Texte intégral
Q - Bonjour Philippe Douste-Blazy. Avant d'évoquer les nombreux dossiers qui composent votre emploi du temps, un mot de cette nouvelle catastrophe aérienne sur la forêt d'Amazonie, un Boeing péruvien s'est écrasé. Le premier bilan provisoire fait état de 37 à 40 morts. Jacques Barrot, le vice-président de la Commission des Transports à Bruxelles plaide lui pour une liste noire des compagnies aériennes qui ne respectent pas les consignes de sécurité. Il avance même une date, fin d'année, début 2006. Cette liste noire serait rendue publique, est-ce que vous uvrez aussi pour cela et est-ce que c'est réalisable ?
R - Jacques Barrot a raison, c'est nécessaire, on ne peut pas continuer à avoir tous les quinze jours des avions vieux, dont on ne sait pas exactement s'ils ont été parfaitement révisés - il est nécessaire de mettre en place une liste noire. Le commissaire, Jacques Barrot, responsable des transports dans la Commission européenne, a raison. Vous savez, en ce jour de deuil national, l'ensemble des Français, bien sûr de Métropole, évidemment d'Outre-mer et de l'étranger partagent cette douleur irréparable des familles. Et, au moment où l'on partage cette douleur, peut-être que le mieux est de se dire : plus jamais ça ! Et donc ces listes noires, oui, faisons-les le plus vite possible.
Q - Mais est-ce réalisable ? C'est la question. Parce que personne ne doute que Jacques Barrot ait raison ?
R - Bien sûr que c'est réalisable, je suis persuadé que c'est réalisable dans la mesure où chacun sait qu'il y a une certaine technicité obligatoire dans la révision d'un avion. Il faut que certaines pièces soient neuves, il faut qu'il y ait un certain nombre de places dans l'avion, pas plus. Il faut qu'il y ait un âge limite aussi. Vous savez, j'habite Toulouse, nous connaissons les avions. Il y a aujourd'hui des évolutions extraordinaires dans la construction aéronautique. A la fois sur le plan du développement durable, mais aussi sur le plan de la sécurité, sur le plan sonore, sur le plan des performances. Donc cela est nécessaire.
Q - Sur notre sol, j'entends bien, Philippe Douste-Blazy, mais il y a des Etats membres qui ne respectent pas aussi les consignes de sécurité et les règles.
R - Eh bien, faisons comme pour les bateaux à double coque. Après l'Erika, on a pris les décisions pour qu'il n'y ait plus un seul pétrolier qui ne soit pas à double coque dans les eaux européennes. Eh bien, quand il y a une volonté politique, on peut le faire, donc je suis persuadé qu'aujourd'hui il faut arrêter certainement de faire voler un certain nombre d'avions commerciaux. Je ne suis pas un spécialiste, mais il me semble de bon sens au moins de regarder cela et de ne pas laisser uniquement les forces du marché comme l'on dit. Qu'il y ait une régulation, qu'il puisse y avoir donc un respect de la personne humaine, parce qu'en définitive, il ne s'agit que de cela, que du respect de la personne humaine.
Q - Autre actualité brûlante ces dernières heures, la Côte d'Ivoire avec encore une fois une menace de coup d'état par l'ex chef d'état major de l'armée, Mathias Doué qui veut renverser Laurent Gbagbo par tous les moyens - la présidentielle du 30 octobre est compromise, d'autant que le processus de désarmement des milices qui devait démarrer aujourd'hui, visiblement ne démarre pas. Que l'opposant exilé à Paris, l'ancien président Henri Konan Bédié refuse de venir dans son pays et pour le moment, eh bien à Paris, le Quai d'Orsay, vous n'avez pas encore véritablement réagi, sauf si ce n'est à appeler au calme.
