Texte intégral
Madame la Maréchale,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs,
Il y a cinquante ans. Colmar était libérée, au prix de lourds combats.
Une première fois, juste après que Mulhouse eut été délivrée, le Maréchal de Lattre et ses troupes avaient approché Colmar.
Mais, en décembre, en janvier, l'ennemi contre-attaqua avec une vigueur nouvelle. Il fallut à la 1ère Armée française toute sa ténacité pour réduire la " Poche de Colmar ". Elle avait été soutenue par la 2ème Division Blindée du Général Leclerc et renforcée, au nord, par le XXIème corps d'armée américain du Général Milburn.
L'action engagée le 20 janvier 1945 dans des conditions très difficiles se conclut le 9 février : Colmar était libre. Le Maréchal de Lattre passerait le Rhin quelques semaines plus tard et ce serait la Campagne d'Allemagne.
C'était pour l'ancienne " armée d'Afrique " l'aboutissement d'un long combat, commencé en 1943.
Combat tout d'abord pour se rassembler et assurer son unité.
Ces hommes, venaient d'horizons divers. Sous l'autorité du Maréchal de Lattre, qui les anima de son courage et de son ardeur implacable, ils devinrent des frères d'armes.
Qui étaient-ils ? Il y avait les combattants de la première Division Française Libre. Il y avait les engagés d'Afrique du Nord, des tirailleurs marocains, des algériens, des tunisiens, des sénégalais, des goumiers marocains. Ils étaient tous là, au service de la liberté. Il y avait des évadés de France, des vétérans des chantiers de jeunesse. Il y avait des anciens de l'armée d'armistice qui voulaient reconquérir la France. Ces 250 000 hommes formèrent une armée unie et victorieuse, l'armée Rhin et Danube.
Après avoir débarqué en Provence, pris Toulon et Marseille, après avoir remonté la vallée du Rhône, le 12 septembre, la première Armée avait rencontré la deuxième Division Blindée du Général Leclerc, venue, elle, de Normandie. Grâce à l'endurance, grâce au dévouement et à la valeur militaire de ses soldats, la France mérita, une nouvelle fois, à Colmar, de figurer parmi les vainqueurs. La France s'était libérée.
N'oublions pas, pour autant, ce que Colmar vécut, occupée, humiliée pendant quatre ans, et déjà plusieurs fois meurtrie par l'Histoire ! Colmar avait déjà connu les campagnes de l'Empire, les luttes de 1870, la Grande Guerre. Ni Colmar, ni les provinces perdues, ni tous les Français n'ont jamais oublié qu'un temps, sur les cartes de France, l'Alsace et la Moselle furent striées de gris.
Aucune terre de France, peut-être, n'aura autant souffert de ce conflit. L'Alsace et la Moselle furent envahies dès le début de la guerre. Annexées, soumises à des tentatives d'asservissement, elles ne se laissèrent pourtant déposséder ni de leur identité, ni de leur culture, ni de leur langue.
Ni l'arrestation des représentants du Gouvernement français, ni la création d'une nouvelle frontière rattachant ces provinces françaises au Reich allemand, ni l'institution d'autorités étrangères sur le sol de France, ni les mesures coercitives, ni le drame vécu par les 140 000 incorporés de force, ni les dangers d'aucune sorte n'eurent raison de la détermination de l'Alsace et de la Moselle, et de leurs combattants. C'était une terre de France. Elle voulait le rester.
Les unités françaises qui venaient libérer Colmar avaient le même sens élevé de la Patrie. Pour réduire les défenses allemandes, puissantes et dotées d'armes nouvelles, il fallait, en effet, croire en la France.
Ce n'était pas seulement l'occupant qui était vaincu. C'était aussi ce qu'il représentait - les droits de l'Homme bafoués, la violence organisée, utilisée comme un système de pouvoir, et tout cela au nom d'une idéologie barbare.
C'était pour laver l'Histoire et la France de cet opprobre que des Français s'étaient sacrifiés. C'est pour la liberté, c'est pour la justice, c'est pour l'idée même d'humanité qu'ils ont donné leur vie.
Colmar accueillit avec joie les combattants qu'elle attendait depuis longtemps. Ils incarnaient le refus et l'abnégation. Ils incarnaient la France, à laquelle Colmar était si fidèle. Ils incarnaient aussi la volonté d'en finir avec la guerre.
