Texte intégral
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais remercier MM Yves BUR et Jean Marie LEGUEN d'avoir organisé ces rencontres parlementaires sur le dossier médical personnel et de m'avoir proposé de clôturer devant vous cette journée de travail et d'échanges.
Que ce colloque se tienne ici, à l'Assemblée nationale est pour moi un signe tout à fait important. De même que le fait qu'il ait été organisé par deux députés, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, qui ont joué un rôle particulièrement actif dans les débats sur la loi de réforme de l'assurance maladie d'août 2004. Cela confirme le souhait du gouvernement de voir le Parlement jouer un rôle majeur dans la définition du cadre de notre protection sociale et dans les débats qui accompagnent sa mise en uvre.
Cette journée a réuni tous les acteurs du projet : universitaires, industriels, professionnels de santé représentants des associations, mais aussi responsables du pilotage de ce chantier. Tous ont leur place. Leur capacité à coopérer en pleine confiance est un élément majeur de sa réussite. J'aurais une mention particulière pour les personnalités invitées en tant que témoins des pays voisins. Les objectifs qu'ils se sont fixés, les calendriers et les moyens qu'ils se sont donnés, sont certes différents. En revanche, les entreprises industrielles et les enjeux techniques sont souvent identiques. A cet égard, je me félicite des liens qui ont été établis entre l'équipe en charge du DMP et les responsables du projet anglais, mené sous l'égide du National Health Services.
Je me félicite également du contenu des exposés et des débats. Avec quelle architecture et quel mode de financement bâtir le projet ? Comment mettre le dossier médical au service du patient et de la qualité des soins ? Voilà deux questions centrales qui définissent les contours du sujet. Je sais que les débats ont été riches, comme la synthèse des travaux vient de le montrer.
Je souhaite pour clôturer ce colloque traiter trois sujets plus particulièrement.
Mon premier point sera de rappeler la priorité que le gouvernement attache à la mise en uvre rapide du DMP. Dans un deuxième temps, je voudrais rappeler ce qui a été fait depuis un an et le chemin parcouru depuis le vote de la loi. Enfin, je voudrais souligner que les mois qui viennent verront un changement de rythme : le dossier du DMP va passer à la vitesse supérieure. Les Français vont pleinement se rendre compte dans les moins qui viennent de ce qu'il peut être et de ce qu'il doit être. Le temps qui a passé a permis de rendre le projet plus simple et plus lisible.
I. Les raisons de la mise en place du DMP
Avec la loi du 13 août 2004, le gouvernement a engagé, avec le soutien du Parlement, une réforme majeure de l'assurance-maladie. Je ne reviendrai pas sur les motifs de cette réforme. Je voudrais insister en revanche sur la place du DMP dans la réforme et sur l'urgence de son déploiement.
La réforme vise principalement à mieux organiser et à mieux gérer notre système de santé. L'amélioration de son organisation passe par une vraie coordination des soins et par la mise en place du " parcours de soins " autour du médecin traitant. D'ores et déjà plus de 15 millions de Français ont choisi ce médecin, celui en qui ils ont confiance. Elle passe aussi une plus grande coopération entre médecine de ville et hôpital.
Le DMP s'inscrit dans cette même logique de coordination et de décloisonnement des soins. La création du DMP et son déploiement rapide d'ici le premier juillet 2007 ont été fixés par la loi d'août 2004. Ce sont même les premiers articles de la loi. Cette démarche correspond par ailleurs à une attente véritable de la part des patients et des professionnels. Le dernier sondage publié montre que 80% des Français sont favorables au DMP. C'est un gage de succès : il n'y a pas de réforme réussie sans objectifs partagés.
Le DMP s'inscrit également dans une attente forte de la part des professionnels de ville et des hospitaliers, qui souhaitent mieux coopérer entre eux pour améliorer la prise en charge du patient. C'est ce qui explique le développement des réseaux de soins qui se sont créés depuis une dizaine d'années et dont le diabète fournit un bon exemple. Tous les réseaux reposent sur des systèmes d'information permettant aux professionnels de disposer des données sur le patient en temps réel et de les partager pour assurer sa prise en charge coordonnée. C'est encore plus vrai dans le domaine des cancers. Le plan cancer du printemps 2004 prévoit explicitement un dossier communicant de cancérologie (DCC). La convention signée il y a maintenant plusieurs mois entre la région Rhône-Alpes, le Centre de lutte contre le cancer, les CHU et l'ARH est un bon exemple des travaux en cours. Le DCC sera développé en étroite relation avec le DMP.
