Discours de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, sur l'avenir de la filière volaille dans le cadre de la PAC et des négociations à l'OMC, l'exigence de qualité de la production prise en compte dans le cadre de la loi d'orientation agricole et la nécessaire simplification administrative, Loué le 26 mai 2005.

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Circonstance : Assemblée générale des fermiers de Loué à Loué le 26 mai 2005

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Cher François FILLON,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de participer avec mon collègue François FILLON à votre assemblée générale ici, au Mans. Vous vous réunissez, Monsieur le Président ALLINANT, à un moment important pour votre filière et je me félicite de l'échange que nous pouvons ainsi engager.
Vous avez soulevé de nombreuses questions témoignant d'une certaine inquiétude mais aussi, j'ai relevé vos verbes, " résister, se révolter, renouer ". Ils marquent un volontarisme continu - caractéristique de l'histoire des fermiers de Loué - afin de tracer des perspectives pour une aviculture française de qualité.
Je souhaite apporter des réponses pour l'avenir et articulerai aujourd'hui mon propos autour de trois axes :
· les enjeux qui se posent à la filière ;
· la valorisation de la filière en s'appuyant sur ses atouts ;
· les perspectives que nous traçons pour l'avenir de l'agriculture française et qui répondent aussi aux besoins de votre secteur.
I - Dans un environnement mondial en voie de stabilisation, je suis particulièrement attentif au devenir de la filière volaille
I - 1 Les négociations à l'OMC : défendre nos intérêts
Les discussions, dont l'objectif est l'achèvement du cycle de DOHA en 2006, doivent permettre à l'Europe de bien négocier d'une part la formule de réduction tarifaire et, d'autre part, le traitement particulier réservé aux produits sensibles. Le Gouvernement veille tout particulièrement aux intérêts de votre filière volaille.
S'agissant des restitutions, nous savons combien elles sont essentielles à la l'équilibre de votre filière. Si leur élimination à terme est programmée, à condition que nos partenaires fassent eux aussi une partie du chemin, notre objectif est d'assurer une réduction progressive et linéaire des restitutions. L'échéance 2015-2017 doit constituer un scénario crédible.
Pour ce qui est de l'accès au marché, l'Union européenne, et la France en particulier, se sont battues l'an dernier pour obtenir la reconnaissance des produits sensibles, parmi lesquels ceux de la filière volaille.
Le Gouvernement, vis-à-vis de l'OMC, a défini sa ligne de conduite :
· d'abord, nous sommes attentifs à l'équilibre des concessions accordées par les différents membres de l'OMC.
· ensuite, et c'est une priorité, nous attendons des avancées significatives de nos partenaires sur la question de la reconnaissance et de la protection des indications géographiques de nos produits agricoles et alimentaires.
· enfin, ces négociations commerciales doivent associer agriculture, services et industrie.
I - 2 Un contexte qui se précise : la réforme de la PAC
En préambule, je souhaite réaffirmer le besoin de règles communes et partagées et donc ma volonté de défendre les outils actuels de l'OCM volaille.
· L'année 2005 se caractérise par la mise en uvre progressive de la réforme de la politique agricole commune
La Réforme de la PAC, définie par l'accord de Luxembourg en 2003, repose sur deux principes importants :
· le budget de la PAC, alloué à l'agriculture, près de 400 milliards d'euros sur la période 2007-2013, est " sanctuarisé " jusqu'en 2013. Les exploitants français reçoivent 8 milliards d'euros chaque année, soit 22% du budget de la PAC ;
· les aides reçues sont soumises au respect de critères liés notamment à l'environnement dans le cadre du principe de conditionnalité.
L'application de la réforme de la PAC, engagée avec souplesse dès 2005, est menée avec trois lignes directrices :
· la pédagogie et une écoute réciproques : ces jours-ci, les services du ministère vont recevoir un guide des contrôles PAC que les agents chargés des contrôles remettront à chaque agriculteur concerné ;
· la responsabilité individuelle : nous travaillons, par exemple, avec l'AFNOR, sur le principe d'un diagnostic accompagné qui, s'il révèle la conformité de l'exploitation avec les règlements, pourrait diminuer la pression des contrôles nécessaires ;
· enfin, un souci de simplification : à la suite du rapport qui m'a été remis par la mission mixte sur les DPU, j'ai souhaité que le dispositif des DPU soit basé sur les références historiques 2000-2002 et la clause contractuelle entre les cédants et les repreneurs, permettant ainsi un transfert direct des DPU ;
· Utiliser le deuxième pilier pour répondre aux difficultés de la volaille, liées notamment à la baisse de la consommation
Le dispositif de gestion de crise actuellement discuté dans les enceintes communautaires devrait permettre la régulation, ponctuellement, des secteurs de production comme la filière volaille.
