Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur la politique hospitalière, notamment la qualité et la sécurité des soins et la réduction des inégalités dans l'accès aux soins, Paris le 13 janvier 2000.

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Circonstance : Conférence des présidents des CME de CH à Paris le 13 janvier 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour l'invitation que vous m'avez faite de venir participer à vos travaux. C'est avec grand plaisir que j'y réponds aujourd'hui, dans un contexte où par ailleurs l'hôpital se pose un certain nombre de questions.
Je voudrais vous dire à quel point la tempête et les intempéries que la France a connues à la fin du mois de décembre ont montré que les hôpitaux publics, par leur mobilisation, jouent un rôle de recours pour la population, recours qui va bien au-delà de la simple délivrance de soins.
Martine AUBRY et moi-même avons eu l'occasion de le déclarer à plusieurs reprises ainsi que de l'écrire aux différents responsables hospitaliers, mais je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte pour vous redire à quel point nous avons été sensibles et nous remercions tous les professionnels de santé hospitaliers qui ont su se mobiliser spontanément, laissant parler les valeurs fortes constitutives de la culture hospitalière de notre pays. Les personnels des établissements de santé ont ainsi une nouvelle fois démontré leur sens du service public et leur compétence.
En disant cela, je réaffirme aussi avec force que l'hôpital est au cur de notre système de soins et constitue une composante majeure de notre système de santé.
Ces dernières années, il a beaucoup été demandé aux hospitaliers. Des efforts importants ont été faits dans la mesure où c'est tout à la fois une adaptation à l'offre de soins aux besoins de la population, une réduction des inégalités d'accès, une amélioration de la sécurité sanitaire et de la qualité des soins qu'il nous fallait mettre en chantier et conduire.
A cet égard, la politique hospitalière, conduite depuis deux ans et demi, repose sur ce principe simple qu'il faut partir des besoins de la population pour adapter les réponses les plus pertinentes en termes d'offre et c'est bien ce que vous avez souligné, Monsieur le Président, dans votre intervention.
Par ailleurs, et je veux le réaffirmer, il ne peut pas y avoir de politique hospitalière innovante sans l'adhésion des personnels des établissements et de tous ceux qui uvrent quotidiennement au sein du service public hospitalier.
Permettez-moi d'évoquer rapidement les trois axes de la politique que nous menons :
1. L'adaptation de l'offre aux besoins de la population.
Vous l'avez souligné, notre système de santé a besoin d'être réorganisé et rationalisé dans la mesure où de nouvelles maladies apparaissent, des techniques changent, les aspirations des usagers se modifient.
Actuellement, la révision des SROS que le Gouvernement a lancé est quasiment achevée et toutes les régions ont adopté leur schéma régional (sauf la Guadeloupe). Les priorités se sont dégagées et elles ont fait l'objet d'un large consensus au niveau local avec une large participation des hospitaliers puisque tous les CROSS (Comités Régionaux d'Organisation Sanitaire et Sociale) ont donné un avis favorable à ces documents.
Ainsi, les SROS sont aujourd'hui des outils puissants au service de l'objectif d'adaptation de l'offre aux besoins de la population et, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, ils ne constituent pas des plans de fermeture mais au contraire des projets stratégiques régionaux.
Du côté des établissements, la déclinaison de ces objectifs doit faire l'objet de projets d'établissements volontaristes, assis sur une réflexion collective large permettant à chacun au sein des structures hospitalières d'en comprendre les évolutions et d'en mesurer les enjeux.
Au service de cette lisibilité pluriannuelle, des organisations et des missions, les contrats d'objectifs et de moyens constituent un outil auquel je suis personnellement très attachée. En effet, ces contrats d'objectifs et de moyens représentent une façon d'envisager sereinement au niveau des établissements les évolutions nécessaires, les complémentarités à conduire et enfin et surtout une façon rénovée de discuter et de négocier avec les tutelles.