Le DMP est surtout un instrument de connaissance de l'état de santé du patient, utilisé en commun par les patients et les professionnels de santé. Cette communauté d'usage est importante. Il convient de renforcer le colloque singulier entre le patient et le soignant, de faire place à une présentation partagée de l'état de santé du patient et des soins qui lui sont délivrés. Pour aboutir, ce dialogue suppose plusieurs conditions, et en premier lieu la sécurité absolue de la circulation et de l'archivage des données qui seront recueillies dans le DMP. D'autres règles du jeu doivent être définies, notamment l'utilisation de ces données, avec les sujets importants du droit à l'oubli ou des données masquées.
Garant de la qualité en matière de soins, le DMP doit être un outil sûr et simple. Il s'agit d'abord de lutter contre la iatrogénie et les actes redondants. Les évaluations de l'ANAES permettent de dire que les interactions médicamenteuses représentent135 000 hospitalisations par an.
La sécurisation de la prescription pharmaceutique est d'ailleurs, vous le savez, la priorité que se sont fixés nos voisins anglais. Il est certain qu'un volet médicament renseigné et utilisé en temps réel doit permettre des améliorations considérables. A ce titre, je redis ici qu'il n'est pas question de se passer de l'apport des pharmaciens.
En deuxième lieu, le DMP doit favoriser la coopération des professionnels entre eux : je ne reviens pas sur l'exemple des réseaux et du cancer que j'ai évoqué il y a un instant.
Nous nous fixons enfin un autre objectif à moyen terme. Le DMP doit être simple d'utilisation pour les professionnels de santé. A cet égard, il devra être pleinement compatible avec les logiciels des cabinets médicaux, déjà utilisés par plus d'un tiers des professionnels.
Le dossier médical, au sens général du terme, n'est certes pas une idée neuve. Les professionnels de santé, en ville comme à l'hôpital, ont souligné l'intérêt de son usage pour la qualité des soins et ont commencé de l'utiliser dans leur pratique. La généralisation du DMP à tous les Français a une signification profonde pour l'avenir du système de soins et d'assurance-maladie français. Cela signifie que l'Etat entend mettre en place un outil dont les spécificités sont fixées sous sa responsabilité. Cet outil sera utilisable sur tout le territoire national, sous le contrôle des patients, par tous les professionnels de santé. Que l'Etat prenne cette responsabilité manifeste son attachement à une assurance maladie solidaire, fondée sur des règles qui s'imposent à tous.
Certains nous ont reproché de fixer des délais trop rapprochés. Soyons clairs, je crois que dans un chantier de cette dimension, où les aspects opérationnels et notamment industriels sont une composante essentielle, ne pas fixer de délais rapides, c'était se condamner à une progression en ordre dispersé. Chacun des acteurs aurait continué comme dans la période antérieure, à construire son dossier médical pour un usage immédiat.
A la mi-2007, le DMP sera une réussite si deux enjeux sont réunis.
Le premier enjeu est de faire en sorte que les questions techniques et financières permettant l'usage du DMP aient été résolues, dans le respect absolu de la sécurité et de l'éthique. Cela signifie notamment que le financement aura été clarifié, ce qui devrait intervenir, pour une première étape, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2006.
Le deuxième enjeu est l'appropriation du DMP par les médecins, comme un outil à usage médical et comme un outil de pratique quotidienne. Pour les médecins de ville, je sais le soutien qu'ils apportent à travers leurs représentants. Pour l'hôpital, nous avons fixé une priorité de connexion au DMP pour chaque établissement dans le cadre du " plan Hôpital 2007 ".
II. J'en viens maintenant, plus brièvement, aux étapes franchies depuis le vote la loi.
Le chemin parcouru permet de dire que les choses ont singulièrement avancé. Les mois qui se sont écoulés ont permis d'avancer sur trois points : la définition d'une méthode de travail, la mise en place d'une équipe opérationnelle et la prise en compte de la mesure du chantier. Le temps qui s'est écoulé a permis d'y voir plus clair et de simplifier le projet. Dans les mois qui viennent, à partir de l'adoption du cahier des charges et de la désignation des " sites pilotes ", les Français verront s'ébaucher le DMP.
