un exemple concret de la voie à suivre : dans le domaine des drones, la France lance avec plusieurs de ses partenaires européens le projet Neuron. Je compte faire de même avec le projet Euromale dont je souhaite qu'il fasse l'objet d'un accord le plus large possible.
Dans la préparation de l'avenir, l'Agence européenne de défense aura également un rôle important pour accompagner nos efforts.
2.2 Le secteur spatial doit être une ambition prioritaire pour l'Europe.
Le lancement réussi d'Hélios II en décembre 2004 a été un signe fort et encourageant. L'arrivée prochaine de Syracuse III améliorera également nos capacités de télécommunications militaires.
Les Européens doivent encore augmenter leurs capacités d'observation et d'écoute spatiale, afin de combler le déficit existant en matière d'images et de distribution de l'information. Il me semble fondamental que l'Europe ne passe pas à côté des enjeux que d'autres ont parfaitement compris. J'entends faire partager ma vision à nos partenaires européens sur plusieurs points essentiels :
- Conduire une réelle concertation sur la politique spatiale de défense et de sécurité et mettre davantage en commun les moyens spatiaux ;
- Assurer la pérennité et le renouvellement des capacités ;
- Exploiter la dualité du domaine, en réfléchissant à l'utilisation de satellites civils ;
- Développer en commun des projets de préparation de l'avenir, comme celui du démonstrateur d'écoute ELINT.
Je souhaite que ces propositions aboutissent à des initiatives communes lors des prochains mois.
Conclusion
Comme l'a souligné Philippe Esper dans la synthèse du rapport 2005 du CED, ces ambitions n'ont de sens que si on parvient à convaincre les opinions publiques de leur bien-fondé. Si, globalement, nos armées et leurs actions bénéficient d'une très bonne image auprès des Français, l'économie de la défense est loin d'inspirer la même confiance ! D'abord, elle est mal connue. Ensuite, son impact en termes d'activité l'est encore moins. Répétons-le, l'économie de défense, ce sont des emplois, de tous niveaux de qualification et sur tout le territoire, de la création de richesses, des exportations, etc.
Afin de mieux faire connaître ces enjeux, j'ai proposé à nos partenaires de mettre en place un tableau de bord européen de l'économie de défense, dont l'initiative vient d'être confiée à l'Agence européenne de défense.
De manière plus large, il existe un réel besoin d'outils de réflexion plus performants et plus influents. Je tiens à féliciter le CED de s'être saisi de cette question.
Je soutiens l'idée d'une démarche de type think tank européen ; toutefois différentes options restent ouvertes, qui ne passent pas nécessairement par la création d'une nouvelle structure. Nous devons maintenant procéder à un travail plus approfondi au sein du ministère et avec nos partenaires européens sur le contenu précis de ce projet. L'Europe de la défense doit continuer à avancer. Elle doit franchir des étapes concrètes et visibles. Nos efforts doivent en priorité porter sur le renforcement des capacités industrielles européennes, sur le maintien et le développement de l'emploi dans les activités de haute technologie. Soyez assurés que mon action demeurera résolument engagée dans cette voie. Il en va de la confiance que portent nos concitoyens au projet européen. Il en va de l'avenir de nos sociétés.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2005)
Cette situation ne met donc un terme ni à notre capacité ni à notre volonté de faire avancer la Politique européenne de sécurité et de défense. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel. Nous allons continuer à prendre des initiatives sur la base des dispositions institutionnelles actuelles. Les progrès futurs de la PESD dépendront également de la prise de conscience à l'échelle européenne de notre réel besoin d'autonomie.
Cette année encore, les travaux du Conseil économique de défense ont largement contribué à cette prise de conscience. Ils ont favorisé la réflexion autour de la politique de défense. N'oublions pas qu'elle est aussi une politique économique, industrielle, d'emploi, de recherche, ainsi qu'un instrument de puissance. Elle peut concilier les objectifs de compétitivité, de solidarité et de souveraineté.
J'entends, d'ici aux vacances, rassembler un symposium des responsables industriels, politiques et sociaux de la défense, français et européens.
A l'heure où de nombreux pays de la zone euro connaissent une certaine stagnation de leur croissance, il faut voir dans l'économie de la défense une source possible de cette croissance que nous recherchons. La poursuite de nos efforts en faveur d'une économie de défense européenne durable doit demeurer un chantier essentiel. Il importe aujourd'hui plus que jamais que l'Europe dispose d'une économie de défense à la mesure de son poids géostratégique, économique et politique dans le monde.
Conforter l'économie européenne de la défense passe par deux exigences :
- La consolidation de nos industries à l'échelle européenne ;
- Un investissement plus important en faveur des capacités d'avenir.
1. Il est urgent et impératif de conforter l'industrie de défense en France et en Europe.
Le rôle de la Défense dans nos économies doit être mieux pris en compte ; il doit nous conduire à rechercher pour nos industries davantage d'efficacité et de compétitivité.
1.1 La Défense joue dans les économies européennes un rôle central.
Le niveau du budget de défense américain, de plus de 400 milliards de dollars, est sans conteste un vecteur majeur de développement économique et technologique.
A une moindre échelle, cet impact économique se vérifie en France. La Défense y est le premier investisseur public. Elle est aussi le premier recruteur. Les industries de défense françaises, grands groupes mais aussi PME-PMI réparties sur tout le territoire national, représentent 170.000 emplois directs et autant d'emplois indirects.