Face à une crise de surproduction, les pouvoirs publics ont accompagné les mesures de maîtrise de la production dans votre secteur en 2003 et 2004. Des aides à la cessation d'activité ont été mises en place ainsi que des aides aux investissements dans les entreprises en difficulté.
Dans le cadre de la future programmation du Règlement de Développement Rural (RDR) 2007-2013, je souhaite que soit maintenu un volume de dotation important compte tenu de la bonne exécution du programme depuis 3 ans après, il est vrai, un démarrage lent.
II - Valoriser les atouts de la filière : organiser la profession, défendre les signes de qualité et promouvoir la filière
II - 1 Parallèlement à l'octroi d'aides publiques pour soutenir la filière, le Ministère de l'Agriculture a demandé aux professionnels de constituer une interprofession volaille afin de mieux structurer ce secteur.
Au delà du comité de liaison volaille constitué au printemps 2004, je suis très attentif aux retards pris dans l'organisation de l'interprofession volaille et souhaite que mon Ministère puisse vous accompagner dans ce projet.
L'enjeu est en effet de taille : équilibrer les relations dans le cadre de la commercialisation de vos produits et les valoriser sur les marchés.
II - 2 Demandée par nos concitoyens, la qualité constitue un enjeu fondamental pour nos politiques agricoles et alimentaires tant au niveau national que communautaire.
Nous devons être à même d'y répondre avec une politique de l'alimentation adaptée, pour laquelle mon Ministère doit renforcer ses actions, y compris dans son volet nutritionnel. C'est pourquoi nous menons actuellement une réflexion dont l'enjeu est la promotion d'une alimentation variée, équilibrée et valorisant l'ensemble des aspects de la qualité (le goût, l'origine, les traditions, les mode de production, l'environnement). La référence au plaisir de la table et à l'inscription dans les terroirs constitue un repère identitaire et culturel fort pour le consommateur.
Notre effort vise aussi à encourager une alimentation saine, répondant aux défis de santé publique comme le surpoids, l'hypertension artérielle, etc.
· Les produits sous dénomination géographique, les produits de qualité certifiée et les produits biologiques apportent un gage de confiance dans la relation entre producteurs et consommateurs.
Vous avez, à cet égard, sollicité la reconnaissance de l'IGP " uf de Loué " et l'extension de l'IGP " volailles de Loué " à la " dinde bronzée fermière ", demandes qui ont été transmises et sont actuellement en phase d'instruction à Bruxelles.
S'agissant du label rouge, la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires a entrepris un important travail de révision sur les notices techniques volailles. Ce travail devrait aboutir à une homologation des exigences minimales nécessaires à la production de volailles sous ce label.
Je me félicite de votre contribution collective, caractéristique de votre groupement depuis ses origines. Elle explique que vos partenaires et vos adhérents aient parlé d'un véritable " modèle louésin ".
· La loi d'orientation agricole répond à vos attentes s'agissant des signes de qualité
Elle vise à accroître la lisibilité des signes de qualité pour le consommateur : je vous remercie d'avoir contribué, par vos suggestions, à la réflexion sur ce texte. Après les grands objectifs d'évolution de ce dispositif, il reste à en préparer la mise en place par ordonnance. Pour cette nouvelle étape, je souhaite, bien entendu, que nos liens soient pérennisés.
Monsieur le Président, un institut unique de l'origine et de la qualité est effectivement créé afin de gérer la qualité liée à l'origine (appellations d'origine et indications géographiques), celle liée à la tradition (spécialités traditionnelles garanties), au goût (label rouge) ou à l'environnement (agriculture biologique). Des outils de segmentation du marché correspondant à une réelle utilité économique et aux besoins identifiés des consommateurs seront associés, pour les signes les plus porteurs de valeur ajoutée, à un logo national ou communautaire.
Créer une seule structure de reconnaissance et de contrôle pour ces signes, sous la forme d'un établissement public, répond tant aux attentes des consommateurs (lisibilité des démarches et de leurs contrôles), qu'à celles des opérateurs qui se sont investis dans des démarches de progrès qualitatifs (lisibilité des procédures et garantie d'équité de traitement entre opérateurs, crédibilité des contrôles).