La définition de la méthode de travail pour sa montée en charge s'est faite à la mi-octobre 2004, à l'occasion d'un séminaire placé sous la coordination de l'ANAES et ayant réuni plus de cinquante participants à Roissy. Les orientations arrêtées lors de cette réunion ont constitué la base sur laquelle a pu s'opérer le lancement opérationnel du DMP.
Ce séminaire regroupait tous les partenaires afin de définir les conditions de la montée en charge du DMP : les associations de patients, les professionnels de santé, les représentants de l'Etat et de l'assurance-maladie et naturellement sur une matière aussi technique, de nombreux experts de terrain. Au terme des travaux, les participants ont relevé que la participation de tous à l'élaboration du projet et l'état d'esprit dans lequel les débats s'étaient déroulés étaient un acquis essentiel. A l'issue du séminaire, Alain Coulomb qui en était l'animateur a présenté au ministre de la santé un rapport sur " les conditions et les modalités de mise en uvre du dossier médical personnel ". Les neuf points, qui figurent en tête du rapport et résument les travaux, ont constitué le socle fondateur du projet.
La deuxième étape que nous avons franchie a été la mise en place d'une équipe de maîtrise d'ouvrage opérationnelle. Le conseil d'administration du Groupement d'intérêt public (GIP) a été installé le 21 avril dernier. Il est aujourd'hui pleinement opérationnel.
La structure choisie n'a rien d'original. Des GIP sont créés régulièrement lorsqu'il s'agit, pour l'Etat, d'associer à un projet d'intérêt général plusieurs grands partenaires. En sont membres, vous le savez, la CNAMTS au titre des régimes d'assurance-maladie et la Caisse des dépôts. Nous avons souhaité la présence de ce grand acteur financier public en raison de son expérience dans l'assistance à maîtrise d'ouvrage de grands projets publics ainsi que dans la conservation des données.
Le Comité d'orientation du GIP est une instance importante. Il a pour objectif la création d'un climat de confiance entre tous les acteurs tout au long de la mise en oeuvre du projet. Nous avons voulu que tous ceux qui devaient participer à l'élaboration du projet et garantir des conditions d'utilisation éthiques et sécurisées soient représentés à ce comité. Il s'est réuni une première fois à la mi-avril. Ses membres et l'équipe du GIP vont pouvoir définir plus précisément son programme et ses méthodes de travail au cours d'un nouveau séminaire qui sera tenu début juillet.
Je veillerai de près au climat dans lequel les travaux du comité se dérouleront car le soutien de tous à ce projet est évidemment une condition de son succès.
Je voudrais en profiter pour insister sur un point qui me paraît capital dans l'approche française du DMP : la prise en compte des expériences de terrain. En effet, en la matière, nous ne partons pas de rien ; nous bénéficions d'un acquis solide.
La prise en compte des expériences de terrain suppose toutefois qu'un certain nombre de conditions soient remplies. Pour des raisons de garantie de confidentialité ou de responsabilité, les DMP des " sites-pilote " devront répondre à trois conditions.
La première condition est l'existence d'un contenu médical et technique solide, ce qui signifie sans doute une taille suffisante.
La deuxième condition repose sur l'organisation effective, - autour du patient, et en accord avec lui - d'une véritable coopération entre professionnels de santé, en ville et en établissement. Le nombre des dossiers existants n'est pas l'essentiel ici. Il importe surtout que ces dossiers correspondent à une pratique professionnelle actualisée et vivante.
La dernière condition repose sur une large adhésion autour du projet. Celui-ci doit recueillir au plan local l'adhésion des associations de patients, celle des organisations représentatives de professionnels ou d'établissements mais aussi bénéficier du soutien de l'ARH, de l'URCAM et de l'URML. Il n'est pas question de manquer ces rendez-vous à venir. Le soutien permanent des acteurs et des patients est pour moi une préoccupation essentielle, en tant que Ministre de la Santé mais aussi en tant que citoyen.