Il ne faut bien sûr pas sous estimer les difficultés des mouvements de recomposition que les SROS prévoient. Il faut que nous sachions aider les personnels à faire face à ces mutations, en particulier en les expliquant et en rassurant chacun au sein du système sur son avenir. Vous avez, en tant que représentants élus des corps médicaux hospitaliers de France, une responsabilité à prendre dans cette nécessaire pédagogie du changement.
2. Le deuxième axe concerne la promotion de la qualité et de la sécurité des soins.
J'ai été particulièrement sensible à votre intervention concernant la démarche qualité. Elle rencontre totalement nos propres préoccupations et la mise en uvre de l'accréditation lancée en 1999, ne représente bien évidemment qu'une partie de l'approche qualité à l'hôpital.
La lutte contre les infections nosocomiales, par la généralisation des CLIN à l'ensemble des établissements de santé, et par l'amélioration des conditions de stérilisation en constituent un autre volet.
L'intérêt de cette dynamique créée est que nous assistons d'ores et déjà dans de nombreux établissements à la mise en place de procédures d'amélioration continue de la qualité en concertation avec les personnels. Cette démarche des professionnels eux-mêmes prenant en charge l'amélioration de la qualité du service rendu à la population est exemplaire de ce que nous souhaitons faire.
3. Troisième axe : la réduction des inégalités dans l'accès aux soins.
L'un des moyens utilisés pour réduire les inégalités aux soins, moyens qui suscitent aujourd'hui des débats, est celui de la correction des inégalités des ressources entre régions et entre établissements. Des raisons historiques expliquent bien souvent ces inégalités et vous avez fait état de certaines inquiétudes à cet égard. Il faut tout d'abord que vous sachiez qu'elles sont entendues.
Mais cette politique était aussi nécessaire et vous le savez. Pour n'en donner qu'une illustration, les moyens en Ile-de-France sont supérieurs de 25 % à ceux de Poitou Charente pour une même activité médicale mesurée à travers les points ISA. Même si nous connaissons les limites de cet outil, un tel écart nécessitait une approche correctrice.
Mais nous le savons aussi aujourd'hui, cette politique doit être ajustée et évoluer. Certains hôpitaux se retrouvent dans des régions bien dotées mais avec une situation tendue, une activité rapidement croissante et vivent particulièrement mal les efforts demandés. C'est dans ces contextes tout particulièrement, que les contrats d'objectifs et de moyens ainsi que la réflexion qui s'engage sur l'aménagement et la réduction du temps de travail devront apporter des éclairages en termes de mesures spécifiques d'accompagnement.
Ces grands objectifs de la politique hospitalière étant rappelés, je pense qu'il est aussi important de noter que des réformes ne se font pas sans moyens et que les capacités budgétaires ont été significativement renforcées dès la campagne budgétaire 1998.
En effet, en francs constants sur les exercices 1998, 1999 et 2000 les budgets auront progressé en moyenne de 1,7 % par an. C'est largement plus que la période antérieure 1996 et 1997 où la progression en volume a été proche de zéro.
De plus, la mise en place d'outils spécifiques que représentent le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) et le Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO) a illustré la volonté du gouvernement d'accompagner spécifiquement certaines restructurations par ces enveloppes nationales venant s'ajouter à l'ONDAM pour aider les établissements hospitaliers à mener à bien leur projet.
Nous avons également après concertation avec les organisations syndicales pris un certain nombre de mesures en faveur des personnels hospitaliers ainsi que des médecins.
D'ores et déjà des évolutions statutaires significatives ont été réalisées et j'en ne ferai pas ici un catalogue exhaustif. Néanmoins,
l'harmonisation des carrières des praticiens à temps plein et à temps partiel,
l'introduction de mesures nouvelles telle que la cessation progressive d'exercice ou le congé de fin d'exercice
ou encore les textes créant une prime pour l'exercice dans plusieurs établissements
ou l'institution d'un repos compensateur après une garde lourde sont autant d'avancées dont on peut attendre une plus grande attractivité pour la carrière hospitalière.