Dans l'Union européenne, de façon très globale, le secteur de la Défense représente 4 à 5 millions d'actifs. Les pays européens, qui dépensent environ 160 milliards d'euros par an pour leur défense, n'ont pas suffisamment conscience du potentiel économique qu'elle représente. Notre industrie européenne souffre d'une fragmentation des budgets nationaux de défense et d'un manque d'action collective, ce qui menace l'avenir stratégique de l'Europe à long terme.
1.2 La voie de l'efficacité est celle de la coopération européenne et du rapprochement de nos industries.
En France, une très grande partie des programmes d'armement majeurs sont conduits en coopération : l'avion de transport A400M, les missiles Meteor et Scalp, les hélicoptères Tigre et NH90, le satellite d'observation Hélios 2, les frégates Horizon et FREMM, le sous-marin Scorpène
La coopération industrielle doit se placer au service d'une compétitivité accrue de nos industries de défense. Les trois grands principes qui guident ma politique depuis trois ans vont dans ce sens :
- 1er principe : encourager de grands projets, portés par des industriels, pour promouvoir une industrie performante et compétitive ;
- 2ème principe : défendre nos intérêts stratégiques (autonomie, sécurité de nos approvisionnements, capacité à exporter). Pour cela nous devons nous appuyer notamment sur une action ambitieuse en matière de recherche et technologie et d'intelligence économique ;
- 3ème principe : favoriser l'émergence de leaders industriels de taille européenne. Sur ce dernier point, il est indispensable d'avancer rapidement sur la question des regroupements. A cet égard, je tiens à ce que le rapprochement entre DCN et Thales aboutisse dans les prochaines semaines. C'est un bon projet, nécessaire au parachèvement de la transformation de DCN.
2. Nous devons nous fixer de nouvelles ambitions pour développer des capacités d'avenir.
Les innovations technologiques sont un moteur de nos économies. Nous devons accroître nos investissements en faveur des capacités futures de l'Europe.
2.1 Un effort de R D soutenu est capital.
J'ai décidé une augmentation des crédits consacrés aux études en amont qui devront progressivement s'élever à 700 millions d'euros par an en 2008. En 2005, nous avons déjà fait la moitié du chemin, puisque 550 millions d'euros y sont destinés. Le développement de démonstrateurs financés à plusieurs Etats membres est un exemple concret de la voie à suivre : dans le domaine des drones, la France lance avec plusieurs de ses partenaires européens le projet Neuron. Je compte faire de même avec le projet Euromale dont je souhaite qu'il fasse l'objet d'un accord le plus large possible.
Dans la préparation de l'avenir, l'Agence européenne de défense aura également un rôle important pour accompagner nos efforts.
2.2 Le secteur spatial doit être une ambition prioritaire pour l'Europe.
Le lancement réussi d'Hélios II en décembre 2004 a été un signe fort et encourageant. L'arrivée prochaine de Syracuse III améliorera également nos capacités de télécommunications militaires.
Les Européens doivent encore augmenter leurs capacités d'observation et d'écoute spatiale, afin de combler le déficit existant en matière d'images et de distribution de l'information. Il me semble fondamental que l'Europe ne passe pas à côté des enjeux que d'autres ont parfaitement compris. J'entends faire partager ma vision à nos partenaires européens sur plusieurs points essentiels :
- Conduire une réelle concertation sur la politique spatiale de défense et de sécurité et mettre davantage en commun les moyens spatiaux ;
- Assurer la pérennité et le renouvellement des capacités ;
- Exploiter la dualité du domaine, en réfléchissant à l'utilisation de satellites civils ;
- Développer en commun des projets de préparation de l'avenir, comme celui du démonstrateur d'écoute ELINT.
Je souhaite que ces propositions aboutissent à des initiatives communes lors des prochains mois.
Conclusion
Comme l'a souligné Philippe Esper dans la synthèse du rapport 2005 du CED, ces ambitions n'ont de sens que si on parvient à convaincre les opinions publiques de leur bien-fondé. Si, globalement, nos armées et leurs actions bénéficient d'une très bonne image auprès des Français, l'économie de la défense est loin d'inspirer la même confiance ! D'abord, elle est mal connue. Ensuite, son impact en termes d'activité l'est encore moins. Répétons-le, l'économie de défense, ce sont des emplois, de tous niveaux de qualification et sur tout le territoire, de la création de richesses, des exportations, etc.
Afin de mieux faire connaître ces enjeux, j'ai proposé à nos partenaires de mettre en place un tableau de bord européen de l'économie de défense, dont l'initiative vient d'être confiée à l'Agence européenne de défense.
De manière plus large, il existe un réel besoin d'outils de réflexion plus performants et plus influents. Je tiens à féliciter le CED de s'être saisi de cette question.
Je soutiens l'idée d'une démarche de type think tank européen ; toutefois différentes options restent ouvertes, qui ne passent pas nécessairement par la création d'une nouvelle structure. Nous devons maintenant procéder à un travail plus approfondi au sein du ministère et avec nos partenaires européens sur le contenu précis de ce projet. L'Europe de la défense doit continuer à avancer. Elle doit franchir des étapes concrètes et visibles. Nos efforts doivent en priorité porter sur le renforcement des capacités industrielles européennes, sur le maintien et le développement de l'emploi dans les activités de haute technologie. Soyez assurés que mon action demeurera résolument engagée dans cette voie. Il en va de la confiance que portent nos concitoyens au projet européen. Il en va de l'avenir de nos sociétés.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2005)