R - Ecoutez, je vais le faire alors. Non, il y a en Côte d'Ivoire un processus de sortie de crise qui est en cours depuis bientôt trois ans, sous l'égide déterminée de la communauté internationale, essentiellement des Nations unies et de l'Union africaine - je tiens à vous rappeler qu'il y a 10.000 hommes sur le terrain justement pour qu'il y ait un processus de sortie de crise. C'est un processus difficile, qui est exigeant, qui a fait l'objet d'engagements précis de la part de toutes les parties - en particulier sous la présidence du président sud-africain. C'est un processus difficile, il est donc essentiel de garder le seul cap possible aujourd'hui en Côte d'Ivoire, qui est celui des élections qui doivent se dérouler de façon incontestable. Je l'ai dit récemment d'ailleurs aux membres du gouvernement de Côte d'Ivoire, il est absolument nécessaire qu'il y ait, de la part de la communauté internationale, la possibilité de surveiller ces élections pour être sûrs qu'elles se déroulent de manière totalement correcte.
Q - Oui, mais la question reste la même, c'est finalement le respect des règles. Quand vous avez un processus engagé qui n'est pas respecté sur le terrain, que pouvez-vous faire ?
R - Non, vous savez, la force n'est jamais la bonne solution, en Afrique comme ailleurs. Arrêtons de nous habituer...
Q - Je n'ai pas plaidé la force, je demande simplement quelles sont les solutions que l'on peut envisager ?
R - C'est très simple, la politique, s'il n'y a pas la force, c'est la démocratie. Et donc en Côte d'Ivoire, il doit y avoir la démocratie, comme d'ailleurs dans l'ensemble du continent africain. Cessons de penser qu'en Afrique ce n'est pas comme ailleurs, donc faisons tout par l'intermédiaire des Nations unies, par l'intermédiaire de la communauté internationale, par l'intermédiaire des pressions que nous pouvons exercer. Par l'intermédiaire des 10.000 hommes qui sont sur place pour qu'il y ait des élections au 30 octobre, c'est de notre responsabilité.
Alors en effet vous avez raison, il faut désarmer les milices, parce que sinon cela ne sera pas possible. Organisons, faisons en sorte que le corps électoral ne se limite pas à 5 % de la population - mais que ce corps électoral soit représentatif. Faisons en sorte que la communauté internationale, le 30 octobre, regarde, vérifie que les élections soient correctes. Mais arrêtons de nous habituer à la force, dans certains pays du monde, c'est notre, je dirai, dignité de communauté internationale d'obliger les élections.
Q - Autre dossier africain, le Niger, vous vous êtes rendu sur place, dans les pays que traverse le Sahel, là où le désert avance avec la famine qui en découle. Le Niger, mais aussi le Soudan et le Tchad, mais plus particulièrement le Niger avec, de toute façon, une situation qui est extrêmement tendue maintenant depuis des années. Avec des récoles de mil qui n'ont pas été bonnes, avec des gens qui se sont accoutumés à manger les feuilles des arbres, la situation n'est pas franchement nouvelle. Donc c'est vrai qu'il y avait une situation de crise aujourd'hui, parce qu'il y a eu la fameuse invasion de criquets, mais que peut-on faire maintenant sur le long terme, pour que cette situation ne perdure pas ?
R - Oui, il faut que la communauté internationale révise sa notion d'aide au développement. L'aide au développement, ce n'est pas l'humanitaire, ce que l'on appelle l'action humanitaire et dieu sait si on a besoin de "Médecins Sans Frontières", de "Médecins du Monde", de tous ces "french doctors" qui sont là au moment où il y a la famine, au moment où les enfants sont dénutris de telle manière qu'ils vont mourir ; oui, il faut de l'Unimix, il faut du lait thérapeutique, il faut les sauver. Mais ça, c'est l'échec de l'aide au développement, cela se voit médiatiquement, mais c'est l'échec. C'est parce que la communauté internationale laisse tomber l'Afrique, laisse tomber les pays du Sud, c'est tout, donc il faut revoir cela. Alors les pays du G8 se réunissent en disant : "on va donner beaucoup d'argent..."
Q - Il n'y a pas eu grand chose derrière le G8.