Vous le savez, il existe plusieurs exemples de dossiers médicaux en région, qui entrent pour tout ou partie dans ces trois critères. Ils peuvent servir d'appui aux futurs " sites-pilote " régionaux. Je souhaiterais mentionner un certain nombre de ces expériences sans que cela constitue une liste exhaustive ou une quelconque préfiguration. Je pense notamment aux 18 réseaux ville - hôpital de la région Franche-comté fédérés autour de la plate-forme de l'ARH ; à la convention de la région Rhône-Alpes qui, à partir du dossier communicant du cancer, offre des outils pour les autres pathologies et associe une cinquantaine d'établissements. Enfin, je voudrais aussi évoquer les réseaux ville - hôpital de la région Aquitaine fédérés par ARH, ainsi que le projet de réseau ville - hôpital construit autour des CHU de Lille et de Rouen.
III. Je voudrais maintenant aborder, pour finir, les deux objectifs fixés à l'équipe dirigeante du DMP.
Deux objectifs sont au cur de l'action dans les mois à venir : tenir les délais et respecter les engagements pris dans la loi ; préserver le soutien et la confiance des patients, des usagers et des acteurs de santé. Plus qu'un outil technologique, le DMP repose sur la confiance réciproque de deux hommes : celui qui soigne et celui qui est malade. Cette confiance et cette part d'humanité, je souhaite qu'elle détermine toutes les orientations prises dans les mois à venir.
Le premier de ces objectifs est de tenir le calendrier détaillé qui a été proposé pour les six prochains mois. Je souhaiterais le résumer rapidement. Le document de consultation des hébergeurs devra être achevé fin juin pour être soumis au séminaire du Comité d'orientation du GIP début juillet. L'appel à candidature des hébergeurs interviendra dans la seconde quinzaine de juillet sur la base de ce document de manière à préciser avec eux les conditions de leur intervention à la phase suivante. La sélection des hébergeurs des " sites-pilotes " aura lieu à la fin de l'été, avant le lancement des premiers sites de déploiement de DMP.
Au terme d'un délai suffisant pour apprécier les conditions de fonctionnement de ces premiers sites, c'est-à-dire au printemps 2006 une évaluation approfondie en sera réalisée. C'est au vu des résultats de cette évaluation que sera prise la décision définitive des lancements à l'échelle nationale. A cette date les conditions pour atteindre l'objectif fixé par la loi à la mi- 2007 seront également précisées.
J'ai déjà évoqué le deuxième des objectifs fixés à l'équipe dirigeante du GIP. Il s'agit de créer et d'entretenir en permanence un climat de confiance des acteurs sur les conditions de montée en charge du projet. Les partenaires sont nombreux si l'on se reporte à la diversité des expériences locales. Chacun des acteurs a un rôle important à tenir pour assurer le succès de la généralisation du DMP. Je compte particulièrement sur le Comité d'orientation du GIP et sur son président pour réussir à entretenir ce climat qui garantit au projet sa visibilité et surtout sa crédibilité.
Conclusion
Je voudrais pour terminer remercier les organisateurs et les participants à ces rencontres pour leur implication et la qualité de leurs débats parce que nous avons et nous continuerons à avoir besoin de toutes les contributions. Avec le DMP, nous sommes engagés dans un chantier majeur pour la qualité des soins, l'amélioration des pratiques professionnelles et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Ce qui était encore un projet inscrit dans les textes, ce dont beaucoup d'acteurs de la santé doutait entre aujourd'hui dans une autre phase de son déploiement. Dans les mois qui viennent, chaque Français pourra mesurer concrètement ce que peut être le DMP et ce qu'il doit être, en quoi surtout il est bon pour le patient et pour sa santé. Le succès de la généralisation du DMP repose donc sur deux conditions : que les acteurs de la santé s'approprient le DMP ; que la confiance et le rôle des usagers soient préservées. Je sais que je m'adresse à des experts et des professionnels, mais je sais aussi que je m'adresse à des patients et à des usagers du système de santé. Car il ne s'agit pas, avec le DMP, de réussir une prouesse technique ou technologique mais il s'agit bel et bien d'améliorer la pratique médicale de tous les patients que nous sommes.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 juin 2005)
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais remercier MM Yves BUR et Jean Marie LEGUEN d'avoir organisé ces rencontres parlementaires sur le dossier médical personnel et de m'avoir proposé de clôturer devant vous cette journée de travail et d'échanges.
