Texte intégral
Monsieur le ministre, cher collègue [M.GOULARD], Messieurs les députés et sénateurs [MM.BIRRAUX, BATAILLE, REVOL],
Messieurs les élus, Monsieur l'Administrateur général, Monsieur le Haut-Commissaire, Monsieur le directeur général, Mesdames et Messieurs,
C'est avec le plus grand intérêt que je reçois les rapports qui nous sont remis aujourd'hui et qui nourriront le projet de loi que je présenterai en 2006 sur la gestion des déchets radioactifs.
L'énergie nucléaire nous apporte une électricité à un prix compétitif, sans émettre de gaz à effet de serre et en contribuant à notre indépendance énergétique. Il appartient aux générations présentes, qui bénéficient de ces avantages, d'apporter une réponse à la question, encore ouverte, de la gestion des déchets produits par cette industrie.
Cette question se pose d'ailleurs quelle que soit la place que nous accorderons au nucléaire dans notre futur bouquet énergétique. En effet, il existe déjà des déchets radioactifs ; ils ont été produits depuis plus de quarante ans par l'industrie nucléaire ; il nous appartient de dégager des solutions sûres et pérennes de gestion.
Des avancées significatives ont déjà été réalisées. Elles ont permis en particulier la prise en charge des déchets de très faible, de faible et de moyenne activité à vie courte dans des centres de stockage en surface.
Les autres déchets représentent seulement 10 % des volumes produits mais concentrent 99 % de la radioactivité. Ils sont entreposés dans des installations de surface qui ont été conçues pour durer quelques dizaines d'années. Que ferons-nous alors de ces déchets ? Les remettrons-nous dans des entreposages de surface, ou bien à quelques dizaines de mètres de profondeur, ou bien à quelques centaines de mètres de profondeur ? A moins que nous puissions les " incinérer " dans les réacteurs nucléaires du futur ?
C'est pour répondre à ces questions, pour finir assez simples à formuler, que des programmes de recherche ambitieux ont été lancés dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991.
Le gouvernement tirera en 2006, avec le Parlement, le bilan politique de ces quinze années de recherches. Il nous revient en effet de prendre les décisions nécessaires, sans céder à la tentation de reporter à plus tard ces sujets de long terme. Je sais pouvoir compter sur l'engagement des parlementaires de l'OPECST pour avancer avec nous sur ce sujet.
1. Je veux souligner la qualité des travaux scientifiques qui ont été menés, sans lesquels aucune décision ne serait possible.
Pendant 14 ans, les trois thématiques définies dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991 ont donné lieu à des recherches menées par des équipes de très haut niveau du CEA, de l'ANDRA mais aussi d'autres établissement français et étrangers, en particulier du CNRS. Près de 2,5 milliards d'euros ont ainsi été investis.
Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux, chercheurs et ingénieurs, qui ont consacré quelques années de leur vie à faire progresser la connaissance sur ces sujets fondamentaux pour la science comme pour la société.
C'est sur un socle solide de connaissances scientifiques que, grâce à eux, des décisions démocratiques pourront être prises en 2006. Je ne doute pas que nous aurons aussi besoin d'eux après 2006.
Mais, il est trop tôt pour établir des conclusions à partir des rapports qui nous sont remis ce matin.
2. Je me contenterai donc de faire quelques constats, que nous tirons des rapports intermédiaires déjà publiés.
Premièrement les trois axes de recherche de la loi de 1991 apparaissent aujourd'hui comme complémentaires.
L'axe 1, la séparation/transmutation, permettra sans doute d'aller encore plus loin dans la réduction de la durée de vie des déchets ultimes. Pour autant, il faut être réaliste et transparent vis-à-vis de nos concitoyens : il ne permettra pas d'éradiquer tous les déchets.
Pour les déchets ultimes résiduels, il faudra donc définir des solutions à partir de l'axe 2, le stockage géologique, et de l'axe 3, l'entreposage en surface. Dans tous les cas, l'axe 3 permettra de gérer les phases de transition, notamment les phases de refroidissement des déchets les plus chauds.
Deuxièmement les recherches menées pendant ces 15 ans ont permis de faire des progrès considérables sur les 3 axes mais n'ont pas abouti au même degré de maturité scientifique ou technique.
Des entreposages existent déjà sur les sites industriels de La Hague, de Marcoule et de Cadarache. L'avancement des recherches sur l'axe 3 permettrait, si la nécessité en était confirmée, de construire de nouveaux entreposages dans un délai de 10 ans.
Concernant le stockage en couches géologiques, les travaux menés par l'Andra devront se poursuivre après 2006. Si les résultats de ces recherches se confirment et dans le cas où le Parlement le souhaiterait, la décision de création d'une installation pourrait intervenir en 2015 pour un début d'exploitation en 2025. Voila ce qu'on peut penser aujourd'hui.
Enfin, il faudra encore plusieurs décennies à la voie de la séparation poussée et de la transmutation pour passer du stade du laboratoire à celui du prototype puis à celui du réacteur industriel. C'est au plus tôt en 2040, que des réacteurs de transmutation pourraient nous permettre de transformer les déchets d'aujourd'hui en combustibles de demain.
Troisièmement, je veux souligner l'intérêt de la notion de réversibilité, qui a été intégrée aux recherches sur le stockage.
La réversibilité ouvrirait la possibilité d'avancer prudemment sur la voie du stockage. Elle laisserait le temps de conforter par l'expérience et la surveillance d'un stockage, les connaissances acquises au travers des recherches. Elle permettrait une éventuelle reprise des déchets, si un aléa imprévu se produisait ou si des progrès dans la gestion des déchets dégageaient de nouvelles solutions. Elle n'empêcherait pas pour autant la fermeture du stockage, après une longue période d'exploitation et de surveillance, si les générations futures en décidaient ainsi.
Je suis donc sensible à l'intérêt d'intégrer la notion de réversibilité dans le projet de loi de 2006.
3. Mais je ne veux pas anticiper sur ce projet de loi. Laissez-moi, pour finir, vous rappeler les étapes qui nous y conduiront.
Les rapports de recherche que nous recevons aujourd'hui feront l'objet de plusieurs évaluations indépendantes : par la Commission nationale d'évaluation, par une revue d'experts internationaux sous l'égide de l'OCDE et par l'Autorité de sûreté nucléaire.
Il y aura aussi un débat public organisé par la Commission nationale du débat public à la demande du Gouvernement à l'automne 2005. Je souhaite que ce débat public permette, dans la transparence et l'équité, d'informer et d'entendre le plus grand nombre.
Sur la base de tous ces éléments, le Gouvernement pourra finaliser au premier trimestre 2006 le projet de loi prévu par la loi de 1991. Ce projet de loi sera ensuite présenté et discuté au Parlement, à qui il reviendra de prendre les décisions au second trimestre 2006.
Je vous souhaite à tous et à toutes un excellent colloque et une journée de travail fructueuse. Sans la rigueur, l'inventivité et la ténacité des chercheurs et des ingénieurs qui ont travaillé durant ces 14 années sur le sujet, l'étape de 2006 ne serait tout simplement pas possible.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 1er juillet 2005)