Entretien de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, avec BFM le 7 juillet 2005, sur l'aide au développement, notamment l'annulation de la dette et les nouveaux modes de financement.

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Média : BFM

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Q - Le G8 peut déjà se féliciter d'un accord, il y a trois semaines, sur l'annulation de la dette, de 40 milliards de dollars pour 18 pays pauvres, même si cette annulation est jugée insuffisante par certaines ONG. Londres souhaite également faire passer l'aide au développement de 50 à 100 milliards de dollars. Un accord apparemment semble possible sur ces deux points, le consensus règne là-dessus ?
R - C'est une très bonne chose que l'Afrique soit enfin au centre des priorités de la communauté internationale. La France a des liens historiques, un partenariat privilégié avec la plupart des pays africains.
Nous nous réjouissons que ce continent cesse d'être le continent oublié, à l'écart de la mondialisation. La France a beaucoup milité depuis des années pour que l'on s'intéresse enfin à l'Afrique et je crois que nous sommes dans une période où il y a enfin cette prise de conscience. La France a pris des initiatives très fortes pour aller au-delà de cet effort de doublement, que tout le monde souhaite, de l'aide publique au développement, en proposant des mécanismes nouveaux de financement. Il faut maintenant que chacun prenne conscience de l'importance qu'il y a à ne pas laisser ce continent à l'abandon.
Effectivement, ce G8 va sans doute marquer une étape importante, mais il y en aura d'autres cette année, notamment le sommet des chefs d'Etat à New York et à l'ONU, au mois de septembre, qui regardera de près où l'on en est dans les Objectifs du Millénaire pour le développement, avec, là aussi, des engagements très forts à prendre pour la communauté internationale.
Q - Un moment historique donc, à vous entendre. Vous dites que la France a fait preuve d'un certain nombre d'initiatives. N'avez-vous pas l'impression, tout de même, que Tony Blair cherche aussi à prendre de l'avance dans ce dossier, à reprendre un petit de la supériorité sur Jacques Chirac ?
R - Non, je ne crois pas. Le Royaume-Uni est un partenaire historique sur l'Afrique, et nous menons ensemble ce combat. Le Royaume-Uni a aussi pris des initiatives en matière de mécanismes innovants de financements, qui sont complémentaires des initiatives françaises.
Dans ce dossier, vraiment, la coopération est très bonne. La France est quand même très chef de file dans cette affaire depuis longtemps. Nous sommes les seuls à prendre des engagements aussi forts en matière d'aide publique au développement au sein de l'Europe puisque, entre 2001 et 2007, c'est quasiment un doublement de l'aide française qui sera réalisée. Et d'autre part, nous préconisons, vous le savez, avec d'autres pays, comme le Brésil, le Chili, l'Allemagne, une contribution volontaire sur les billets d'avion, notamment pour financer de façon prioritaire la lutte contre plusieurs pandémies en Afrique, dont le sida.
Q - Où en est-on de cette taxation internationale des billets d'avion ?
R - Cela avance. J'étais à New York la semaine dernière, où j'ai pu constater que c'est la France qui mène le débat dans cette affaire. Et nous avons des accueils très favorables. L'avantage de cette proposition, c'est qu'elle est très simple à mettre en oeuvre, elle ne pose pas de problèmes techniques, et elle suscite beaucoup d'intérêt, y compris de la part de nos amis britanniques.
Q - L'annulation de la dette des pays pauvres, c'est bien. Mais faut-il accorder ces annulations de dettes sans contrepartie ? N'accorde-t-on pas trop facilement une annulation sans demander par exemple un changement dans les modes de gouvernance, une politique économique rigoureuse, saine ?
R - D'abord, il faut savoir que cette annulation de dette pour 18 pays qui sont des pays très pauvres, très fortement endettés, qui ont fait des efforts de gestion, et qui ne peuvent pas s'en sortir, cela ne représente que 1 milliard de dollars par an. Or, on sait très bien que l'Afrique a besoin de 25 milliards de dollars par an. Vous voyez donc que l'on est loin du compte et que cette annulation de dette ne saurait en aucun cas suffire. D'autre part, sur les efforts de gouvernance, bien évidemment, là aussi, il y a une prise de conscience générale. Les pays africains eux-mêmes, dans le cadre du NEPAD, ont bien compris qu'il ne peut pas y avoir de développement économique sans bonne gouvernance, sans transparence dans la gestion et sans, bien sûr, paix et sécurité.
Nous appuyons cette aide à la bonne gouvernance. La plupart de nos actions d'aide au développement concernent l'appui à la bonne gouvernance. Donc, là aussi, je crois que les choses progressent et qu'il y a une prise de conscience générale, notamment de nos partenaires africains.
Q - Le triomphe de Tony Blair - un de plus hier pour les Jeux Olympiques de 2012 -, ce résultat, ne traduit-il pas la perte d'influence de la France ? L'image de la France n'en prend-elle pas un coup, pour vous qui êtes justement ministre déléguée à la Coopération et qui sillonnez le monde entier depuis un mois, depuis votre nomination au gouvernement ?
R - Non. La France, encore une fois, a des liens historiques très forts, un partenariat privilégié avec la plupart des pays africains. Je ne crois pas qu'il faille voir sur l'Afrique une concurrence entre la France et le Royaume-Uni. Nous avons, encore une fois, une coopération avec le Royaume-Uni qui fonctionne bien. Mon prédécesseur a fait des déplacements conjoints avec son homologue britannique en Afrique. Et j'ai bien l'intention de continuer à faire ce type d'opérations. J'ai constaté avec mon homologue britannique, la semaine dernière à New York, que nous étions en phase sur le financement de l'aide à l'Afrique. Vous voyez donc que, sur ce sujet en tout cas, il n'y a pas de compétition et il y a plutôt des efforts conjoints pour mobiliser la communauté internationale.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2005)