Que ce colloque se tienne ici, à l'Assemblée nationale est pour moi un signe tout à fait important. De même que le fait qu'il ait été organisé par deux députés, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition, qui ont joué un rôle particulièrement actif dans les débats sur la loi de réforme de l'assurance maladie d'août 2004. Cela confirme le souhait du gouvernement de voir le Parlement jouer un rôle majeur dans la définition du cadre de notre protection sociale et dans les débats qui accompagnent sa mise en uvre.
Cette journée a réuni tous les acteurs du projet : universitaires, industriels, professionnels de santé représentants des associations, mais aussi responsables du pilotage de ce chantier. Tous ont leur place. Leur capacité à coopérer en pleine confiance est un élément majeur de sa réussite. J'aurais une mention particulière pour les personnalités invitées en tant que témoins des pays voisins. Les objectifs qu'ils se sont fixés, les calendriers et les moyens qu'ils se sont donnés, sont certes différents. En revanche, les entreprises industrielles et les enjeux techniques sont souvent identiques. A cet égard, je me félicite des liens qui ont été établis entre l'équipe en charge du DMP et les responsables du projet anglais, mené sous l'égide du National Health Services.
Je me félicite également du contenu des exposés et des débats. Avec quelle architecture et quel mode de financement bâtir le projet ? Comment mettre le dossier médical au service du patient et de la qualité des soins ? Voilà deux questions centrales qui définissent les contours du sujet. Je sais que les débats ont été riches, comme la synthèse des travaux vient de le montrer.
Je souhaite pour clôturer ce colloque traiter trois sujets plus particulièrement.
Mon premier point sera de rappeler la priorité que le gouvernement attache à la mise en uvre rapide du DMP. Dans un deuxième temps, je voudrais rappeler ce qui a été fait depuis un an et le chemin parcouru depuis le vote de la loi. Enfin, je voudrais souligner que les mois qui viennent verront un changement de rythme : le dossier du DMP va passer à la vitesse supérieure. Les Français vont pleinement se rendre compte dans les moins qui viennent de ce qu'il peut être et de ce qu'il doit être. Le temps qui a passé a permis de rendre le projet plus simple et plus lisible.
I. Les raisons de la mise en place du DMP
Avec la loi du 13 août 2004, le gouvernement a engagé, avec le soutien du Parlement, une réforme majeure de l'assurance-maladie. Je ne reviendrai pas sur les motifs de cette réforme. Je voudrais insister en revanche sur la place du DMP dans la réforme et sur l'urgence de son déploiement.
La réforme vise principalement à mieux organiser et à mieux gérer notre système de santé. L'amélioration de son organisation passe par une vraie coordination des soins et par la mise en place du " parcours de soins " autour du médecin traitant. D'ores et déjà plus de 15 millions de Français ont choisi ce médecin, celui en qui ils ont confiance. Elle passe aussi une plus grande coopération entre médecine de ville et hôpital.
Le DMP s'inscrit dans cette même logique de coordination et de décloisonnement des soins. La création du DMP et son déploiement rapide d'ici le premier juillet 2007 ont été fixés par la loi d'août 2004. Ce sont même les premiers articles de la loi. Cette démarche correspond par ailleurs à une attente véritable de la part des patients et des professionnels. Le dernier sondage publié montre que 80% des Français sont favorables au DMP. C'est un gage de succès : il n'y a pas de réforme réussie sans objectifs partagés.
Le DMP s'inscrit également dans une attente forte de la part des professionnels de ville et des hospitaliers, qui souhaitent mieux coopérer entre eux pour améliorer la prise en charge du patient. C'est ce qui explique le développement des réseaux de soins qui se sont créés depuis une dizaine d'années et dont le diabète fournit un bon exemple. Tous les réseaux reposent sur des systèmes d'information permettant aux professionnels de disposer des données sur le patient en temps réel et de les partager pour assurer sa prise en charge coordonnée. C'est encore plus vrai dans le domaine des cancers. Le plan cancer du printemps 2004 prévoit explicitement un dossier communicant de cancérologie (DCC). La convention signée il y a maintenant plusieurs mois entre la région Rhône-Alpes, le Centre de lutte contre le cancer, les CHU et l'ARH est un bon exemple des travaux en cours. Le DCC sera développé en étroite relation avec le DMP.
