Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec Mme Condoleezza Rice, secrétaire d' Etat américaine, sur le partenariat franco-américain dans la gestion des crises et sur les divergences d'approche des Européens et des Américains concernant le dossier nucléaire iranien, Washington le 5 juillet 2005.

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Circonstance : Voyage aux Etats-Unis de Philippe Douste-Blazy : entretien avec Condoleezza Rice à Washington le 5 juillet 2005

Texte intégral

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Merci, Condi, de votre invitation. Je suis très heureux de venir aux Etats-Unis. En réalité nous avons beaucoup travaillé et même si je vous connais depuis peu de temps, j'ai l'impression maintenant de très bien vous connaître. Parce que nous avons, en effet, travaillé ensemble à Londres, à Bruxelles et ici. Je suis venu dire aux Etats-Unis que les Américains ne sont pas des interlocuteurs comme les autres pour les Français. Ce sont des amis, des alliés, des partenaires et nous ne pouvons pas considérer les Américains autrement que comme des amis. En même temps, aux amis, on dit les choses franchement et nous n'avons pas été toujours d'accord, mais nous sommes avant tout des amis.
Avec Condi Rice, nous parlons de sujets importants qui montrent d'ailleurs que les Américains et les Français savent travailler ensemble sur des sujets très concrets. Je pense bien sûr au Liban, je pense à la Syrie, aux échanges de vue sur Israël et la Palestine, à Haïti, je pense à la non-prolifération, à l'Iran. Je pense aussi, bien sûr, aux sujets majeurs, qui sont aussi importants, le Kosovo et les Balkans.
Au-delà des discussions avec Condi Rice, je profiterai de ce voyage pour rencontrer des chefs d'entreprise américains mais aussi des éditorialistes. J'ai rencontré ce matin des responsables de la communauté juive américaine. Je rencontre également cet après-midi des syndicalistes et puis demain, j'irai à New York et puis à Chicago où je décorerai des Vétérans, pour bien expliquer que la France et les Français n'oublient pas ce que nous devons aux Américains. Et enfin, au fur et à mesure que je parle avec Condi Rice, je me dis que l'idéal peut-être, c'est d'associer la "French touch" et "l'American way of life".
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Q - Les Européens sont prêts à faire des propositions aux Iraniens. Est-ce que les Américains seraient prêts à accepter des propositions qui comprendraient un transfert de technologie notamment sur le nucléaire civil ? Est-ce que cela est acceptable pour les Etats-Unis ?
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R - Puisque vous parlez de l'Europe, je vais dire un mot là-dessus. Vous savez que la diplomatie française a été la première à engager des discussions, des négociations avec les autorités iraniennes concernant la prolifération nucléaire, en tout cas les activités liées au cycle du combustible, au retraitement et à l'enrichissement. Il est évident que l'Union européenne, la France en particulier, a pris acte des résultats de l'élection présidentielle avec l'élection de M. Ahmadinejad. Nous avons regretté, comme d'autres, que tous les candidats n'aient pas pu se présenter aux élections. Le résultat est là. Nous souhaitons continuer à avoir des relations diplomatiques avec les autorités iraniennes pour continuer, comme l'a dit Condi Rice, dans l'esprit de l'accord de Paris du 15 novembre 2004, c'est-à-dire une suspension des processus de retraitement et d'enrichissement de l'uranium. A Kaliningrad, il y a quelques jours, le président russe a réaffirmé, aux côtés du président Chirac et du Chancelier Schröder, qu'il souhaitait également une suspension sans ambiguïté de l'ensemble des activités liées au cycle du combustible en Iran.
Je pense qu'il est absolument fondamental de présenter un paquet, fin juillet début août, aux autorités iraniennes concernant, en effet, le programme nucléaire civil, avec d'ailleurs une garantie de fourniture de combustible pour le nucléaire civil, ensuite, un accord technologique qui peut concerner plusieurs éléments, météorologique, sismologique ou autre et enfin, essayer de réfléchir avec eux sur la sécurité de leur pays. Nous aurons besoin des Américains pour parler de cela avant de le leur proposer ; puis ensuite, nous réaffirmerons de manière très ferme l'importance de suspendre l'ensemble des activités liées au cycle du combustible.
Q - Monsieur le Ministre, ce n'est pas une question très importante sur le plan de la politique étrangère, sur les commentaires que le président Chirac aurait fait sur la nourriture en Angleterre, en disant qu'on ne pourrait pas faire confiance aux personnes qui mangent une nourriture aussi mauvaise, y a-t-il eu un retrait de ces déclarations, est-ce que c'est vrai, où en est-on avec cette question ?
R - Je ne pense pas que le président Chirac ait pu dire cela, et puis surtout je pense que le Président Chirac est aujourd'hui concentré sur une chose, c'est essayer d'avoir les Jeux Olympiques à Paris. C'est vrai que nous avons une compétition mais la compétition, on y est habitué et c'est toujours sain, c'est une bonne émulation. Je ne sais pas exactement quel sera le repas qu'on lui servira à Singapour, ce que je sais, c'est qu'il fera tout pour avoir les Jeux Olympiques à Paris et je lui fais confiance.
Q - Pour en revenir au dossier iranien, Madame la Secrétaire d'Etat, êtes-vous d'accord avec le mot "suspension" utilisé à l'instant par le ministre des Affaires étrangères, est-il suffisant pour les Etats-Unis ?
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R - Juste un mot de précision : je crois qu'il est fondamental de comprendre que, dans l'accord de Paris, il s'agit bien du mot "suspension" et il est évident qu'après avoir parlé avec eux, après avoir exposé nos propositions, de toute façon, malgré ce qui est dit ici ou là, les Européens n'accepteront jamais d'activités militaires nucléaires iraniennes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2005)