Bien sur à ces mesures générales se sont ajoutées des décisions spécifiques prises en faveur des médecins urgentistes d'une part et en faveur de la prise en compte de difficultés particulières en matière de démographie médicale d'autre part, grâce à l'instauration de filières protégées pour trois spécialités (gynécolgie-obstétrique, pédiatrie, anesthésie-réanimation).
Nous devons aujourd'hui franchir une nouvelle étape. Elle maintiendra les objectifs que nous poursuivons depuis notre arrivée mais devra prendre en compte aussi les problèmes rencontrés pour continuer à faire évoluer l'hôpital et mener à bien le vaste chantier qui s'ouvre avec la réduction du temps de travail.
La réduction de temps de travail ne réglera pas tout mais elle va être l'occasion d'un dialogue avec l'ensemble des médecins hospitaliers et si nous savons poser de façon commune les problèmes de l'hôpital, alors cette opportunité constituera un levier majeur pour ouvrir de nouvelles perspectives d'aménagement et d'organisation de notre service public hospitalier. J'ai bien entendu votre préoccupation pour la permanence du service public dans les différentes catégories d'établissement qui s'y engagent ainsi que dans les missions de chacune des catégories d'établissement public.
Des discussions établissement par établissement avec les ARH en particulier seront l'occasion de résoudre les problèmes rencontrés dans certains secteurs comme les urgences ou la psychiatrie ou bien encore les problèmes de certaines catégories professionnelles en matière statutaire ou encore des problèmes de moyens et d'emplois.
Martine AUBRY et moi-même l'avons annoncé hier lors d'une conférence de presse, nous allons mener une vaste concertation autour de la réduction du temps de travail, en n'écartant aucune des questions que voudront poser les acteurs de l'hospitalisation.
La mise en uvre de la RTT constitue ainsi une opportunité nouvelle et je souhaite vous dire que cette transformation se fera avec des moyens supplémentaires, avec des créations d'emplois. Pour autant la réduction du temps de travail constitue pour les hôpitaux aujourd'hui une opportunité majeure pour améliorer l'organisation du travail, décloisonner les services, enrichir le contenu des tâches, développer la qualité du service rendu et améliorer globalement les conditions de travail.
Vous avez en tant que représentants des communautés médicales qui uvrent dans les établissements un rôle clé dans cette démarche, et je compte beaucoup sur votre aide pour accompagner au niveau de vos établissements la dynamique nouvelle qui doit se créer à cette occasion.
Vous avez également dans votre intervention exprimé les attentes concernant la formation médicale continue. Je voudrais vous dire que des dispositions concernant la FMC seront inscrites dans la loi de modernisation qui sera discutée au Parlement au printemps prochain. Les consultations relatives à ce texte vont d'ailleurs démarrer dans les tout prochains jours. Je peux en revanche vous dire que le souci de maintenir une spécificité hospitalière à la formation médicale ainsi que le maintien de l'obligation de formation constituent des piliers pour le texte à venir.
De la même manière, j'ai écouté avec intérêt votre dernière interrogation concernant le droit des malades. De la même façon, le texte sera présenté prochainement pour une consultation large avec les professionnels et les associations. J'entends votre réserve, de même que les objections que vous formulez dans le risque potentiel d'un accès libre et non accompagné au dossier médical.
Vous savez néanmoins qu'il s'agit là d'un point symbolique fort qui a émergé des Etats généraux de la santé. Nous avons aussi à entendre que le dialogue n'a pas toujours été optimal entre les médecins et les personnes malades. Nous avons collectivement à apporter des réponses fortes à ces attentes de nos concitoyens. Maintenant, les modalités concrètes ne sont par définition pas encore arrêtées puisque la concertation formelle va démarrer sur le projet de texte et nous devons entendre les remarques que vous m'avez faites.
Nous entrons donc dans une nouvelle phase de dialogue pour l'hôpital public, je sais pouvoir compter sur l'engagement de toute la communauté hospitalière. Vous pourrez aussi compter sur ma détermination pour assurer le développement du service public hospitalier.
Je vous remercie de votre attention

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).