Le DMP est surtout un instrument de connaissance de l'état de santé du patient, utilisé en commun par les patients et les professionnels de santé. Cette communauté d'usage est importante. Il convient de renforcer le colloque singulier entre le patient et le soignant, de faire place à une présentation partagée de l'état de santé du patient et des soins qui lui sont délivrés. Pour aboutir, ce dialogue suppose plusieurs conditions, et en premier lieu la sécurité absolue de la circulation et de l'archivage des données qui seront recueillies dans le DMP. D'autres règles du jeu doivent être définies, notamment l'utilisation de ces données, avec les sujets importants du droit à l'oubli ou des données masquées.
Garant de la qualité en matière de soins, le DMP doit être un outil sûr et simple. Il s'agit d'abord de lutter contre la iatrogénie et les actes redondants. Les évaluations de l'ANAES permettent de dire que les interactions médicamenteuses représentent135 000 hospitalisations par an.
La sécurisation de la prescription pharmaceutique est d'ailleurs, vous le savez, la priorité que se sont fixés nos voisins anglais. Il est certain qu'un volet médicament renseigné et utilisé en temps réel doit permettre des améliorations considérables. A ce titre, je redis ici qu'il n'est pas question de se passer de l'apport des pharmaciens.
En deuxième lieu, le DMP doit favoriser la coopération des professionnels entre eux : je ne reviens pas sur l'exemple des réseaux et du cancer que j'ai évoqué il y a un instant.
Nous nous fixons enfin un autre objectif à moyen terme. Le DMP doit être simple d'utilisation pour les professionnels de santé. A cet égard, il devra être pleinement compatible avec les logiciels des cabinets médicaux, déjà utilisés par plus d'un tiers des professionnels.
Le dossier médical, au sens général du terme, n'est certes pas une idée neuve. Les professionnels de santé, en ville comme à l'hôpital, ont souligné l'intérêt de son usage pour la qualité des soins et ont commencé de l'utiliser dans leur pratique. La généralisation du DMP à tous les Français a une signification profonde pour l'avenir du système de soins et d'assurance-maladie français. Cela signifie que l'Etat entend mettre en place un outil dont les spécificités sont fixées sous sa responsabilité. Cet outil sera utilisable sur tout le territoire national, sous le contrôle des patients, par tous les professionnels de santé. Que l'Etat prenne cette responsabilité manifeste son attachement à une assurance maladie solidaire, fondée sur des règles qui s'imposent à tous.
Certains nous ont reproché de fixer des délais trop rapprochés. Soyons clairs, je crois que dans un chantier de cette dimension, où les aspects opérationnels et notamment industriels sont une composante essentielle, ne pas fixer de délais rapides, c'était se condamner à une progression en ordre dispersé. Chacun des acteurs aurait continué comme dans la période antérieure, à construire son dossier médical pour un usage immédiat.
A la mi-2007, le DMP sera une réussite si deux enjeux sont réunis.
Le premier enjeu est de faire en sorte que les questions techniques et financières permettant l'usage du DMP aient été résolues, dans le respect absolu de la sécurité et de l'éthique. Cela signifie notamment que le financement aura été clarifié, ce qui devrait intervenir, pour une première étape, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2006.
Le deuxième enjeu est l'appropriation du DMP par les médecins, comme un outil à usage médical et comme un outil de pratique quotidienne. Pour les médecins de ville, je sais le soutien qu'ils apportent à travers leurs représentants. Pour l'hôpital, nous avons fixé une priorité de connexion au DMP pour chaque établissement dans le cadre du " plan Hôpital 2007 ".
II. J'en viens maintenant, plus brièvement, aux étapes franchies depuis le vote la loi.
Le chemin parcouru permet de dire que les choses ont singulièrement avancé. Les mois qui se sont écoulés ont permis d'avancer sur trois points : la définition d'une méthode de travail, la mise en place d'une équipe opérationnelle et la prise en compte de la mesure du chantier. Le temps qui s'est écoulé a permis d'y voir plus clair et de simplifier le projet. Dans les mois qui viennent, à partir de l'adoption du cahier des charges et de la désignation des " sites pilotes ", les Français verront s'ébaucher le DMP.