Quand, vingt ans plus tard, la Général de Gaulle célébra l'anniversaire de la libération de Strasbourg, il appela à " une transformation complète et méritoire " des esprits et des comportements. Il appela à " la construction d'une Europe Européenne, autrement dit indépendante, puissante et influente au sein du monde de la liberté ".
Aujourd'hui, l'Europe de la Deuxième Guerre Mondiale, l'Europe divisée de la Guerre Froide ne sont plus. Les raisons de poursuivre la construction européenne ne sont plus tout à fait les mêmes, mais la détermination est inchangée. L'heure n'est plus à la réconciliation, la réconciliation est faite. Elle est à l'amitié et à la coopération.
L'Alsace doit affermir sa vocation de lieu de rencontre privilégié entre la France et l'Allemagne. Elle est au centre de l'Europe, d'une Europe qui doit devenir plus grande, plus forte, plus démocratique.
À Rome, le 25 mars 1957, nous avons fait le serment d'accueillir en notre sein tous les États de ce continent qui adhèrent aux principes démocratiques et qui pratiquent l'économie de marché.
Un triple engagement nous lie. Celui de tenir notre parole. Celui de répondre à l'appel que nous lancent les peuples qui viennent de s'ouvrir à la démocratie. Celui que nous impose la volonté, qui est la nôtre, de ne pas réduire l'Union Européenne à un ensemble protégé de nations riches.
Les élargissements successifs de la Communauté, les liens qu'elle a tissés avec ses voisins du Sud, et plus récemment de l'Est, ont contribué à rendre le continent et la Méditerranée plus stables. C'est dans cette perspective qu'il convient de considérer les élargissements futurs : ils serviront notre sécurité et renforceront la prospérité économique sur notre continent.
Notre engagement politique est donc clair: l'Europe doit s'élargir. Il faut aider les nouvelles démocraties d'Europe Centrale et Orientale à préparer cette échéance. Et pour cela, il faut qu'elles entretiennent avec leurs voisins des relations de bon voisinage.
La conférence sur la stabilité en Europe, qui a été lancée à l'initiative de la France, y contribuera activement. La Conférence finale qui doit se tenir le 21 mars prochain à Paris permettra, je l'espère, d'adopter le Pacte de stabilité qui marquera une nouvelle étape pour assurer la paix sur notre continent. Ces États doivent également achever leur transition vers l'économie de marché et se préparer au choc que l'entrée dans le marché unique signifiera pour leurs économies. L'Union européenne peut, et veut, les aider dans cette voie.
L'élargissement de l'Europe ne devra pas pour autant signifier son affaiblissement.
C'est une conviction inébranlable. L'Europe que nous souhaitons n'est pas une zone de libre-échange, sans frontières définies ni politique affirmée.
Quel serait alors son poids sur la scène internationale ? L'un ou l'autre de nos États pourrait-il aujourd'hui s'imposer, sur le plan commercial, monétaire ou diplomatique, si la solidarité européenne ne jouait pas ? Seule, la France eût-elle obtenu, dans la négociation du GATT, d'aussi bons résultats ?
Soyons conscients du risque d'affadissement qu'implique l'élargissement de l'Europe ! Pour autant, nous ne pouvons y renoncer.
Il faut donc que les États qui souhaitent se joindre à nous acceptent de reprendre, dans tous ses éléments, le Traité de l'Union européenne. Il faut également que tous ceux qui, en Europe, le peuvent et le veulent, nouent entre eux des relations privilégiées, fassent avancer la coopération dans tel ou tel domaine particulier.
L'Europe a toujours progressé ainsi : dans le domaine monétaire, avec le Système Monétaire Européen et la construction de l'Union Économique et Monétaire ; dans le domaine de la sécurité intérieure, avec les accords de Schengen ; dans le domaine de la défense avec l'UEO et le corps d'Armée européen basé à Strasbourg.
Aucun État ne fut jamais exclu. Si ces différents cercles de coopération ne rassemblent pas toujours les mêmes États, le progrès des uns finit, chaque fois, par entraîner les autres.
Cette méthode a fait ses preuves. Faite de pragmatisme et de volonté, elle a réussi hier. Pourquoi n'en serait-il pas de même demain ?
La France sera fidèle à elle-même. Elle sera toujours de ceux et avec ceux qui, dans le respect des traités et des droits des États iront de l'avant.