R - Oui, c'est ça, l'idée, enfin le président de la République a été le seul à parler du Niger au G8. Il prend la décision de donner 0,7 % du produit intérieur brut, seul, parmi tous les pays de l'OCDE. Si tous les pays de l'OCDE donnent 0,7 % de leur produit intérieur brut, de leur richesse nationale, alors demain, comme vous le dites, ce sera sur le long terme, alors qu'est-ce qu'il faut faire ? C'est l'éducation ; laisser aujourd'hui des petites filles, de 5, 10, voire 15 ans aller chercher l'eau le matin, cela veut dire qu'elles ne vont pas à l'école. Si elles ne vont pas à l'école, alors c'est un problème de démographie derrière, parce qu'il n'y a pas d'éducation des filles.
Deuxièmement, concernant le sida, le paludisme, la tuberculose, il faut lancer des actions de santé publique, il faut en même temps, sur la désertification dont vous avez parlé, parler de l'irrigation. Donc ce sont des sujets de long terme, cela mérite un travail de la communauté internationale. Or il se trouve que lorsqu'il y a quelques morts, ici ou là et c'est normal, on en parle tous, des jours et des nuits, mais lorsqu'il y en a 160.000 en l'espace d'un mois dans certains pays africains, personne n'en parle.
Q - Ce qui est terrible c'est que finalement on connaît les solutions, mais... Vous dites une jolie phrase, les systèmes d'alerte n'ont pas fonctionné après l'appel à l'aide du gouvernement nigérien en octobre - on peut aussi parler d'indifférence de la communauté internationale.
R - Je parle de l'indifférence, vous avez tout à fait raison. Je crois que le système d'alerte qu'il faut mettre en place n'existe pas aujourd'hui. C'est un système d'alerte épidémiologique, c'est-à-dire, essayer de voir comment... Par exemple en Occident, on sait très bien, dès l'instant où il y a un début d'épidémie de tuberculose ou un début d'épidémie de n'importe quelle autre maladie, on parle beaucoup de grippe aviaire actuellement, nous avons des signaux qui s'allument. En Afrique, personne n'a mis en place ces signaux, alors je trouve cela tout à fait anormal et c'est pour cela que la communauté internationale réagit trop tard.
Q - Une autre actualité, hier, les Européens ont décidé de ne pas négocier avec les Iraniens le 31 août, comme initialement proposé au début du mois, tant que les Iraniens ne respecteront pas les Accords de Paris. On parle évidemment du dossier sensible du nucléaire, depuis que les Iraniens ont repris leurs activités. Le rapport de l'Agence internationale de l'Energie atomique est annoncé pour le 3 septembre, vous êtes beaucoup intervenu en disant que l'intervention était très grave et puis finalement, avec vos homologues européens, vous avez décidé d'être moins présents, médiatiquement parlant en tout cas.
R - Non, nous avons souligné avec force et fermeté les principes, les principes de l'Accord de Paris de novembre 2004, que les Iraniens ont accepté. C'est-à-dire d'un côté, nous faisons, nous Européens, Allemands, Anglais, Français, des propositions pour le nucléaire civil. Des propositions pour, par exemple, faire rentrer l'Iran dans l'OMC. Et de l'autre, les Iraniens acceptent de suspendre les activités nucléaires sensibles.
Q - Sauf qu'ils ne le veulent pas pour le moment !
R - Justement, il y a quelques jours, les Iraniens ont dit : "nous ne ferons pas ce que nous avons dit. Il y a eu un changement de régime, et donc, à partir de là, nous, nous suspendons les négociations." Mais nous pensons qu'il est encore possible de parler avec eux. On leur dit : regardez nos propositions, nous souhaitons écrire une nouvelle page des relations entre l'Union européenne et l'Iran. L'Iran qui est un grand pays, un grand peuple, qui a une jeunesse éduquée, des universités de haut niveau - il n'y a pas de raison de fermer la porte à l'Iran. Jusqu'au dernier moment, nous souhaitons pouvoir parler avec eux. Alors s'ils ne veulent pas, s'ils décident de faire du nucléaire pour des raisons militaires, nous le saurons. Nous attendons le 3 septembre, lorsque M. El Baradei, le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique, nous présentera son rapport. Pour l'instant, chaque minute compte pour que l'Iran suspende ses activités nucléaires sensibles, mais aussi pour que nous, nous leur faisions des propositions ; c'est un grand pays, il faut travailler avec eux.