Dans cette évolution, les pouvoirs publics restent les seuls responsables, avec l'aide d'une seule structure instructrice, clairement identifiée, y compris au niveau local. Elle aura un rôle de conseil et d'orientation auprès des opérateurs ; les procédures explicitées dans des guides diffusés devraient faciliter la démarche de tout demandeur.
II - 3 Le Partenariat National Pour le Développement de l'Industrie AgroAlimentaire (PNDIAA) : un outil au service de la promotion des produits agricoles et alimentaires
A la demande du Premier Ministre, le PNDIAA, doté d'une enveloppe de plus de 150 millions d'euros et présenté par Nicolas FORISSIER le 10 mai dernier, vise à conforter la compétitivité du secteur agroalimentaire.
Je retiendrai 3 directions intéressant votre filière :
· les actions, à l'image du kit export, mises en place pour encourager le dynamisme de la filière agricole notamment en direction de l'export. ;
· les qualités de la viande de volaille pourraient aussi trouver un renfort du côté de la nutrition, à travers le Programme National de Recherche en Alimentation et Nutrition Humaine ;
· enfin, le baromètre de l'alimentation mesurera les attentes et perceptions des consommateur.
III - La loi d'orientation agricole prépare des bases solides pour l'agriculture de demain
Notre ambition est de maintenir la France au premier rang mondial de l'agroalimentaire. A cet effet, le texte dégage trois orientations majeures : consolider l'économie du secteur agricole, répondre aux nouvelles attentes de la société, simplifier l'administration agricole.
III - 1 Bâtir une agriculture économiquement forte
· L'amélioration de la compétitivité économique de notre agriculture repose sur le renforcement de l'organisation économique.
A cet effet, les interprofessions auront des missions étendues (la gestion des crises conjoncturelles, soutenir le potentiel du secteur ou trouver de nouveaux débouchés) et nous proposons de lier reconnaissance des organisations de producteurs et transfert de propriété. Cette évolution de manière progressive et en tenant compte des spécificités des différents secteurs de production.
· Le projet de loi doit favoriser l'évolution de l'exploitation vers une entreprise agricole organisée autour d'un projet économique.
Plusieurs mesures importantes, dont la reconnaissance d'un fonds agricole ou la possibilité conventionnelle de conclure un bail cessible, donneront aux agriculteurs les moyens juridiques d'une véritable démarche d'entreprise.
III - 2 Pour une agriculture au cur des nouveaux enjeux de notre société
Pour répondre aux attentes de nos concitoyens, la loi réaffirme l'engagement de l'agriculture en faveur d'un niveau élevé de sécurité sanitaire mais aussi de qualité des denrées alimentaires.
Outre la question des signes de qualité abordée précédemment, l'agriculture biologique est encouragée grâce à la mise en place d'un crédit d'impôt pour les exploitations certifiées. Quant à la démarche de l'agriculture raisonnée, le soutien du Gouvernement donnera lieu à un accompagnement budgétaire pour les exploitations engagées dans une telle voie.
Enfin, une instance d'expertise indépendante, chargée de l'évaluation des risques des produits phytosanitaires, est également instituée. La délivrance de l'autorisation de mise sur le marché reste du ressort des autorités politiques, cette expertise scientifique garantissant une politique de gestion des risques et de sécurité sanitaire des aliments pertinente.
III - 3 La simplification administrative et institutionnelle : recentrer l'agriculture sur le cur de son activité
Le projet de loi doit marquer une nouvelle étape dans la simplification administrative et institutionnelle en agriculture. L'organisation du dispositif de sélection animale, issu de la loi sur l'élevage de 1966, sera modernisée en habilitant le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Les professionnels de l'élevage ont été associés et nous devons à présent finaliser l'ordonnance afin qu'elle soit publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.
S'agissant du contrôle des structures, je souhaite l'allègement et la simplification de ces procédures lorsque une réponse positive est quasi-certaine. L'équilibre entre assouplissement et ambitions de notre politique d'installation sera recherché.
Conclusion
Monsieur le Président, vous avez souvent rappelé que nous devons être jugés sur les faits et je vous donne entièrement raison. Aujourd'hui, nous faisons franchir une nouvelle étape de sa modernisation à l'agriculture française et je suis fier de pouvoir compter sur des filières structurées, solides et prêtes, selon votre mot, à " renouer " le fil. Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 31 mai 2005)