Ainsi, pour ne prendre que ce seul exemple, c'est en renforçant la coopération européenne en matière de Défense, que nous scellerons définitivement l'entente de nos pays, que nous nous donnerons, par là même, les moyens de faire entendre dans le monde la voix de l'Europe. Nous montrerons, qu'aussi déterminés que nous soyons à partager un même destin, nous sommes fermement attachés à ce que les souverainetés nationales soient respectées.
C'est pourquoi le projet de Défense européen a été l'une des priorités du gouvernement depuis deux ans.
Le Livre blanc sur la Défense, élaboré à ma demande au printemps 1993, intègre cette dimension dans notre politique nationale. Le projet de Sécurité européenne constitue également l'un des objectifs prioritaires de notre programme de la Présidence de l'Union européenne.
Déjà des efforts concrets ont été entrepris. Je mentionnai précédemment le Corps européen. Avec la participation de la Belgique, de l'Espagne et du Luxembourg aux côtés de la France et de l'Allemagne, cette force a pris depuis deux ans sa pleine dimension européenne.
La création récente d'un Groupe aérien franco-britannique et les projets de forces tripartites avec l'Espagne et l'Italie devraient compléter les forces qui permettront à l'Union européenne et à l'UEO de disposer de la capacité militaire qui leur fait encore défaut.
L'Europe de la Défense nécessite des moyens militaires appropriés ; elle requiert surtout une volonté politique sans faille des principaux pays européens. Je souhaite que la France continue de montrer la voix dans ce domaine. Je souhaite que ses principaux partenaires de l'Union européenne la rejoignent dans cette entreprise qui constitue l'un des principaux défis des prochaines années, pour la Sécurité de notre continent et le rayonnement de l'Europe dans le monde, au service de nos idéaux de paix.
Dans le domaine institutionnel aussi, l'Europe fera preuve de volonté et d'inventivité pour que l'Union Européenne soit le lieu d'une démocratie véritable et efficace.
A l'évidence, les procédures communautaires doivent être simplifiées. La répartition des compétences, entre les institutions de l'Union, mais aussi entre l'Union et ses États-membres, doit être clarifiée.
Je pense qu'il est aussi nécessaire de confirmer le Conseil européen dans son rôle d'impulsion politique. Une procédure législative rénovée permettra au Parlement européen d'accomplir sa mission. Quant aux Parlements nationaux, ils doivent participer davantage à la vie communautaire.
Telles devront être, à mon sens, les préoccupations de la France, quand la conférence intergouvernementale de 1996 s'ouvrira. Celle-ci aura l'immense responsabilité d'adapter les institutions européennes au continent de demain.
La tâche sera difficile. Nous devrons réformer sans détruire, adapter sans renier, faire avancer l'Europe sans méconnaître la réalité des Nations.
L'Europe se bâtit sur cette tension, parfois difficile à assumer, entre le respect de la souveraineté nationale et la nécessité de la coopération communautaire. Que l'on supprime l'un des termes, et c'est l'Europe qui s'effondre...
Quel est aujourd'hui le moteur de la construction européenne ? Il n'est plus celui des débuts. Il ne réside plus dans la crainte de la guerre. Il est dans l'adhésion des peuples et dans la volonté des États L'amitié franco-allemande est le vecteur de ce grand mouvement.
J'estimai de mon devoir, en ce cinquantième anniversaire de la Libération de Colmar, de venir rendre hommage aux hommes et aux femmes auxquels nous devons aujourd'hui notre liberté. Le rappel de leur action nous enjoint de préserver la paix qu'ils nous ont acquise. Il nous faut poursuivre leur mission.
La France est la plus vieille Nation d'Europe. C'est d'elle que le monde tient cette notion de démocratie, savante et précaire à la fois, qui permet aux nations de s'affermir pleinement et librement.
C'est elle aussi qui a contribué à fonder l'Europe que nous connaissons aujourd'hui. La France vient de prendre la présidence de l'Union Européenne. Elle se doit de lui donner un nouvel élan.
Qu'elle soit digne de l'exemple de ceux qui ont lutté pour elle ? Qu'elle soit forte de l'autorité que donne une longue maturité politique ! Qu'à notre tour, nous sachions prendre ce chemin dont le Général de Gaulle disait qu'il était le seul digne d'un pays vainqueur, " la carrière d'un grand État " ! Et, dans le même esprit, je souhaite que la France contribue, avec ardeur et bonheur, à la mise en oeuvre de cette ambition dans toute l'Europe !