La définition de la méthode de travail pour sa montée en charge s'est faite à la mi-octobre 2004, à l'occasion d'un séminaire placé sous la coordination de l'ANAES et ayant réuni plus de cinquante participants à Roissy. Les orientations arrêtées lors de cette réunion ont constitué la base sur laquelle a pu s'opérer le lancement opérationnel du DMP.
Ce séminaire regroupait tous les partenaires afin de définir les conditions de la montée en charge du DMP : les associations de patients, les professionnels de santé, les représentants de l'Etat et de l'assurance-maladie et naturellement sur une matière aussi technique, de nombreux experts de terrain. Au terme des travaux, les participants ont relevé que la participation de tous à l'élaboration du projet et l'état d'esprit dans lequel les débats s'étaient déroulés étaient un acquis essentiel. A l'issue du séminaire, Alain Coulomb qui en était l'animateur a présenté au ministre de la santé un rapport sur " les conditions et les modalités de mise en uvre du dossier médical personnel ". Les neuf points, qui figurent en tête du rapport et résument les travaux, ont constitué le socle fondateur du projet.
La deuxième étape que nous avons franchie a été la mise en place d'une équipe de maîtrise d'ouvrage opérationnelle. Le conseil d'administration du Groupement d'intérêt public (GIP) a été installé le 21 avril dernier. Il est aujourd'hui pleinement opérationnel.
La structure choisie n'a rien d'original. Des GIP sont créés régulièrement lorsqu'il s'agit, pour l'Etat, d'associer à un projet d'intérêt général plusieurs grands partenaires. En sont membres, vous le savez, la CNAMTS au titre des régimes d'assurance-maladie et la Caisse des dépôts. Nous avons souhaité la présence de ce grand acteur financier public en raison de son expérience dans l'assistance à maîtrise d'ouvrage de grands projets publics ainsi que dans la conservation des données.
Le Comité d'orientation du GIP est une instance importante. Il a pour objectif la création d'un climat de confiance entre tous les acteurs tout au long de la mise en oeuvre du projet. Nous avons voulu que tous ceux qui devaient participer à l'élaboration du projet et garantir des conditions d'utilisation éthiques et sécurisées soient représentés à ce comité. Il s'est réuni une première fois à la mi-avril. Ses membres et l'équipe du GIP vont pouvoir définir plus précisément son programme et ses méthodes de travail au cours d'un nouveau séminaire qui sera tenu début juillet.
Je veillerai de près au climat dans lequel les travaux du comité se dérouleront car le soutien de tous à ce projet est évidemment une condition de son succès.
Je voudrais en profiter pour insister sur un point qui me paraît capital dans l'approche française du DMP : la prise en compte des expériences de terrain. En effet, en la matière, nous ne partons pas de rien ; nous bénéficions d'un acquis solide.
La prise en compte des expériences de terrain suppose toutefois qu'un certain nombre de conditions soient remplies. Pour des raisons de garantie de confidentialité ou de responsabilité, les DMP des " sites-pilote " devront répondre à trois conditions.
La première condition est l'existence d'un contenu médical et technique solide, ce qui signifie sans doute une taille suffisante.
La deuxième condition repose sur l'organisation effective, - autour du patient, et en accord avec lui - d'une véritable coopération entre professionnels de santé, en ville et en établissement. Le nombre des dossiers existants n'est pas l'essentiel ici. Il importe surtout que ces dossiers correspondent à une pratique professionnelle actualisée et vivante.
La dernière condition repose sur une large adhésion autour du projet. Celui-ci doit recueillir au plan local l'adhésion des associations de patients, celle des organisations représentatives de professionnels ou d'établissements mais aussi bénéficier du soutien de l'ARH, de l'URCAM et de l'URML. Il n'est pas question de manquer ces rendez-vous à venir. Le soutien permanent des acteurs et des patients est pour moi une préoccupation essentielle, en tant que Ministre de la Santé mais aussi en tant que citoyen.