(...).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 août 2005)
R - Jacques Barrot a raison, c'est nécessaire, on ne peut pas continuer à avoir tous les quinze jours des avions vieux, dont on ne sait pas exactement s'ils ont été parfaitement révisés - il est nécessaire de mettre en place une liste noire. Le commissaire, Jacques Barrot, responsable des transports dans la Commission européenne, a raison. Vous savez, en ce jour de deuil national, l'ensemble des Français, bien sûr de Métropole, évidemment d'Outre-mer et de l'étranger partagent cette douleur irréparable des familles. Et, au moment où l'on partage cette douleur, peut-être que le mieux est de se dire : plus jamais ça ! Et donc ces listes noires, oui, faisons-les le plus vite possible.
Q - Mais est-ce réalisable ? C'est la question. Parce que personne ne doute que Jacques Barrot ait raison ?
R - Bien sûr que c'est réalisable, je suis persuadé que c'est réalisable dans la mesure où chacun sait qu'il y a une certaine technicité obligatoire dans la révision d'un avion. Il faut que certaines pièces soient neuves, il faut qu'il y ait un certain nombre de places dans l'avion, pas plus. Il faut qu'il y ait un âge limite aussi. Vous savez, j'habite Toulouse, nous connaissons les avions. Il y a aujourd'hui des évolutions extraordinaires dans la construction aéronautique. A la fois sur le plan du développement durable, mais aussi sur le plan de la sécurité, sur le plan sonore, sur le plan des performances. Donc cela est nécessaire.
Q - Sur notre sol, j'entends bien, Philippe Douste-Blazy, mais il y a des Etats membres qui ne respectent pas aussi les consignes de sécurité et les règles.
R - Eh bien, faisons comme pour les bateaux à double coque. Après l'Erika, on a pris les décisions pour qu'il n'y ait plus un seul pétrolier qui ne soit pas à double coque dans les eaux européennes. Eh bien, quand il y a une volonté politique, on peut le faire, donc je suis persuadé qu'aujourd'hui il faut arrêter certainement de faire voler un certain nombre d'avions commerciaux. Je ne suis pas un spécialiste, mais il me semble de bon sens au moins de regarder cela et de ne pas laisser uniquement les forces du marché comme l'on dit. Qu'il y ait une régulation, qu'il puisse y avoir donc un respect de la personne humaine, parce qu'en définitive, il ne s'agit que de cela, que du respect de la personne humaine.
Q - Autre actualité brûlante ces dernières heures, la Côte d'Ivoire avec encore une fois une menace de coup d'état par l'ex chef d'état major de l'armée, Mathias Doué qui veut renverser Laurent Gbagbo par tous les moyens - la présidentielle du 30 octobre est compromise, d'autant que le processus de désarmement des milices qui devait démarrer aujourd'hui, visiblement ne démarre pas. Que l'opposant exilé à Paris, l'ancien président Henri Konan Bédié refuse de venir dans son pays et pour le moment, eh bien à Paris, le Quai d'Orsay, vous n'avez pas encore véritablement réagi, sauf si ce n'est à appeler au calme.
R - Ecoutez, je vais le faire alors. Non, il y a en Côte d'Ivoire un processus de sortie de crise qui est en cours depuis bientôt trois ans, sous l'égide déterminée de la communauté internationale, essentiellement des Nations unies et de l'Union africaine - je tiens à vous rappeler qu'il y a 10.000 hommes sur le terrain justement pour qu'il y ait un processus de sortie de crise. C'est un processus difficile, qui est exigeant, qui a fait l'objet d'engagements précis de la part de toutes les parties - en particulier sous la présidence du président sud-africain. C'est un processus difficile, il est donc essentiel de garder le seul cap possible aujourd'hui en Côte d'Ivoire, qui est celui des élections qui doivent se dérouler de façon incontestable. Je l'ai dit récemment d'ailleurs aux membres du gouvernement de Côte d'Ivoire, il est absolument nécessaire qu'il y ait, de la part de la communauté internationale, la possibilité de surveiller ces élections pour être sûrs qu'elles se déroulent de manière totalement correcte.