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs,
Il y a cinquante ans. Colmar était libérée, au prix de lourds combats.
Une première fois, juste après que Mulhouse eut été délivrée, le Maréchal de Lattre et ses troupes avaient approché Colmar.
Mais, en décembre, en janvier, l'ennemi contre-attaqua avec une vigueur nouvelle. Il fallut à la 1ère Armée française toute sa ténacité pour réduire la " Poche de Colmar ". Elle avait été soutenue par la 2ème Division Blindée du Général Leclerc et renforcée, au nord, par le XXIème corps d'armée américain du Général Milburn.
L'action engagée le 20 janvier 1945 dans des conditions très difficiles se conclut le 9 février : Colmar était libre. Le Maréchal de Lattre passerait le Rhin quelques semaines plus tard et ce serait la Campagne d'Allemagne.
C'était pour l'ancienne " armée d'Afrique " l'aboutissement d'un long combat, commencé en 1943.
Combat tout d'abord pour se rassembler et assurer son unité.
Ces hommes, venaient d'horizons divers. Sous l'autorité du Maréchal de Lattre, qui les anima de son courage et de son ardeur implacable, ils devinrent des frères d'armes.
Qui étaient-ils ? Il y avait les combattants de la première Division Française Libre. Il y avait les engagés d'Afrique du Nord, des tirailleurs marocains, des algériens, des tunisiens, des sénégalais, des goumiers marocains. Ils étaient tous là, au service de la liberté. Il y avait des évadés de France, des vétérans des chantiers de jeunesse. Il y avait des anciens de l'armée d'armistice qui voulaient reconquérir la France. Ces 250 000 hommes formèrent une armée unie et victorieuse, l'armée Rhin et Danube.
Après avoir débarqué en Provence, pris Toulon et Marseille, après avoir remonté la vallée du Rhône, le 12 septembre, la première Armée avait rencontré la deuxième Division Blindée du Général Leclerc, venue, elle, de Normandie. Grâce à l'endurance, grâce au dévouement et à la valeur militaire de ses soldats, la France mérita, une nouvelle fois, à Colmar, de figurer parmi les vainqueurs. La France s'était libérée.
N'oublions pas, pour autant, ce que Colmar vécut, occupée, humiliée pendant quatre ans, et déjà plusieurs fois meurtrie par l'Histoire ! Colmar avait déjà connu les campagnes de l'Empire, les luttes de 1870, la Grande Guerre. Ni Colmar, ni les provinces perdues, ni tous les Français n'ont jamais oublié qu'un temps, sur les cartes de France, l'Alsace et la Moselle furent striées de gris.
Aucune terre de France, peut-être, n'aura autant souffert de ce conflit. L'Alsace et la Moselle furent envahies dès le début de la guerre. Annexées, soumises à des tentatives d'asservissement, elles ne se laissèrent pourtant déposséder ni de leur identité, ni de leur culture, ni de leur langue.
Ni l'arrestation des représentants du Gouvernement français, ni la création d'une nouvelle frontière rattachant ces provinces françaises au Reich allemand, ni l'institution d'autorités étrangères sur le sol de France, ni les mesures coercitives, ni le drame vécu par les 140 000 incorporés de force, ni les dangers d'aucune sorte n'eurent raison de la détermination de l'Alsace et de la Moselle, et de leurs combattants. C'était une terre de France. Elle voulait le rester.
Les unités françaises qui venaient libérer Colmar avaient le même sens élevé de la Patrie. Pour réduire les défenses allemandes, puissantes et dotées d'armes nouvelles, il fallait, en effet, croire en la France.
Ce n'était pas seulement l'occupant qui était vaincu. C'était aussi ce qu'il représentait - les droits de l'Homme bafoués, la violence organisée, utilisée comme un système de pouvoir, et tout cela au nom d'une idéologie barbare.
C'était pour laver l'Histoire et la France de cet opprobre que des Français s'étaient sacrifiés. C'est pour la liberté, c'est pour la justice, c'est pour l'idée même d'humanité qu'ils ont donné leur vie.
Colmar accueillit avec joie les combattants qu'elle attendait depuis longtemps. Ils incarnaient le refus et l'abnégation. Ils incarnaient la France, à laquelle Colmar était si fidèle. Ils incarnaient aussi la volonté d'en finir avec la guerre.