Vous le savez, il existe plusieurs exemples de dossiers médicaux en région, qui entrent pour tout ou partie dans ces trois critères. Ils peuvent servir d'appui aux futurs " sites-pilote " régionaux. Je souhaiterais mentionner un certain nombre de ces expériences sans que cela constitue une liste exhaustive ou une quelconque préfiguration. Je pense notamment aux 18 réseaux ville - hôpital de la région Franche-comté fédérés autour de la plate-forme de l'ARH ; à la convention de la région Rhône-Alpes qui, à partir du dossier communicant du cancer, offre des outils pour les autres pathologies et associe une cinquantaine d'établissements. Enfin, je voudrais aussi évoquer les réseaux ville - hôpital de la région Aquitaine fédérés par ARH, ainsi que le projet de réseau ville - hôpital construit autour des CHU de Lille et de Rouen.
III. Je voudrais maintenant aborder, pour finir, les deux objectifs fixés à l'équipe dirigeante du DMP.
Deux objectifs sont au cur de l'action dans les mois à venir : tenir les délais et respecter les engagements pris dans la loi ; préserver le soutien et la confiance des patients, des usagers et des acteurs de santé. Plus qu'un outil technologique, le DMP repose sur la confiance réciproque de deux hommes : celui qui soigne et celui qui est malade. Cette confiance et cette part d'humanité, je souhaite qu'elle détermine toutes les orientations prises dans les mois à venir.
Le premier de ces objectifs est de tenir le calendrier détaillé qui a été proposé pour les six prochains mois. Je souhaiterais le résumer rapidement. Le document de consultation des hébergeurs devra être achevé fin juin pour être soumis au séminaire du Comité d'orientation du GIP début juillet. L'appel à candidature des hébergeurs interviendra dans la seconde quinzaine de juillet sur la base de ce document de manière à préciser avec eux les conditions de leur intervention à la phase suivante. La sélection des hébergeurs des " sites-pilotes " aura lieu à la fin de l'été, avant le lancement des premiers sites de déploiement de DMP.
Au terme d'un délai suffisant pour apprécier les conditions de fonctionnement de ces premiers sites, c'est-à-dire au printemps 2006 une évaluation approfondie en sera réalisée. C'est au vu des résultats de cette évaluation que sera prise la décision définitive des lancements à l'échelle nationale. A cette date les conditions pour atteindre l'objectif fixé par la loi à la mi- 2007 seront également précisées.
J'ai déjà évoqué le deuxième des objectifs fixés à l'équipe dirigeante du GIP. Il s'agit de créer et d'entretenir en permanence un climat de confiance des acteurs sur les conditions de montée en charge du projet. Les partenaires sont nombreux si l'on se reporte à la diversité des expériences locales. Chacun des acteurs a un rôle important à tenir pour assurer le succès de la généralisation du DMP. Je compte particulièrement sur le Comité d'orientation du GIP et sur son président pour réussir à entretenir ce climat qui garantit au projet sa visibilité et surtout sa crédibilité.
Conclusion
Je voudrais pour terminer remercier les organisateurs et les participants à ces rencontres pour leur implication et la qualité de leurs débats parce que nous avons et nous continuerons à avoir besoin de toutes les contributions. Avec le DMP, nous sommes engagés dans un chantier majeur pour la qualité des soins, l'amélioration des pratiques professionnelles et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Ce qui était encore un projet inscrit dans les textes, ce dont beaucoup d'acteurs de la santé doutait entre aujourd'hui dans une autre phase de son déploiement. Dans les mois qui viennent, chaque Français pourra mesurer concrètement ce que peut être le DMP et ce qu'il doit être, en quoi surtout il est bon pour le patient et pour sa santé. Le succès de la généralisation du DMP repose donc sur deux conditions : que les acteurs de la santé s'approprient le DMP ; que la confiance et le rôle des usagers soient préservées. Je sais que je m'adresse à des experts et des professionnels, mais je sais aussi que je m'adresse à des patients et à des usagers du système de santé. Car il ne s'agit pas, avec le DMP, de réussir une prouesse technique ou technologique mais il s'agit bel et bien d'améliorer la pratique médicale de tous les patients que nous sommes.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 juin 2005)