Q - Oui, mais la question reste la même, c'est finalement le respect des règles. Quand vous avez un processus engagé qui n'est pas respecté sur le terrain, que pouvez-vous faire ?
R - Non, vous savez, la force n'est jamais la bonne solution, en Afrique comme ailleurs. Arrêtons de nous habituer...
Q - Je n'ai pas plaidé la force, je demande simplement quelles sont les solutions que l'on peut envisager ?
R - C'est très simple, la politique, s'il n'y a pas la force, c'est la démocratie. Et donc en Côte d'Ivoire, il doit y avoir la démocratie, comme d'ailleurs dans l'ensemble du continent africain. Cessons de penser qu'en Afrique ce n'est pas comme ailleurs, donc faisons tout par l'intermédiaire des Nations unies, par l'intermédiaire de la communauté internationale, par l'intermédiaire des pressions que nous pouvons exercer. Par l'intermédiaire des 10.000 hommes qui sont sur place pour qu'il y ait des élections au 30 octobre, c'est de notre responsabilité.
Alors en effet vous avez raison, il faut désarmer les milices, parce que sinon cela ne sera pas possible. Organisons, faisons en sorte que le corps électoral ne se limite pas à 5 % de la population - mais que ce corps électoral soit représentatif. Faisons en sorte que la communauté internationale, le 30 octobre, regarde, vérifie que les élections soient correctes. Mais arrêtons de nous habituer à la force, dans certains pays du monde, c'est notre, je dirai, dignité de communauté internationale d'obliger les élections.
Q - Autre dossier africain, le Niger, vous vous êtes rendu sur place, dans les pays que traverse le Sahel, là où le désert avance avec la famine qui en découle. Le Niger, mais aussi le Soudan et le Tchad, mais plus particulièrement le Niger avec, de toute façon, une situation qui est extrêmement tendue maintenant depuis des années. Avec des récoles de mil qui n'ont pas été bonnes, avec des gens qui se sont accoutumés à manger les feuilles des arbres, la situation n'est pas franchement nouvelle. Donc c'est vrai qu'il y avait une situation de crise aujourd'hui, parce qu'il y a eu la fameuse invasion de criquets, mais que peut-on faire maintenant sur le long terme, pour que cette situation ne perdure pas ?
R - Oui, il faut que la communauté internationale révise sa notion d'aide au développement. L'aide au développement, ce n'est pas l'humanitaire, ce que l'on appelle l'action humanitaire et dieu sait si on a besoin de "Médecins Sans Frontières", de "Médecins du Monde", de tous ces "french doctors" qui sont là au moment où il y a la famine, au moment où les enfants sont dénutris de telle manière qu'ils vont mourir ; oui, il faut de l'Unimix, il faut du lait thérapeutique, il faut les sauver. Mais ça, c'est l'échec de l'aide au développement, cela se voit médiatiquement, mais c'est l'échec. C'est parce que la communauté internationale laisse tomber l'Afrique, laisse tomber les pays du Sud, c'est tout, donc il faut revoir cela. Alors les pays du G8 se réunissent en disant : "on va donner beaucoup d'argent..."
Q - Il n'y a pas eu grand chose derrière le G8.
R - Oui, c'est ça, l'idée, enfin le président de la République a été le seul à parler du Niger au G8. Il prend la décision de donner 0,7 % du produit intérieur brut, seul, parmi tous les pays de l'OCDE. Si tous les pays de l'OCDE donnent 0,7 % de leur produit intérieur brut, de leur richesse nationale, alors demain, comme vous le dites, ce sera sur le long terme, alors qu'est-ce qu'il faut faire ? C'est l'éducation ; laisser aujourd'hui des petites filles, de 5, 10, voire 15 ans aller chercher l'eau le matin, cela veut dire qu'elles ne vont pas à l'école. Si elles ne vont pas à l'école, alors c'est un problème de démographie derrière, parce qu'il n'y a pas d'éducation des filles.
