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CFDT Magazine. Quelle appréciation porte la CFDT sur les mesures pour l'emploi proposées par le gouvernement ?
François Chérèque. Il faut d'abord souligner la grande absente de ce plan pour l'emploi : une réelle politique économique pour relancer la croissance, créatrice d'emploi. Le Premier ministre propose une petite boîte à outils comme d'autres l'ont fait en leur temps. Mais ces propositions interviennent sans vision globale pour la France et l'Europe. Trouver des solutions à l'intérieur de nos frontières n'est pas suffisant. C'est un repli sur soi.
Concernant les mesures du plan Villepin, trois sont critiquables. Tel qu'il est présenté, le " contrat nouvelle embauche " représente une flexibilité accrue pour les entreprises de moins de dix salariés sans contrepartie pour ceux et celles qui perdraient leur emploi. Par ailleurs, en n'intégrant plus les salariés de moins de 25 ans dans les effectifs des entreprises, on remet en cause les seuils sociaux à 10 et 50 salariés. Ceux-ci permettaient aux organisations syndicales de disposer de droits collectifs et syndicaux (DP, CE). Cela est inacceptable pour la CFDT.
Enfin, nous sommes hostiles à la suppression totale des charges patronales sur les salaires au Smic. Cette mesure va inciter des employeurs à maintenir des salariés au niveau du smic et bloquer ainsi les évolutions de carrière.
Quel est le contenu du pacte social que la CFDT appelle de ses vux ?
La CFDT demande qu'un pacte social soit engagé avec tous les partenaires (État, syndicats, patronat, collectivités territoriales) pour réduire les inégalités. Il s'agit d'une méthode pour répondre aux grands défis de notre pays. Il faut réformer notre système social, lutter contre la précarité et le chômage de masse, améliorer la situation des jeunes non seulement au niveau de l'emploi mais aussi au niveau du logement et des revenus. Enfin, il s'agit de garantir un système de protection sociale financé par tous les revenus et de s'attaquer sérieusement à la grande pauvreté.
Pour réussir, il faut un État fort. Aujourd'hui, nous ne sommes pas sûrs que le gouvernement soit capable de s'engager dans une telle démarche. Et nous n'avons pas un patronat assez audacieux pour aller dans ce sens.
Justement, que penser de l'attitude du patronat qui persiste à jouer la loi plutôt que le contrat ?
Le patronat, après avoir initié avec la CFDT une démarche de refondation sociale par la négociation a fait machine arrière, excepté sur l'accord formation professionnelle. Il s'est cantonné dans une attitude qui consiste à déserter le contractuel et à se comporter comme un lobby. Nous souhaitons qu'à la faveur du changement de présidence, il reprenne le chemin de la négociation, seul moyen de prendre ses responsabilités dans la société et engager les entreprises dans la réduction des inégalités.
Après l'échec du référendum peut-on encore opérer des réformes en France ?
Il est vrai que la société française paraît bloquée. Le " non " au référendum sur la Constitution fait état de cette perte de confiance. Il nous faut apporter des réponses qui passent nécessairement par la construction européenne. La France, seule, ne peut pas trouver les solutions efficaces. C'est la raison pour laquelle les syndicats européens dans le cadre de la CES se sont adressés aux chefs d'État pour réclamer un contenu social dans les politiques de l'Union et une relance des politiques économiques favorisant l'emploi. Malheureusement le spectacle pitoyable donné par les chefs d'Etat lors du Sommet des 16 et 17 juin ne va pas dans ce sens.
(Source http://www.cfdt.fr, le 23 juin 2005)