Quand, vingt ans plus tard, la Général de Gaulle célébra l'anniversaire de la libération de Strasbourg, il appela à " une transformation complète et méritoire " des esprits et des comportements. Il appela à " la construction d'une Europe Européenne, autrement dit indépendante, puissante et influente au sein du monde de la liberté ".
Aujourd'hui, l'Europe de la Deuxième Guerre Mondiale, l'Europe divisée de la Guerre Froide ne sont plus. Les raisons de poursuivre la construction européenne ne sont plus tout à fait les mêmes, mais la détermination est inchangée. L'heure n'est plus à la réconciliation, la réconciliation est faite. Elle est à l'amitié et à la coopération.
L'Alsace doit affermir sa vocation de lieu de rencontre privilégié entre la France et l'Allemagne. Elle est au centre de l'Europe, d'une Europe qui doit devenir plus grande, plus forte, plus démocratique.
À Rome, le 25 mars 1957, nous avons fait le serment d'accueillir en notre sein tous les États de ce continent qui adhèrent aux principes démocratiques et qui pratiquent l'économie de marché.
Un triple engagement nous lie. Celui de tenir notre parole. Celui de répondre à l'appel que nous lancent les peuples qui viennent de s'ouvrir à la démocratie. Celui que nous impose la volonté, qui est la nôtre, de ne pas réduire l'Union Européenne à un ensemble protégé de nations riches.
Les élargissements successifs de la Communauté, les liens qu'elle a tissés avec ses voisins du Sud, et plus récemment de l'Est, ont contribué à rendre le continent et la Méditerranée plus stables. C'est dans cette perspective qu'il convient de considérer les élargissements futurs : ils serviront notre sécurité et renforceront la prospérité économique sur notre continent.
Notre engagement politique est donc clair: l'Europe doit s'élargir. Il faut aider les nouvelles démocraties d'Europe Centrale et Orientale à préparer cette échéance. Et pour cela, il faut qu'elles entretiennent avec leurs voisins des relations de bon voisinage.
La conférence sur la stabilité en Europe, qui a été lancée à l'initiative de la France, y contribuera activement. La Conférence finale qui doit se tenir le 21 mars prochain à Paris permettra, je l'espère, d'adopter le Pacte de stabilité qui marquera une nouvelle étape pour assurer la paix sur notre continent. Ces États doivent également achever leur transition vers l'économie de marché et se préparer au choc que l'entrée dans le marché unique signifiera pour leurs économies. L'Union européenne peut, et veut, les aider dans cette voie.
L'élargissement de l'Europe ne devra pas pour autant signifier son affaiblissement.
C'est une conviction inébranlable. L'Europe que nous souhaitons n'est pas une zone de libre-échange, sans frontières définies ni politique affirmée.
Quel serait alors son poids sur la scène internationale ? L'un ou l'autre de nos États pourrait-il aujourd'hui s'imposer, sur le plan commercial, monétaire ou diplomatique, si la solidarité européenne ne jouait pas ? Seule, la France eût-elle obtenu, dans la négociation du GATT, d'aussi bons résultats ?
Soyons conscients du risque d'affadissement qu'implique l'élargissement de l'Europe ! Pour autant, nous ne pouvons y renoncer.
Il faut donc que les États qui souhaitent se joindre à nous acceptent de reprendre, dans tous ses éléments, le Traité de l'Union européenne. Il faut également que tous ceux qui, en Europe, le peuvent et le veulent, nouent entre eux des relations privilégiées, fassent avancer la coopération dans tel ou tel domaine particulier.
L'Europe a toujours progressé ainsi : dans le domaine monétaire, avec le Système Monétaire Européen et la construction de l'Union Économique et Monétaire ; dans le domaine de la sécurité intérieure, avec les accords de Schengen ; dans le domaine de la défense avec l'UEO et le corps d'Armée européen basé à Strasbourg.
Aucun État ne fut jamais exclu. Si ces différents cercles de coopération ne rassemblent pas toujours les mêmes États, le progrès des uns finit, chaque fois, par entraîner les autres.
Cette méthode a fait ses preuves. Faite de pragmatisme et de volonté, elle a réussi hier. Pourquoi n'en serait-il pas de même demain ?
La France sera fidèle à elle-même. Elle sera toujours de ceux et avec ceux qui, dans le respect des traités et des droits des États iront de l'avant.