Deuxièmement, concernant le sida, le paludisme, la tuberculose, il faut lancer des actions de santé publique, il faut en même temps, sur la désertification dont vous avez parlé, parler de l'irrigation. Donc ce sont des sujets de long terme, cela mérite un travail de la communauté internationale. Or il se trouve que lorsqu'il y a quelques morts, ici ou là et c'est normal, on en parle tous, des jours et des nuits, mais lorsqu'il y en a 160.000 en l'espace d'un mois dans certains pays africains, personne n'en parle.
Q - Ce qui est terrible c'est que finalement on connaît les solutions, mais... Vous dites une jolie phrase, les systèmes d'alerte n'ont pas fonctionné après l'appel à l'aide du gouvernement nigérien en octobre - on peut aussi parler d'indifférence de la communauté internationale.
R - Je parle de l'indifférence, vous avez tout à fait raison. Je crois que le système d'alerte qu'il faut mettre en place n'existe pas aujourd'hui. C'est un système d'alerte épidémiologique, c'est-à-dire, essayer de voir comment... Par exemple en Occident, on sait très bien, dès l'instant où il y a un début d'épidémie de tuberculose ou un début d'épidémie de n'importe quelle autre maladie, on parle beaucoup de grippe aviaire actuellement, nous avons des signaux qui s'allument. En Afrique, personne n'a mis en place ces signaux, alors je trouve cela tout à fait anormal et c'est pour cela que la communauté internationale réagit trop tard.
Q - Une autre actualité, hier, les Européens ont décidé de ne pas négocier avec les Iraniens le 31 août, comme initialement proposé au début du mois, tant que les Iraniens ne respecteront pas les Accords de Paris. On parle évidemment du dossier sensible du nucléaire, depuis que les Iraniens ont repris leurs activités. Le rapport de l'Agence internationale de l'Energie atomique est annoncé pour le 3 septembre, vous êtes beaucoup intervenu en disant que l'intervention était très grave et puis finalement, avec vos homologues européens, vous avez décidé d'être moins présents, médiatiquement parlant en tout cas.
R - Non, nous avons souligné avec force et fermeté les principes, les principes de l'Accord de Paris de novembre 2004, que les Iraniens ont accepté. C'est-à-dire d'un côté, nous faisons, nous Européens, Allemands, Anglais, Français, des propositions pour le nucléaire civil. Des propositions pour, par exemple, faire rentrer l'Iran dans l'OMC. Et de l'autre, les Iraniens acceptent de suspendre les activités nucléaires sensibles.
Q - Sauf qu'ils ne le veulent pas pour le moment !
R - Justement, il y a quelques jours, les Iraniens ont dit : "nous ne ferons pas ce que nous avons dit. Il y a eu un changement de régime, et donc, à partir de là, nous, nous suspendons les négociations." Mais nous pensons qu'il est encore possible de parler avec eux. On leur dit : regardez nos propositions, nous souhaitons écrire une nouvelle page des relations entre l'Union européenne et l'Iran. L'Iran qui est un grand pays, un grand peuple, qui a une jeunesse éduquée, des universités de haut niveau - il n'y a pas de raison de fermer la porte à l'Iran. Jusqu'au dernier moment, nous souhaitons pouvoir parler avec eux. Alors s'ils ne veulent pas, s'ils décident de faire du nucléaire pour des raisons militaires, nous le saurons. Nous attendons le 3 septembre, lorsque M. El Baradei, le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique, nous présentera son rapport. Pour l'instant, chaque minute compte pour que l'Iran suspende ses activités nucléaires sensibles, mais aussi pour que nous, nous leur faisions des propositions ; c'est un grand pays, il faut travailler avec eux.
(...).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 août 2005)