Ainsi, pour ne prendre que ce seul exemple, c'est en renforçant la coopération européenne en matière de Défense, que nous scellerons définitivement l'entente de nos pays, que nous nous donnerons, par là même, les moyens de faire entendre dans le monde la voix de l'Europe. Nous montrerons, qu'aussi déterminés que nous soyons à partager un même destin, nous sommes fermement attachés à ce que les souverainetés nationales soient respectées.
C'est pourquoi le projet de Défense européen a été l'une des priorités du gouvernement depuis deux ans.
Le Livre blanc sur la Défense, élaboré à ma demande au printemps 1993, intègre cette dimension dans notre politique nationale. Le projet de Sécurité européenne constitue également l'un des objectifs prioritaires de notre programme de la Présidence de l'Union européenne.
Déjà des efforts concrets ont été entrepris. Je mentionnai précédemment le Corps européen. Avec la participation de la Belgique, de l'Espagne et du Luxembourg aux côtés de la France et de l'Allemagne, cette force a pris depuis deux ans sa pleine dimension européenne.
La création récente d'un Groupe aérien franco-britannique et les projets de forces tripartites avec l'Espagne et l'Italie devraient compléter les forces qui permettront à l'Union européenne et à l'UEO de disposer de la capacité militaire qui leur fait encore défaut.
L'Europe de la Défense nécessite des moyens militaires appropriés ; elle requiert surtout une volonté politique sans faille des principaux pays européens. Je souhaite que la France continue de montrer la voix dans ce domaine. Je souhaite que ses principaux partenaires de l'Union européenne la rejoignent dans cette entreprise qui constitue l'un des principaux défis des prochaines années, pour la Sécurité de notre continent et le rayonnement de l'Europe dans le monde, au service de nos idéaux de paix.
Dans le domaine institutionnel aussi, l'Europe fera preuve de volonté et d'inventivité pour que l'Union Européenne soit le lieu d'une démocratie véritable et efficace.
A l'évidence, les procédures communautaires doivent être simplifiées. La répartition des compétences, entre les institutions de l'Union, mais aussi entre l'Union et ses États-membres, doit être clarifiée.
Je pense qu'il est aussi nécessaire de confirmer le Conseil européen dans son rôle d'impulsion politique. Une procédure législative rénovée permettra au Parlement européen d'accomplir sa mission. Quant aux Parlements nationaux, ils doivent participer davantage à la vie communautaire.
Telles devront être, à mon sens, les préoccupations de la France, quand la conférence intergouvernementale de 1996 s'ouvrira. Celle-ci aura l'immense responsabilité d'adapter les institutions européennes au continent de demain.
La tâche sera difficile. Nous devrons réformer sans détruire, adapter sans renier, faire avancer l'Europe sans méconnaître la réalité des Nations.
L'Europe se bâtit sur cette tension, parfois difficile à assumer, entre le respect de la souveraineté nationale et la nécessité de la coopération communautaire. Que l'on supprime l'un des termes, et c'est l'Europe qui s'effondre...
Quel est aujourd'hui le moteur de la construction européenne ? Il n'est plus celui des débuts. Il ne réside plus dans la crainte de la guerre. Il est dans l'adhésion des peuples et dans la volonté des États L'amitié franco-allemande est le vecteur de ce grand mouvement.
J'estimai de mon devoir, en ce cinquantième anniversaire de la Libération de Colmar, de venir rendre hommage aux hommes et aux femmes auxquels nous devons aujourd'hui notre liberté. Le rappel de leur action nous enjoint de préserver la paix qu'ils nous ont acquise. Il nous faut poursuivre leur mission.
La France est la plus vieille Nation d'Europe. C'est d'elle que le monde tient cette notion de démocratie, savante et précaire à la fois, qui permet aux nations de s'affermir pleinement et librement.
C'est elle aussi qui a contribué à fonder l'Europe que nous connaissons aujourd'hui. La France vient de prendre la présidence de l'Union Européenne. Elle se doit de lui donner un nouvel élan.
Qu'elle soit digne de l'exemple de ceux qui ont lutté pour elle ? Qu'elle soit forte de l'autorité que donne une longue maturité politique ! Qu'à notre tour, nous sachions prendre ce chemin dont le Général de Gaulle disait qu'il était le seul digne d'un pays vainqueur, " la carrière d'un grand État " ! Et, dans le même esprit, je souhaite que la France contribue, avec ardeur et bonheur, à la mise en oeuvre de cette ambition dans toute l'Europe !